Aller au contenu principal

Décisions | Sommaires

1 resultats
C/13713/2023

ACJC/505/2024 du 18.04.2024 sur JTPI/14816/2023 ( SML ) , JUGE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13713/2023 ACJC/505/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 18 AVRIL 2024

 

Entre

La CAISSE AVS A______, sise ______, recourante contre un jugement rendu par la 10ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 décembre 2023,

et

L'ASSOCIATION B______, sise ______, intimée.

 

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTPI/14816/2023 du 8 décembre 2023, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a débouté la CAISSE AVS A______ (ci-après : la Caisse) de toutes ses conclusions en mainlevée définitive à l'encontre de l'ASSOCIATION B______ (ci-après : B______) (ch. 1 du dispositif), laissé à sa charge les frais arrêtés à 150 fr. (ch. 2 et 3), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

b. Le 26 décembre 2023, la Caisse a formé recours contre ce jugement qu'elle avait reçu le 15 décembre 2023, concluant à ce que la Cour l'annule et prononce la mainlevée de l'opposition formée par B______ au commandement de payer n° 1______, avec suite de frais et dépens

Elle a produit des pièces nouvelles.

c. Le 26 janvier 2024, B______ a conclu à ce que la Cour confirme le jugement querellé, condamne sa partie adverse à réparer son préjudice subi, à rembourser le surplus payé avec intérêts moratoires et à retirer les poursuites.

d. Les parties ont été informées le 1er mars 2024 de ce que la cause était gardée à juger par la Cour.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier.

a. Le 1er mars 2023, la Caisse a fait notifier à B______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur 607 fr. 70 avec intérêts à 5% dès le 17 février 2023 au titre de "décompte final 2019 employeur n° 2019/2______ du 30 novembre 2020 sous déduction des éventuels paiements/compensations comptabilisés à la date 16 février 2023" (poste n° 1), 100 fr. au même titre, sans intérêts (poste n° 2), 50 fr. au titre de "C______, frais de sommation, amendes et de taxation d’office" (poste n° 3) et 122 fr. 20 au titre d'intérêts de retard arrêtés au 16 février 2023 (poste n° 4).

Opposition a été formée à ce commandement de payer.

b. Le 1er juillet 2023, la Caisse a requis du Tribunal le prononcé de la mainlevée définitive de cette opposition.

Elle a notamment produit les pièces suivantes :

- Un décompte final de cotisations pour 2019, daté du 30 novembre 2020, arrêtant le total des cotisations dues par l’association à 1'923 fr. 05, payables au 30 décembre 2020.

- Une sommation du 12 janvier 2021 relative au décompte précité, mentionnant qu'à défaut de règlement du montant précité avant le 25 janvier 2021 celui-ci serait recouvré par voie de poursuite.

- Une décision datée du 16 février 2021, concernant les cotisations pour 2019 et arrêtant le montant dû à cette date à 1'973 fr. 05 correspondant au décompte de cotisation du 30 novembre 2020 en 1'923 fr. 05 auxquels étaient ajoutés 30 fr. de taxe sommation AVS et 20 fr. de "C______ taxe sommation AF". Cette décision indique qu'à défaut d'opposition dans le délai de 30 jours elle passera en force de "chose décidée" et sera assimilée à un jugement exécutoire au sens de l'art. 80 LP.

Il est mentionné sur ladite décision que celle-ci n'a pas fait l'objet d'une opposition dans le délai imparti.

- Un décompte du 26 octobre 2021 faisant état d'un solde dû de 757 fr. 70, soit 1'973 fr. 05 sous déduction de 1'215 fr. 35.

c. Lors de l'audience du Tribunal du 3 novembre 2023, l'association précitée a déposé des pièces et a conclu au rejet de la requête au motif qu'elle avait versé "ces trois dernières années" un excédent de "595 fr. 35" qui n'avait pas été pris en compte par la Caisse, laquelle avait au contraire facturé 755 fr. 35 supplémentaires. Elle n'avait pas fait opposition à la décision du 16 février 2021, mais s'était "expliquée" après la notification du commandement de payer. Elle estimait que la somme réclamée avait été payée.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). Selon l'art. 251 let. a CPC, la procédure sommaire est applicable aux décisions rendues en matière de mainlevée d'opposition.

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).

Le recours a été formé dans le délai et la forme prévus par la loi, de sorte qu'il est recevable.

