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C/23137/2023

ACJC/559/2024 du 02.05.2024 sur JTPI/3760/2024 ( SML ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23137/2023 ACJC/559/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 2 MAI 2024

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 26 février 2024, représentée par Me Guy-Philippe RUBELI, avocat, MLL Froriep SA, rue du Rhône 65, case postale 3199, 1211 Genève 3,

et

1) Monsieur B______, domicilié ______, France, intimé,

2) C______, sise ______, Maroc, autre intimée,

tous deux représentés par Madame Martine SCHLAEPPI, Romandie Litiges et Recouvrement, avenue de la Gare 16, 1800 Vevey (VD).


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/3760/2023 du 15 mars 2024, reçu par A______ le 21 mars 2024, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par cette dernière au commandement de payer, poursuite n° 1______, pour le poste 1 uniquement et à concurrence de 3'845 fr. 20 avec intérêts à 5 % dès le 18 juin 2020 (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 200 fr., compensés avec l'avance de frais fournie et mis à la charge de A______, condamné celle-ci à payer à B______ et C______ 200 fr. à ce titre et 230 fr. TTC à titre de dépens (ch. 2 et 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte déposé à la Cour de justice le 2 avril 2024, A______ forme recours contre le jugement précité, dont elle requiert l'annulation. L'on comprend qu'elle conclut, avec suite de frais judiciaires et dépens, au rejet de la requête de mainlevée définitive formée à son encontre par B______ et C______.

Elle produit trois pièces nouvelles, à savoir:

- un "Mémoire de réponse de la Recourante au Tribunal de première instance"; (pièce 4),

- un "Extrait Kbis du 8 janvier 2024", dont il résulte que B______ domicilié no. ______ chemin 2______, [code postal] D______ [France], est le représentant en France de C______ LTD, société de droit étranger immatriculée au Maroc, sise rue 3______ E______, Maroc et d'une durée jusqu'au 3 mars 2113 (pièce 6),

- les "Statuts refondus de C______ Ltd" (pièce 7).

Elle allègue qu'elle a souhaité produire le mémoire précité lors de l'audience du Tribunal du 26 février 2024 et que le premier juge n'a pas autorisé cette production (allégués 6 et 7).

Se référant à ces pièces 4, 6 et 8, elle allègue que ses parties adverses "n'ont pas la capacité d'ester en justice" (allégué 9).

b. Par acte du 22 avril 2024, B______ et C______ ont déclaré s'en rapporter à justice.

c. Les parties ont été informées le 23 avril 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier de première instance:

a. Par arrêt N° 2020/4______ du 18 juin 2020, la Cour d'appel de F______ (France) a notamment condamné A______, épouse [A______], à payer à B______ et C______ 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile français. Le 10 mars 2022, la Cour d'appel de F______ a rectifié ledit arrêt, en ce sens qu'au lieu d'"A______ [prénom incorrect], épouse [A______]", il convenait de lire "A______, épouse [A______]".

La procédure opposait A______ notamment à B______, domicilié no. ______ chemin 2______ - [code postal] D______, et à SARL C______ - C______ sise no. ______ rue 3______, E______, Maroc.

Dans l'arrêt du 18 juin 2020, la Cour d'appel de F______ a examiné et réfuté les arguments de A______ selon lesquels, d'une part, B______ n'était pas le représentant légal de SARL C______ - C______ ou avait perdu cette qualité et, d'autre part, que cette dernière n'avait plus d'existence légale.

b. Il n'est pas contesté que les deux arrêts français des 18 juin 2020 et 10 mars 2022 peuvent être reconnus en Suisse; le jugement attaqué n'est pas critiqué sur ce point.

c. Sur réquisition de B______ et C______, l'Office des poursuites a notifié à A______ le 28 mars 2023 un commandement de payer, poursuite n° 1______ portant sur 4'058 fr., avec intérêts à 5 % dès le 18 juin 2020 (poste 1), 438 fr. 95 et 250 fr. (postes 2 et 3). Le premier montant, qui seul fait l'objet de la présente procédure de mainlevée définitive, correspondait à 4'000 euros convertis au taux de 1.0145.

La débitrice a formé opposition totale au commandement de payer.

d. Par acte du 24 octobre 2023, B______ ("no. ______, chemin 2______ à D______ (France)") et C______ (Rue 3______, E______ (Maroc)") ont demandé au Tribunal, sous suite de frais, de déclarer exécutoires en Suisse les arrêts rendus les 18 juin 2020 et 22 mars 2022 par la Cour d'appel de F______ et de prononcer la mainlevée définitive de l'opposition à concurrence de 4'058 fr., avec intérêts à 5 % dès le 18 juin 2020 (poste 1 du commandement de payer).

e. Le Tribunal a cité les parties à comparaître à une audience fixée au 26 février 2024.

f. A cette audience, B______ et C______ n'étaient ni présents ni représentés.

