Décisions | Sommaires
ACJC/1500/2024 du 25.11.2024 sur OTPI/643/2024 ( SP ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/20346/2024 ACJC/1500/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU LUNDI 25 NOVEMBRE 2024 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ (ZH), appelant d'une ordonnance rendue par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 14 octobre 2024 et requérant sur mesures superprovisionnelles et conservatoires, représenté par
Mes Rayan HOUDROUGE et Roxane ALLOT, avocats, Walder Wyss, rue
du Rhône 14, case postale, 1211 Genève 3,
et
B______ SA, sise ______ [GE], intimée et citée, représentée par Me Romain FELIX, avocat, Sulmoni & Félix, rue de Saint-Léger 2, 1205 Genève.
A. a. B______ SA, inscrite au Registre du commerce genevois, est active dans le domaine de la restauration. Ses actionnaires sont notamment C______ pour 30.3%, A______ pour 20.3%, D______ pour 20.3% et E______ pour 6.4%.
A______ en est également administrateur et directeur général (CEO).
b. Des assemblées générales ordinaires se sont tenues les 23 septembre 2020 (approbation des comptes de la société pour l'exercice 2019 et réélection de C______, D______ et E______ en qualité de membres du conseil d'administration), 20 octobre 2021 (approbation des comptes pour l'exercice 2020 et réélection des trois membres du conseil d'administration), et 2 novembre 2022 (approbation des comptes de la société pour l'exercice 2021, réélection des trois membres du conseil d'administration et élection de A______, en qualité d'administrateur).
c. Lors de l'assemblée générale ordinaire de la société qui s'est tenue le 27 avril 2023, C______, président du conseil d'administration avec signature individuelle, A______, administrateur avec signature individuelle, D______ et E______, tous deux administrateurs sans signature, ont été réélus administrateurs.
d. Selon l'art. 21 des statuts, la durée des fonctions des administrateurs est d'une année. Elle prend fin lors de l'assemblée générale ordinaire qui suit l'expiration de leur mandat.
L'art. 10 des statuts prévoit que l'assemblée générale ordinaire se réunit chaque année dans les six mois qui suivent la clôture de l'exercice, l'exercice social commençant le 1er janvier et se terminant le 31 décembre (art. 30 des statuts).
e. L'assemblée générale ordinaire relative à l'exercice 2023 n'a pas été convoquée avant le 30 juin 2024.
f. Les réviseurs ont établi leur rapport sur le contrôle restreint de l'exercice 2023 le 16 juillet 2024, relevant que le rapport de gestion n'avait pas été établi et soumis à l'assemblée générale, et que l'assemblée générale ordinaire n'avait pas été tenue dans les six mois suivant la fin de l'exercice.
g. Le même jour, A______ a adressé à C______ une "invitation interne" pour l'assemblée générale, la date du 6 août 2024 fixée initialement étant nouvellement le 3 septembre 2024.
h. Par courriel du 18 juillet 2024 adressé notamment à C______, E______ et D______, A______ a convoqué une séance du conseil d'administration le 22 juillet 2024 à 14 heures.
Selon le procès-verbal de la séance du conseil d'administration du 22 juillet 2024, non signé, les administrateurs ont approuvé les comptes 2023, déterminé l'emploi du bénéfice résultant du bilan, donné décharge aux membres du conseil d'administration en lien avec leur activité en 2023, et procédé à leur réélection ainsi qu'à celle de l'organe de révision à l'unanimité.
Les 29, 30 et 31 juillet 2024, A______ a adressé à C______ les décisions prises par le conseil d'administration le 22 juillet 2024 en invitant les autres administrateurs à les signer électroniquement afin de pouvoir convoquer l'assemblée générale.
i. Par courriel du 5 août 2024, il a envoyé aux actionnaires les documents relatifs à l'assemblée générale du 3 septembre 2024, soit la convocation, la procuration à remplir en cas d'absence, une lettre aux actionnaires et les comptes 2023. La convocation comportait la signature électronique de C______, ce dont celui-ci s'est plaint, au motif qu'il n'avait pas validé les documents qui y étaient annexés. A______ a répondu que de toute façon sa signature n'était pas nécessaire.
