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Décisions | Sommaires

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C/8723/2022

ACJC/33/2023 du 10.01.2023 sur JTPI/11234/2022 ( SML ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8723/2022 ACJC/33/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 10 JANVIER 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, recourante contre un jugement rendu par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 28 septembre 2022, comparant en personne,

et

B______ SÀRL, sise ______, intimée, comparant en personne.

 

 


EN FAIT

A.           a. C______ SÀRL est une société de droit suisse, inscrite au Registre du commerce de Genève, ayant pour but notamment l'exploitation d'une agence de publicité et de communication.

A______ en est l’associée gérante et dispose de la signature individuelle.

b. B______ SÀRL est une société de droit suisse, inscrite au Registre du commerce de Genève, ayant pour but toutes activités dans le domaine médical, l'enseignement et la recherche ainsi que l'exploitation de cabinets médicaux.

D______ en est l'administrateur gérant et dispose de la signature individuelle.

c. Le 24 novembre 2021, sur réquisition de C______ SÀRL, l'Office cantonal des poursuites a notifié à B______ SÀRL un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur la somme de 2'558 fr.

Elle a invoqué, comme titre de créance, une "facture numéro #2910 de consulting pour projet de clinique datée du 19.07.2021".

La poursuivie y a fait opposition le 6 décembre 2021.

d. Par requête du 5 mai 2022, A______ a saisi le Tribunal de première instance (ci-après le Tribunal) d'une requête en mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer précité.

A l'appui de sa requête, elle a produit notamment des courriels échangés entre elle-même et D______ du 19 avril au 20 août 2021, une facture "#2910" datée du 19 juillet 2021 émise par C______ SÀRL et adressée à "B______, Prof. D______, no. ______ rue 2______", d'un montant de 2'558 fr. relatif à des services de "consulting" dispensés dans le cadre d'un "projet clinique", ainsi qu'un time-sheet faisant état de 10.5 heures de travail.

A teneur de l'échange de courriels produit, A______ a transmis, le 19 juillet 2021, la facture précitée, laquelle concernait la période d'avril à juin 2021, à D______. Le jour même, ce dernier a sollicité le "détail horaire, la durée et la raison de chaque intervention [facturée]". Le 20 août 2021, A______ a envoyé le time-sheet des prestations facturées et indiqué à D______ que "[t]ous les coups de fils avec la régie et quelques déplacements [avaient été] offerts". Aucune signature électronique qualifiée ne figure sur ces différents courriels.

e. Lors de l'audience du Tribunal du 23 septembre 2022, B______ SÀRL s'est opposée à la requête de mainlevée, indiquant ne pas avoir "obtenu la prestation demandée". La société avait sollicité de A______ qu'elle établisse un business plan, ce que celle-ci n'avait pas fait.

A______ a déclaré qu'elle n'avait pas produit le business plan car elle n'avait pas été payée. Celui-ci reposait sur des éléments de recherche qui figuraient dans le time-sheet produit à l'appui de sa requête.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a imparti un délai au 30 septembre 2022 à A______ pour produire le commandement de payer et précisé que la cause serait gardée à juger à réception de ce document.

B.            Par jugement JTPI/11234/2022 du 28 septembre 2022, reçu par A______ le 24 octobre 2022, le Tribunal a débouté la précitée de ses conclusions en mainlevée provisoire (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 200 fr., compensés avec l'avance effectuée par A______ (ch. 2) et laissés à la charge de cette dernière (ch. 3).

Le Tribunal a considéré que A______ n'avait produit aucune pièce valant reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP.

C.           a. Par acte expédié le 25 octobre 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé recours contre ce jugement, concluant implicitement à son annulation et au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

b. B______ SÀRL n'ayant pas fait usage de son droit de réponse, la cause a été gardée à juger le 12 décembre 2022.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. a et 309 let. b ch. 3 CPC).

1.2 Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 251 let. a CPC et 321 al. 1 et 2 CPC).

Déposé dans le délai et selon la forme requis par la loi, le recours est recevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, l'autorité a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait (art. 320 CPC; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 2307). S'agissant d'une procédure de mainlevée provisoire, la Cour doit vérifier d'office si la requête est fondée sur un titre de mainlevée valable (arrêt du Tribunal fédéral 5P.174/2005 du 7 octobre 2005 consid. 2.1).

1.4 Le recours étant instruit en procédure sommaire, la preuve des faits allégués doit être apportée par titres (art. 254 CPC). Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et 58 al. 1 CPC).

2. 2.1.1 La légitimation des parties au procès est examinée d'office, dès lors qu'elle relève du fondement matériel de l'action; elle appartient au sujet (actif ou passif) du droit invoqué en justice et son absence entraîne, non pas l'irrecevabilité de la demande, mais son rejet (arrêt du Tribunal fédéral 4A_619/2016 du 15 mars 2017 consid. 3).