A______, assistée de son époux, a conclu à ce que le Tribunal déclare la requête "nulle et non avenue, la société n'ayant pas la capacité d'ester en justice et B______ ne donnant aucune explication sur sa qualité et son rôle".

A______ a produit un courrier de l'Office des poursuites, daté du 5 mai 2023, lui indiquant que l'office se limitait à un examen superficiel de la capacité d'ester en justice, la question de l'existence de la société C______ relevant de l'autorité de surveillance.

Le procès-verbal d'audience ne fait pas mention du souhait de A______ de déposer une détermination écrite ou d'autres pièces.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

g. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a d'abord examiné la question de l'exequatur des titres de mainlevée invoqués. Comme relevé, et à raison, la reconnaissance des deux arrêts français en question n'est pas litigieuse.

Au sujet de la capacité d'ester en justice de C______, A______ n'étayait pas ses explications. Le fait que l'Office des poursuites lui avait indiqué en mai 2023 que la question de l'existence de ladite société relevait de son autorité de surveillance n'était pas suffisant. Elle ne prétendait pas avoir déposé plainte à cette autorité. Il ressortait en outre de l'arrêt de la Cour d'appel de F______ du 18 juin 2020 que celle-ci avait examiné la problématique et était arrivée à la conclusion qu'en dépit des allégations de A______, la société existait toujours et que cela ressortait de l'extrait Kbis.

A______ faisait valoir qu'on ignorait le rôle de B______. Il s'agissait d'un argument ayant trait au fond du litige qui n'avait pas à être examiné par le juge de la mainlevée, qui statuait sur la vraisemblance.

Le Tribunal a appliqué un taux de change, non contesté, de 1 euro = 0 fr. 9616 et a ainsi considéré que le montant de 4'000 euros déduit en poursuite correspondait à 3'845 fr. 20.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

Le recours a été interjeté dans le délai (cf. également art. 142 al. 3 CPC) et la forme prévus par la loi. Il est donc recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (HOHL, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n° 2307).

Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 lit. a a contrario et 58 al. 1 CPC).

2. Conformément à l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables.

La question de la recevabilité de la pièce 4 de la recourante sera traitée sous consid. 3 ci-dessous. La pièce 7 nouvelle de la recourante est irrecevable. La question de la recevabilité de l'extrait Kbis, équivalent français du registre du commerce, de la société intimée (pièce 6), peut demeurer indécise, dans la mesure où cette pièce n'est pas déterminante pour la solution du litige (cf. ci-dessous, consid. 4.3).

3. La recourante reproche au premier juge d'avoir violé son droit d'être entendue. Le Tribunal aurait refusé de prendre en considération un mémoire de réponse qu'elle souhaitait lui remettre lors de l'audience du 26 février 2024.

Ce qui précède ne résulte ni du procès-verbal d'audience, ni du jugement attaqué, de sorte que l'allégation de la recourante ne peut être retenue. Le procès-verbal ne mentionne pas non plus que la recourante se serait opposée au refus par le Tribunal d'une détermination écrite.

En toute hypothèse, la procédure sommaire se caractérise par son caractère simple et rapide (ATF 138 III 483 consid. 3.5.2) ainsi que sa souplesse dans sa forme (arrêt du Tribunal fédéral 5A_403/2014 du 19 août 2014 consid. 4.1). Selon l'art. 253 CPC, lorsque la requête ne paraît pas manifestement irrecevable ou infondée, le tribunal donne à la partie adverse l'occasion de se déterminer oralement ou par écrit. Plus singulièrement en matière de mainlevée d'opposition, l'art. 84 al. 2 LP dispose que le juge du for de la poursuite donne au débiteur, dès réception de la requête, l'occasion de répondre verbalement ou par écrit, avant qu'il ne notifie sa décision. Ces dispositions concrétisent le droit d'être entendu du poursuivi, garanti par les art. 29 al. 2 Cst et 6 par. 1 CEDH ainsi que par l'art. 53 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 5D_40/2020 du 19 août 2020 consid. 3.2).

Le caractère écrit ou oral de la procédure est laissé à la libre appréciation du tribunal ce qui permet de tenir compte du cas d'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 5A_403/2014 précité, consid. 4.1). Le défendeur n'a pas le choix entre l'un ou l'autre des modes de détermination prévus par l'art. 293 CPC. Il ne peut en particulier pas librement décider de déposer, en lieu et place de sa comparution personnelle à l'audience, une détermination écrite (arrêt du Tribunal fédéral 5A_256/2020 du 8 novembre 2021, consid. 4.2 et 4.3).

