Décisions | Sommaires
ACJC/998/2023 du 24.07.2023 sur JTPI/4525/2023 ( SML ) , RENVOYE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/8518/2022 ACJC/998/2023 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU LUNDI 24 JUILLET 2023 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 27 février 2023, comparant par Me Stéphane REY, avocat, rue Michel-Chauvet 3, case postale 477,
1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,
et
B______ SA, sise ______ (ZG), intimée, représentée par C______ SA, ______ [GE].
A. Par jugement JTPI/4525/2023 du 27 février 2023, reçu par A______ le 26 avril 2023, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, considérant que les pièces produites valaient reconnaissance de dette, a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 500 fr., compensés avec l'avance de frais fournie (ch. 2), mis à la charge de A______, condamnée à les rembourser à B______ SA (ch. 3).
B. a. Par acte expédié le 1er mai 2023 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Elle a conclu à ce que la Cour déboute B______ SA de ses conclusions en mainlevée provisoire.
Elle a formé de nouveaux allégués.
b. La requête de suspension du caractère exécutoire du jugement entrepris a été admise par décision présidentielle du 11 mai 2023 (ACJC/616/2023).
c. B______ SA n'a pas déposé de réponse.
d. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 16 juin 2023 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :
a. A la requête de B______ SA, l'Office cantonal des poursuites a notifié le 16 septembre 2021 à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour la somme de 90'850 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er août 2021.
Opposition y a été formée.
b. Le 3 mai 2022, B______ SA a requis du Tribunal le prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer précité.
La requête indiquait que A______ était domiciliée rue 4______ no. ______ à Genève.
c. Une citation à comparaître pour une audience devant se tenir le 3 octobre 2022 a été envoyée à A______ le 7 septembre 2022.
Le pli est revenu au Tribunal avec la mention : "le destinataire est introuvable l'adresse indiquée".
d. Par pli du 13 septembre 2022, le Tribunal a informé B______ SA de ce qui précède et lui a demandé de lui communiquer une nouvelle adresse de A______ ou à défaut la preuve attestant des démarches entreprises en vue d'obtenir dite adresse.
e. Par courrier du 15 septembre 2022, B______ SA a informé le Tribunal que la dernière adresse connue de l'intéressée se trouvait rue 2______ no. ______ à Genève.
f. Une nouvelle citation à comparaître à une audience fixée le 9 décembre 2022 a été expédiée à A______ à l'adresse précitée.
Le pli a été retourné au Tribunal avec la mention de ce que l'intéressée était introuvable à cette adresse.
g. Par ordonnance du 12 décembre 2022, le Tribunal a imparti un nouveau délai à B______ SA pour lui fournir l'adresse de A______ ou les démarches effectuées à cet effet.
h. Par courrier du 14 décembre 2022, B______ SA a transmis au Tribunal la preuve des recherches faites en vue de déterminer le domicile de A______, notamment des renseignements fournis par l'Office cantonal de la population et des migrations du 3 novembre 2022, faisant état de ce que la précitée était domiciliée rue 3______ no. ______ à Genève.
i. Le Tribunal a cité les parties à comparaître à une audience fixée le 27 février 2023.
Le pli recommandé contenant cette citation n'a pas été retiré par A______ dans le délai de garde de la Poste.
j. A l'audience du 27 février 2023, aucune des parties n'était présente ni représentée.
Le même jour le Tribunal a rendu le jugement querellé.
1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 7 et 319 let. a CPC; art. 174 al. 1, art. 194 al. 1 LP).
Le recours doit être interjeté dans le délai de dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 1 et 2 CPC).
1.2 Formé selon la forme et dans le délai prévus par la loi (art. 321 al. 1 et 2 CPC; art. 174 al. 1 LP), le recours est recevable.
1.3.1 Les citations, les ordonnances et les décisions sont notifiées par envoi recommandé ou d'une autre manière contre accusé de réception (art. 138 al. 1 CPC).
L'acte est réputé notifié, en cas d'envoi recommandé, lorsque celui-ci n'a pas été retiré : à l'expiration d'un délai de sept jours à compter de l'échec de la remise, si le destinataire devait s'attendre à recevoir la notification (art. 138 al. 3 let. a CPC).
La notification fictive d'un pli recommandé ne s'applique à l'échéance du délai de garde de sept jours que dans l'hypothèse où le destinataire devait, vraisemblablement, s'attendre à recevoir une communication d'une autorité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_454/2012 du 22 août 2012 consid. 4.2.1 et les références citées). Ce devoir existe dès que le destinataire est partie à une procédure ayant cours (ATF 130 III 396 consid. 1.2.3 = JdT 2005 II 87). Ainsi, c'est seulement à partir de la litispendance que naît une relation procédurale contraignant les parties à se comporter selon les règles de la bonne foi, c'est-à-dire, notamment, à veiller à ce que les actes officiels concernant la procédure puissent leur être notifiés (ATF 138 III 225 consid. 3.1 = JdT 2012 II 457).