Les légitimations active et passive appartiennent au titulaire, respectivement à l'obligé, du droit litigieux. Ainsi, le créancier et le débiteur d'une créance ont, respectivement, la légitimation active et passive dans le procès ayant pour objet cette créance (Hohl, Procédure civile, Tome 1, 2016, n. 759-760, p. 135-136).

2.1.2 Selon l'art. 82 al. 1 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire.

Le juge de la mainlevée doit vérifier d'office l'existence matérielle d'une reconnaissance de dette, l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue (arrêt du Tribunal fédéral 5A_236/2013 du 12 août 2013 consid. 4.1.1).

Constitue une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 LP, en particulier, l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi ou son représentant, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1).

La reconnaissance de dette sous seing privé doit porter la signature du débiteur, apposée à la main. Le message électronique ne portant pas la signature électronique qualifiée ne vaut pas titre de mainlevée (Abbet/Veuillet, La mainlevée de l'opposition, 2022, n. 15 et 30 ad art. 82 LP).

Une facture signée sans réserve ni condition par le débiteur remplit les conditions de l'art. 82 al. 1 LP (ABBET/VEUILLET, op. cit., n. 38 ad art. 82 LP). En revanche, des factures - non signées par le débiteur - ne valent pas reconnaissance de dette et ce, même si elles ne sont pas contestées (arrêt du Tribunal fédéral 5P.290/2006 du 12 octobre 2006 consid. 3.2 et les références citées).

2.1.3 Le devoir d'interpellation du juge, prévu par l'art. 56 CPC, ne doit ni remplacer la collaboration qui peut être exigée des parties dans l'établissement des faits, ni servir à compenser des négligences procédurales (arrêts du Tribunal fédéral 4A_444/2013 du 5 février 2014 consid. 6.3.3 et 5A_380/2016 du 15 septembre 2016 consid. 5.1).

L'art. 132 al. 1 CPC permet de réparer certaines inadvertances qui surviennent parfois lors du dépôt d'un acte. Il se rapporte textuellement à des vices de forme; le plaideur ne peut donc pas s'en prévaloir afin de remédier aux éventuelles insuffisances de ses moyens au fond (arrêt du Tribunal fédéral 4A_659/2011 du 7 décembre 2011 consid. 5, SJ 2012 I 232).

La légitimation n'est pas une condition de recevabilité; elle concerne le droit matériel (cf. ATF 139 III 504 consid. 1.2). Si elle fait défaut, la demande doit être rejetée (cf. supra consid. 2.1.1).

2.2 En l'espèce, c'est à bon droit que le Tribunal a débouté la recourante de sa requête tendant au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______.

En effet, la mainlevée provisoire ne peut être accordée lorsque le poursuivant et le créancier désigné dans le titre invoqué à l'appui de la requête de mainlevée ne sont pas les mêmes. En l'occurrence, la recourante a formé la requête de mainlevée provisoire devant le Tribunal en son nom propre, alors que c'est la société C______ SÀRL qui a émis la "facture numéro #2910 de consulting pour projet de clinique datée du 19.07.2021", invoquée comme titre de créance, et initié la poursuite litigieuse contre l'intimée.

Il n'appartenait pas au Tribunal d'interpeller la recourante sur cette question, dans la mesure où la légitimation active relève du fondement matériel de l'action et ne saurait faire l'objet d'une rectification au sens de l'art. 132 al. 1 CPC.

A cela s'ajoute que la recourante n'a pas produit de reconnaissance de dette valant titre de mainlevée provisoire. Ainsi, il ne ressort pas des pièces produites la volonté de l'intimée de payer, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée ou aisément déterminable à la recourante, respectivement à C______ SÀRL. Les échanges de courriels et la facture - non signée par la poursuivie - annexés à la requête sont insuffisants à cet égard. Dans son recours, la recourante n'a d'ailleurs pas critiqué la motivation du jugement sur ce point, se contentant de fournir des explications quant à l'objet de cette facture et quant au comportement de D______, lequel lui aurait demandé d'effectuer des démarches inutiles et l'aurait ignorée dans ses tentatives de trouver une issue amiable au litige. Pour le surplus, les preuves que la recourante indique détenir ("surtout des échanges WhatsApp") pour attester du caractère inutile des prestations effectuées sur requête de l'intimée et/ou du non-paiement de la facture litigieuse ne sont pas déterminantes pour l'issue du litige, étant rappelé que les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours (art. 326 CPC).

Le recours, infondé, sera donc rejeté.

3. Les frais judiciaires de recours, arrêtés à 300 fr., seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimée qui n'a pas répondu au recours.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 25 octobre 2022 par A______ contre le jugement JTPI/11234/2022 rendu le 28 septembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8723/2022-8 SML.

Au fond :

Rejette ce recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judicaires de recours à 300 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.