Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/863/2025 du 20.10.2025 sur OCL/455/2025 ( MP ) , REJETE
| république et | canton de Genève | |
| POUVOIR JUDICIAIRE P/19218/2019 ACPR/863/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du lundi 20 octobre 2025 | ||
Entre
A______ (anciennement B______), représentée par Me C______, avocat,
recourante,
contre l'ordonnance de classement rendue le 31 mars 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte déposé le 11 avril 2025, A______ (B______ [autre nom de famille] avant le 25 mars 2025) recourt contre l'ordonnance du 31 mars 2025, notifiée le 1er avril suivant, par laquelle le Ministère public a classé la procédure ouverte à l'encontre de D______.
La recourante sollicite, préalablement, l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite et, conclut, principalement, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance précitée et à ce que le Ministère public poursuive son instruction à l'encontre de D______ des chefs de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et ch. 2 al. 4 CP), accès indu à un système informatique (art. 143bis al. 1 CP) et violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d’un appareil de prise de vues (art. 179quater CP), ainsi que toutes autres dispositions applicables, en donnant suite à ses réquisitions de preuves [infra, let. D.a. in fine].
b. Par courrier du 30 juin 2025, A______ a été dispensée de verser les sûretés, au vu du rapport rendu par le greffe de l'assistance juridique le 16 précédent (art. 383 al. 1 CPP), l'examen de l'octroi, ou non, de l'assistance judiciaire gratuite étant réservé à la présente décision.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a.a.a. A______, ressortissante suisse née en 1984, et D______, ressortissant kosovar né en 1985, se sont mariés le ______ 2016 à Genève. De leur union est née E______, le ______ 2016.
Les époux étaient déjà, chacun, parents d’enfants d’une autre union.
Le couple a vécu à Genève jusqu'au 23 septembre 2017, date à laquelle ils se sont séparés une première fois, A______ étant alors partie vivre à F______ [BS]. Au printemps 2018, les parties ont cohabité quelques mois à F______, avant de reprendre leur vie commune à Genève en août 2018.
Le 10 juillet 2019, une dispute a éclaté au sein du couple, à Genève et, le 18 juillet suivant, A______ est partie s'installer à F______ [soit à 1______strasse no. 2______] avec E______ et sa fille aînée.
a.a.b. Le 24 juillet 2019, D______ a déposé une requête en mesures protectrices de l’union conjugale, concluant à la garde exclusive de E______.
Par ordonnance du 18 mars 2020 [C/3______/2019 – 16], le Tribunal de première instance de Genève a attribué la garde exclusive de E______ à A______, en réservant un droit de visite limité à D______, et confirmé la désignation de G______ comme curatrice de l’enfant.
Dans un rapport du 4 mars précédent, G______ avait notamment indiqué que D______ avait voulu prouver que A______ et sa fille aînée s’adonnaient à la prostitution en présentant des photos qu’il avait potentiellement obtenues de manière illégale au sein de son appartement.
a.b. Le 22 juillet 2019, A______ a reçu un courriel l'informant qu'un appareil [de marque] H______ [qu'elle ne possédait pas] s'était connecté à son compte e-mail A___.4___@gmail.com.
a.c.a. Le 30 août 2019, A______ a découvert deux caméras cachées dans son logement à F______.
D'après les analyses effectuées par la Brigade de criminalité informatique (BCI), l'une des caméras avait été placée dans un boîtier mural dans le couloir, tandis que la seconde se trouvait dans une fresque murale dans une chambre à coucher, dirigée vers le lit, selon les angles représentés sur les photos contenues dans le rapport établi [Rapport de la police cantonale du canton de Bâle-Ville du 1er septembre 2019, p. 2; rapport de renseignements de la BCI du 5 juillet 2021, p. 2].
Les caméras avaient cherché à se connecter à un réseau WIFI [I______2.4GHz_5______] et, selon les recherches menées sur des bases de données accessibles publiquement, celui-ci avait été actif à proximité de l'angle entre les rues 6______strasse et 1______strasse à F______ [Rapport de renseignements de la BCI du 5 juillet 2021, p. 3].