j. Par courrier du 6 août 2024, B______ SA, sous la signature de C______, D______ et E______, a résilié le contrat de travail de A______ pour le 31 octobre 2024. Celui-ci a contesté ce congé devant le Tribunal des prud'hommes, lequel, par ordonnance du 16 septembre 2024 sur mesures superprovisionnelles, a invalidé son licenciement et ordonné sa réintégration.
k. Par courrier de ses conseils du 2 septembre 2024 à B______ SA, A______ s'est prévalu du fait que l'absence de réélection des administrateurs avant le 27 avril 2024 avait entraîné la carence de B______ SA. En conséquence, notamment, la convocation à l'assemblée générale du 3 septembre 2024 n'était pas valable, de sorte que les décisions susceptibles d'y être prises seraient nulles. Il convenait en conséquence d'informer les actionnaires que l'assemblée générale n'aurait pas lieu.
l. Tous les actionnaires (à l'exclusion de A______) ont donné procuration à C______ pour les représenter lors de l'assemblée générale, avec comme instruction de vote notamment de refuser la réélection du précité dans ses fonctions d'administrateur.
m. L'assemblée générale de B______ SA s'est tenue le 3 septembre 2024. Il y a notamment été décidé de ne pas renouveler le mandat d'administrateur de A______.
B. a. Le 3 septembre 2024, A______ a saisi le Tribunal de première instance d'une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles à l'encontre de B______ SA, aux termes de laquelle il a conclu, sous suite de frais, à ce qu'il soit fait interdiction à B______ SA de mettre en œuvre les décisions prises sous chiffres 1 à 8 de l'ordre du jour envoyé par courriel en date du 5 août 2024 pour l'assemblée générale ordinaire de B______ SA tenue à F______ [GE] le mardi 3 septembre 2024, à ce qu'il soit fait interdiction à B______ SA de requérir du Registre du commerce sa radiation en qualité d'administrateur de B______ SA, à ce qu'il soit fait interdiction à C______, D______ et E______ de requérir du Registre du commerce sa radiation en qualité d'administrateur de B______ SA et à ce qu'il soit fait interdiction au Registre du commerce de le radier en qualité d'administrateur de B______ SA.
b. Par ordonnance du 3 septembre 2024, le Tribunal a, pour l'essentiel, fait droit à la requête de mesures superprovisionnelles. Il a retenu que A______ avait rendu vraisemblable que les comptes annuels avaient été clôturés le 31 décembre 2023 et qu'aucune assemblée générale ne s'était tenue dans les six mois suivants, de sorte que le mandat des administrateurs avait pris fin au 30 juin 2024. Il a imparti un délai à B______ SA pour se déterminer [sur mesures provisionnelles] et a annoncé la tenue d'une audience.
c. Par réponse sur mesures provisionnelles du 23 septembre 2024, B______ SA a conclu au rejet de la requête, sous suite de frais.
d. Une audience du Tribunal s'est tenue le 7 octobre 2024, lors de laquelle B______ SA s'est opposée à la recevabilité de la réplique et des pièces qui y étaient jointes, déposées le 4 octobre 2024 par A______ et qui lui étaient remises par le Tribunal. Les parties ont persisté dans leurs conclusions, avant que le Tribunal ne garde la cause à juger.
e. Par ordonnance OTPI/643/2024 du 14 octobre 2024, le Tribunal, statuant sur mesures provisionnelles, a déclaré irrecevable la réplique produite par A______ le 4 octobre 2024, à l'exception des seules déterminations sous forme d'"admis/contesté" (ch. 1 du dispositif), rejeté la requête (ch. 2), révoqué l'ordonnance rendue le 3 septembre 2024 (ch. 3), statué sur les frais et dépens (ch. 4 à 7) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 8).
Le Tribunal a d'abord retenu que l'exercice du droit à la réplique (et à la duplique) en la forme écrite n'était pas garanti en procédure sommaire. Il avait tenu une audience pour garantir l'exercice de ce droit. La réplique était irrecevable, mais les pièces qui étaient jointes admises aux débats, soit jusqu'à la fin de l'administration des preuves.
