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C/17216/2022

ACJC/507/2023 du 17.04.2023 sur JTPI/1115/2023 ( SML ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17216/2022 ACJC/507/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 17 AVRIL 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 6ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 23 janvier 2023, représentée par B______ SA, ______ [ZH],

et

Madame C______, domiciliée ______ [GE], intimée, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/1115/2023 du 23 janvier 2023, reçu le 31 janvier 2023 par A______, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par la précitée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 200 fr., compensés avec l'avance effectuée par C______ (ch. 2) et mis à la charge de A______, condamnée ainsi à verser cette somme à C______ (ch. 3) et dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 3 février 2023 à la Cour de justice, A______ a formé recours contre le jugement précité. L'on comprend qu'elle requiert l'annulation de celui-ci et qu'elle conclut au rejet de la requête de mainlevée.

b. La Cour a transmis ledit recours à C______ par pli recommandé du 16 février 2023, en lui impartissant un délai de 10 jours pour y répondre.

C______ a été avisée pour retrait par la Poste le 17 février 2023 et a retiré le pli le 28 février 2023, après avoir obtenu une prolongation du délai de garde.

c. C______ a déposé sa réponse au guichet universel du Pouvoir judiciaire le 8 mars 2023. Elle a conclu à la confirmation du jugement attaqué, en reprenant ses allégations et son argumentation de première instance.

d. Les parties ont été informées le 9 mars 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

e. Par acte expédié le 30 mars 2023, A______ a demandé à la Cour d'octroyer l'effet suspensif au recours, afin d'éviter que l'Office des poursuites procède à la saisie, ce qui la mettrait "dans une position tout à fait inconfortable". Ella a produit un avis de saisie du 21 mars 2023 la convoquant à l'Office des poursuites le 23 mai 2023.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier de première instance.

a. Sur réquisition de C______, l'Office des poursuites a notifié le 24 mars 2022 à A______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur le montant de 4'000 fr. dû sur la base d'un "Prêt selon reconnaissance signée le 11.08.2021".

La poursuivie y a formé opposition.

b. Par acte déposé le 6 septembre 2022 au Tribunal, C______ a requis la mainlevée de ladite opposition.

Elle a allégué que le 11 août 2021, elle avait prêté 4'000 fr. à A______, qui "avait besoin d'argent pour payer le loyer de son magasin". A sa demande, celle-ci avait signé un "document valant reconnaissance de dette". Par la suite, du 29 janvier au 17 juin 2022, elle lui avait demandé de lui rembourser la somme prêtée, en vain, raison pour laquelle elle lui avait fait notifier un commandement de payer.

C______ a produit, outre le commandement de payer et la réquisition de poursuite:

-          un document daté du 11 août 2021, signé uniquement par A______, dont la teneur est la suivante :

"Je soussignée A______ résidant au no. ______ route 2______ [code postal] Genève atteste devoir la somme de 4000 chf (quatre mille francs suisses) à Madame C______ résidant au no. ______ rue 3______ [code postal] Genève.

Cette somme sera remboursée à partir de septembre 2021 par mensualités".

-          Des messages WhatsApp échangés entre les parties durant la période du
29 janvier au 17 juin 2022 : le 29 janvier 2022, C______ n'ayant reçu aucune proposition de remboursement, a invité A______ à lui verser 1'000 fr. avant fin février 2022 et 3'000 fr. avant fin mars 2022; cette dernière l'a remerciée de lui laisser ce délai; le 24 mai 2022, A______ a proposé à C______ de lui verser 1'000 fr. immédiatement, à condition qu'elle arrête la poursuite; cette dernière lui a répondu que si elle voulait qu'elle arrête la poursuite, elle devait payer à l'Office des poursuites; A______ l'a remerciée pour son message et lui a indiqué qu'elle allait le faire dès que possible, probablement avant la fin du mois; le 17 juin 2022, C______ a invité A______ à lui indiquer quand elle allait lui verser la somme qu'elle lui devait, en précisant qu'elle en avait besoin au plus vite; cette dernière lui a répondu que sa situation était très difficile et qu'elle allait faire le maximum pour liquider sa dette; C______ lui a répondu qu'il fallait qu'elle la rembourse le plus vite possible.

c. Lors de l'audience du Tribunal du 20 janvier 2023, C______ a persisté dans sa requête.

