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C/26268/2023

ACJC/1473/2024 du 21.11.2024 sur JTPI/4894/2024 ( SML ) , CONFIRME

Normes : LP.82
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/26268/2023 ACJC/1473/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 21 NOVEMBRE 2024

 

Entre

A______ SARL, sise ______, recourante contre un jugement rendu par la 23ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 avril 2024, représentée par Me Hüsnü YILMAZ, avocat, Avenue de Rumine 17, case postale 7794, 1002 Lausanne,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, représenté par Me Julien LIECHTI, avocat, KBLex SA, rue François-Bonivard 10, 1201 Genève.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 22 avril 2024, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif), mis les frais judicaires, arrêtés à 750 fr., à la charge de A______ Sàrl et condamné cette dernière à verser ce montant à B______ qui en avait fait l'avance (ch. 2 et 3), ainsi que 3'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 6 mai 2024 à la Cour de justice, A______ Sàrl a formé recours contre ce jugement. Elle a conclu à son annulation et au rejet de la requête de mainlevée formée par B______, avec suite de frais.

Elle a produit des pièces nouvelles.

b. Le 3 juin 2024, B______ a conclu au déboutement de A______ Sàrl de toutes ses conclusions et à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais.

c. Le 21 juin 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

d. Le 16 juillet 2024, A______ Sàrl a produit une pièce nouvelle.

e. Le 21 août 2024, A______ Sàrl a sollicité l'octroi de l'effet suspensif à son recours, lequel a été refusé par arrêt de la Cour du 27 août 2024.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. Le 17 octobre 2011, B______ et C______ Sàrl (désormais A______ Sàrl) ont conclu une convention de mise en gérance libre portant sur des locaux dont le premier cité est locataire et appartenant à une société immobilière dont il est actionnaire.

Selon cette convention, B______, propriétaire du fonds de commerce du restaurant "D______", confiait au gérant l'exploitation dudit restaurant équipé.

Le montant mensuel du loyer était de 3'000 fr. et celui de la gérance libre de 3'000 fr. Ce dernier montant a été réduit à 2'000 fr. par avenant au contrat du 1er juin 2013.

b. A______ Sàrl ne s'est pas régulièrement acquittée des montants dus.

c. Le 30 juin 2023, A______ Sàrl a contesté la convention de mise en gérance libre au motif que le restaurant n'était pas prêt à être exploité et qu'il avait fait de nombreux investissements. Le contrat devait dès lors plutôt être qualifié de sous-bail à loyer commercial. Elle souhaitait dès lors obtenir un bail à loyer commercial, cesser le paiement des prétendus fermages et obtenir le remboursement des montants payés à tort.

d. Le 20 juillet 2023, B______ a mis en demeure A______ Sàrl de lui verser une somme totale de 180'293 fr. à titre d'arriérés de loyers et gérances pour 2012 à 2022 (167'900 fr.) et pour 2023 (12'393 fr.) dans un délai de 60 jours, faute de quoi son bail serait résilié en application de l'art. 282 CO.

e.a Le 21 septembre 2023, compte tenu de l'absence de paiement effectué à l'échéance du délai imparti, B______ a résilié le bail à ferme pour le 31 octobre 2023 au moyen du formulaire officiel.

e.b Par demande déposée devant le Tribunal des baux et loyers le 29 janvier 2024, à la suite de l'échec de la tentative de conciliation, A______ Sàrl a conclu à ce qu'il soit constaté que le bail à ferme conclu avec B______ était nul, à ce que ce dernier soit condamné à lui rembourser la somme de 527'000 fr. à titre de remboursement des sommes versées à titre de loyer et fermage, à ce que l'existence d'un bail à loyer soit constatée et à ce que le loyer soit fixé à un montant maximum de 1'500 fr.