Il a pour le surplus notamment considéré qu'il résultait de l'interprétation de l'art. 21 des statuts de la société, sous l'angle de la vraisemblance, que les fondateurs de celle-ci n'avaient pas voulu que le mandat des administrateurs prenne fin automatiquement à l'expiration d'un délai d'un an, mais entendaient que celui-ci se prolonge jusqu'à la tenue de la prochaine assemblée générale ordinaire; la tenue de ladite assemblée n'avait pas été empêchée par les administrateurs dans le but de leur permettre de conserver leurs mandats respectifs, mais avait été retardée dans l'attente du rapport de l'organe de révision, lequel avait été établi le 16 juillet 2024. Dans la mesure où le délai de six mois prévu par l'art. 699 al. 2 CO pour tenir l'assemblée générale après la fin de l'exercice était un délai d'ordre, le fait que l'assemblée ordinaire ait eu lieu après cette date était dépourvu de sanction. Ainsi, sous l'angle de la vraisemblance, l'assemblée générale avait été régulièrement convoquée, le mandat des administrateurs n'étant pas échu à cette date. En conséquence, A______ n'avait pas rendu vraisemblable la nullité des décisions prises lors de l'assemblée tenue le 3 septembre 2024. En tout état, il n'avait pas rendu vraisemblable risquer de subir un préjudice difficilement réparable, son éviction du conseil d'administration ne permettant pas de retenir que la société ne serait pas correctement gérée par ce conseil d'administration, dont il ne faisait plus partie.
C. a. Par acte du 25 octobre 2024, A______ a formé appel de cette ordonnance. Il a conclu, "sur le fond", sur mesures superprovisionnelles avant audition des parties, et sur mesures provisionnelles après audition des parties, à ce que la Cour octroie "l'effet suspensif au présent appel, respectivement ordonne le maintien" de l'ordonnance de mesures superprovisionnelles rendue le 3 septembre 2024 par le Tribunal. Sur mesures conservatoires avant audition des parties, A______ a conclu à ce que la Cour ordonne le maintien de l'état de fait visé par l'ordonnance rendue le 3 septembre 2024 par le Tribunal, fasse interdiction à B______ SA de mettre en œuvre les décisions prises sous chiffres de l'ordre du jour 1 à 8 pour l'assemblée générale ordinaire du 3 septembre 2024 et de requérir du Registre du commerce sa radiation en qualité d'administrateur de la société, fasse interdiction à C______, D______ et E______ de requérir du Registre du commerce dite radiation, et fasse interdiction au Registre du commerce de radier A______ en qualité d'administrateur de B______ SA. Principalement, il a conclu à l'annulation de l'ordonnance entreprise, et a repris ses conclusions sur mesures conservatoires avant audition des parties, sous suite de frais judiciaires et dépens.
Il a produit des pièces figurant déjà au dossier, en particulier sa réplique du 4 octobre 2024 (pièce 4, déclarée irrecevable par le Tribunal) et les pièces qui y étaient jointes, admises à la procédure.
b. Par arrêt présidentiel ACJC/1351/2024 du 30 octobre 2024, la Cour a rejeté la requête de mesures superprovisionnelles formée par A______ tendant à la suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance OTPI/643/2024, rejeté la requête de mesures conservatoires formée à titre superprovisionnel par A______, transmis l'appel à B______ SA, lui a notamment imparti un délai de 10 jours pour répondre sur mesures provisionnelles et sur effet suspensif, et produire ses titres et a dit qu'il serait statué sur les frais de la décision dans l'arrêt au fond.
Elle a retenu que l'ordonnance sur mesures provisionnelles rendue par le Tribunal le 14 octobre 2024 avait remplacé l'ordonnance sur mesures superprovisionnelles du 3 septembre 2024. L'appelant ne pouvait dès lors pas faire renaître les effets de dite décision en sollicitant le prononcé de mesures superprovisionnelles [tendant à l'octroi de l'effet suspensif]. Il ne rendait pas vraisemblable que l'assemblée générale n'aurait pas été convoquée par le conseil d'administration dans le but que les membres du conseil d'administration puissent conserver leurs mandats respectifs. L'assemblée générale ordinaire n'avait vraisemblablement pas pu être convoquée dans les six mois suivant la fin de l'exercice 2023 en raison de l'absence de rapport de l'organe de révision. Ce n'était qu'à la suite de la décision des trois autres membres du conseil d'administration du 6 août 2024, lui signifiant la résiliation de son contrat de travail, que l'appelant s'était prévalu d'une alléguée carence de la société, alors qu'il avait lui-même convoqué l'assemblée générale du 3 septembre 2024. C'est ainsi à bon droit que le Tribunal avait considéré que l'absence de convocation de l'assemblée générale dans les six mois suivant la fin de l'exercice était dépourvue de toute sanction. En conséquence, l'appelant n'avait pas rendu vraisemblable une carence dans la société, et, partant, la nullité des décisions prises lors de l'assemblée générale du 3 septembre 2024. Il ne rendait ainsi pas non plus vraisemblable une urgence à prononcer les mesures conservatoires requises.
