Décisions | Sommaires
ACJC/330/2023 du 07.03.2023 sur JTPI/13929/2022 ( SML ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/14193/2022 ACJC/330/2023 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 7 MARS 2023 |
Entre
A______ SA, sise ______ [GE], recourante contre un jugement rendu par la 22ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 novembre 2022, comparant par Me Gabriel RAGGENBASS, avocat, OA Legal SA, place de Longemalle 1, 1204 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,
et
Monsieur B______, domicilié ______ [ZH], intimé, comparant par Me Marc BONNANT, avocat, Bonnant & Associés, chemin Kermély 5, case postale 473, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.
A. Par jugement JTPI/13929/2022 du 22 novembre 2022, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 1 du dispositif), a arrêté les frais judiciaires à 500 fr., compensés avec l'avance fournie, mis à la charge de A______ SA, condamnée à les verser à B______, ainsi que 2'236 fr. à titre de dépens (ch. 2 à 4).
En substance, le Tribunal a considéré que les parties avaient été liées par un contrat de "Consultancy Agreement" du 28 mai 2021, conclu pour une durée d'une année dès le 1er août 2021, lequel avait prévu une rémunération mensuelle forfaitaire de 20'000 fr. sans qu'elle ne soit conditionnée à l'obtention d'un résultat. Dite rémunération était due jusqu'à la dénonciation du contrat au 28 février 2021 (recte 2022). A______ SA n'ayant fait valoir aucun moyen libératoire, la mainlevée devait être prononcée.
B. a. Par acte expédié le 12 décembre 2022 à la Cour de justice, A______ SA a formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Elle a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, à ce que la Cour rejette la requête de mainlevée provisoire formée le 21 juillet 2022 par B______.
Elle a produit une nouvelle pièce (n. 7).
b. Dans sa réponse du 12 janvier 2023, B______ a conclu à l'irrecevabilité du recours, et, au fond, à son rejet, sous suite de frais.
c. A______ SA n'ayant pas fait usage de son droit de réplique, les parties ont été avisées par plis du greffe du 10 février 2023 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :
a. A______ SA, inscrite au Registre du commerce genevois, a notamment pour but toutes opérations relatives à la gestion de fortune pour des clients institutionnels et privés.
b. Le 28 mai 2021, A______ SA, d'une part, et B______, d'autre part, ont conclu un contrat de "Consultancy Agreement" aux termes duquel le précité s'est engagé à déployer une activité d'apporteur d'affaires et à présenter des clients fortunés à la première nommée.
Le contrat a été conclu pour une durée d'une année, à compter du 1er août 2021. Le contrat pouvait être résilié après une période de six mois moyennant un préavis de trente jours (art. 3 du contrat).
L'annexe B du contrat précise les activités devant être accomplies par B______, soit notamment, s'agissant des clients et des produits (client and products duties), développer et capter de nouveaux clients (develop and capture new client relationships) et rendre compte du développement des contacts avec les clients (report the development of client contacts).
Les parties sont convenues d'une rémunération mensuelle de 20'000 fr. à laquelle s'ajoutait la TVA, ainsi que du versement d'une commission de 30% des revenus nets générés par les clients apportés par B______ (annexe C du contrat).
c. Les 17 août, 17 septembre et 27 octobre 2021, B______ a adressé à A______ SA des notes d'honoraires, pour les mois d'août 2021, respectivement septembre et octobre 2021, lesquelles ont été acquittées par la précitée.
d. Le 25 novembre 2021, B______ a envoyé à A______ SA sa note d'honoraires relative au mois de novembre 2021.
Celle-ci n'a pas été honorée.
e. Le 21 décembre 2021, A______ SA a résilié le contrat pour le 28 février 2022. Elle précisait que les "last consulting fees" seraient payées à fin février 2022.
f. Les 23 décembre 2021, 23 janvier 2022 et 27 février 2022, B______ a adressé à A______ SA ses notes d'honoraires des mois de décembre 2021, janvier et février 2022.
Celles-ci n'ont pas été réglées.
g. A la requête de B______, l'Office cantonal des poursuites a notifié à A______ SA un commandement de payer, poursuite n° 1______, pour les sommes de 21'540 fr., avec intérêts à 5% dès le 30 novembre 2021 (poste 1), de 21'540 fr., avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 2021 (poste 2), de 21'540 fr., avec intérêts à 5% dès le 31 janvier 2022 (poste 3), et de 21'540 fr., avec intérêts à 5% dès le 28 février 2022 (poste 4).