Elle a soutenu que le restaurant ne comportait pas de cuisine agencée et qu'elle avait financé divers agencements, de sorte que la convention signée ne remplissait pas les conditions d'un bail à ferme. La résiliation de la convention n'était pas valable car B______ n'avait aucune légitimation active ni passive, de sorte que le congé était inefficace, voire nul.

f. Le 13 octobre 2023, sur requête de B______, l'Office des poursuites a notifié à A______ Sàrl un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur la somme de 141'103 fr. 50 avec intérêts à 5% dès le 15 novembre 2020, réclamée à titre "d'arriérés de loyers portant sur plusieurs montants impayés ou partiellement payés depuis le 1er janvier 2018 (date moyenne pour les intérêts)".

A______ Sàrl y a formé opposition.

g. Le 30 novembre 2023, B______ a requis devant le Tribunal la mainlevée de cette opposition, avec suite de frais. Il a exposé que les arriérés s'élevaient à 26'000 fr. pour 2018, 5'500 fr. pour 2019, 23'000 fr. pour 2020, 29'710 fr. 85 pour 2021, 16'892 fr. 65 pour 2022 et 40'000 fr. pour 2023.

Il a notamment produit avec sa requête une copie du contrat du 17 octobre 2011.

h. Le 19 mars 2024, A______ Sàrl a répondu par écrit à la requête de mainlevée, concluant au rejet de celle-ci. Elle a notamment contesté de manière globale et sans autre précision les allégués 13 à 31 de la requête de mainlevée relatifs aux montants des arriérés accumulés et à la résiliation du contrat du 17 octobre 2011.

i. Par ordonnance du 20 mars 2024, le Tribunal a considéré que la réponse écrite, non sollicitée, devait être écartée, mais que les pièces déposées à l'appui de celle-ci seraient versées à la procédure.

j. Lors de l'audience devant le Tribunal, B______ a produit des pièces relatives à la procédure pendante devant le Tribunal des baux et loyers et a persisté dans ses conclusions.

A______ Sàrl a soutenu que sa réponse écrite était recevable et a persisté dans ses conclusions.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

k. Dans son jugement du 22 avril 2024, le Tribunal a retenu que le contrat conclu entre les parties constituait un contrat de bail à ferme non-agricole, dans la mesure où il concernait non seulement la location des locaux commerciaux mais également la mise à disposition du fonds de commerce permettant d'exploiter un établissement public dans lesdits locaux et que B______ alléguait sans être contredit par A______ Sàrl que celle-ci avait accumulé un arriéré de fermages de 141'103 fr. 50 entre le 1er janvier 2018 et le 31 octobre 2023. Le contrat valait reconnaissance de dette pour le montant du fermage.

Le Tribunal a par ailleurs considéré que les relations entre la bailleresse principale et le sous-bailleur ne concernaient pas A______ Sàrl, qui ne pouvait exiger de connaître le montant du loyer principal hors procédure de contestation du montant du sous-loyer, que la propriétaire avait attesté que B______ était bien locataire principal des locaux et de ce fait habilité à les sous-louer à A______ Sàrl, que la remise en question par cette dernière, par-devant le Tribunal des baux et loyers, du montant du fermage convenu près de 12 ans après la conclusion du contrat, n'était pas suffisante, que la précitée ne faisait valoir aucun argument permettant de retenir qu'elle aurait la moindre créance en restitution à l'encontre de B______, en particulier en lien avec l'existence d'un défaut de manière suffisamment détaillée et qu'elle ne pouvait opposer en compensation ses prétentions liées aux éventuelles plus-values apportées à l'objet loué ou aux objets figurant à l'inventaire, dans la mesure où de telles prétentions ne naissaient qu'à la fin du bail, par ailleurs contestée par A______ Sàrl. Cette dernière ne faisait ainsi valoir aucun moyen libératoire susceptible de faire échec au prononcé de la mainlevée et il devait dès lors être fait droit aux conclusions de B______.

EN DROIT

1. 1.1 En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

1.2 Interjeté dans le délai et selon la forme prévus par la loi, le recours est recevable, sous réserve de ce qui suit.

1.3 Selon l'art. 326 al. 1 CPC, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables.

La recourante présente un état de fait qui diffère de celui qu'elle a présenté devant le Tribunal. Celui-ci est irrecevable en tant qu'il porte sur des faits nouveaux. Les pièces nouvelles produites devant la Cour sont par ailleurs irrecevables.

