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C/12465/2021

ACJC/824/2022 du 10.06.2022 sur JTPI/281/2022 ( SML ) , JUGE

Recours TF déposé le 22.08.2022, rendu le 18.04.2023, CASSE, 5A_625/2022
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12465/2021 ACJC/824/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 10 JUIN 2022

 

Entre

A______ SÀRL, sise ______ [GE], recourant contre un jugement rendu par le Tribunal de première instance de ce canton le 11 janvier 2022, comparant par
Me Etienne GARD, avocat, Bratschi SA, Bahnhofstrasse 70, 8021 Zurich 1, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ LTD, domiciliée ______, Chypre, intimée, comparant par
Me Daria SOLENIK, avocate, SwissLegal Rouiller & Associés, Rue Rodolphe-
Töpffer 8, 1206 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement du 11 janvier 2022, expédié pour notification aux parties le 13 janvier 2022, le Tribunal de première instance, après avoir déclaré irrecevable le bordereau de pièces complémentaires de A______ Sàrl du 4 novembre 2021, a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 44'465 fr. 70 avec intérêts à 5% l'an dès le 22 janvier 2021 (ch. 1), arrêté les frais judiciaires à 400 fr., compensés avec l'avance fournie par B______ LTD et mis à la charge de A______ Sàrl, condamnée à en rembourser la précitée ainsi qu'à lui verser 1'440 fr. à titre de dépens (ch. 3 et 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions.

Il a retenu que la marchandise vendue par B______ LTD avait été livrée, de sorte que le solde du prix demeurait dû par A______ Sàrl qui n'avait pas rendu vraisemblable la créance qu'elle affirmait détenir en réduction du prix du fait de défauts allégués en termes de contamination à un pesticide et d'étiquetage des biens objets de la livraison. Il a ainsi prononcé la mainlevée d'opposition requise, à concurrence de la contre-valeur, selon le taux de conversion applicable au jour de la réquisition de poursuite, de 40'350 euros.

B.            Par acte du 24 janvier 2022, A______ Sàrl a formé recours contre la décision précitée. Elle a conclu à l'annulation de cette décision, cela fait au rejet de la requête de mainlevée provisoire formée par B______ LTD, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision, avec suite de frais et dépens.

A titre préalable, elle a requis la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris, ce qui a été rejeté par arrêt de la Cour du 1er février 2022.

B______ LTD a conclu au rejet du recours.

Aux termes de leurs réplique et duplique respectives, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

Par avis du 22 mars 2022, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure de première instance les faits pertinents suivants:

a.      Par contrat du 3 novembre 2020, soumis au droit suisse et comportant une clause arbitrale, B______ LTD, entité de droit chypriote, s'est engagée à vendre à A______ Sàrl, société à responsabilité limitée inscrite au Registre du commerce genevois, 5'000 kilos de pignons de pin, pour le prix de 80'700 euros, payables à raison de 50% dans les cinq jours ouvrables suivant la signature de l'accord, et à raison de 50% dans les cinq jours ouvrables suivant la réception de la marchandise à l'entrepôt de l'acheteur. Il était notamment stipulé que les produits étaient conformes à la norme internationale "Gost", ainsi qu'aux exigences relatives aux produits du type vendu, en vigueur dans la Fédération de Russie et en Suisse, et seraient exempts de défaut; ces garanties demeuraient valables après que l'acheteur aurait disposé de la marchandise. Les emballages des produits étaient fournis avec une fiche indiquant la liste des produits, leur origine, leur type et leur poids brut et net. Tout défaut des produits livrés devait être porté à la connaissance de la venderesse dans les dix jours ouvrables dès la livraison; le vendeur était tenu de remédier au défaut dans les quatorze jours calendaires dès réception de l'avis des défauts et s'il n'y parvenait pas de manière satisfaisante, l'acheteur avait le droit notamment de résilier le contrat ou de réduire le prix.

