Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/880/2025 du 27.10.2025 ( MP ) , IRRECEVABLE
| république et | canton de Genève | |
| POUVOIR JUDICIAIRE P/26795/2022 ACPR/880/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du lundi 27 octobre 2025 | ||
Entre
A______, représenté par Me B______, avocat,
recourant,
contre le courrier du Ministère public du 4 août 2025,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié par voie électronique le 15 août 2025, A______ recourt contre le courrier du 4 août 2025, communiqué par pli simple, par lequel le Ministère public lui a signifié qu'il n'avait pas à statuer sur ses requêtes formulées par courriers des 19 juin et 25 juillet 2025.
Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette "décision" et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public de procéder à l'audition de C______ par la police zurichoise.
b. Le recourant, qui a sollicité l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours, a été dispensé de verser les sûretés (art. 383 CPP).
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. À la suite d'une plainte déposée par D______, le Ministère public a,
le 25 septembre 2023, ouvert une instruction contre A______ et son épouse d'alors, F______, des chefs de faux dans les titres et tentative d'escroquerie.
En substance, il leur était reproché d'avoir essayé, de concert, à l'aide de faux documents, de tromper une juridiction d'arbitrage dans laquelle F______ alléguait, de manière mensongère, avoir des prétentions de plus de USD 80 millions contre D______ et l'hoirie de feu G______, époux de cette dernière.
b. Le 17 juin 2024, A______ a déposé une plainte pénale au Ministère public contre inconnu pour escroquerie (art. 146 CP).
Il y explique avoir rencontré F______, de nationalité allemande, en février 1997. Ils s'étaient mariés en 2001 et avaient vécu à Tokyo, Singapour, Londres et Hong Kong. Depuis leur séparation en 2010, il était resté à Hong Kong tandis que F______ vivait en Angleterre.
Durant leur vie commune, F______ lui avait confié qu'elle avait fréquenté, entre ses 16 et 19 ans, un certain H______, le petit-fils caché du ______ [titre] I______. Celui-là était décédé en 1994 et l'avait désignée comme héritière. Elle avait toutefois refusé la succession et la famille [de] I______ s'était alors engagée à prendre en charge ses frais médicaux. Elle avait reçu en don, respectivement en legs de I______, une bague sertie d'un diamant bleu et, en 2001, par l'intermédiaire de "Me K______", une bague sertie d'un diamant blanc.
F______ souffrait d'importants problèmes de santé et se rendait fréquemment à l'hôpital. En 2009, elle avait restitué la bague sertie du diamant blanc à G______ – fils de I______ – en échange de la prise en charge de ses frais médicaux à Londres, de même que de ses frais d'assurance.
F______ avait été traitée, entre 2009 et 2022 dans divers hôpitaux et cliniques au Royaume-Uni, aux USA, en Afrique du Sud, à Zurich, et en Allemagne. Entre 1997 et 2008, la quasi-totalité de ses traitements médicaux avait été assumée par une assurance, via un montage financier mis en place par la famille [de] I______, sauf en 1999 et 2008 (transplantation de rétine qui n'était pas couverte par l'assurance), où son épouse avait sollicité son aide. Entre 2010 et 2022, il avait ainsi participé à la prise en charge des traitements de celle-ci, pour un total de de USD 1'957'000.- et GBP 59'500.- avec l'assurance d'un remboursement par G______, selon des conventions que celui-ci avait signées en faveur de F______, en novembre 2016, septembre 2019, et avril 2020, La dernière de ces conventions prévoyait un paiement forfaitaire de
USD 80 millions en faveur de son épouse.
G______ était décédé en ______ 2021. Comme lui-même et F______ n'avaient pas pu obtenir l'exécution de cette convention, ils avaient, le 8 juin 2022, ouvert à Genève une procédure d'arbitrage contre D______ et l'hoirie de G______.
En juin 2022, lui-même avait été informé par son avocat et celui de la famille [de] I______ que la signature de G______ figurant sur les trois conventions précitées était fausse; H______ n'avait jamais existé, ni K______, et la famille [de] I______ n'avait jamais entendu parler de F______. Il avait donc contacté certains témoins qui lui avaient répondu que les conventions ne comportaient pas leur signature. Le 27 juin 2022, un bijoutier à Genève avait authentifié le diamant bleu sur la bague comme faux.
c. Par avis de prochaine clôture du 30 avril 2025, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait rendre une ordonnance de classement en faveur de A______, une ordonnance de classement partiel en faveur de F______ pour les faits susceptibles d'être qualifiés d'escroquerie et, enfin, une ordonnance pénale contre la précitée, pour les faits susceptibles d'être qualifiés de faux dans les titres.
d. Par courrier du 19 juin 2025, A______, sous la plume de son conseil, a sollicité l'audition de C______, âgée de 94 ans, qui pouvait confirmer l'existence de H______ et K______.
e. Le 28 juin 2024, le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière sur la plainte de A______ du 17 juin 2024.
Le recours de l'intéressé contre ce prononcé a été rejeté par la Chambre de céans le 3 septembre 2024 (ACPR/651/2024).
