Décisions | Sommaires
ACJC/1187/2023 du 14.09.2023 sur JTPI/7792/2023 ( SFC ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/12572/2022 ACJC/1187/2023 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU JEUDI 14 SEPTEMBRE 2023 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______, Monaco, appelant d'un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 juin 2023, comparant par Me Nicolas BEGUIN, avocat, Aegis Partners Sàrl, rue du
Général-Dufour 20, case postale , 1211 Genève 4, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,
Et
1) B______ SA, sise ______ [GE], intimée, comparant par Me Urs SAAL, avocat,
Budin & Associés, rue De-Candolle 17, case postale 166, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,
2) D______ SA, sise ______ [GE], autre intimée, comparant par Me Olivier NICOD, avocat, Walder Wyss SA, avenue du Théâtre 1, case postale 6069, 1002 Lausanne. ![endif]>![if>
A. Par jugement JTPI/7792/2023 du 29 juin 2023, reçu par les parties le 4 juillet 2023, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a rejeté la requête en suppression des carences fondée sur l'article 731b CO formée par A______ à l'encontre de B______ SA (ch. 1 du dispositif), mis à charge de ce dernier les frais judiciaires arrêtés à 1'200 fr., a condamné A______ à verser 200 fr. à D______ SA au titre des frais judiciaires (ch. 2), 2'000 fr. à B______ SA à titre de dépens (ch. 3), 1'000 fr. à D______ SA au même titre (ch. 4) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).
B. a. Le 14 juillet 2023, A______ a formé appel de ce jugement, concluant préalablement à ce que la Cour de justice désigne E______ (ou tout autre personne, à l'exclusion toutefois de F______, G______ et/ou H______), à titre de commissaire afin de représenter B______ SA dans la présente procédure et astreigne celle-ci à verser une provision de 7'500 fr. au commissaire, sous peine de dissolution.
Principalement, il a conclu à ce que la Cour annule le jugement querellé, nomme E______ (ou tout autre personne. à l'exclusion toutefois de F______, G______ et/ou H______), au poste d'administrateur de B______ SA et astreigne celle-ci à verser une provision destinée à couvrir les frais dudit administrateur. Subsidiairement, il a conclu à ce que la Cour prenne toutes les mesures qui s'imposent au vu de la carence constatée au sein de B______ SA, le tout avec suite de frais et dépens.
Il a produit des pièces nouvelles.
b. B______ SA a conclu préalablement à ce que la Cour déclare irrecevables les allégués 66 à 68 de l'appel et, principalement, confirme le jugement querellé, avec suite de frais et dépens.
Elle a produit des pièces nouvelles.
c. D______ SA a pris les mêmes conclusions que B______ SA et a produit des pièces nouvelles.
d. Les parties ont été informées le 28 août 2023 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :
a.a B______ SA, inscrite au Registre du commerce le ______ 2006, a notamment pour but social la prise de participations dans des sociétés. en particulier celles actives dans le domaine des produits pharmaceutiques.
Son capital action, de 100'000 fr., composé de 100 actions d'une valeur nominale de 1'000 fr., était détenu à parts égales en février 2019 par A______ et F______.
Le registre des actionnaires établi au 31 décembre 2020 fait apparaître que le capital action était détenu à parts égales entre A______ et D______ SA, société de participations qui a pour unique administrateur F______, qui la détient à 100 %.
a.b F______ siège au conseil d'administration de B______ SA depuis août 2008.
A______ a pour sa part siégé dans ce conseil de novembre 2006 à juillet 2019. Il en a été président d'avril 2016 à juin 2019.
Actuellement, le Registre du commerce indique que F______ est administrateur président avec signature collective à deux de B______ SA. H______ est administratrice secrétaire avec signature individuelle et G______, fils de F______, administrateur avec signature individuelle.
J______ SA est l'organe de révision inscrit au Registre du commerce depuis le 15 octobre 2020.
b. Selon l'art. 13 des statuts de la société, l'assemblée générale se réunit chaque année dans les six mois qui suivent la clôture de l'exercice social.