c. Par écritures du 15 novembre 2024 [sur mesures provisionnelles et sur effet suspensif], B______ SA a conclu au rejet de la demande d'effet suspensif et de la demande de mesures conservatoires formées le 25 octobre 2024 par A______, et, principalement au rejet de l'appel du 25 octobre 2024, sous suite de frais judiciaires et dépens;
d. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 18 novembre 2024 de ce que la cause était gardée à juger sur requête de mesures provisionnelles et d'effet suspensif.
1. 1.1 A teneur de l'art. 315 al. 4 let. b et 5 CPC, applicable au cas d'espèce compte tenu de la nature de la décision entreprise, l'appel ne suspend pas la force de chose jugée et le caractère exécutoire de la décision entreprise, mais que l'instance d'appel peut exceptionnellement suspendre l'exécution des mesures provisionnelles si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable.
En cas d’urgence particulière, notamment s’il y a risque d’entrave à leur exécution, le tribunal peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre la partie adverse. Le tribunal cite en même temps les parties à une audience qui doit avoir lieu sans délai ou impartit à la partie adverse un délai pour se prononcer par écrit. Après avoir entendu la partie adverse, le tribunal statue sur la requête sans délai (art. 265 al. 1 et 2 CPC).
Après avoir entendu les parties, le tribunal statue à nouveau sur les mesures requises et prononce des mesures provisionnelles qui remplacent les mesures superprovisionnelles précédemment ordonnées en les confirmant, les modifiant ou les supprimant (ATF 140 III 529, JdT 2015 II 135, consid. 2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1023/2019 8 juillet 2019 consid. 5.1.2; Bovey/Favrod-Coune, Petit commentaire Code de procédure civile, n. 10 ad art. 265 CPC).
Si la décision superprovisionnelle ou provisionnelle refuse des mesures, une requête d'effet suspensif est sans objet, une décision négative n'ayant pas d'effets susceptibles d'être suspendus. La partie requérante déboutée en première instance doit bien plutôt requérir de l'autorité d'appel ou de recours le prononcé de mesures conservatoires. Bien que le CPC ne le prévoie pas clairement, rien ne s'oppose à ce qu'on lui reconnaisse le pouvoir de prononcer de telles mesures. La LTF confère explicitement au juge instructeur le pouvoir d'ordonner « les mesures provisionnelles nécessaires au maintien de l'état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts menacés » (art. 104 LTF) (Stucki/Pahud, Le régime des décisions superprovisionnelles et provisionnelles du code de procédure civile, in SJ 2015, II p. 1, 29).
1.2 En l'espèce, comme retenu par la Cour dans son ordonnance du 30 octobre 2024, l'ordonnance sur mesures provisionnelles rendue par le Tribunal le 14 octobre 2024, rejetant la requête, a remplacé l'ordonnance sur mesures superprovisionnelles du 3 septembre 2024 l'admettant. L'appelant ne peut dès lors pas faire renaître les effets de dite décision en sollicitant devant la Cour le prononcé de mesures superprovisionnelles, respectivement provisionnelles.
Ainsi, il sera constaté que la requête de mesures provisionnelles tendant à l'octroi de l'effet suspensif à l'appel, respectivement à ce qu'il soit ordonné le maintien de l'ordonnance de mesures superprovisionnelles du 3 septembre 2024 est sans objet.
2. Il n'y a pas lieu de rendre des mesures conservatoires après audition des parties, celles sollicitées avant audition de celles-ci ayant été rejetées par arrêt de la Cour du 30 septembre 2024. En effet, l'appelant n'a pas pris de conclusions particulières sur mesures conservatoires après audition des parties, celles-ci se confondant avec celles de l'appel contre l'ordonnance du Tribunal refusant les mesures provisionnelles sollicitées. Il sera ainsi statué immédiatement sur le fond de l'appel.