Le 10 novembre 2020, A______ Sàrl a versé à B______ LTD le montant de 40'350 euros.

Le 30 novembre 2020, B______ LTD a déposé les produits objets du contrat précité dans un entrepôt sis à C______ (Allemagne), comme convenu contractuellement.

Le 14 janvier 2021, après la levée des restrictions d'accès liées au Covid-19, A______ Sàrl en a pris possession.

Par lettre du 20 janvier 2021, elle a signifié à B______ LTD qu'une inspection des produits livrés avait révélé la présence de pesticides dans certains paquets, qu'elle faisait réaliser des analyses aux fins de déterminer l'étendue des défauts, et qu'il existait un problème d'étiquetage et d'emballage (qu'elle a illustré par des photographies annexées à son courrier, qui montrent, sur un ou des cartons, une étiquette dont le coin droit décollé laisse voir une étiquette apposée en dessous).

Par lettre du 28 janvier 2021, elle a fait parvenir à B______ LTD un rapport, établi selon ce qu'elle indiquait à la demande de l'acheteur final de la marchandise le 27 janvier 2021 par un laboratoire allemand, dont résultait la présence, dans le lot de pignons de pins analysé (n° 41), du pesticide pirimiphos-methyl dans une concentration supérieure à la norme européenne, ce qui le rendait non commercialisable. Elle a requis le remplacement de la marchandise livrée, aux frais de B______ LTD.

Par courrier du 29 janvier 2021 répondant à la lettre de A______ Sàrl du 20 janvier précédent, B______ LTD a annoncé avoir procédé à une enquête interne qui avait révélé une erreur durant la phase d'étiquetage; cette erreur avait été éliminée par l'apposition d'étiquettes correctes correspondant au contenu du lot spécifié, dont certaines avaient été collées sur les étiquettes erronées. Elle a ajouté qu'elle allait faire procéder à des analyses sur les échantillons qu'elle avait archivés, dont elle communiquerait le résultat une fois celui-ci obtenu.

Les 9 et 16 février 2021, B______ LTD a fait réaliser, par le laboratoire allemand susmentionné, l'analyse d'un "échantillon d'archives" qu'elle avait prélevé sur le lot de produits livrés (n°41), ainsi qu'à l'analyse de produits invendus du même lot conservés à l'entrepôt (n° 41), lesquelles n'ont pas mis en évidence de pesticide.

Par lettre du 11 février 2021, elle a communiqué à A______ Sàrl le résultat de la première de ces deux analyses, sans joindre le rapport précité, et réfuté toute responsabilité, considérant notamment une contamination aux pesticides dans son entrepôt comme très improbable.

Par courriel du même jour, A______ Sàrl a requis l'envoi des rapports d'analyse susmentionnés, ce à quoi B______ LTD a procédé par lettre du 18 février 2021. La rubrique de ces rapports consacrée à la méthode d'analyse est libellée de façon identique à celle figurant dans le rapport du 27 janvier 2021 établi à la demande de A______ Sàrl, à la différence qu'une mention "BNN" a été ajoutée après l'indication "D______ Pesticides 500Plus".

Le 26 février 2021, A______ Sàrl, qui avait constitué avocat, a déclaré résoudre le contrat en raison des défauts, et réclamer le remboursement du montant versé en 40'350 euros. Par lettre du 1er mars 2021, B______ LTD a contesté l'existence des défauts, mais consenti, par gain de paix, à reprendre la marchandise livrée et à restituer 40'350 euros.

Sur ce, A______ Sàrl a, par courrier du 4 mars 2021, offert deux options à sa cocontractante: soit elle acceptait la reprise de la marchandise et la restitution de la somme ci-dessus, à condition que celle-ci soit augmentée de 27'000 euros d'indemnisation, soit elle gardait la marchandise et versait 10'000 euros pour solde de tout compte.