Selon l'art. 20 desdits statuts, si la loi ou les statuts n'en disposent pas autrement, l'assemblée générale prend ses décisions et procède aux élections à la majorité absolue des voix attribuées aux actions représentées. Si, lors d'élections, le premier tour de scrutin ne permet pas de réunir la majorité absolue, il sera procédé à un second tour de scrutin au cours duquel la majorité des voix émises (les abstentions n'étant pas considérées comme des voies valablement émises) sera déterminante. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
L'art. 22 des statuts prévoit que la société est administrée par un conseil d'administration composé d'un ou plusieurs membres, nommés par l'assemblée générale pour la période s'écoulant jusqu'à la prochaine assemblée générale ordinaire.
A teneur de l'art. 33 des statuts, l'année sociale commence le 1er janvier et se finit le 31 décembre de chaque année.
c. F______ et A______ sont en litige depuis plusieurs années.
d. Le 7 juin 2019, F______ a proposé, lors d'une séance du conseil d'administration, qu'il soit désigné président. Il a voté en faveur de cette proposition, de même que G______ et H______, autres membres du conseil d'administration. A______ l'a refusée.
e. Lors de l'assemblée générale de B______ SA du 8 juillet 2019, les comptes de la société ont été approuvés grâce à la voix prépondérante du président. A______ a proposé la dissolution de la société et son entrée en liquidation, motion qui s'est heurtée au refus de F______.
Ce dernier a proposé d'élire un nouveau conseil d'administration composé de lui-même, G______ et H______, excluant ainsi A______ du conseil. Cette proposition a été a adoptée grâce à la voix prépondérante du président.
A______ allègue que, depuis cette date, F______ a, de manière abusive, pris le contrôle de B______ SA qu'il dirige au profit de ses propres intérêts, et au détriment de ceux de son coactionnaire et de la société.
f. Dès septembre 2019, A______ a intenté plusieurs procédures civiles (C/1______/2019 annulation et constat de nullité des décisions de l'assemblée générale du 13 février 2020 et C/2______/2021 annulation et constat de nullité des décisions de l'assemblée générale du 5 janvier 2022) à l'encontre de B______ SA.
Ces procédures ont été jointes sous le numéro de cause C/1______/2019 et sont actuellement pendantes.
g. Après juillet 2019, l'assemblée générale s'est tenue à plusieurs reprises, les 8 janvier 2020 (assemblée extraordinaire), 25 août 2020 (assemblée extraordinaire), 23 novembre 2020 (assemblée extraordinaire), 17 décembre 2020 (assemblée extraordinaire) et 5 novembre 2021 (assemblée ordinaire).
h. Selon le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 5 novembre 2021, le conseil d'administration a été réélu pour un mandat d'un an jusqu'à la prochaine assemblée générale ordinaire.
i. Le 1er juillet 2022, A______ a déposé à l'encontre de B______ SA une "requête en suppression des carences" prenant les mêmes conclusions que celles figurant dans son appel.
j. Par un courrier du 9 août 2022, J______ SA a indiqué à B______ SA qu'elle avait commencé son audit dès que les comptes de la société lui avaient été communiqués. Selon B______ SA, le retard pris dans l'établissement des comptes annuels 2020 était dû aux procédures intentées par A______ contre la société. Le rapport de révision pour l'année 2020 serait disponible à fin août 2022.
k. Une fois en possession des comptes et rapport établis par J______ SA, le conseil d'administration de B______ SA a convoqué les actionnaires à une assemblée générale ordinaire pour le 20 septembre 2022, avec, à l'ordre du jour, l'approbation des comptes et la réélection du conseil d'administration.
l. Lors de l'assemblée générale du 20 septembre 2022, H______, F______ et G______, après avoir obtenu décharge, ont été réélus pour un mandat d'un an, jusqu'à la prochaine assemblée générale ordinaire. J______ SA a été réélue à sa charge de réviseur.
m. A______ a contesté judiciairement les décisions prises lors de cette assemblée, notamment le fait que le conseil d'administration ait été élu grâce à la voix prépondérante de F______.
n. D______ SA a demandé le 25 octobre 2022 à intervenir à titre accessoire à la présente procédure.
