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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/4114/2025

ACPR/907/2025 du 04.11.2025 sur OMP/23960/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE JUDICIAIRE
Normes : CPP.132.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/4114/2025 ACPR/907/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 4 novembre 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 2 octobre 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 13 octobre 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 2 octobre 2025, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner une défense d'office en sa faveur.

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens non chiffrés, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à la nomination de Me B______ en qualité de défenseur d'office dès le 1er octobre 2025.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né le ______ 1989, est ressortissant de Guinée-Bissau, et au bénéfice d'un titre de séjour portugais.

b. Le 14 février 2025, il a été interpellé entre la rue de Lyon et la rue du Jura, à Genève, par la police, qui effectuait une opération de surveillance dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue.

Selon les observations de la police, l'intéressé s'était engagé, avec un tiers, dans un échange qu'elle suspectait être une transaction de stupéfiants. Lors de son interpellation, A______ a tenté de se débarrasser, en les jetant au sol, de stupéfiants, à savoir 10 grammes de cocaïne, 5 grammes de MDMA, 7 comprimés d'ecstasy et 10 grammes de marijuana.

c. Auditionné par la police sans interprète le même jour en français, A______ a reconnu avoir été en possession des substances précitées. Il a déclaré avoir remis, à titre gratuit, une dose de MDMA à une connaissance, juste avant son interpellation. Il lui arrivait de vendre des produits stupéfiants dans les discothèques ou clubs de Genève. Il logeait à C______ (France) et était arrivé le jour même à Genève par la ligne de tramway reliant ces deux villes. Il ne savait ni lire ni écrire.

Sous la rubrique "identité" du procès-verbal d'audition, la police a indiqué que la langue maternelle de l'intéressé était le mandinka. Il ressort de l'avis d'arrestation que l'intéressé maîtrise en outre l'anglais, aucun élément n'étant précisé quant à sa maîtrise du français.

Il a été remis en liberté le 15 février 2025.

d. Par ordonnance pénale du 15 février 2025, le Ministère public a reconnu A______ coupable d'infractions à l'art. 19 al. 1 let. c et d LStup et l'a condamné à une peine pécuniaire de 130 jours-amende, à CHF 10.- l'unité, avec sursis durant trois ans, ainsi qu'aux frais de la procédure.

e. Par courrier du 24 février 2025, Me B______, constitué par A______ à la défense de ses intérêts, a formé opposition à l'ordonnance pénale précitée et sollicité la présence d'un interprète en langue anglaise lors de la prochaine audition de son client devant le Ministère public.

f. Par mandats de comparution adressés successivement les 23 juin, 18 juillet puis 28 juillet 2025, A______ a été convoqué à des audiences prévues le 15 août 2025, respectivement le 28 août 2025, puis le 29 août 2025, devant le Ministère public.

g. Par le truchement de son conseil, l'intéressé a, les 30 juin, 22 juillet et 27 août 2025, informé le Ministère public être en voyage en Afrique jusqu'à fin septembre 2025.

Il ne s'est pas présenté auxdites convocations.

h. Par mandat de comparution du 28 août 2025, le Ministère public a, à nouveau, convoqué A______ à une audience, fixée le 1er octobre 2025.

Il a, en parallèle d'une convocation adressée par pli simple, avisé l'intéressé par publication du ______ 2025 dans la Feuille d'avis officielle (FAO).

i. Le 1er octobre 2025, le greffier-juriste du Ministère public, agissant par délégation de la Direction de la procédure, a constaté que A______, dûment convoqué, ne s'était pas présenté. Lors de l'audience, Me B______ a informé le Ministère public que son client, toujours en Afrique, arriverait à Lisbonne le 9 octobre 2025 – ce dont il venait d'être informé – et a sollicité que ce dernier fût mis au bénéfice d'une défense d'office, précisant que A______ ne se désintéressait pas de la procédure.

j. A______ n’a aucun antécédent figurant à son casier judiciaire suisse ni aucune autre procédure pénale pendante à son encontre.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public considère que la cause ne présente pas de difficultés juridiques ou de fait particulières, de sorte que le prévenu était à même de se défendre seul; la cause était en outre de peu de gravité et n'exigeait ainsi pas la désignation d'un défenseur d'office.