Par pli du 10 mars 2021, B______ LTD ne s'est pas prononcée sur ces options, annonçant qu'elle ferait valoir ses droits en exécution du contrat par voie judiciaire, et a évoqué une pénalité de 10'000 euros pour non-respect du contrat.

Par lettre du 11 mars 2021 demeurée sans réponse, A______ Sàrl a rappelé qu'elle avait résolu le contrat et réitéré ses deux offres articulées le 4 mars précédent, contestant pour le surplus le contenu du courrier de sa partie adverse.

A______ Sàrl a par la suite rétracté sa déclaration de résolution du contrat pour requérir une réduction du prix de vente au montant total de 50'350 euros, offrant ainsi de verser un solde de 10'000 euros.

Le 24 mars 2021, elle a informé B______ LTD avoir disposé des produits à un "prix réduit" en faveur d'un acheteur situé "hors Union Européenne".

Par lettre du 1er avril 2021, cette dernière l'a mise en demeure de lui verser le solde du prix convenu contractuellement, soit 40'350 euros.

b.      Le 5 mai 2021, à la requête de B______ LTD, l'Office cantonal des poursuites à fait notifier à A______ Sàrl un commandement de payer, poursuite n° 1______, portant sur 44'554 fr. 55 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 22 janvier 2021, le titre de l'obligation mentionné étant le "contrat de vente du 3 novembre 2020".

Opposition y a été formée.

c.       Par acte adressé le 18 juin 2021 au Tribunal, B______ LTD a requis la mainlevée provisoire de l'opposition précitée, avec suite de frais et dépens.

A______ Sàrl a conclu au rejet de la requête. Elle a notamment excipé de compensation, à raison d'une créance "d'au moins" 45'000 fr., soit 10'000 fr. de frais d'avocat, 30'000 fr. de perte de profit et 5'000 fr. de frais divers "(test, déplacement, etc.)".

Les parties ont répliqué et dupliqué respectivement, persistant dans leurs conclusions initiales.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée de l'opposition, seule la voie du recours est ouverte (art. 319 let. b et 309 let. b ch. 3 CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

1.2 Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 251 let. a et 321 al. 1 et 2 CPC). Déposé selon la forme et le délai prescrits, le recours est recevable.

1.3 Dans le cadre d'un recours, l'autorité a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant que les griefs formulés et motivés par le recourant (art. 320 CPC; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd. 2010, n. 2307).

Le recours étant instruit en procédure sommaire, la maxime des débats s'applique et la preuve des faits allégués doit être apportée par titre (art. 55 al. 1, 255 let. a a contrario et 254 CPC). Le principe de disposition est applicable (art. 58 al. 1 CPC).

2. La recourante critique le Tribunal pour ne pas avoir retenu divers faits allégués par les parties en première instance.

L'état de fait dressé ci-dessus a été ainsi complété dans la mesure pertinente et utile à la solution du litige.

3. La recourante reproche au premier juge d'avoir prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition sollicitée par l'intimée.

3.1 Selon l'art. 82 al. 1 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire.

Le juge de la mainlevée provisoire doit vérifier d'office notamment l'existence matérielle d'une reconnaissance de dette (ATF 142 III 720 consid. 4.1 et la référence; 139 III 444 consid. 4.1.1, et les références; arrêts du Tribunal fédéral 5A_940/2020 du 27 janvier 2021 consid. 3.1; 5A_40/2013 du 29 octobre 2013 consid. 2.2), l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue (ATF 139 III 444 précité consid. 4.1.1 et les références; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 73ss ad art. 82 LP).

3.2 Par reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP, il faut entendre notamment l'acte sous seing privé, signé par le poursuivi, d'où ressort sa volonté de payer au poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d'argent déterminée, ou aisément déterminable, et exigible (ATF 139 III 297 consid. 2.3.1; 136 III 624 consid. 4.2.2; 136 III 627 consid. 2).