3. L'appelant reproche au Tribunal une violation de son droit d'être entendu, pour n'avoir pas déclaré recevable sa réplique du 4 octobre 2024, qu'il a produite à l'appui de son appel. Il ne prend cependant aucune conclusion formelle à cet égard.
3.1 En procédure sommaire, l’art. 253 CPC met en œuvre le droit d’être entendu. Un second échange d’écritures n’y est pas prévu, de sorte qu’au vu de la nature de la procédure sommaire, il s’impose de faire preuve de retenue à cet égard. Cela ne change cependant rien au fait que les parties, en vertu des art. 6 §1 CEDH et/ou 29 al. 1 et 2 Cst., ont le droit de se déterminer sur toute écriture du tribunal ou de la partie adverse, indépendamment du fait que celle-ci contienne ou non des éléments nouveaux et importants (arrêt du Tribunal fédéral 5A_82/2015 du 16 juin 2015 consid. 4.1, in RSPC 2015 p. 424, n°1717).
Cependant, l'avis isolé de doctrine selon lequel le juge devrait, en procédure sommaire, accepter toute écriture des parties présentée même lors de l'audience ne saurait être suivi. Il va à l'encontre de la grande liberté de manœuvre que le législateur a entendu donner au juge dans la procédure sommaire en vue de réaliser la souplesse et la rapidité qui caractérisent celle-ci. Il va également à l'encontre de la jurisprudence, rejoignant sur ce point la doctrine majoritaire, qui reconnaît au juge (art. 124 CPC), et non aux parties, un pouvoir d'appréciation dans la manière de diriger la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 5A_403/2014 du 19 août 2014 consid. 4.2).
Il résulte de ce qui précède qu'à tout le moins en procédure sommaire l'exercice du droit à la réplique (et à la duplique) en la forme écrite n'est pas garanti.
A cela s'ajoute que l'exercice dudit droit par écrit peut conduire à un "Stellungnahmenpingpong" dans lequel les parties se déterminent sans cesse sur l'écriture de leur partie adverse (JENT-SØRENSEN, KuKo ZPO, 2014, n° 7 ad Art. 253). Afin d'éviter cet écueil, la tenue d'une audience peut représenter un moyen efficace et adéquat permettant aux parties d'épuiser le droit à la réplique sans multiplier les écritures (JENT-SØRENSEN, op. cit., n° 7 ad Art. 253; FRATINI, La mise en œuvre du droit à la réplique dans les nouveaux codes de procédure suisses, in Jusletter 14 novembre 2011, p. 4).
3.2 En l'espèce, au vu des principes susmentionnés, c'est à bon droit que le Tribunal a déclaré irrecevable la réplique de l'appelant, déposée le 4 octobre 2024 au Tribunal, soit avant l'audience du 7 octobre 2024.
L'arrêt du Tribunal fédéral 146 III 237, cité par l'appelant, ne permet pas de parvenir à une autre conclusion, celui-ci traitant de la possibilité d'alléguer des nova dans le cadre d'un second échange d'écritures ordonné par le juge.
Le grief est infondé, et la pièce 4 produite avec l'appel (réplique à l'exclusion des pièces jointes) dès lors irrecevable.
4. L'appelant fait grief au Tribunal de ne pas avoir retenu, conformément à la solution retenue par le Tribunal fédéral dans l'ATF 148 III 69, que le mandat des administrateurs avait pris fin au plus tard le 30 juin 2024. C'est à tort qu'il avait fait application de l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_508/2023 du 9 juillet 2024, dont l'état de fait était différent de celui de la présente espèce.
4.1.1 Selon l'art. 261 al. 1 CPC, le Tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable, ces deux conditions étant cumulatives (Bohnet, CR CPC, n. 3 ad art. 261 CPC).
Les mesures provisionnelles servent à accorder à une partie une protection provisoire, jusqu'à ce qu'un jugement définitif soit prononcé ou puisse l'être; toutefois, elles ne peuvent pas préjuger d'un procès déjà pendant ou à venir dans la cause principale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_687/2015 du 20 janvier 2016 consid. 4.3).