Les caméras étaient dépourvues d'informations et, malgré les recherches, il n'avait pas été possible de déterminer une marque ou un modèle exact et donc la méthode utilisée pour s'y connecter. Des images avaient été enregistrées entre les 7 août 2018 et 24 août 2019, étant relevé qu’il était possible que certaines d’entre elles, antérieures, eussent été effacées au fur et à mesure de l'enregistrement de nouvelles [Rapport de renseignements de la BCI du 5 juillet 2021, p. 3].
La consultation de ces images à distance semblait techniquement possible. Cela étant, d'après les éléments et les appareils en possession de la BCI, rien n'indiquait que tel eût été le cas [Rapport de renseignements de la BCI du 5 juillet 2021, p. 3].
a.c.b. Le 28 septembre 2023, la BCI a remis au Ministère public une clé USB contenant des milliers d’images issues des cartes mémoire provenant des caméras dissimulées et prises entre les 8 août 2018 et 24 août 2019. Ces images montrent différentes scènes de la vie intime s’étant déroulées dans l’appartement.
b.a. Le 19 juillet 2019, A______ a déposé plainte pénale auprès de la police du canton de Bâle-Ville à l'encontre de D______ pour "agression" le 10 juillet 2019, vers 15h00.
Ce jour-là, elle avait eu une dispute avec le précité au sujet de son permis de séjour [à lui], l'Office des migrations refusant de le lui prolonger en raison de leur séparation. Il lui avait alors donné un coup de pied sur la jambe, lui causant un bleu au genou, qu’elle n’avait pas fait examiner. Elle avait gardé le silence jusqu'à ce qu'elle trouve une occasion de partir. Le 18 juillet 2019, profitant d'une absence de son mari, elle avait quitté leur domicile et s'était réfugiée chez son oncle à F______.
b.b. Le 12 août 2019, A______ a déposé une nouvelle plainte auprès de la police du canton de Bâle-Ville à l'encontre de D______ pour soustraction de données personnelles, le 22 juillet 2019.
À la suite du courriel qu’elle avait reçu le 22 juillet 2019 [supra, let. B.a.b], elle avait soupçonné D______ d’avoir accédé à son compte e-mail A___.4___@gmail.com. Elle avait immédiatement changé son mot de passe et acheté une nouvelle carte SIM. Elle n'avait pas communiqué son nouveau numéro de téléphone au précité ou à ses connaissances. Cependant, D______ l'avait contactée via WhatsApp le 28 juillet 2019, ce qui l'avait amenée à penser qu'il avait probablement accédé à son e-mail pour obtenir son numéro. Le 3 août 2019, elle avait découvert que des appareils appartenant vraisemblablement au précité (soit un [téléphone portable de marque] J______ et un LAPTOP [modèle] 7______) étaient associés à son téléphone.
Elle avait perdu l'accès à son autre compte e-mail A___.B___@______.ch et suspectait D______ d’en avoir modifié le mot de passe.
b.c. En date du 30 août 2019, A______ a déposé plainte contre inconnu pour violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues, à la suite de la découverte de caméras dans son logement le même jour [supra, let. B.a.c], soupçonnant D______ d’en être l’auteur.
À teneur du rapport de la police cantonale du canton de Bâle-Ville du 1er septembre 2019, A______ a expliqué que son ami actuel, K______, avait trouvé une caméra dans le couloir. Selon elle, celle-ci avait été installée par D______ depuis très longtemps, car il possédait la clé de l'appartement, bien qu'il n'y eût jamais vécu. Le 28 août 2019, elle avait fait changer la serrure.
K______ a expliqué avoir trouvé la caméra dans le couloir. Il avait remarqué des éclaboussures de colle chaude sur le mur, puis quelque chose d'étrange dans le boîtier. Il l’avait alors ouvert et avait vu la caméra, probablement équipée d'une carte SIM. Il avait immédiatement coupé le câble. Il avait aussi vu d'étranges traces de colle chaude sur une fresque murale dans la chambre, sans savoir s'il y avait une caméra dedans.
c. Le 14 août 2020, le Ministère public a ouvert une instruction pénale à l'encontre de D______, après avoir accepté sa compétence pour la mener [Ordonnances d’acceptation du for des 31 octobre 2019 et 25 mai 2020].
d.a. Devant la police et le Ministère public, s’agissant des faits du 10 juillet 2019, D______ a nié avoir donné un coup dans les genoux de A______, affirmant qu'elle mentait. Une dispute avait éclaté entre eux au sujet du comportement de la fille aînée de la précitée, et il avait simplement dit à sa conjointe de faire attention à son éducation, ce qui était un sujet de discorde depuis le printemps 2019.
d.b. D______ a contesté s’être connecté le 22 juillet 2019 au compte e-mail A___.4___@gmail.com sans le consentement de A______.