Un contrat bilatéral ne vaut ainsi reconnaissance de dette que si le poursuivant a rempli ou garanti les obligations légales ou contractuelles exigibles avant le paiement dont il requiert le recouvrement, ou au moment de ce paiement (Gilliéron, op. cit., n. 45 ad art. 82 LP), c'est-à-dire s'il a exécuté ou offert d'exécuter sa propre prestation en rapport d'échange (ATF 116 III 72; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1017/2017 du 12 septembre 2018 consid. 4.4.1). La question de la fourniture de la prestation du poursuivant ne constitue donc pas un moyen libératoire au sens de l'art. 82 al. 2 LP que le débiteur devrait rendre vraisemblable. Elle relève de la contestation d'une exigence mise à l'admission d'un contrat bilatéral parfait comme titre de mainlevée provisoire au sens de l'art. 82 al. 1 LP (arrêt du Tribunal fédéral 5A_1017/2017 précité consid. 4.3.2 et 4.3.3).

3.3 Le poursuivi peut faire échec à la mainlevée provisoire en rendant immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP). Il peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil - exceptions ou objections - qui infirment la reconnaissance de dette (ATF 145 III 20 consid. 4.1.2; 142 III 720 consid. 4.1 et la référence); il doit alors établir, au degré de la vraisemblance, le moyen libératoire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_139/2018 précité consid. 2.6.1; 5A_833/2017 du 8 mars 2018 consid. 2.2 et les références).

De simples affirmations ne sont pas suffisantes. Contrairement à la procédure de mainlevée définitive, dans la mainlevée provisoire, le débiteur n'a pas à apporter la preuve absolue (ou stricte) de ses moyens libératoires, mais doit seulement les rendre vraisemblables (ATF 132 III 140 consid. 4.1.2).

Le juge n'a pas à être persuadé de l'existence des faits allégués; il doit, en se fondant sur des éléments objectifs, avoir l'impression qu'ils se sont produits, sans exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement. Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour décider si un état de fait est vraisemblable ou non. Plus la reconnaissance de dette est claire plus la vraisemblance de la libération doit être accrue (Veuillet, La mainlevée d'opposition, 2017, n. 107 ad art. 82 LP et les références citées).

3.4 Selon la jurisprudence, la mainlevée provisoire fondée sur un contrat synallagmatique doit être prononcée si le débiteur qui fait valoir un défaut soumis à un avis ne rend pas vraisemblable qu'il a donné cet avis dans le délai (ATF 145 III 20, consid. 4.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1008/2014 du 1er juin 2015 consid. 3.4.2; 5A_630/2010 et 631/2010 du 1er septembre 2011 consid. 2.2, publié in Pra 2012 no 32 p. 223 [vente]; 5A_19/2016 du 6 septembre 2016 consid. 2.6 [contrat d'entreprise]).

3.5 Selon l'art. 205 al. 1 CO, dans les cas de garantie en raison des défauts de la chose, l'acheteur a le droit ou de faire résilier la vente en exerçant l'action rédhibitoire, ou de réclamer par l'action en réduction de prix une indemnité pour la moins-value.

Les droits à la résolution et à la réduction sont des droit formateurs (Venturi/ Zen Ruffinen, CR-CO, 2021, ad art. 205 n. 2).

L'acteur est définitivement lié par le choix (valablement) exprimé, sa communication au vendeur épuisant son droit d'option (Venturi/ Zen Ruffinen, op. cit. n. 5).

Les parties sont libres, par convention, de revenir sur le choix de l'acheteur et de restaurer ainsi son droit d'option. Il est admis également que l'acheteur retrouve son droit d'option si le vendeur conteste, pour quelque motif que ce soit, l'existence du droit exercé par l'acheteur ou la validité de son exercice; il appartient au droit de procédure de déterminer jusqu'à quel moment l'acheteur peut exercer son ius variandi (ibidem).