D. a. Dans son recours, A______ expose qu'il ne maîtrise pas suffisamment le français pour participer à une procédure pénale, ne sait ni lire ni écrire et ne dispose a fortiori d'aucune connaissances juridiques. Compte tenu de ses "limites personnelles", la


procédure devait être considérée, pour lui, comme complexe. Il était d'ailleurs incompréhensible qu'il eût été entendu sans interprète devant la police. Par ailleurs, le Ministère public retenait que la cause était de peu de gravité, ce qui était contraire à l'art. 132 al. 3 CPP, dans la mesure où il avait été condamné par ordonnance pénale du 15 février 2025 à une peine pécuniaire de 130 jours-amende.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et
5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant estime avoir droit à un défenseur d'office.

3.1.1. En dehors des cas de défense obligatoire visés à l'art. 130 CPP,
l'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur d'office aux conditions que le prévenu soit indigent et que la sauvegarde de ses intérêts justifie une telle assistance. S'agissant de la seconde condition, elle s'interprète à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP. Ainsi, les intérêts du prévenu justifient une défense d'office notamment lorsque la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende
(art. 132 al. 3 CPP). 

Si les deux conditions mentionnées à l'art. 132 al. 2 CPP doivent être réunies cumulativement, il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs (comme l'indique l'adverbe "notamment"), en particulier dans les cas où cette mesure est nécessaire pour garantir l'égalité des armes ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu
(arrêts du Tribunal fédéral 1B_12/2020 du 24 janvier 2020 consid. 3.1 et 1B_374/2018 du 4 septembre 2018 consid. 2.1).

3.1.2. Selon la jurisprudence, le point décisif pour admettre l'existence de difficultés de fait ou de droit est de savoir si la désignation d'un avocat d'office est objectivement nécessaire dans le cas d'espèce. À cet égard, il faut tenir compte des circonstances concrètes de l'affaire, de la complexité des questions de fait et de droit, des particularités que représentent les règles de procédure applicables, des connaissances juridiques du requérant ou de son représentant, du fait que la partie adverse est assistée d'un avocat, et de la portée qu'a pour le requérant la décision à prendre, avec une certaine réserve lorsque sont en cause principalement ses intérêts financiers
(ATF 128 I 225 consid. 2.5.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_661/2011 consid. 4.2.3) ainsi que des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir
(ATF 115 Ia 103 consid. 4; ACPR/122/2014 du 6 mars 2014 consid. 3.1).

3.2. En l'espèce, la condition de la gravité de l'affaire au regard du seuil prévu à l'art. 132 al. 3 CPP apparait manifestement réalisée, contrairement à l'affirmation du Ministère public.

Cela étant, il convient, outre celle-ci, de déterminer si la cause présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter
(art. 132 al. 2 CPP).

Les faits reprochés s'inscrivent dans le cadre de l'interpellation du recourant le 14 février 2025 en possession d'une quantité de stupéfiants incompatible avec une consommation personnelle. Ils demeurent simples et circonscrits, dès lors qu'ils sont liés à un événement unique, qui a trait à un "flagrant délit" au sens de
l'art. 217 al. 1 let. a CPP.

Lors de son audition devant la police, le recourant n'a pas indiqué rencontrer des difficultés à comprendre l'objet de la procédure. Il ressort d'ailleurs de ses réponses en français qu'il a parfaitement compris ce qui lui était reproché et s'est exprimé sans difficulté majeure, malgré l'absence d'un interprète dans sa langue maternelle. Dans ce cadre, la présence d'un avocat n'était nullement nécessaire, s'agissant uniquement de répondre à des questions portant sur des faits précis, soit la détention de produits stupéfiants et la remise d'un tel produit à un tiers le même jour.

Enfin, la norme pénale qui lui est opposée, l'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c et d LStup, ne présente pas de réelle difficulté de compréhension ou d'application, même pour une personne sans formation juridique. Étant sans antécédent, il n’aura pas non plus à faire face à de quelconques difficultés en matière de fixation de la peine.

En définitive, la cause ne présente pas de difficultés particulières nécessitant l'intervention d'un avocat rémunéré par l'État. Les conditions de l'art. 132 al. 1 let. b CPP ne sont dès lors pas réunies et la défense d'office du recourant pouvait être refusée, par le Ministère public.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et, partant, le recours rejeté.

5.             La procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).