La poursuivie y a formé opposition.
h. Le 21 juillet 2022, B______ a saisi le Tribunal d'une requête de mainlevée provisoire de cette opposition.
i. A l'audience du Tribunal du 18 novembre 2022, A______ SA a produit des pièces.
Les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions.
Les conclusions prises par A______ SA ne ressortent pas du procès-verbal.
Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.
1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).
Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 1 et 2 CPC).
En l'espèce, le recours a été déposé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 321 al. 1 et 3), de sorte qu'il est recevable.
1.2 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).
L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307).
1.3 La procédure sommaire étant applicable (art. 251 let. a CPC), la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 al. 1 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et art. 5 al. 1 CPC).
1.4 Les conclusions, les allégations et les pièces nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).
Il s'ensuit que la pièce nouvelle versée par la recourante est irrecevable, ainsi que les faits s'y rapportant.
2. La recourante reproche au Tribunal d'avoir prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition.
2.1.1 Selon l'art. 82 al. 1 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire.
Le juge de la mainlevée provisoire doit vérifier d'office notamment l'existence matérielle d'une reconnaissance de dette (ATF 142 III 720 consid. 4.1 et la référence; 139 III 444 consid. 4.1.1, et les références; arrêts du Tribunal fédéral 5A_551/2022 du 18 janvier 2023 consid. 3.1; 5A_940/2020 du 27 janvier 2021 consid. 3.1), l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue (ATF 139 III 444 précité consid. 4.1.1 et les références; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 73ss ad art. 82 LP).
Par reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, il faut entendre notamment l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 148 III 145 consid. 4.1.1; 145 III 20 consid. 4.1.1; 139 III 297 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_688/2022 du 23 novembre 2022 consid. 4.1.1.).
Un contrat écrit justifie en principe la mainlevée provisoire de l'opposition pour la somme d'argent incombant au poursuivi lorsque les conditions d'exigibilité de la dette sont établies (arrêt du Tribunal fédéral 5A_465/2014 du 20 août 2014 consid. 7.2.1.2) et, en particulier dans les contrats bilatéraux, lorsque le poursuivant prouve avoir exécuté les prestations dont dépend l'exigibilité (ATF 145 III 20 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_367/2007 du 15 octobre 2007 consid. 3.1 et les références).
Un contrat bilatéral ne vaut ainsi reconnaissance de dette que si le poursuivant a rempli ou garanti les obligations légales ou contractuelles exigibles avant le paiement dont il requiert le recouvrement, ou au moment de ce paiement (Gillieron, op. cit., n. 45 ad art. 82 LP), c'est-à-dire s'il a exécuté ou offert d'exécuter sa propre prestation en rapport d'échange (ATF 145 III 20 ibid; 116 III 72; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1017/2017 du 12 septembre 2018 consid. 4.4.1). La question de la fourniture de la prestation du poursuivant ne constitue donc pas à un moyen libératoire au sens de l'art. 82 al. 2 LP que le débiteur devrait rendre vraisemblable. Elle relève de la contestation d'une exigence mise à l'admission d'un contrat bilatéral parfait comme titre de mainlevée provisoire au sens de l'art. 82 al. 1 LP (arrêt du Tribunal fédéral 5A_1017/2017 précité consid. 4.3.2 et 4.3.3).
Le contrat de mandat à titre onéreux constitue une reconnaissance de dette pour la rétribution du mandataire si cette rétribution est chiffrée de façon précise dans le titre lui-même ou dans un écrit annexé auquel il se rapporte. Si le mandant poursuivi prétend que le mandat n'a pas été exécuté ou qu'il l'a mal été et que son affirmation n'est pas sans consistance, il appartient au mandataire de prouver qu'il a rempli ses obligations (Abbet/Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2017, n. 187 et 189, ad art. 82 LP).
Pour justifier la mainlevée de l'opposition, la créance doit être exigible au plus tard au moment de l'introduction de la poursuite, c'est-à-dire lors de la notification du commandement de payer (Veuillet, op. cit., n. 95 ad art. 82 LP).
