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C/3727/2024

ACJC/1105/2024 du 12.09.2024 sur OTPI/415/2024 ( SP ) , IRRECEVABLE

Normes : CPC.319
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3727/2024 ACJC/1105/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 12 SEPTEMBRE 2024

 

Entre

A______ SA, sise ______, recourante contre une ordonnance rendue par le Tribunal de première instance de ce canton le 27 juin 2024, représentée par Me Diane SCHASCA, avocate, d.avocats SA, rue Pedro-Meylan 1, 1208 Genève,

et

B______ SARL, sise ______, intimée, représentée par Me Mevlon ALIU, avocat, ALIU WANNIER, Avocats, rue des Bains 33, 1205 Genève.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/415/2024 du 27 juin 2024, reçue par les parties le 1er juillet 2024, le Tribunal de première instance, a déclaré irrecevable l'écriture de duplique déposée le 18 juin 2024 par A______ SA (ch. 1 du dispositif) et l'a écartée de la procédure.

B. a. Le 11 juillet 2024, A______ SA a formé recours contre cette décision, concluant à ce que la Cour de justice l'annule et dise que sa duplique du 17 juin 2024 est recevable, avec suite de frais et dépens.

b. B______ SARL a conclu à la confirmation de l'ordonnance querellée, avec suite de frais et dépens.

c. Les parties ont été informées le 19 août 2024 de ce que la cause était gardée à juger par la Cour.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. Le 16 février 2024, B______ SARL a déposé au Tribunal de première instance une requête à l'encontre de A______ SA, aux termes de laquelle elle a conclu, sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, à ce qu'il soit ordonné au Conservateur du Registre foncier de procéder à son profit à l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs d'un montant de 151'786 fr. 65 avec intérêts à 5% dès le ______ novembre 2023, grevant le bien-fonds n° 1______ sis chemin 2______ no. ______, [code postal] C______ [GE], dont A______ SA est propriétaire.

b. Par ordonnance du 19 février 2024, le Tribunal a rejeté la demande de mesures superprovisionnelles.

Par arrêt du 1er mars 2024, la Cour, statuant sur recours formé par B______ SARL, a ordonné au Conservateur du Registre foncier de procéder au profit de celle-ci à l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs d’un montant de 65'510 fr. 40 avec intérêts à 5% dès le ______ novembre 2023, grevant la parcelle susmentionnée et a renvoyé la cause au Tribunal de première instance pour instruction et décision sur mesures provisionnelles.

c. Le 28 mars 2024, A______ SA a conclu principalement au rejet de la requête de mesures provisionnelles.

d. B______ SARL a déposé une écriture spontanée le 30 avril 2024, persistant dans ses conclusions.

e. Par ordonnance du 16 mai 2024, le Tribunal, à la demande de A______ SA, lui a fixé un délai au 17 juin 2024 pour se déterminer par écrit.

f. Le 18 juin 2024, A______ SA a fait savoir au Tribunal que son écriture lui avait été envoyée le 17 juin 2024 par recommandé, mais que, par erreur, l'adresse de celui-ci ne figurait pas sur l'enveloppe. L'envoi avait été retourné à son avocate le 18 juin 2024. Elle renvoyait dès lors l'écriture précitée en annexe de son courrier.

g. Postérieurement au prononcé de l'ordonnance querellée, A______ SA a formé une demande de restitution de délai pour dupliquer.

Cette demande a été rejetée par ordonnance du Tribunal du 20 août 2024.

EN DROIT

1. 1.1 Le recours est recevable contre les ordonnances d'instruction lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (art. 319 let. b ch. 2 CPC).

La notion de préjudice difficilement réparable est plus large que celle de préjudice irréparable consacré par l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Ainsi, elle ne vise pas seulement un inconvénient de nature juridique, mais toute incidence dommageable, y compris financière ou temporelle, pourvu qu'elle soit difficilement réparable. L'instance supérieure devra se montrer exigeante, voire restrictive, avant d'admettre la réalisation de cette condition, sous peine d'ouvrir le recours à toute décision ou ordonnance d'instruction, ce que le législateur a clairement exclu. Il s'agit de se prémunir contre le risque d'un prolongement sans fin du procès (Colombini, Code de procédure civile, condensé de la jurisprudence fédérale et vaudoise, 2018, n. 4.1.3 ad art. 319 CPC; Blickenstorfer, Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO], 2011, n. 39 ad art. 319 CPC; Jeandin, Commentaire romand CPC, 2019, n. 22 ad art. 319 CPC et les références citées).