Ainsi, la recourante n'était de toute façon pas légitimée à déposer une détermination écrite, dans la mesure où le premier juge avait choisi la procédure orale. Elle a pu se déterminer lors de l'audience. Son droit d'être entendue n'a donc pas été violé.

4. De manière peu compréhensible, la recourante soutient que "les intimés ne parviennent pas à étayer de façon satisfaisante leur capacité d'ester en justice, de sorte qu'il convient de rejeter toute prétention provenant de leur « personne »". Par ailleurs, les intimés n'auraient pas été "désignés de manière fidèle à la réalité".

4.1 Pour être recevable, le recours doit être motivé (art. 321 al. 1 in initio CPC). La motivation doit, à tout le moins, satisfaire aux exigences qui sont posées pour un mémoire d'appel (arrêt du Tribunal fédéral 5A_247/2013 du 15 octobre 2013 consid. 3.3). Il incombe dès lors au recourant de s'en prendre à la motivation de la décision attaquée pour tendre à en démontrer le caractère erroné (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3; 138 III 374 consid. 4.3.1). Pour satisfaire à cette exigence, le recourant doit discuter au moins de manière succincte les considérants du jugement qu'il attaque (arrêt diu Tribunal fédéral 4A_97/2014 du 26 juin 2014 consid. 3.3). Il ne lui suffit pas de renvoyer aux moyens soulevés en première instance, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée. Sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance de recours puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5D_43/2019 du 24 mai 2029 consid. 3.2.2.1).

4.2 Selon l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition. Le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (art. 81 al. 1 LP).

Si le jugement étranger invoqué comme titre de mainlevée définitive a été déclaré exécutoire, le juge de la mainlevée doit encore examiner d'office si le jugement remplit les autres conditions de l'art. 80 LP, en particulier s'il porte condamnation au paiement d'une somme d'argent déterminée ou à la fourniture de sûretés, si la prestation était exigible lors de l'introduction de la poursuite et si les trois identités - l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre qui lui est présenté (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1023/2018 précité consid. 6.2.4.2) - sont réunies. Dans ce cadre, il doit au besoin interpréter et concrétiser le dispositif de la décision étrangère afin que celle-ci produise les mêmes effets qu'un titre exécutoire rendu par une juridiction suisse; il ne peut en revanche en modifier le contenu. Par ailleurs, dans la mesure où cet examen porte sur des questions de droit matériel, il doit s'effectuer selon le droit étranger appliqué dans le jugement à exécuter. De telles questions peuvent concerner l'exigibilité de la créance, les qualités de créancier ou de débiteur, la survenance de conditions suspensives ou résolutoires, les intérêts ainsi que les moyens de défense du poursuivi (ATF 145 III 213 consid. 6.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5D_21/2020 du 26 mai 2020 consid. 4.1.3).

4.3 En l'espèce, la recourante ne critique pas la motivation du premier juge, telle qu'elle a été reprise ci-dessus, dans la partie "En fait" sous let. C.g. Ainsi, son grief relatif à la prétendue absence de "qualité pour ester en justice" des intimés n'est pas recevable.

Par ailleurs, l'argumentation de la recourante se fonde essentiellement sur sa pièce 7 nouvelle qui est irrecevable, de sorte que son grief est irrecevable pour ce motif également.

Enfin, et en toute hypothèse, la question de l'existence de la société intimée et celle du pouvoir de l'intimé de représenter celle-ci faisaient partie de l'objet du litige soumis aux tribunaux français. La Cour d'appel de F______ les a examinées et a rejeté les griefs de la recourante. Il n'appartient pas au juge de la mainlevée d'y revenir ou de modifier le dispositif des arrêts français, qui désigne nommément les deux intimés. Le siège de la société résulte desdits arrêts (et d'ailleurs également de la pièce 6 nouvelle de la recourante), comme l'adresse exacte de l'intimé, qui est domicilié à D______ et non pas à D______ [nom de de la ville incomplète], ce que la recourante ne peut ignorer. Cette erreur manifeste est corrigée d'office dans le présent arrêt.

La réalisation des autres conditions de l'art. 80 LP n'est à juste titre pas contestée.

En définitive, le recours se révèle intégralement infondé, de sorte qu'il sera rejeté, dans la mesure où il est recevable.

5. Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 300 fr. (art. 48 et 61 OELP) et laissés à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance fournie, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Les intimés, qui s'en sont rapportés à justice, ne sollicitent pas l'allocation de dépens de recours.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 2 avril 2023 par A______ contre le jugement JTPI/3760/2024 rendu le 26 février 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/23137/2023-13 SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 300 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance effectuée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.