2.1.2 Le contentieux de la mainlevée de l'opposition (art. 80 ss LP) est une procédure sur pièces ("Urkundenprozess") (art. 254 al. 1 CPC), dont le but n'est pas de constater la réalité d'une créance, mais l'existence d'un titre exécutoire; le juge de la mainlevée examine uniquement la force probante du titre produit par le créancier poursuivant, sa nature formelle, et non pas la validité de la prétention déduite en poursuite (ATF 145 III 160 consid. 5.1; 142 III 720 consid. 4.1.1). Le prononcé de mainlevée ne sortit que des effets de droit des poursuites et ne fonde pas l'exception de chose jugée (res judicata) quant à l'existence de la créance (ATF 148 III 225 consid. 4.1.1; 140 III 48 consid. 3; 136 III 583 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2019 du 24 février 2020 consid. 3.1).
2.1.3 Lorsqu'il procède à l'interprétation du titre, le juge de la mainlevée provisoire ne peut prendre en compte que les éléments intrinsèques à ce titre, à l'exclusion des éléments extrinsèques qui échappent à son pouvoir d'examen (ATF 145 III 20 consid. 4.3.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_940/2020 précité consid. 3.2.2; 5A_65/2020 du 7 juillet 2020 consid. 4.2.4; 5A_388/2019 du 7 janvier 2020 consid. 4.1.3 et les références). Si le sens ou l'interprétation du titre de mainlevée invoqué est source de doutes ou si la reconnaissance de dette ne ressort que d'actes concluants, la mainlevée provisoire doit être refusée. La volonté de payer du poursuivi doit ressortir clairement des pièces produites, à défaut de quoi elle ne peut être déterminée que par le juge du fond (arrêts du Tribunal fédéral 5A_940/2020 précité consid. 3.2.2; 5A_65/2020 précité consid. 4.2.4; 5A_388/2019 précité consid. 4.1.3; 5A_89/2019 du 1er mai 2019 consid. 5.1.3).
Le juge de la mainlevée n'a pas à trancher de délicates questions de droit matériel ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important, la décision sur de telles questions étant réservée au juge du fond (Veuillet, op. cit., n. 106 ad art. 84 LP).
2.2 Dans le présent cas, il est constant que les parties ont conclu un contrat de conseil, à teneur duquel l'intimé s'est engagé à apporter des affaires à la recourante, dès le 1er août 2021, contre versement d'honoraires mensuels nets de 20'000 fr. plus TVA.
Le Tribunal a considéré que la rémunération forfaitaire convenue par les parties n'était pas conditionnée à la réalisation par l'intimé d'un résultat, de sorte que cette rémunération était due jusqu'au 28 février 2022, date de la dénonciation du contrat.
La recourante soutient que les parties avaient prévu dans le contrat que l'intimé s'engageait à déployer une activité spécifique d'apporteur d'affaires et, dans ce cadre, à effectuer diverses activités précisées dans l'annexe B dudit contrat, en sa faveur. L'intimé n'avait toutefois pas exercé lesdites activités, de sorte que le contrat ne valait pas reconnaissance de dette.
Ce grief ne résiste pas à l'examen. En effet, le contrat de mandat produit ne prévoit pas que la rémunération serait soumise à condition, soit l'atteinte d'objectifs ou d'activités précis. Par ailleurs, la recourante a allégué, sans le rendre vraisemblable, aucun titre n'ayant été produit à cet égard, que l'intimé n'aurait pas effectué les tâches convenues. La lettre de dénonciation du contrat ne fait pas état des motifs qui ont conduit la recourante à mettre un terme à la relation contractuelle. C'est par conséquent à bon droit que le Tribunal a retenu que le contrat valait reconnaissance de dette et a prononcé la mainlevée provisoire.
2.3 Infondé, le recours sera dès lors rejeté.
3. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais judiciaires, arrêtés à 750 fr. et compensés avec l'avance de frais qu'elle a versée, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 106 al. 1 et 111 al. 1 CPC; art. 48 et 61 al. 1 OELP).
La recourante sera condamnée à verser à l'intimé, représenté par un avocat, un montant de 800 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens de recours (art. 96 et 105 al. 2 CPC; art. 85, 89 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC; art. 25 LTVA).
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La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable le recours interjeté le 12 décembre 2022 par A______ SA contre le jugement JTPI/13929/2022 rendu le 22 novembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/14193/2022–22 SML.
Au fond :
Le rejette.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires du recours à 750 fr., compensés avec l'avance fournie, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de A______ SA.
Condamne A______ SA à verser à B______ 800 fr. à titre de dépens de recours.
Siégeant :
Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.
La présidente : Pauline ERARD |
| La greffière : Mélanie DE RESENDE PEREIRA |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.