A______ a déposé un courrier explicatif dans lequel elle a soutenu que le document du 11 août 2021 ne valait pas titre de mainlevée, dans la mesure où il ne prévoyait pas de date d'exigibilité. Les parties avaient convenu que le remboursement interviendrait quand sa situation financière s'améliorerait. Pour cette raison elles n'avaient ni prévu de "date butoir", ni précisé le montant des mensualités. De plus, "pour ( ) remercier [C______] de ce prêt, en contrepartie, elle avait accepté de garder son chien pendant 33 jours, sans rien lui demander". Dans les messages qu'elle avait produits, C______ avait "soudainement et unilatéralement, tenté de [lui] imposer un délai de paiement contrairement à ce qui avait été prévu". Dans la mesure où elle ne respectait pas l'arrangement, elle se réservait "le droit de lui facturer la garde de son chien pendant plus de 1 mois".

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

d. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a considéré que les pièces produites par la poursuivante valaient reconnaissance de dette et que la poursuivie n'avait fait valoir aucun moyen libératoire susceptible de faire échec au prononcé de la mainlevée.

EN DROIT

1. 1.1 En matière de mainlevée d'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 et 319 let. a CPC).

La décision - rendue par voie de procédure sommaire (art. 251 let. a CPC) - doit être attaquée dans un délai de dix jours dès sa notification (art. 321 al. 2 CPC), par un recours écrit et motivé (art. 130 et 131 CPC), adressé à la Cour de justice.

Interjeté dans le délai et les formes prévus par la loi, le recours est en l'espèce recevable.

1.2 La réponse doit être déposée dans le même délai que le recours
(art. 322 al. 2 CPC).

L'acte judiciaire envoyé par pli recommandé est réputé notifié lorsque celui-ci n'a pas été retiré, à l'expiration d'un délai de sept jours à compter de l'échec de la remise, si le destinataire devait s'attendre à recevoir la notification
(art. 138 al. 3 let. b CPC). La prolongation du délai de retrait d'un envoi recommandé par un employé postal ne modifie pas les modalités de calcul de la date de notification fictive de cet envoi. Le délai commence à courir le jour de l'échéance du délai de garde de sept jours (ATF
127 I 31 consid. 2b et 3b/bb - JdT 2001 I 27, SJ 2001 I 193).

En l'espèce, le délai de garde de sept jours pour le retrait du pli recommandé envoyé à l'intimée par la Cour le 16 février 2023 est venu à échéance le
24 février 2023, de sorte que la réponse devait en principe être déposée le
6 mars 2023 au plus tard, soit dans le délai de 10 jours prévu en procédure sommaire. La question de savoir si l'intimée devait s'attendre à recevoir un acte de recours avec fixation d'un délai pour répondre, et donc si la réponse déposée le
8 mars 2023 est recevable, peut demeurer indécise, au vu des développements qui suivent.

2. La recourante fait grief au Tribunal d'avoir considéré que l'intimée était au bénéfice d'une reconnaissance de dette. A son avis, la créance n'était pas échue, puisque le document du 11 août 2021 ne précisait pas la date à laquelle la dette devait être totalement remboursée et n'indiquait même pas le montant des mensualités. Ainsi, la requête de mainlevée aurait dû être rejetée. De plus, elle avait déjà procédé à l'extinction partielle de la dette, puisqu'elle avait gardé le chien de l'intimée "en contrepartie".

2.1

2.1.1 Conformément à l'art. 82 al. 1 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire.

Par reconnaissance de dette au sens de cette disposition, il faut entendre notamment l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi - ou son représentant (ATF 130 III 87 consid. 3.1) -, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 136 III 624 consid. 4.2.2; 136 III 627 consid. 2). Cette volonté doit résulter clairement des pièces produites et non d'actes concluants; à défaut, elle ne peut être déterminée que par le juge du fond et la mainlevée doit être refusée. Cela étant, il n'est pas nécessaire que le titre contienne une promesse de payer la dette; il suffit qu'il atteste du fait que le poursuivi se considère obligé de payer cette dette. Il en va ainsi de la lettre par laquelle le débiteur sollicite la remise de tout ou partie de sa dette ou un délai de paiement sans contester la dette elle-même. Le fait de proposer au créancier un plan de paiement revient également à reconnaître que le montant en cause est dû. Les expressions par lesquelles le débiteur s'engage à payer « aussitôt que possible » ou « selon mes possibilités » doivent être aussi considérées comme une reconnaissance de dette. (ABBET/VEUILLET, La mainlevée de l'opposition,
2ème éd. 2022, n. 36 et 37 ad art. 82 LP et les références citées; cf. également arrrêt du Tribunal fédéral 5A_896/2017 du 7 février 2018 consid. 4.3).