1.4 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).

Le recours étant instruit en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC), la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 58 al. 1 CPC).

2. La recourante conteste le jugement attaqué en invoquant, pour l'essentiel, le fait qu'elle a déposé une action devant le Tribunal des baux et loyers tendant à la restitution des sommes qu'elle avait versées à l'intimé.

2.1
2.1.1
Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi – ou son représentant –, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF
145 III 20 consid. 4.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1 et les références); elle peut résulter du rapprochement de plusieurs pièces, dans la mesure où les éléments nécessaires en résultent (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 627 consid. 2 et la référence).

2.1.2 Le contrat de bail signé constitue, en principe, une reconnaissance de dette et justifie la mainlevée provisoire de l'opposition pour le montant du loyer échu. En signant le contrat de bail, le locataire reconnaît son obligation de payer le loyer non seulement pour la durée d'occupation de l'objet loué, mais pour toute la durée contractuelle (ATF 134 III 267 consid. 3; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 5D_964/2021 du 9 mars 2022 consid. 3.1.1; 5D_249/2020 du 1er juillet 2021 consid. 2.1; 5A_833/2017 du 8 mars 2018 consid. 2.2).

Un contrat bilatéral ne vaut cependant reconnaissance de dette que si le poursuivant a rempli ou garanti les obligations légales ou contractuelles exigibles avant le paiement dont il requiert le recouvrement, ou au moment de ce paiement, c'est-à-dire s'il a exécuté ou offert d'exécuter sa propre prestation en rapport d'échange (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1).

2.1.3 Conformément à l'art. 82 al. 2 LP, le poursuivi peut faire échec à la mainlevée en rendant immédiatement vraisemblable sa libération. Il peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil – exceptions ou objections – qui infirment la reconnaissance de dette (ATF 145 III 20 consid. 4.1.2; 142 III 720 consid. 4.1).

Le poursuivi n'a pas à apporter la preuve absolue (ou stricte) de ses moyens libératoires, mais seulement à les rendre vraisemblables, en principe par titre (art. 254 al. 1 CPC; ATF 145 III 160 consid. 5.1; 145 III 20 consid. 4.1.2;
142 III 720 consid. 4.1). Le juge n'a pas à être persuadé de l'existence des faits allégués; il doit, en se fondant sur des éléments objectifs, avoir l'impression qu'ils se sont produits, sans exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 145 III 213 consid. 6.1.3; 142 III 720 consid. 4.1; 132 III 140 consid. 4.1.2).

Le point de savoir si le recourant a rendu vraisemblable sa libération ressortit à l'appréciation des preuves (arrêts du Tribunal fédéral 5A_446/2018 du 25 mars 2019 consid. 4.2; 5A_833/2017 du 8 mars 2018 consid. 3; 5A_435/2015 du 13 octobre 2015 consid. 3.2.1.3).

2.1.4 La compensation constitue une cause d'extinction de la créance. Le juge rejette la requête de mainlevée provisoire si le débiteur rend vraisemblable l'existence, le montant et l'exigibilité de la créance compensante ainsi que le montant exact à concurrence duquel la dette serait éteinte (ATF 136 III 624 consid. 4.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_139/2018 du 25 juin 2019 consid. 2.6.1 publié in BlSchK 2021 p. 271). Il ne peut pas se contenter d'alléguer l'existence d'une créance envers le poursuivant pour rendre vraisemblable cette prétention et opposer valablement l'objection de compensation; de simples affirmations ne sont pas suffisantes (arrêts du Tribunal fédéral 5D_52/2022 du 2 février 2023 consid. 2.2.2; 5A_139/2018 précité consid. 2.6.2; 5A_83/2011 du 2 septembre 2011 consid. 6.1; Veuillet/Abbet, La mainlevée de l'opposition, 2ème éd., 2022, n. 126 ad art. 82 LP). Les preuves produites par le débiteur poursuivi doivent rendre vraisemblable le fait libératoire (ATF 132 III 140 consid. 4.1.2). L'exception de compensation doit ainsi être rendue vraisemblable par titre (art. 177 et 254 al. 1 CPC). La vraisemblance de la créance compensante peut résulter de l'image générale qui se dégage de divers documents, le juge jouissant à cet égard d'un certain pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_66/2020 précité loc. cit. et les références). Le dépôt d'une action en justice ou l'introduction d'une poursuite à l'encontre du poursuivant ne rend pas vraisemblable la créance opposée en compensation (Veuillet/Abbet, op. cit., n. 127 ad art. 82 LP).