Les conclusions nouvelles prises par l'intimée sont par contre irrecevables, en application de l'art. 326 al. 1 CPC lequel prévoit que les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours. A cela s'ajoute que, s'agissant d'une procédure de mainlevée de l'opposition, les seules conclusions admissibles sont celles tendant au prononcé ou au refus de la mainlevée.

1.2 Le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl/De Poret Bortolaso/Aguet, Procédure civile, Tome II, 2ème édition, Berne, 2010, n. 2307).

Par ailleurs, la maxime des débats s'applique et la preuve des faits allégués doit être apportée par titre (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et 254 CPC). En outre, la maxime de disposition s'applique (art. 58 al. 1 CPC).

1.3 S'agissant d'une procédure de mainlevée définitive, la Cour doit vérifier d'office si la requête est fondée sur un titre de mainlevée valable (arrêt du Tribunal fédéral 5P.174/2005 du 7 octobre 2005 consid. 2.1). Dans cette mesure, la Cour applique librement le droit.

2. Conformément à l'art. 326 al. 1 CPC, les pièces nouvelles produites par la recourante sont irrecevables, à l'instar des allégués qui s'y rapportent.

3. Le Tribunal a retenu que la décision du 16 février 2021 produite par la recourante ne valait pas titre de mainlevé en raison de son absence de clarté. Il relève notamment ce qui suit "il résulte en effet de la juxtaposition des seuls titres présentés par la créancière requérante pour l’année 2019 que sa décision de cotisations du 30 novembre 2020 pour l’année 2019 (1'923 fr. 05), décision sur laquelle était basée les titres subséquents dont la sommation, fait abstraction d’une précédente décision (non finale) concernant les décisions de cotisation 2019, et qu’elle a même été suivie d’une autre décision probablement rectificative, qu’elle ne cite pas, mais dont on peut déduire qu’elle aboutissait à un total de cotisation de 1'215 fr. 35 dont s’est acquittée la défenderesse à une date indéterminée (les bulletins de versement étant pré-remplis par l’autorité, le montant n’a pas pu être librement inscrit par la défenderesse) mais qui a fait l’objet d’une « compensation » en date du 26 octobre 2021 seulement, comme l’indique le décompte du même jour. Qu’à teneur d’une autre pièce produite par la défenderesse mais émanant de la requérante et datée du 26 octobre 2021 (pce 9 déf.), il n’est plus fait état que d’un montant de 1'215 fr. 35 dû pour l’année 2019, montant qui aurait été éteint par la compensation survenue le même jour. Que la manière de procéder de la requérante, qui s’abstient d’expliciter l’historique des différentes décisions successives rendues par la caisse quant à l’année 2019, rend complètement incompréhensible son décompte, en même temps qu’il empêche de vérifier le caractère exécutoire du ou des titres présentés à l’appui de sa requête (…)".

La recourante fait valoir que sa décision du 16 février 2021 vaut titre de mainlevée définitive pour les cotisations de 2019. Le Tribunal avait excédé son pouvoir d'appréciation en remettant en cause la validité de cette décision à laquelle l'intimée n'avait pas formé opposition. Celle-ci ne s'était pas acquittée du montant poursuivi. Les récépissés de paiement produits concernaient d'autres factures.

3.1.1 Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition.

Lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par une autorité administrative suisse, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (art. 81 al. 1 LP).

Le juge de la mainlevée se fonde sur le dispositif du titre exécutoire, dont il n'a pas à revoir le bien-fondé (Abbet/ Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2022, n. 12, ad art. 80 LP).

Le contentieux de la mainlevée de l'opposition n'a pas pour but de constater la réalité de la créance en poursuite mais l'existence d'un titre exécutoire, le juge de la mainlevée se prononçant uniquement sur la force probante du titre produit Abbet/ Veuillet, op. cit., n. 1, ad art. 84 LP).

3.1.2 Les personnes tenues de payer des cotisations qui ne les versent pas ou ne remettent pas le décompte relatif aux cotisations paritaires dans les délais prescrits recevront immédiatement une sommation écrite de la Caisse de compensation. La sommation est assortie d'une taxe de 20 à 200 fr. (art. 34a RAVS).

Les décisions et les décisions sur opposition sont exécutoires lorsqu'elles ne peuvent plus être attaquées par une opposition ou un recours (art. 54 al. 1 let. a-c LPGA).