3.6 Le contentieux de la mainlevée de l'opposition (art. 80 ss LP) est une procédure sur pièces ("Urkundenprozess") (art. 254 al. 1 CPC), dont le but n'est pas de constater la réalité d'une créance, mais l'existence d'un titre exécutoire; le juge de la mainlevée examine uniquement la force probante du titre produit par le créancier poursuivant, sa nature formelle, et non pas la validité de la prétention déduite en poursuite (ATF 145 III 160 consid. 5.1; 142 III 720 consid. 4.1.1). Le prononcé de mainlevée ne sortit que des effets de droit des poursuites et ne fonde pas l'exception de chose jugée (res judicata) quant à l'existence de la créance (ATF 140 III 48 consid. 3; 136 III 583 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2019 du 24 février 2020 consid. 3.1).

Lorsqu'il procède à l'interprétation du titre, le juge de la mainlevée provisoire ne peut prendre en compte que les éléments intrinsèques à ce titre, à l'exclusion des éléments extrinsèques qui échappent à son pouvoir d'examen (ATF 145 III 20 consid. 4.3.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_940/2020 précité consid. 3.2.2; 5A_65/2020 du 7 juillet 2020 consid. 4.2.4; 5A_388/2019 du 7 janvier 2020 consid. 4.1.3 et les références). Si le sens ou l'interprétation du titre de mainlevée invoqué est source de doutes ou si la reconnaissance de dette ne ressort que d'actes concluants, la mainlevée provisoire doit être refusée. La volonté de payer du poursuivi doit ressortir clairement des pièces produites, à défaut de quoi elle ne peut être déterminée que par le juge du fond (arrêts du Tribunal fédéral 5A_940/2020 précité consid. 3.2.2; 5A_65/2020 précité consid. 4.2.4; 5A_388/2019 précité consid. 4.1.3; 5A_89/2019 du 1er mai 2019 consid. 5.1.3).

Le juge de la mainlevée n'a pas à trancher de délicates questions de droit matériel ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important, la décision sur de telles questions étant réservée au juge du fond (Veuillet, op. cit., n. 106 ad art. 84 LP).

3.7 En l'espèce, il est constant que les parties se sont liées par un contrat de vente, que la moitié du prix a été acquittée par la recourante et que la marchandise a été livrée.

Après la prise de possession de la marchandise, la recourante a formulé un avis des défauts, le 20 janvier 2021, en relation avec l'étiquetage et la qualité de la marchandise livrée, dans un délai conforme au contrat, ce qui n'est pas contesté.

Elle a joint à son avis des défauts des photographies d'un voire plusieurs cartons sur quoi il apparaît qu'ont été apposées deux couches d'étiquettes, celle du niveau supérieur recouvrant l'étiquette du niveau inférieur; dans son courrier de protestation du 20 janvier 2021, elle a annoncé en tirer le soupçon que de la marchandise erronée aurait été livrée, ou que de la marchandise aurait été mélangée avec une commande qui n'émanerait pas d'elle-même. Dans sa réponse de première instance, elle a soutenu qu'il en découlait un problème de traçabilité, puis dans sa réplique que de ce fait la valeur de la marchandise était considérablement réduite "du point de vue de l'acheteur potentiel". L'intimée n'a pas contesté qu'il y ait eu une erreur d'étiquetage, mais a assuré que l'étiquette supérieure, apposée par ses soins avant expédition, correspondait au contenu du lot. Dans son écriture de recours, la recourante répète que l'étiquetage erroné empêcherait l'identification et la traçabilité des produits.

Les photographies versées ne rendent pas cette thèse vraisemblable, puisqu'elles se limitent à révéler qu'il y a, sur un ou des cartons, une étiquette supérieure qui recouvre une étiquette inférieure (partiellement décollée au niveau du coin inférieur droit), ce qui n'est pas, en soi, au stade de la vraisemblance, constitutif de l'empêchement d'identification ou de traçabilité invoqué.