2.2 En l'espèce, il convient d'emblée de relever qu'il est difficile de comprendre, sur la base des explications de la recourante, quel argument juridique elle invoque, puisqu’elle ne cite aucune disposition légale. L’on ignore notamment si elle conteste que l'intimé dispose d'un titre de mainlevée ou invoque un moyen libératoire, l'art. 82 LP n'étant à aucun moment mentionné. La recourante avance tout une série d'éléments sans expliquer quelle conséquence devrait en être tirée.

La recourante se réfère régulièrement à la procédure pendante devant le Tribunal de baux et loyers pour tenter de démontrer qu'elle n'est pas débitrice du montant pour lequel elle est poursuivie et soutient que le litige entre les parties doit être tranché par ledit Tribunal. Elle perd cependant de vue que lors du contentieux de la mainlevée de l'opposition, qui fait l'objet de la présente procédure, le but n'est pas de constater la réalité d'une créance, mais l'existence d'un titre exécutoire; le juge de la mainlevée examine donc uniquement la force probante du titre produit par le créancier poursuivant, sa nature formelle, et non pas la validité de la prétention déduite en poursuite (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1 et les références). Il ne s'agit dès lors pas de vérifier si le montant réclamé est effectivement dû, ce que le Tribunal des baux et loyers examinera, mais si le contrat sur lequel se fonde l'intimé constitue un titre de mainlevée provisoire de l'opposition. Contrairement à ce que la recourante indique il ne s'agit pas du "même litige" et le principe de "sécurité du droit" qu'elle invoque n'interdit pas le prononcé d'un jugement de mainlevée même si le différend entre les parties est, au fond, pendant devant le Tribunal de baux et loyers.

En ce sens, la recevabilité du recours, qui ne critique pas le jugement attaqué en tant qu'il a considéré que le contrat du 17 octobre 2011 valait reconnaissance de dette pour le montant du fermage ni que la recourante n'avait pas fait valoir de moyen libératoire susceptible de faire échec au prononcé de la mainlevée de l'opposition, est douteuse.

Cela étant, il convient de relever ce qui suit.

En tant que tel, le contrat qui lie les parties vaut titre de mainlevée. La recourante n'a pas contesté, devant le Tribunal, qu'elle ne s'était pas acquittée des loyers réclamés dans le délai comminatoire ni le montant réclamé à titre d'arriéré dû en vertu de la convention du 17 octobre 2011 et la contestation à cet égard devant la Cour, non motivée d'ailleurs en tant qu'elle concerne le montant lui-même, est irrecevable.

Les affirmations péremptoires de la recourante, parfois difficiles à suivre, relatives notamment à l'impossibilité pour l'intimé d'être locataire alors qu'il est par ailleurs actionnaire de la société propriétaire et donc de résilier le bail, qui aurait été conclu par actes concluants avec ladite société, à l'impossibilité de faire perdurer une situation de sous-location pendant dix ans ou à l'absence de preuve d'un précédent bail sur les locaux, ne permettent en tout état de cause pas de considérer que le contrat du 17 octobre 2011 ne constitue pas un de titre de mainlevée valable.