Par jugement du 20 janvier 2023, le Tribunal a admis cette requête.
o. Le 28 avril 2023, D______ SA s’est déterminée sur la "requête en suppression des carences".
p. Il ressort du jugement querellé que "la cause a été gardée à juger par le Tribunal après cette dernière détermination".
q. Une assemblée générale ordinaire de B______ SA s'est tenue le 6 juillet 2023.
Les comptes 2021 n'ont pas pu être approuvés car A______ les avait reçus trop tard pour les examiner. Aucune décision n'a pu être prise sur la nomination d'un organe de révision, le nouveau réviseur pressenti n'ayant pas confirmé qu’il acceptait cette fonction.
Concernant l'élection du conseil d'administration, le représentant de A______ a indiqué que la situation actuelle et la prise de contrôle par F______ était problématique, proposant d'élire E______ en remplacement de l'ensemble du conseil d'administration actuel. Le représentant de D______ SA a indiqué qu'il allait interpeller sa cliente sur ce point. Aucun accord n'a été trouvé à cet égard.
r. Le 3 août 2023, B______ SA a convié ses actionnaires à une assemblée générale ordinaire prévue le 25 août 2023. Les objets suivants figurent à l'ordre du jour : approbation des comptes 2021, réélection de F______, H______ et G______ au conseil d'administration et de K______ SA en qualité d'organe de révision, en remplacement de J______ SA.
1. 1.1 Selon l'art. 308 al. 1 let. b CPC, l'appel est recevable contre les décisions finales et incidentes de première instance, dans les causes dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).
La valeur litigieuse de la présente cause, qui correspond à la valeur du capital social (arrêt du Tribunal fédéral 4A_387/2020 du 17 septembre 2020 consid. 1.2), est de 100'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.
1.2 Interjeté dans la forme (art. 311 al. 1 CPC) et selon le délai (art. 314 al. 1 CPC) prescrits par la loi, l'appel est recevable.
2. Les parties ont formé de nouveaux allégués et produit des pièces nouvelles.
2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).
Les faits qui sont immédiatement connus du tribunal notamment parce qu'ils ressortent d'une autre procédure entre les mêmes parties, peuvent être pris en considération même en l'absence d'allégation ou d'offre de preuve correspondante. Il s'agit en effet de faits notoires qui n'ont pas à être prouvés et ne peuvent pas être considérés comme nouveaux, de sorte qu'ils échappent à l'interdiction de l'art. 99 al. 1 LTF (arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2021 du 8 novembre 2021 consid. 2.3; ATF 143 II 224 consid. 5.1).
2.2 En l'espèce, la pièce 38 produite par l'appelant, à savoir une écriture datée du 29 septembre 2022 dans la procédure C/2______/2021 opposant les mêmes parties, est antérieure au 3 mai 2023, date à laquelle le Tribunal semble avoir gardé la cause à juger. Cette pièce est cependant recevable dans la mesure où elle concerne un fait notoire au sens exposé ci-dessus.
La question de la recevabilité de la pièces 36 produite par l'appelant à l'appui de ses allégués selon lesquels les locaux de l’intimée seraient "désertés" peut rester ouverte car cette pièce n'est pas pertinente pour l'issue du litige, à l’instar des allégués qui s’y rapportent.
Les autres pièces nouvelles produites par les parties sont postérieures à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger, de sorte qu'ils sont recevables, de même que les allégués qui s'y rapportent.
3. Le Tribunal a considéré que l’organisation de l’intimée n'était pas affectée d’une carence car l'assemblée générale du 20 septembre 2022 avait réélu un conseil d'administration et un organe de révision. Il importait peu de savoir si les mandats des administrateurs avaient pris fin le 30 juin 2022 et si le retard pris dans la tenue des assemblées générales légitimait une prolongation desdits mandats. Même si le Tribunal avait constaté une carence, il aurait pu donner un délai à la société pour y remédier ou nommer lui-même l'organe faisant défaut, "démontrant ainsi que la seule question en jeu dans la requête en suppression des carences est purement formelle et vise la sécurité et la publicité des informations figurant sur le registre du commerce (cf. art. 936 ss CO)."