En ce qui concerne le défaut lié à la présence de pesticide, le rapport produit par la recourante, rend son existence vraisemblable. Peu importe, dans le cadre de la procédure de mainlevée, l'argumentation de l'intimée, qui se fonde sur des rapports d'analyse ne portant pas sur la marchandise livrée, ou sur le fait que toute contamination dans son propre entrepôt ne serait pas probable. Par ailleurs, sa thèse fondée sur une lecture des dispositions du contrat ayant lié les parties, selon laquelle le délai de paiement du solde du prix inférieur à celui du délai de notification de défauts éventuels rendrait le premier de ces délais inconditionnel, excède le cadre de la procédure de mainlevée, dans la mesure où elle suppose une interprétation du contrat.

Cela étant, le 26 février 2021, au vu des défauts constatés, la recourante a déclaré la résolution du contrat la liant à l'intimée, et a réclamé le remboursement du montant versé en 40'350 euros; cela a, au demeurant, été accepté le 1er mars 2021 par l'intimée (qui a offert ledit remboursement du prix et la reprise de la marchandise).

La recourante a donc exercé son droit formateur à la résolution du contrat; par voie de conséquence, dès cet instant, l'intimée, qui en a à tout le moins pris acte, ne disposait plus d'une créance contractuelle en paiement du solde du prix de vente.

Il en découle à ce stade, que le contrat du 3 novembre 2020 - invoqué dans le commandement de payer frappé de l'opposition dont la mainlevée est requise dans la présente procédure - ne représentait plus un titre de mainlevée au sens de l'art. 82 LP.

Certes, les parties évoquent encore leurs diverses manifestations de volonté postérieures à l'exercice par la recourante du droit de résolution du contrat.

Pour revenir sur ce droit formateur, et restaurer le droit d'option de la recourante en faveur d'une réduction du prix, une convention conclue entre les parties était nécessaire, ou alors une contestation par l'intimée de l'existence du droit exercé par la recourante ou de la validité de l'exercice de celui-ci.

Déterminer, en l'occurrence, si les échanges entre les parties intervenus postérieurement au 1er mars 2021, dont la portée est disputée par les parties, réalisent l'une des conditions précitées, excède le pouvoir d'examen du juge de la mainlevée.

Ainsi, le fait que la recourante serait revenue de façon valable sur la résolution du contrat n'est pas acquis. Il n'y a ainsi pas à examiner davantage les théories respectives des parties sur le mérite de la créance, tirée de l'action en réduction du prix, opposée en compensation par la recourante.

En définitive, au vu de ce qui précède, la requête de mainlevée d'opposition au commandement de payer formée par l'intimée sur la base du contrat du 3 novembre 2020 n'était pas fondée, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge.

La décision attaquée sera dès lors annulée, et il sera statué à nouveau (art. 327 al. 3 let. b CPC), dans le sens que l'intimée sera déboutée des fins de sa requête.

3. L'intimée, qui succombe, supportera les frais judiciaires de la procédure (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 1'000 fr. (art. 48, 61 OELP), compensés avec les avances opérées, acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Elle remboursera 600 fr. à la recourante, qui en avait fait l'avance pour le recours.

Elle lui versera en outre 2'000 fr. à titre de dépens de première instance et de recours (art. 84, 85, 89, 90 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 24 janvier 2022 par A______ SÀRL contre le jugement JTPI/281/2022 rendu le 11 janvier 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/12465/2021–13 SML.

Au fond :

Annule ce jugement. Statuant à nouveau:

Déboute B______ LTD des fins de sa requête de mainlevée provisoire de l'opposition formée par A______ Sàrl au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais de première instance et de recours :

Arrête les frais judiciaires à 1'000 fr., compensés avec les avances effectuées, acquises à l'Etat de Genève, et les met à la charge de B______ LTD.

Condamne B______ LTD à rembourser 600 fr. à A______ Sàrl.

Condamne B______ LTD à verser à A______ Sàrl 2'000 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Marie-Pierre GROSJEAN, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Marie-Pierre GROSJEAN

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.