Le requérant doit en premier lieu rendre vraisemblable que le droit matériel invoqué existe et que le procès a des chances de succès, la mesure provisionnelle ne pouvant être accordée que dans la perspective de l'action au fond qui doit la valider (art. 263 et 268 al. 2 CPC; ATF 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1016/2015 du 15 septembre 2016 consid. 5.3).
Doit également être rendu vraisemblable l'existence d'un préjudice difficilement réparable, qui peut être de nature patrimoniale ou immatérielle (Message relatif au CPC, FF 2006 p. 6961; Bohnet, op. cit., n. 11 ad art. 261 CPC; Huber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd., 2016, n. 20 ad art. 261 CPC). Le requérant doit rendre vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause. Est difficilement réparable le préjudice qui sera plus tard impossible ou difficile à mesurer ou à compenser entièrement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1).
En matière de blocage du registre, le préjudice difficilement réparable découle de l'inscription dans le registre du commerce. En règle générale, il existe un tel préjudice lorsqu'il s'agit d'une inscription avec effet constitutif. Les inscriptions avec effet déclaratif peuvent également y conduire (Fontanet/Jeandin, Le blocage du registre du commerce et sa validation, in : Notalex 2016, p. 59 et les références citées). A cet égard, les actes effectués par des organes non valablement élus peuvent avoir des conséquences autres que purement patrimoniales (Hari/Haenni, Quelques procédures particulières du droit de la société anonyme, in La personne morale et l'entreprise en procédure, 2014, p. 103 ss, p. 124, ndp n. 65).
Le risque de préjudice difficilement réparable implique l'urgence (Bohnet, op. cit., n. 12 ad art. 261 CPC). L'urgence est une notion relative qui comporte des degrés et s'apprécie moins selon des critères objectifs qu'au regard des circonstances. Elle est en principe admise lorsque le demandeur pourrait subir un dommage économique ou immatériel s'il devait attendre qu'une décision au fond soit rendue dans une procédure ordinaire (ATF 116 Ia 446 consid. 2 = JdT 1992 I p. 122; Bohnet, op. cit., n. 12 ad art. 261 CPC).
La mesure ordonnée doit enfin respecter le principe de proportionnalité, ce qui signifie qu'elle doit être à la fois apte à atteindre le but visé, nécessaire, en ce sens que toute autre mesure se révèlerait inapte à sauvegarder les intérêts de la partie requérante, et proportionnée, en ce sens qu'il ne doit pas exister d'alternatives moins incisives (Hohl, Procédure civile, tome 2, 2ème éd., 2010, p. 323 s.).
Le Tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment donner un ordre à une autorité qui tient un registre (art. 262 let. c CPC).
Il peut se limiter à un examen sommaire des questions de droit (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5P_422/2005 du 9 janvier 2006 consid. 3.2).
4.1.2 L'assemblée générale est convoquée par le conseil d'administration et, au besoin, par les réviseurs (art. 699 al. 1 première phrase CO). En ce qui concerne l'organisation de l'assemblée générale à proprement parler, il appartient au conseil d'administration de préparer celle-ci (art. 716a al. 1 ch. 6 CO) et de prendre les mesures nécessaires pour constater le droit de vote des actionnaires.
A teneur de l'art. 706 al. 1 CO, le conseil d'administration et chaque actionnaire peuvent attaquer en justice les décisions de l'assemblée générale qui violent la loi ou les statuts. L'action est dirigée contre la société. L'action formatrice prévue par cette disposition tend à l'annulation rétroactive de la décision de l'assemblée générale qui est attaquée (ATF 122 III 279 consid. 2).
Selon l'art. 706b CO, sont nulles en particulier les décisions de l'assemblée générale qui négligent les structures de base de la société anonyme ou portent atteinte aux dispositions de protection du capital (ch. 3).
La nullité doit rester l'exception (Peter/Birchler, CR CO II, n. 2 ad. art. 706b).
Sont notamment nulles les décisions qui sont prises par une assemblée générale convoquée par une personne dénuée de la compétence pour ce faire (Peter/Birchler, op. cit., n. 12 ad. art. 706b).
A teneur de l'art. 699 al. 2 CO, l’assemblée générale ordinaire a lieu chaque année dans les six mois qui suivent la clôture de l’exercice.
