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ACJC/308/2024 du 05.03.2024 sur JTPI/11143/2023 ( SML ) , JUGE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/10558/2023 ACJC/308/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 5 MARS 2024 |
Entre
CAISSE DE CHOMAGE A______, sise ______ [BE], recoutante contre un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 septembre 2023,
et
Monsieur B______, domicilié ______ (GE), intimé.
A. Par jugement JTPI/11143/2023 du 29 septembre 2023, reçu par CAISSE DE CHOMAGE A______ le 12 décembre 2023, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a débouté la précitée de ses conclusions en mainlevée définitive dirigées contre B______ (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 200 fr., mis à la charge de CAISSE DE CHOMAGE A______ et compensés avec l'avance effectuée par celle-ci (ch. 2 et 3).
Le Tribunal a considéré que les pièces produites par la créancière poursuivante ne valaient pas titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 80 LP.
B. Par acte expédié le 21 décembre 2023 à la Cour de justice, CAISSE DE CHOMAGE A______ a formé recours contre ce jugement, concluant à son annulation et, cela fait, au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée par B______ au commandement de payer, poursuite n° 1______, avec suite de frais et dépens.
Elle a produit deux pièces nouvelles.
Les parties ont été informées le 2 février 2024 que la cause était gardée à juger, B______ n'ayant pas répondu au recours dans le délai fixé à cet effet.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :
a. Par décision du 22 décembre 2022, CAISSE DE CHOMAGE A______, se référant aux art. 25 LPGA et 95 LACI, a demandé à B______ la restitution de 1'004 fr. 55, représentant des indemnités journalières de chômage perçues à tort pour la période du 1er novembre au 13 décembre 2022.
Cette décision - mentionnant les voies de droit (opposition, demande de remise selon l'art. 25 al. 1 2ème phr. LPGA) - a été déclarée exécutoire par A______ CAISSE DE CHOMAGE, selon attestation du 12 mai 2023.
b. La précitée a fait notifier le 5 mai 2023 à B______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur la somme de 1'004 fr. 55, au titre de la restitution des prestations versées en trop selon décision du 22 décembre 2022.
Ce commandement de payer a été frappé d'opposition.
c. Par requête expédiée le 15 mai 2023 au Tribunal, CAISSE DE CHOMAGE A______ a sollicité le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition faite par B______ à la poursuite n° 1______.
d. Dûment citées à comparaître, les parties n'étaient ni présentes ni représentées à l'audience du Tribunal du 29 septembre 2023, à l'issue de laquelle la cause a été gardée à juger.
1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). Selon l'art. 251 let. a CPC, la procédure sommaire est applicable aux décisions rendues en matière de mainlevée d'opposition.
Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 251 let. a CPC).
Le recours a été formé dans le délai et la forme prévus par la loi, de sorte qu'il est recevable.
1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).
Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 lit. a a contrario et 58 al. 1 CPC).
S'agissant d'une procédure de mainlevée définitive, la Cour doit vérifier d'office si la requête est fondée sur un titre de mainlevée valable (arrêt du Tribunal fédéral 5P.174/2005 du 7 octobre 2005 consid. 2.1).
1.3 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables devant l'instance de recours (art. 326 al. 1 CPC).
Les pièces nouvelles produites par la recourante sont dès lors irrecevables.
2. La recourante reproche au Tribunal d'avoir rejeté sa requête, au motif que les pièces produites ne valaient pas titre de mainlevée définitive.
2.1.1 Aux termes de l'art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérir du juge la mainlevée définitive de l'opposition.
Lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par un tribunal ou une autorité administrative suisse, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription (art. 81 al. 1 LP).
Selon la jurisprudence, il faut entendre par décision administrative, au sens de l'art. 80 al. 2 ch. 2 LP, tout acte administratif imposant de manière contraignante la prestation d'une somme d'argent à l'Etat ou à une autre corporation publique (ATF 143 III 162 consid. 2.2.1 et les références citées). La décision peut aussi émaner de sociétés ou d'organisations indépendantes de l'administration délégataires de tâches de droit public (cf. art. 178 al. 3 Cst.), dans la mesure où cette délégation inclut le transfert d'une compétence décisionnelle (ABBET/VEUILLET, La mainlevée de l'opposition, 2ème éd. 2022, n. 127 ad art. 80 LP et les références citées).
Une décision qui n'est pas désignée comme telle peut fonder la mainlevée définitive si son caractère décisionnel est reconnaissable, en particulier si le titre fait mention des voies de droit (opposition, réclamation ou recours) à disposition. (ABBET/VEUILLET, op. cit., n. 127a ad art. 80 LP et les références citées).