En matière de droit des poursuites, le Tribunal fédéral a jugé que l'instance de mainlevée consécutive à l'interruption de la procédure de poursuite par l'effet d'une opposition constitue une nouvelle procédure. Le débiteur ne doit pas s'attendre, en raison de la seule notification d'un commandement de payer et de l'opposition qu'il a formée à cet égard, à une procédure de mainlevée ni à la notification de décisions dans ce contexte. C'est pourquoi la fiction de notification ne joue pas de rôle pour le premier envoi notifié au débiteur en relation avec la mainlevée (ATF 138 III 225 consid. 3.1 = JdT 2012 II 457; 130 III 396 consid. 1.2.3 = JdT 2005 II 87; arrêts du Tribunal fédéral 5A_710/2010 du 28 janvier 2011 consid. 3.1; 5A_552/2011 du 10 octobre 2011 consid. 2.1).
Les règles de la citation, permettant aux parties d'assister à l'audience, visent à garantir au débiteur son droit d'être entendu, institué par les art. 29 al. 2 Cst. et 53 CPC (ATF 131 I 185 consid. 2.1 et la jurisprudence citée; arrêt du Tribunal fédéral 5A_37/2010 du 21 avril 2010 consid. 3.1; BOHNET, in Code de procédure civile commenté, 2019, n. 34 ad art. 133 CPC).
Le droit d'être entendu accorde aux parties le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à leur détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves et de se déterminer à leur propos (ATF 136 I 265 consid. 3.2; 135 II 286 consid. 5.1; 129 II 497 consid. 2.2).
L'atteinte causée par le défaut d'une citation valablement notifiée est d'une gravité telle qu'elle ne peut pas être réparée devant l'instance de recours; si cette atteinte est réalisée, la cause doit être renvoyée à l'autorité de première instance (ATF 138 III 225 consid. 3.3 et les références).
La nullité doit être constatée d'office, en tout temps et par l'ensemble des autorités étatiques; elle peut aussi être constatée en procédure de recours (ATF 137 III 217 consid. 2.4.3; 132 II 342 consid. 2.1; 122 I 97 consid. 3a), y compris en dépit de l'irrecevabilité éventuelle du recours (arrêt du Tribunal fédéral 7B_20/2005 du 14 septembre 2005 consid. 1.3 non publié aux ATF 131 III 652).
1.3.2 En l'espèce, la partie recourante n'a pas retiré le pli recommandé contenant la citation à comparaître à l'audience du Tribunal. Aucun élément ne permet de retenir qu'elle en a eu connaissance. Il ne peut être opposé à la recourante qu'elle devait s'attendre à recevoir des communications de la part du Tribunal à la suite de l'opposition qu'elle avait formée, puisque la procédure de mainlevée d'opposition constitue une nouvelle procédure. La fiction de notification de l'art. 138 al. 3 let. a CPC n'était dès lors pas applicable.
Il résulte de ce qui précède que le droit d'être entendue de la partie recourante a été violé puisqu'elle n'a pas été valablement convoquée à l'audience du 27 février 2023 et qu'elle a ainsi été privée de la possibilité de faire valoir ses arguments devant le Tribunal.
La violation du droit d'être entendue de la partie recourante ne peut pas être réparée dans le cadre du présent recours, la Cour ne disposant pas d'un pouvoir d'examen complet.
Il résulte de ce qui précède que la décision querellée sera annulée.
1.3.3 La cause sera retournée au Tribunal, qui a choisi la procédure orale (art. 253 CPC), pour qu'il cite valablement les parties à comparaître afin que la partie recourante puisse, le cas échéant, faire valoir ses arguments.
2. 2.1 Selon l'art. 104 al. 1 CPC, le Tribunal statue sur les frais en règle générale dans la décision finale. Compte tenu du renvoi de la cause au Tribunal, le sort des frais de première instance sera réglé avec le jugement final (art. 104 al. 1 et art. 318 al. 3 CPC).
Les frais judiciaires qui ne sont pas imputables aux parties ni aux tiers peuvent être mis à la charge du canton si l'équité l'exige (art. 107 al. 2 CPC).
2.2 En l'espèce, au vu de l'annulation du jugement entrepris, il se justifie de mettre les frais du recours, arrêtés à 400 fr., à la charge de l'Etat.
Il ne sera pour le surplus pas alloué de dépens de recours.
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 1er mai 2023 par A______ contre le jugement JTPI/4525/2023 rendu le 27 février 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8518/2022–17 SML.
Au fond :
Annule ce jugement JTPI/4525/2023.
Renvoie la cause au Tribunal de première instance pour nouvelle décision.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires de recours à 400 fr. et dit qu'ils seront mis à la charge de l'Etat.
Dit qu'il ne sera pas alloué de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame
Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.
La présidente : Pauline ERARD |
| La greffière : Mélanie DE RESENDE PEREIRA |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.