La cause est actuellement pendante par-devant le Tribunal fédéral.
f. Sur ces entrefaites, A______ a, par courrier du 25 juillet 2025, derechef requis du Ministère public l'audition de C______, dans la mesure où l'état de santé de celle-ci se dégradait rapidement. Il se réservait le droit d'agir en déni de justice si sa requête ne trouvait pas de réponse.
C. Dans le courrier litigieux, le Ministère public souligne avoir rendu une ordonnance de non-entrée en matière sur les faits dénoncés par A______. Il n'avait dès lors pas à statuer sur les réquisitions de preuve de ce dernier, même si sa décision faisait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral.
D. a. Dans son recours, A______ estime qu'en raison de l'âge avancé de C______ et de sa santé déclinante, le Ministère public devait urgemment procéder à son audition. Le cas d'espèce tombait expressément sous le coup de l'exception jurisprudentielle prévue à l'art. 394 let. b CPP.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger.
E. À teneur du rapport du Greffe de l'assistance juridique, A______ ne dispose pas des moyens nécessaires pour s'acquitter des honoraires d'un avocat.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours est recevable contre les décisions et les actes de procédure de la police, du ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions (art. 393 al. 1 let. a CPP).
1.2. Le ministère public n'est pas tenu d'informer les parties de son intention de rendre une ordonnance de non-entrée en matière, ni de leur fixer un délai pour présenter d'éventuelles réquisitions de preuve, l'art. 318 CPP n'étant pas applicable dans ce cas; le droit d'être entendu du recourant est en effet assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours contre l'ordonnance de non-entrée en matière
(arrêts du Tribunal fédéral 7B_28/2024 du 3 octobre 2024 consid. 2.3.2; 7B_394/2024 du 12 juin 2024 consid. 2.2.2; 7B_57/2022 du 27 mars 2024 consid. 7.4.2).
1.3. L'autorité investie de la direction de la procédure est le ministère public, jusqu'à la décision de classement ou la mise en accusation (art. 61 let. a CPP), mais également jusqu'au prononcé d'une ordonnance de non-entrée en matière (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 5 ad art. 61).
1.4. En l'espèce, il sied d'abord de relever que le recourant a formulé une première fois sa requête visant à entendre le témoin en question après un avis de prochaine clôture. Or, cet avis ne faisait – à raison, puisque le Ministère public entendait rendre une ordonnance de non-entrée en matière – aucune mention de sa plainte, ni d'un quelconque droit de faire valoir des actes d'instruction à propos de celle-ci.
Surtout, après l'ordonnance de non-entrée en matière, par laquelle le Ministère public a – par définition – refusé d'ouvrir une instruction sur sa plainte, le recourant a derechef sollicité cette audition auprès de l'autorité intimée. Il est toutefois patent que celle-ci s'était alors dessaisie de la cause, laquelle est actuellement pendante devant le Tribunal fédéral.
En résumé, le recourant était forclos dans sa possibilité de faire valoir sa réquisition de preuve, celle-ci ne relevant pas d'un élément nouveau au sens de
l'art. 323 al. 1 let. b CPP, et le Ministère public ne pouvait, de toute manière, pas y donner suite, ce qu'il a d'ailleurs, à bon droit, expliqué dans son courrier du 4 août 2025.
Compte tenu de ce qui précède, ledit courrier ne constitue pas une décision du Ministère public au sens de l'art. 393 al. 1 let. a CPP, ce dernier n'ayant pas l'autorité pour statuer sur la demande du recourant, et les développements de ce dernier sur l'art. 394 let. b CPP sont hors propos.
Partant, faute de décision préalable, le recours est irrecevable.
2. Le recourant sollicite l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.
2.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, sur demande, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l’assistance judiciaire gratuite: à la partie plaignante, pour faire valoir ses prétentions civiles, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l’action civile ne paraît pas vouée à l’échec (let. a); à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l’action pénale ne paraît pas vouée à l’échec (let. b).
Dans tous les cas, la cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance judiciaire peut donc être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée ou que la procédure pénale est vouée à l'échec (arrêts du Tribunal fédéral 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.1 et 1B_254/2013 du
27 septembre 2013 consid. 2.1.1).
2.2. En l'occurrence, le recours était d'emblée voué à l'échec, pour les raisons exposées ci-dessus, de sorte que le recourant, même si son indigence est établie, ne remplit pas les conditions à l'octroi de l'assistance judiciaire dans le cadre de son recours.
Partant, sa demande d'assistance judiciaire gratuite doit être rejetée.
3. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 300.-, pour tenir compte de sa situation financière (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare le recours irrecevable.
Rejette la demande d'assistance judiciaire pour la procédure de recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 300.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Valérie LAUBER, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
| La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Valérie LAUBER |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
| P/26795/2022 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
| Débours (art. 2) | | |
| - frais postaux | CHF | 10.00 |
| Émoluments généraux (art. 4) | | |
| - délivrance de copies (let. a) | CHF | |
| - délivrance de copies (let. b) | CHF | |
| - état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
| Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
| - décision sur recours (let. c) | CHF | 215.00 |
| Total | CHF | 300.00 |