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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22861/2025

ACPR/903/2025 du 04.11.2025 sur OMP/24466/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN
Normes : CPP.255.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22861/2025 ACPR/903/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 4 novembre 2025

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 8 octobre 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 20 octobre 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 8 octobre 2025, notifiée le jour même, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 7 octobre 2025, la police a été appelée pour une bagarre entre deux individus. Elle s'est trouvée, à son arrivée sur les lieux, en présence de deux hommes, l'un étant à califourchon sur l'autre et le maintenait au sol.

Le premier de ces deux hommes, C______, était blessé au niveau de la tête. Il a expliqué à la police avoir été agressé par le second individu, A______, lequel avait sorti un petit ciseau de la poche de sa veste et lui avait asséné un coup sur le crâne, puis deux coups sur la joue et sur le haut du crâne, tout en disant qu'il allait le tuer. Il avait finalement réussi à la maitriser et avait demandé à un passant d'appeler la police.

b. Une paire de ciseau, avec des traces de sang et de chair, a été retrouvée par la police et portée à l'inventaire.

c. Le Ministère public a ordonné que soient établis les constats de lésions traumatiques de A______ et de C______, y compris de procéder à tout prélèvement utile.

d. A______, prévenu de tentative de meurtre (art. 22 cum 111 CP), a refusé de s'exprimer devant la police, a contesté devant le Ministère public la version des faits de C______, expliquant que c'était celui-ci qui avait commencé à se battre et qui était porteur de ciseaux. Lui-même n'avait fait que se défendre et avait d'ailleurs été blessé. Il avait alors saisi les mains de son adversaire et c'était sans doute à cette occasion qu'ils s'étaient tous deux blessés.

C. Le Ministère public motive l'ordonnance querellée, fondée sur l'art 255 al. 1 CPP, par le fait que la procédure portait sur un crime ou un délit susceptible d'être élucidé au moyen de l'ADN (cf. liste des infractions mentionnées dans la Directive A.5, art. 4).

D. a. Dans son recours, A______ relève que l'établissement de son profil d'ADN avait déjà été ordonné à maintes reprises de sorte que l'on ne discernait pas pour quelles raisons il devait l'être une nouvelle fois pour élucider l'infraction reprochée. Les procureurs semblaient d'ailleurs donner plus d'importance aux directives du Procureur général que de respecter la loi et la jurisprudence, ce qui laissait craindre une volonté de ficher de manière massive les étrangers. Il avait un droit protégé à ce que l'on ne manipule pas son ADN de manière inutile. L'établissement de son profil d'ADN était ainsi arbitraire et disproportionné.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

3.1.       Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

3.2.       L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d).

3.3.       Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

3.4.       En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider les faits objets de la procédure, à savoir des faits qualifiés de tentative de meurtre (art. 22 cum 111 CP). Cette infraction est spécifiquement mentionnée dans la liste à l'art. 4.2 de la Directive A.5 du Procureur général dont le libellé est "Infraction(s) sur laquelle (lesquelles) porte(nt) la procédure (art. 255 al. 1 CPP)" et qui, bien que n'ayant pas force de loi, est fondée sur l'art. 255 al. 1 CPP, lequel autorise l'établissement d'un profil d'ADN pour élucider des crimes ou délits en cours d'instruction.

Le recourant conteste la version des faits livrée par le lésé, affirmant que c'est ce dernier qui était muni d'une paire de ciseaux et non lui-même. Or la paire de ciseaux en cause, sur laquelle la police a trouvé des traces de sang et de chair, a été portée à l'inventaire. D'autre part, l'établissement de constats de lésions traumatiques a été ordonné, lesquels comprendront tous prélèvements utiles. Dès lors, le principe de la proportionnalité, sous l'angle de l'aptitude de la mesure, est respecté et celle-ci ne consacre aucune atteinte injustifiée aux droits fondamentaux du recourant.

Le recourant soutient qu'ordonner un nouvel établissement de son profil d'ADN alors qu'un tel profil avait déjà été établi plusieurs fois par le passé, serait arbitraire. La Chambre de céans est toutefois d'avis [cf. notamment, ACPR/400/2025 du 23 mai 2025 consid. 2.3] que dans la mesure où les profils d'ADN sont soumis à effacement après un certain délai [cf. art. 16 de la Loi sur les profils d'ADN; RS 363], il existe un intérêt public prépondérant – quand bien même l'établissement du profil d'ADN aurait déjà été ordonné à une ou plusieurs reprises et son effacement n'interviendrait pas avant de nombreuses années –, à soumettre derechef le prévenu à cette mesure, pour autant que les conditions légales soient à nouveau réalisées, ce qui est le cas en l'espèce. Ce sont d'ailleurs les soupçons de la commission d'une nouvelle infraction – en l'occurrence une tentative de meurtre – qui ont conduit le Ministère public à ordonner à nouveau l'établissement du profil d'ADN du recourant. Dans la mesure où on se trouve dans une situation dans laquelle l'art. 255 al. 1 CPP permet d'ordonner un tel établissement, la mesure est légale, et, partant, nullement arbitraire.

Ainsi, le fait, pour le Ministère public, d'avoir, dans de telles circonstances, ordonné une nouvelle fois l'établissement du profil d'ADN du recourant, afin d'en prolonger le délai de conservation, n'apparait aucunement disproportionné, quand bien-même l'échéance dudit délai n'interviendra que dans dix ou vingt ans.

Le recourant invoque encore le droit à être protégé contre l'emploi abusif des données qui le concernent (art. 8 CEDH et art. 13 al. 2 Cst. féd.). Or, on ne voit pas en quoi le nouvel établissement de son profil d'ADN pourrait constituer un tel emploi abusif, puisqu'il a été ordonné sur la base – légale – de l'art. 255 al. 1 CPP, dont les conditions sont remplies, comme cela a été retenu ci-dessus.

Il s'ensuit que l'ordonnance querellée ne prête pas le flanc à la critique, les réquisits pour le prononcé de l'établissement du profil d'ADN du recourant étant réunis.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). L'autorité de recours est en effet tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

6.             Le recourant plaide au bénéfice de l'assistance juridique.

Dans la mesure où la procédure se poursuit, l'indemnité de son défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/22861/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00