L'appelant fait valoir qu'à teneur de la loi et des statuts, dès lors qu'une assemblée générale ordinaire doit se tenir chaque année dans les six mois qui suivent la clôture de l'exercice, le mandat des administrateurs de l’intimée a pris fin au plus tard le 30 juin 2022, la dernière assemblée générale ayant eu lieu le 5 novembre 2021 pour l'exercice 2021. L'assemblée générale du 20 septembre 2022 avait été convoquée par un organe incompétent, du fait de la fin du mandat du conseil d'administration, de sorte que les décisions prises lors de celle-ci étaient nulles. Le mandat d'administrateur de F______ ayant expiré, il ne pouvait user de la voix prépondérante accordée au président du conseil d'administration pour en faire élire les membres lors de l'assemblée précitée. Aucune décision n'ayant pu être prise sur ce point, l’intimée était toujours en situation de carence dans son organisation. En tout état de cause, à supposer qu'il n'existait pas de carence dès le 20 septembre 2022, tel serait le cas au 14 juillet 2023 puisque les mandats des administrateurs nommés le 20 septembre 2022 avaient pris fin au 30 juin 2023.
3.1.1 Selon l’art. 731b al. 1 CO, un actionnaire peut requérir du tribunal qu’il prenne les mesures nécessaires notamment lorsque l’organisation de la société présente une carence, en ce sens que l’un des organes prescrits fait défaut ou n’est pas composé correctement. Le tribunal peut notamment fixer un délai à la société pour rétablir la situation légale, sous peine de dissolution, nommer l’organe qui fait défaut ou un commissaire ou prononcer la dissolution de la société et ordonner sa liquidation selon les dispositions applicables à la faillite (al. 1bis).
Selon la jurisprudence, le tribunal dispose d'une large marge d'appréciation dans le choix des mesures appropriées et proportionnées au vu des circonstances concrètes, le catalogue figurant à l'art. 731b al. 1bis CO n'étant qu'exemplatif (ATF
142 III 629 consid. 2.3.1; 138 III 407 consid. 2.4, 294 consid. 3.1.4 et les arrêts cités).
Cette disposition s'applique en cas de contravention à des règles impératives sur l'organisation de la société. Il y a carence non seulement lorsqu'un organe obligatoire fait défaut, mais aussi lorsque sa composition n'est pas conforme aux exigences légales. Sont notamment visés l'absence de conseil d'administration (art. 707 CO) ou d'organe de révision (art. 727 CO), le manque de qualification ou d'indépendance requise (art. 727b ss CO), le non-respect des règles concernant le domicile (art. 718 al. 4 et art. 730 al. 4 CO), l'incapacité civile d'un organe, ou un blocage persistant au sein de l'actionnariat ou du conseil d'administration, qui empêche l'élection d'un organe ou la conduite des affaires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_630/2011 du 7 mars 2012 consid. 2.3).
Remédier à une carence dans l’organisation est dans l’intérêt du bon fonctionnement des relations juridiques et peut impacter celui de parties prenantes qui ne participent pas à la procédure de l’art. 731b CO, comme les travailleurs, créanciers et actionnaires (ATF 138 III 294, JdT 2013 II 365 consid. 3.1.3).
3.1.2 Dans la mesure où la requête a été déposée le 1er juillet 2022, la présente cause est régie par le droit de la SA en vigueur jusqu’au 31 décembre 2022 (art. 1 des dispositions transitoires de la modification du 19 juin 2020, RO 2020 4061; art. 1 du Titre final du Code civil).
Selon l’art. 699 al. 2 CO, l’assemblée générale ordinaire a lieu chaque année dans les six mois qui suivent la clôture de l’exercice; des assemblées générales extraordinaires sont convoquées aussi souvent qu’il est nécessaire.