Les décisions et les décisions sur opposition exécutoires qui portent condamnation à payer une somme d'argent ou à fournir des sûretés sont assimilées aux jugements exécutoires au sens de l'art. 80 LP (art. 54 al. 2 LPGA).

Pour couvrir leurs frais d'administration, les caisses de compensation perçoivent de leurs affiliés des contributions aux frais d'administration, lesquels ne doivent pas dépasser 5% de la somme des cotisations qui doivent être versées (art. 69 al. 1 LAVS, 157 RAVS et 1 Ordonnance du 19 octobre 2011 du DFI sur le taux maximum des contributions aux frais d'administration dans l'AVS).

Doivent payer des intérêts moratoires les personnes tenues de payer des cotisations sur les cotisations qu'elles ne versent pas dans les trente jours à compter du terme de la période de paiement, dès le terme de la période de paiement (art. 41bis al. 1 let. a RAVS). Le taux des intérêts moratoires et rémunératoires s'élève à 5% par année (art. 42 al. 2 RAVS). Les intérêts sont calculés par jour. Les mois entiers sont comptés comme 30 jours (art. 42 al. 3 RAVS).

3.2 En l'espèce, la recourante a notifié à l'intimée une décision datée du 16 février 2021 concernant les cotisations dues pour 2019. Cette décision avait été précédée d'une sommation visant les mêmes cotisations. Il n'est pas contesté qu'elle n'a pas fait l'objet d'une opposition. Ladite décision constitue dès lors un titre de mainlevée définitive au sens des art. 80 LP et 54 LPGA.

Les cotisations, les frais d'administration et la taxe de sommation sont fondées sur les dispositions légales rappelées ci-dessus.

Comme le relève à juste titre la recourante, le Tribunal a excédé son pouvoir de cognition en examinant le bien-fondé de la décision du 16 février 2021, laquelle n'avait pas été contestée en temps utile par l'intimée.

Par ailleurs, le commandement de payer mentionne clairement que les cotisations poursuivies le sont au titre de décompte final 2019. Le montant réclamé en capital correspond de plus à celui figurant sur la décision du 16 février 2021, sous déduction du montant de 1'215 fr. 35 mentionné sur le décompte du 26 octobre 2021.

L'intimée pour sa part n'a pas établi avoir payé le solde de 757 fr. 70 encore dû en lien avec les cotisations 2019. Ce montant ne figure sur aucun des récépissés qu'elle a produits. Elle n'a au demeurant pas spécifiquement allégué avoir payé ce montant après notification de la décision du 16 février 2021, puisqu'elle s'est limitée à soutenir devant le Tribunal, de manière peu claire et non étayée, qu'elle avait versé "un excédent de 595 fr. 35 (…) ces trois dernières années".

Dès lors, le recours sera admis. La cause étant en état d'être jugée, il sera statué à nouveau (art. 327 al. 3 let. b CPC), dans ce sens que la mainlevée définitive sera prononcée.

4. L'intimée, qui succombe, sera condamnée aux frais des deux instances (art. 106 al. 1 et 3 CPC).

En vertu de l'art. 61 al. 1 OELP, la juridiction supérieure à laquelle sont déférées les décisions rendues dans une procédure sommaire en matière de poursuite peut prélever un émolument n'excédant pas une fois et demie l'émolument que peut prélever l'autorité de première instance.

Le premier juge a fixé l'émolument de première instance - non contesté - à 150 fr. Partant, l'émolument de la présente décision sera fixé à 225 fr. et compensé avec l'avance de frais du même montant fournie par la recourante, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'intimée sera en conséquence condamnée à verser 375 fr. à titre de remboursement des avances de frais à la recourante.

Il ne sera pas alloué de dépens à cette dernière qui comparaît en personne, les démarches effectuées ne le justifiant pas (art. 95 al. 3 let. c CPC a contrario).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par la CAISSE AVS A______ contre le jugement JTPI/14816/2023 rendu le 8 décembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/13713/2023-10 SML.

Au fond :

Annule ce jugement et, statuant à nouveau :

Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée par l'ASSOCIATION B______ au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais de première instance et de recours :

Arrête les frais judiciaires des deux instances à 375 fr., les met à la charge de l'ASSOCIATION B______ et les compense avec les avances fournies, acquises à l'Etat de Genève.

Condamne en conséquence l'ASSOCIATION B______ à verser 375 fr. à la CAISSE AVS A______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.