4.1.3 Contrairement aux sociétés dont les actions sont cotées en bourse (art. 710 al. 1 CO), le législateur n’a pas prévu pour les sociétés dont les actions ne sont pas cotées que le mandat s’achève à la fin de chaque assemblée générale ordinaire.
Dans l'ATF 148 III 69 (JdT 2022 II 226) consid. 3.5, le Tribunal fédéral a tranché par la négative la question débattue en doctrine de savoir si les membres du conseil d'administration restent en fonction six mois après le dernier exercice de leur mandat, lorsque, contrairement à ce que prévoit l'art. 699 al. 2 CO, aucune assemblée générale n'a été convoquée dans ce délai de six mois ou que l'élection du conseil d'administration n'a pas été portée à l'ordre du jour. La compétence inaliénable de l’assemblée générale de nommer les membres du conseil d’administration (art. 698 al. 2 ch. 2 CO) serait contournée si le conseil d’administration pouvait prolonger son mandat en ne convoquant pas l’assemblée générale. Cela serait d’autant plus choquant dans le cas où l’élection n’était pas seulement oubliée, mais empêchée dans le but de conserver le mandat. Il n'y avait pas de prolongation tacite (consid. 3.3). Dans le cas soumis au Tribunal fédéral, la dernière assemblée générale s'était tenue en avril 2019, et plus aucune assemblée générale n’avait été convoquée par la suite, nonobstant la demande qui en avait été faite par l'un des coactionnaires. Il a donc été admis que la société souffrait d'une carence dans son organisation et que c'est à bon droit que le juge, suite à la requête d'un actionnaire en 2021, avait désigné un commissaire notamment pour convoquer une assemblée générale.
Dans l'arrêt 4A_508/2023 du 9 juillet 2024, le Tribunal fédéral a retenu que l'art. 699 al. 2 CO (convocation de l'assemblée générale) était de nature relativement impérative et avait pour but de protéger les actionnaires. Il en résultait que le délai concerné pouvait être raccourci statutairement, mais pas prolongé. Il s'agissait toutefois d’un simple délai d’ordre, en ce sens que sa violation ne comportait, en tant que telle, aucune sanction (arrêts du Tribunal fédéral 4A_4A_508/2023 du 9 juillet 2024 consid. 3.4.1; 4A_441/2021 du 28 décembre 2021 consid. 2.4; 4A_646/2014 du 14 avril 2015 consid. 4.2; ACJC/1187/2023 du 14.09.2023 consid. 3.1.2). Dans le cas soumis au Tribunal fédéral, l'art. 22 des statuts stipulait que la société est administrée par un conseil d'administration composé d'un ou plusieurs membres, nommés par l'assemblée générale pour la période s'écoulant jusqu'à la prochaine assemblée générale ordinaire et l'art. 13 prévoyait que l'assemblée générale se réunit chaque année dans les six mois qui suivent la clôture de l'exercice social. L'interprétation des statuts conduisait à considérer que le mandat des administrateurs élus lors de l'assemblée générale du 5 novembre 2021 se poursuivait jusqu'au 5 novembre 2022 au plus tard ou jusqu'à la date de la prochaine assemblée générale ordinaire, laquelle était intervenue le 20 septembre 2022 et lors de laquelle le conseil d'administration avait été réélu. Il ne pouvait être soutenu que ce mandat avait pris fin le 1er juillet 2022.
4.2 En l'espèce, contrairement à ce qui prévalait dans l'arrêt 4A_508/2023 précité, les statuts de l'intimée prévoient une durée d'une année des fonctions des administrateurs et la fin de celles-ci lors de l'assemblée générale ordinaire qui suit l'expiration de leur mandat.
Il est par ailleurs acquis que les assemblées générales ordinaire de l'intimée ont, pour les exercices relatifs aux années 2019, 2020 et 2021, été respectivement tenues les 23 septembre 2020, 20 octobre 2021 et 2 novembre 2022, soit plus de six mois après la fin de la clôture de l'exercice concerné, malgré la teneur de l'art. 10 des statuts. L'appelant, élu administrateur lors de l'assemblée du 2 novembre 2022, ne remet d'ailleurs pas en cause dite élection. Il a été réélu lors de l'assemblée générale du 27 avril 2023.