La recourante mentionne la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle un contrat bilatéral ne justifie pas la mainlevée provisoire lorsque le poursuivi prétend que la contre-prestation n'a pas été exécutée (ATF 145 III 20) et elle se réfère à la pratique bâloise en la matière. Elle soutient à cet égard que l'intimé n'a mis à disposition que des locaux, mais pas les équipements nécessaires à l'exploitation d'un restaurant pour lesquels elle devrait payer un fermage (raison pour laquelle le contrat devrait être qualifié de bail à loyer et non de bail à ferme). Le Tribunal a cependant retenu que le contrat conclu portait sur des locaux commerciaux, mais également un fonds de commerce permettant d'exploiter un établissement public dans lesdits locaux, sans que la recourante ne démontre l'arbitraire de cette constatation. En tout état de cause, la recourante ne s'est pas plainte pendant douze ans du fait que les équipements fournis ne permettaient pas l'exploitation du restaurant et elle n'apporte aucun élément propre à rendre vraisemblable que tel serait le cas. Le fait que la recourante ait fait l'acquisition de matériel ne suffit par ailleurs pas à rendre vraisemblable que le restaurant n'était pas exploitable. Son affirmation, après plus d'une décennie, selon laquelle le contrat devrait être qualifié de bail et non de gérance, de sorte que les montants versés à titre de fermage devraient lui être remboursés, n'est donc pas rendue vraisemblable. Selon la pratique bâloise (Basler Rechtsöffnungspraxis) à laquelle se réfère le Tribunal fédéral dans l'arrêt cité par la recourante, un contrat bilatéral justifie la mainlevée provisoire lorsque le poursuivi prétend que la contre-prestation n'a pas été exécutée ou n'a pas été correctement exécutée, mais que cette contestation apparaît manifestement sans consistance, ce qui est le cas en l'espèce, au vu des éléments qui précèdent. L'argument invoqué ne permet donc pas d'exclure que le contrat conclu entre les parties constitue un titre de mainlevée.

Il ressort ensuite des explications de la recourante qu'elle entend invoquer la compensation compte tenu du fait qu'elle aurait payé des loyers et fermages qui seraient indus. Il faut comprendre qu'elle entend ainsi invoquer un moyen libératoire au sens de l'art. 82 al. 2 LP.

Les titres produits par la recourante et ses explications ne permettent toutefois pas de rendre vraisemblables l'existence et le montant de la créance compensante ainsi que le montant exact à concurrence duquel la dette serait éteinte. En effet, le fait que la recourante réclame à l'intimé, dans le cadre d'une procédure pendante devant le Tribunal des baux et loyers, une somme importante, supérieure à 500'000 fr., ne suffit pas en lui-même à rendre vraisemblable que l'intéressée dispose d'une prétention à l'encontre de l'intimé qu'elle pourrait opposer en compensation. Comme déjà indiqué, il n'a pas été rendu vraisemblable, en l'état, que le contrat ne pourrait pas être qualifié de bail à ferme au motif que les locaux n'étaient pas équipés et que, de ce fait, la recourante pourrait demander le remboursement de l'intégralité des sommes versées, ce qui paraît au demeurant improbable compte tenu du fait qu'elle ne peut vraisemblablement pas prétendre à la gratuité des locaux qu'elle occupe depuis treize ans. Elle relève d'ailleurs elle-même que le montant d'un loyer devra être fixé. Dès lors, le montant de la créance que la recourante pourrait invoquer en compensation n'est pas rendu vraisemblable.

En définitive, les griefs invoqués ne sont pas fondés, de sorte que le recours sera rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.

3. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais du recours (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront arrêtés à 1'125 fr. (art. 48 et 61 al. 1 OELP) et compensés avec l'avance versée par la recourante, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Les dépens dus à l'intimée seront fixés à 1'500 fr., TVA et débours compris (art. 25 et 26 al. 1 LaCC; art. 85, 89 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ SARL contre le jugement JTPI/4894/2024 rendu le 22 avril 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/26268/2023–23 SML.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Met à la charge de A______ SARL les frais judiciaires de recours, arrêtés à 1'125 fr. et compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SARL à verser 1'500 fr. à B______ à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Barbara NEVEUX, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Barbara NEVEUX

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.