Lorsque le débiteur reconnaît une dette en précisant la manière dont il envisage de la rembourser (notamment par acomptes ou par compensation), il s'agit d'une modalité de paiement, indépendante de la reconnaissance ; le titre doit être ainsi considéré comme une reconnaissance pure et simple. Le refus par le créancier d'accepter les modalités de remboursement n'affecte pas la reconnaissance en tant que telle. La créance est alors immédiatement exigible (art. 75 CO) (ABBET/VEUILLET, op. cit., n. 40a ad art. 82 LP et les références citées), cette dernière disposition prévoyant qu'à défaut de terme stipulé ou résultant de la nature de l'affaire, l'obligation peut être exécutée et l'exécution peut en être exigée immédiatement.

2.1.2 Le juge prononce la mainlevée si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP).

Le poursuivi peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil - exceptions ou objections - qui infirment la reconnaissance de dette (ATF 145 III 20 consid. 4.1.2 et la référence; 131 III 268 consid. 3.2). Il n'a pas à apporter la preuve absolue (ou stricte) de ses moyens libératoires, mais seulement à les rendre vraisemblables, en principe par titre (art. 254 al. 1 CPC; ATF 145 III 20 consid. 4.1.2 et la référence).

Le juge n'a pas à être persuadé de l'existence des faits allégués; il doit, en se fondant sur des éléments objectifs, avoir l'impression qu'ils se sont produits, sans exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement
(ATF 142 III 720 consid. 4.1 et la référence).

Les exigences de vraisemblance sont d'autant plus élevées que la reconnaissance de dette est univoque et inconditionnelle (ABBET/VEUILLET, op. cit., n. 107
ad art. 82 LP et les références citées),

2.2 En l'espèce, le document du 11 août 2021, sur lequel l'intimée fonde la poursuite, est un acte unilatéral qui atteste clairement du fait que la recourante se considère obligée de payer sa dette de 4'000 fr.. Cet engagement est en soi inconditionnel, même si la recourante précise, de manière vague, la manière dont elle envisage de rembourser la dette, soit par mensualités à partir de septembre 2021. Les parties n'ont pas stipulé de terme de paiement, de sorte que l'exécution de l'obligation pouvait être exigée immédiatement sur la base de l'art. 75 CO. Les modalités de remboursement proposées par la suite par la recourante ont été refusées par l'intimée.

Par ailleurs, la recourante n'a produit aucune pièce rendant vraisemblable qu'elle aurait procédé à l'extinction partielle de sa dette, en gardant le chien de l'intimée.

En définitive, c'est à juste titre que le premier juge a prononcé la mainlevée provisoire, de sorte que le recours, infondé, sera rejeté.

2.3 De ce fait, la requête de suspension du caractère exécutoire du jugement attaqué, formée par la recourante le 30 mars 2023, devient sans objet. La question de la recevabilité de cette requête, déposée après que la cause a été gardée à juger, peut ainsi demeurer indécise.

Par surabondance, il est souligné que, de jurisprudence constante, le fait d'être exposé au paiement d'une somme d'argent n'entraîne, en principe, aucun préjudice irréparable, dans la mesure où l'intéressé peut s'acquitter du montant et pourra en obtenir la restitution s'il obtient finalement gain de cause (ATF 138 III 333
consid. 1.3.1 et les références citées, à propos de l'art. 93 al. 1 let. a LTF; arrêts du Tribunal fédéral 5A_708/2013 du 14 mai 2014 consid. 1.1; 5D_52/2010 du
10 mai 2010 consid. 1.1.1 in SJ 2011 I p. 134). Dans son acte du 30 mars 2023, la recourante ne prétend pas qu'à défaut d'effet suspensif, elle serait exposée à d'importantes difficultés financières ou qu'elle ne pourrait pas obtenir le remboursement du montant payé au cas où elle obtiendrait gain de cause (arrêt du Tribunal fédéral 5A_708/2013 du 14 mai 2014 consid. 1.1). La requête aurait donc de toute façon dû être rejetée.

3. Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 300 fr. (art. 48 et 61 OELP) et compensés avec l'avance versée par la recourante, acquise à l'Etat de Genève
(art. 111 al. 1 CPC). Il sera renoncé à solliciter des frais judicaires pour la requête d'effet suspensif.

L'intimée ne sollicite pas de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 3 février 2023 par A______ contre le jugement JTPI/1115/2023 rendu le 23 janvier 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/17216/2022-6 SML.

Au fond :

Le rejette.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de recours à 300 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance fournie, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.