A tout le moins sous l'angle de la vraisemblance, par application des principes susmentionnés, son mandat, d'une durée d'un an, tout comme celui des autres administrateurs réélus à la même date, prenait donc fin au plus tôt le 27 avril 2024 et au plus tard lors de l'assemblée générale ordinaire suivant ce moment, soit le 3 septembre 2024. Certes, cette assemblée a eu lieu plus de six mois après la fin de l'exercice 2023 (31 décembre 2023), cependant, comme retenu ci-dessus, il s'agit d'un délai d'ordre dont la violation est dépourvue de sanction.
A cela s'ajoute que contrairement à ce qui prévalait dans l'ATF 148 III 149, il n'a pas été rendu vraisemblable que l'assemblée générale n'aurait pas été convoquée dans le délai de six mois suivant la fin de l'exercice par le conseil d'administration dans le but que les membres de celui-ci puissent conserver leurs mandats respectifs. Tel a été le cas en raison du dépôt tardif du rapport de l'organe de révision, seulement trois mois s'étant par ailleurs écoulés entre le délai statutaire (et légal) pour convoquer l'assemblée et la tenue de celle-ci. La situation est donc sensiblement différente de celle de l'arrêt précité.
Par ailleurs, l'appelant a adressé aux actionnaires la convocation à l'assemblée générale du 3 septembre 2024, démontrant par là qu'il s'estimait fondé à le faire en sa qualité de membre du conseil d'administration, toujours en fonction, indépendamment de l'écoulement du délai de six mois précité.
Ce n'est qu'à la suite de la décision des trois autres membres du conseil d'administration du 6 août 2024, lui signifiant la résiliation de son contrat de travail, que l'appelant s'est prévalu d'une alléguée carence de la société, pour les besoins de la cause.
En conclusion, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que l'appelant n'avait pas rendu vraisemblable une carence dans la société depuis le 1er juillet 2024, et, partant, refusé de considérer que les décisions prises lors de l'assemblée générale du 3 septembre 2024 étaient nulles.
Il sera encore relevé que suite à la décision du Tribunal des prud'hommes du 16 septembre 2024, l'appelant a été réintégré dans son poste de directeur général, de sorte qu'il n'est pas évident que la décision entreprise, qui concerne sa seule fonction d'administrateur, lui cause un préjudice difficilement réparable ni que l'urgence commande qu'il soit rétabli dans ces fonctions jusqu'à droit jugé sur le fond. L'appelant n'a d'ailleurs pas rendu vraisemblable que la gestion actuelle de la société compromettrait la valeur de ses actions et mettrait en péril son investissement. A cet égard, il ne disposait que d'une voix sur quatre au sein de conseil d'administration, de sorte que son éviction ne paraît pas prima facie déterminante quant à la conduite des affaires.
L'appelant ne fournit pas non plus d'éléments concrets venant étayer l'allégation selon laquelle l'intimée pourrait se prévaloir, en cas de rejet des mesures provisionnelles sollicitées, de la validité du prétendu licenciement donné par les "anciens" membres du conseil d'administration, pour porter atteinte à sa réputation, ce qui lui causerait un préjudice difficilement réparable. L'ordonnance rendue par le Tribunal des prud'hommes sur mesures provisionnelles met par ailleurs à mal cet argument.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée.
5. L'appelant, qui succombe, sera condamné aux frais d'appel, arrêtés à 2'700 fr., y compris l'arrêt rendu à titre superprovisionnel, compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.
Il sera en outre condamné à verser à l'intimée des dépens de 2'500 fr., tenant compte du travail effectué par le conseil de celle-ci (art. 26, 37, 84, 87, 88 et 90 RTFMC, et 23 LaCC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 25 octobre 2024 par A______ contre l'ordonnance OTPI/643/2024 rendue le 14 octobre 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/20346/2024–12 SP.
Au fond :
Confirme cette ordonnance.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais d'appel à 2'700 fr., les met à la charge de A______, et dit qu'ils sont compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève.
Condamne A______ à verser à B______ SA 2'500 fr. à titre de dépens d'appel.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.
La présidente : Pauline ERARD |
| La greffière : Mélanie DE RESENDE PEREIRA |
|
|
|
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.