Cette norme est de nature relativement impérative et a pour but de protéger les actionnaires. Il en résulte que le délai concerné peut être raccourci statutairement, mais pas prolongé. Il s’agit toutefois d’un simple délai d’ordre, en ce sens que sa violation ne comporte, en tant que telle, aucune sanction (Peter/Cavadini, Commentaire romand, 2017, n. 19 ad art. 699 CO ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_646/2014 du 14 avril 2015, consid. 4.2 ; 4A_441/2021 du 28 décembre 2021 consid. 2.4).
A teneur de l’art. 710 al. 1 CO, les membres du conseil d’administration sont élus pour trois ans, sauf disposition contraire des statuts.
La fonction d’administrateur prend automatiquement fin à l’échéance de la durée légale ou statutaire du mandat. Cette échéance correspond en général à la date de l’assemblée générale ordinaire qui suit le dernier exercice social couvert par le mandat (Peter/Cavadini, op. cit., n. 9 ad art. 710 CO).
Dans un ATF 148 III 69, JdT 2022 II 226, le Tribunal fédéral a tranché la question, controversée en doctrine, de savoir si les membres du conseil d’administration restent en fonction six mois après le dernier exercice de leur mandat lorsque, contrairement à ce que prévoit l’art. 699 al. 2 CO, aucune assemblée générale n’a été convoquée dans ce délai de six mois ou que l’élection du conseil d’administration n’a pas été portée à l’ordre du jour. Le Tribunal fédéral a jugé que le mandat du conseil d’administration prenait fin à l’expiration du sixième mois suivant la clôture de l’exercice concerné si aucune assemblée générale n’avait été organisée conformément à l’art. 699 al. 2 CO ou si l’élection du conseil d’administration n’avait pas été portée à l’ordre du jour (consid. 3.5). Il a retenu que la compétence inaliénable de l’assemblée générale de nommer les membres du conseil d’administration (art. 698 al. 2 ch. 2 CO) serait contournée si le conseil d’administration pouvait prolonger son mandat en ne convoquant pas l’assemblé générale. Cela serait d’autant plus choquant dans le cas où l’élection n’était pas seulement oubliée, mais empêchée dans le but de conserver le mandat (consid. 3.3).
Dans cette affaire, les statuts limitaient la durée du mandat du conseil d’administration à un an. La dernière élection était intervenue lors d’une assemblée générale tenue en avril 2019. Par la suite plus aucune assemblée générale n’avait été convoquée. L’action fondée sur l’art. 731b CO avait été intentée en mai 2021 (arrêt précité, consid. 2.2 ; Chabloz/Vraca, Le droit des sociétés 2021/2022, RSDA 2022 p. 266).
3.2 En l’espèce, les administrateurs nommés lors de l’assemblée générale du 5 novembre 2021 ont été nommés pour une durée « d’un an jusqu’à la prochaine assemblée générale ordinaire ».
Ce mandat courait dès lors jusqu’au 5 novembre 2022 au maximum ou jusqu’à la date de la prochaine assemblée générale ordinaire, laquelle est intervenue le 20 septembre 2022. Lors de cette assemblée générale, le conseil d’administration a été réélu.
L’on ne saurait considérer, comme le soutient l’appelant, que le mandat dudit conseil a pris fin six mois après « l’exercice pertinent », à savoir l’exercice 2021.
L’état de fait de la présente cause est différent de celui de l’ATF 148 III 69, puisque, dans cette dernière affaire, les statuts limitaient la durée des mandats des administrateurs à un an, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Dans l’affaire précitée, les mandats des administrateurs avaient expiré selon les statuts en avril 2020 et aucune assemblée générale n’avait eu lieu par la suite.
Les principes dégagés dans cet arrêt ne sont dès lors pas applicables in casu puisque l’assemblée générale du 20 septembre 2022 a eu lieu avant l’expiration des mandats des administrateurs, laquelle intervenait en novembre 2022.
Cette interprétation est corroborée par l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_235/2013 du 27 mai 2014 consid. 2.5, qui mentionne la controverse tranchée par l’ATF
148 III 69, soulignant qu’elle concerne le cas dans lequel la réélection des administrateurs « dont la durée du mandat a expiré » n’est pas soumise à l’assemblée générale, celle-ci n’ayant pas été convoquée.