Une simple prolongation de la procédure ou un accroissement des frais ne constitue ainsi pas un préjudice difficilement réparable (Spühler, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2017, n. 7 ad art. 319 CPC; Hoffmann-Nowotny, ZPO-Rechtsmittel, Berufung und Beschwerde, 2013, n. 25 ad art. 319 CPC).

Le seul fait que la partie ne puisse se plaindre d'une administration des preuves contraire à la loi qu'à l'occasion d'un recours sur le fond n'est pas suffisant pour retenir que la décision attaquée est susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable. Admettre le contraire reviendrait en effet à permettre au plaideur de contester immédiatement toute mesure d'instruction pouvant avoir un effet sur le sort de la cause, ce que le législateur a précisément voulu éviter. Ainsi, les ordonnances de preuve et les refus d'ordonner une preuve doivent en règle générale être contestés dans le cadre du recours ou de l'appel contre la décision finale (Colombini, op. cit., n. 4.3.1 et 4.3.2 ad art. 319 CPC).

L'ordonnance par laquelle le juge constate que les défendeurs sont forclos en raison du défaut de réponse ne peut être attaquée séparément, les conditions de l’art. 319 lit. b CPC n’étant pas réunies (arrêt du Tribunal fédéral 4A_381/2018 du 7 juin 2019 consid. 2.5).

Lorsque la condition du préjudice difficilement réparable n'est pas remplie, la décision incidente ne pourra être attaquée qu'avec le jugement rendu au fond (Message du Conseil fédéral relatif au CPC, FF 2006 6841, p. 6984;
Brunner, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2018, n. 13 ad art. 319 CPC; Blickenstorfer, op. cit., n. 40 ad art. 319 CPC).

Il appartient au recourant d'alléguer et d'établir la possibilité que la décision incidente lui cause un préjudice difficilement réparable, à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (par analogie ATF 134 III 426 consid. 1.2 et 133 III 629 consid. 2.3.1; Haldy, Commentaire romand CPC, 2019, n. 9 ad art. 126 CPC).

1.2 En l'espèce, dans l'ordonnance querellée, le Tribunal a retenu que la recourante n'avait pas démontré qu'elle lui avait effectivement adressé son écriture le dernier jour du délai car les pièces qu'elle produisait, soit une enveloppe vierge de tout destinataire et un extrait d'un envoi "Track and Trace" ne permettaient pas d'identifier le contenu du pli recommandé retourné à son expéditeur.

La recourante fait valoir qu'elle risque de subir un préjudice difficilement réparable à défaut d'annulation de l'ordonnance litigieuse car le Tribunal pourrait rendre son jugement au fond sans prendre en considération les fait nouveaux et arguments contenus dans son écriture du 17 juin 2024. Son droit d'être entendue serait ainsi susceptible d'être violé.

Ce faisant, la recourante se méprend sur la notion de préjudice difficilement réparable au sens de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC.

En effet, à supposer que, à l'issue de la procédure devant le Tribunal, elle n'obtienne pas gain de cause, elle pourra le moment venu faire valoir, si elle s'y estime fondée, dans le cadre de son appel contre la décision finale, que le Tribunal n'a, à tort, pas tenu compte de certains de ses allégués ou arguments et qu'il a ce faisant violé son droit d'être entendue.

ll résulte de ce qui précède que le recours est irrecevable car la recourante n'a pas établi que l'ordonnance querellée était susceptible de lui causer un préjudice difficilement réparable.

2. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires du recours, fixés à 500 fr. et compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève (art. 106 al. 1 et 111 CPC et 41 RTFMC).

Elle sera en outre condamnée à verser 800 fr., débours et TVA inclus, à titre de dépens de recours à l'intimée (art. 85, 88 et 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


Déclare irrecevable le recours interjeté le 11 juillet 2024 par A______ SA contre l'ordonnance
OTPI/415/2024 rendue le 27 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3727/2024 .

Met à la charge de A______ SA les frais judiciaires de recours, arrêtés à 500 fr. et compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à verser à B______ SARL 800 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ et Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.