Est exécutoire au sens de l'art. 80 al. 1 LP le prononcé qui a non seulement force exécutoire, mais également force de chose jugée (formelle Rechtskraft) - qui se détermine exclusivement au regard du droit fédéral -, c'est-à-dire qui est devenu définitif, parce qu'il ne peut plus être attaqué par une voie de recours ordinaire qui, de par la loi, a un effet suspensif (ATF 131 III 404 consid. 3; 131 III 87 consid. 3.2).
La preuve du caractère exécutoire incombe au poursuivant. Elle peut résulter d'une attestation de l'autorité qui a statué. Cette attestation n'est toutefois pas indispensable lorsque le caractère exécutoire résulte des circonstances, en particulier du temps écoulé depuis la notification et du fait que le poursuivi ne prétend pas avoir contesté la décision (ABBET/VEUILLET, op. cit., n. 149 ad art. 80 LP).
2.1.2 En Suisse, l'assurance-chômage ne relève pas d'un organe d'exécution unique cantonal ou fédéral, chargé à la fois d'indemniser les assurés et de les conseiller. En effet, à teneur de l'art. 76 al. 1 LACI, sont notamment chargés de l'application du régime de l'assurance les caisses de chômage publiques et les caisses de chômage privées agréées au sens des art. 77 à 82 LACI (let. a), ainsi que les organes d'exécution désignés par les cantons, soit l'autorité cantonale, les offices régionaux de placement et le service de logistique des mesures relatives au marché du travail (let. c) (ATAS/1006/2023 du 18 décembre 2023 consid. 3.2 et la référence citée).
Selon l'art. 81 al. 1 let. a LACI, les caisses déterminent notamment le droit aux prestations en tant que cette tâche n'est pas expressément réservée à un autre organe.
Lorsque l'autorité cantonale constate que les conditions du droit à des indemnités de chômage déjà allouées n'étaient pas réalisées, les prestations en cause apparaissent comme indûment perçues. La caisse est alors tenue d'en exiger la restitution conformément aux art. 95 al. 1 LACI et 25 LPGA, pour autant que les conditions d'une reconsidération ou d'une révision procédurale soient réalisées (ATAS/1006/2023 précité consid. 3.2 et les références citées).
Selon l'art. 25 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le droit de demander la restitution s'éteint trois ans après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation (al. 2).
Les décisions en matière d'assurances sociales sont exécutoires lorsqu'elles ne peuvent plus être attaquées par une opposition ou un recours. Si elles portent condamnation à payer une somme d'argent, elles sont assimilées aux jugements exécutoires au sens de l'art. 80 LP (art. 54 LPGA).
2.2 En l'espèce, par décision du 22 décembre 2022, la recourante, qui est une caisse de chômage privée, a astreint l'intimé au paiement d'une somme déterminée, à titre de restitution d'indemnités journalières de chômage perçues à tort. Cette décision, fondée sur les art. 25 LPGA et 95 LACI, mentionne les voies de droit et porte une attestation confirmant qu'elle n'a fait l'objet d'aucune opposition.
Contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, cette décision constitue un titre de mainlevée définitive au sens des art. 80 LP et 54 LPGA.
Le recours sera dès lors admis.
La cause étant en état d'être jugée, il sera statué à nouveau (art. 327 al. 3 let. b CPC) en ce sens que la mainlevée définitive sera prononcée.
3. L'intimé, qui succombe, sera condamné aux frais judiciaires de première instance et de recours (art. 106 al. 1 CPC).
En vertu de l'art. 61 al. 1 OELP, la juridiction supérieure à laquelle sont déférées les décisions rendues dans une procédure sommaire en matière de poursuite (art. 251 CPC) peut prélever un émolument n'excédant pas une fois et demie l'émolument que peut prélever l'autorité de première instance.
Le Tribunal a fixé l'émolument de première instance à 200 fr., ce qui n'est pas remis en cause par les parties. Partant, l'émolument de la présente décision sera fixé à 300 fr., mis à la charge de l'intimé et compensé avec l'avance de frais du même montant fournie par la recourante, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).
L'intimé sera en conséquence condamné à verser la somme de 500 fr. à la recourante au titre des frais judiciaires des deux instances.
Il ne sera pas alloué de dépens à la recourante qui comparaît en personne, les démarches effectuées ne le justifiant pas (art. 95 al. 3 let. c CPC a contrario).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 21 décembre 2023 par CAISSE DE CHOMAGE A______ contre le jugement JTPI/11143/2023 rendu le 29 septembre 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/10558/2023-3 SML.
Au fond :
Annule ce jugement et, statuant à nouveau :
Prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais de première instance et de recours :
Arrête les frais judicaires des deux instances à 500 fr., les met à la charge de B______ et les compense avec les avances fournies, acquises à l'Etat de Genève.
Condamne en conséquence B______ à verser 500 fr. à CAISSE DE CHOMAGE A______.
Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.
Le président : Laurent RIEBEN |
| La greffière : Marie-Pierre GROSJEAN |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.