Il y a d’autant moins de raison de se référer en l'espèce à l’ATF précité que la tenue de l’assemblée générale n’a pas été retardée par les administrateurs dans le but de leur permettre de conserver leurs mandats, contrairement à l’hypothèse envisagée dans cet arrêt. In casu, le conseil d’administration était, en effet vraisemblablement assuré d’être réélu lors de l’assemblée générale, compte tenu de la voix prépondérante du président. La question de savoir si cette situation est conforme au droit des sociétés ou si, comme l’allègue l’appelant, l’attitude du conseil d’administration est abusive, est quant à elle du ressort du juge saisi des actions en annulation des décisions prises lors des différentes assemblées générales de l’intimée.
Elle n’a pas vocation à être tranchée dans la présente cause, régie par la procédure sommaire, qui a pour seul but de permettre de pallier une éventuelle carence empêchant le fonctionnement normal de l’intimée, dans un souci notamment de protection des tiers. Une telle carence n’existe pas en l’espèce, puisque la société est dotée d’un conseil d’administration qui fonctionne et est à même de prendre des décisions relatives à la marche courante des affaires.
Il ressort de ce qui précède que, comme l’a relevé à bon droit le Tribunal, l’organisation de l’intimée ne présentait pas de carence le 1er juillet 2022, date de dépôt de la requête.
Contrairement à ce que soutient l’appelant à titre subsidiaire, il n’y a pas non plus de carence actuellement.
En effet, le mandat du conseil d’administration élu le 20 septembre 2022 est valable un an, selon les termes du procès-verbal de l’assemblée générale. Une nouvelle assemblée générale ayant à l’ordre du jour l’élection du conseil d’administration a été convoquée pour le 25 août 2023 et il ne ressort pas du dossier que l’élection prévue n’aurait pas eu lieu.
Le chiffre 1 du dispositif du jugement querellé sera dès lors confirmé.
4. Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions préalables de l’appelant tendant à la nomination d’un commissaire pour l’intimée jusqu’à droit jugé dans la présente procédure.
5. L’appelant fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a mis l’entier des frais à sa charge, car l’organisation de l’intimée était affectée d’une carence au moment du dépôt de la demande, l’assemblée générale du 20 septembre 2022 n’ayant eu lieu qu’après le dépôt de celle-ci, de sorte qu’il avait agi de bonne foi.
Ce grief est injustifié, puisque, comme cela a été relevé ci-dessus, l’intimée disposait d’un conseil d’administration au moment du dépôt de la requête, de sorte que les conditions d’application de l’art. 731b CO n’étaient pas réalisées.
Les chiffres 3 à 4 du jugement querellé seront dès lors également confirmés, étant précisé que l’appelant ne critique pas le montant des frais, ni celui des dépens fixés par le Tribunal.
6. L’appelant, qui succombe, sera condamné aux frais de la procédure d’appel (art. 106 al. 1 CPC).
Les frais judiciaires seront fixés à 1'440 fr. et compensés avec l’avance versée par l’appelant, acquise à l’Etat de Genève (art. 26 et 35 RTFMC).
L’appelant sera condamné à verser une indemnité de 1'500 fr. à l’intimée et une indemnité de 1'000 fr. à l’intervenante au titre des dépens d’appel, débours et TVA inclus (art. 85, 88, 90 RTFMC ; 25 et 26 LaCC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 14 juillet 2023 par A______ contre le jugement JTPI/7792/2023 rendu le 29 juin 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12572/2022-19 SFC.
Au fond :
Confirme le jugement querellé.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Met à la charge de A______ les frais judiciaires d’appel, arrêtés à 1'440 fr. et compensés avec l’avance versée, acquise à l’Etat de Genève.
Condamne A______ à verser 1'500 fr. de dépens d’appel à B______ SA.
Condamne A______ à verser 1'000 fr. de dépens d’appel à D______ SA.
Siégeant :
Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Laura SESSA, greffière.
Le président : Laurent RIEBEN |
| La greffière : Laura SESSA |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.