Il avait accès à cette boîte e-mail depuis 2017 via son téléphone, tout comme A______ avait accès à la sienne. En 2018, ils avaient en effet convenu de partager les accès à leurs boîtes e-mails, ainsi qu'à leurs comptes du cloud L______, chacun d’eux étant lié à leurs adresses e-mail respectives. Après leur séparation, il était possible qu'il se fût connecté sur l’adresse e-mail de A______, mais, par la suite, elle en avait changé le mot de passe. L'accès à ce compte s'était fait de manière automatique et il n'avait jamais eu l'intention de lui nuire. Il avait changé de téléphone depuis lors.
Il n’avait jamais modifié le mot de passe de l'adresse e-mail A___.B___@______.ch, dont il avait appris l’existence par la police et n’en avait jamais eu les codes d’accès.
d.c. D______ a expliqué avoir, dans le cadre du déménagement à F______, installé d'un commun accord avec A______ les caméras dès le mois de juin 2018 [procès-verbal du Ministère public du 25 septembre 2020, p. 5]. Par la suite, il a indiqué que cela avait été effectué entre décembre 2017 et mars 2018, période pendant laquelle il se rendait à F______ la semaine et rentrait à Genève le week-end [procès-verbal du Ministère public du 17 avril 2023, p. 13]. Ultérieurement, il a fait valoir une erreur de traduction, indiquant avoir installé la caméra dans le couloir de l’appartement de F______ en janvier ou février 2019 [procès-verbal du Ministère public du 17 avril 2023, p. 18].
Il a indiqué avoir fait principalement cela pour surveiller sa belle-fille, car ils avaient découvert de l'alcool et de la drogue à la maison. Ces caméras avaient également été installées sur proposition de A______ pour prouver qu’elle ne le trompait pas, celle-ci ayant soutenu que les préservatifs retrouvés dans leur chambre appartenaient à sa fille aînée. En fait, les caméras avaient été placées dans un tableau se trouvant dans leur chambre, en face du lit, principalement pour surveiller E______, ainsi qu'à l'entrée pour voir qui entrait et sortait de l'appartement. Il avait été inquiet pour sa fille. Il n'avait jamais visionné les images enregistrées, car il avait débranché les caméras le 12 ou 13 août 2018, soit avant leur retour à Genève le 14 août 2018. Selon lui, A______ et K______ les avaient rebranchées. Il n’avait pas les clés de l’appartement de cette dernière.
Les photos qu’il avait présentées à G______, et dont celle-ci avait fait état dans son rapport du 4 mars 2020, n’avaient rien à voir avec ce qu’il lui avait verbalisé. Il lui avait seulement montré des photos que A______ avait publiées sur les réseaux sociaux. Interpellé quant au fait qu’il s’agissait de photos prises dans l’appartement de F______ et qui étaient destinées à démontrer que sa belle-fille se livrait à la prostitution, il a indiqué avoir pris de telles photos avec son propre téléphone, notamment un soir où il avait trouvé la jeune fille avec six hommes dans ce logement, lequel était dans un état pitoyable, avec des préservatifs, de l'alcool et de la marijuana. Il les avait également soumises à G______, mais celle-ci avait refusé de les regarder. Ces images ne provenaient pas des caméras installées dans l'appartement, dès lors que, pour ce faire, il aurait fallu retirer les cartes mémoire qui y étaient insérées et les introduire dans un ordinateur. Il n’avait par ailleurs pas eu besoin de visionner les images des caméras, dans la mesure où il vivait alors dans le logement et pouvait voir ce qui s’y passait.
d.d. Le 28 août 2023, D______ a produit un lot de 86 photos, soit celles qu’il indiquait avoir tenté de montrer à G______. Il s’agit de diverses captures d'écran, notamment de pages de réseaux sociaux, ainsi que de photos, montrant notamment A______ et ses filles dans différents lieux et contextes. En particulier, trois d’entre elles, portant la mention "19 July", montrent un genou avec des hématomes. Aucune photo ne montre un homme dénudé assis sur un sofa, avec une femme, près d’une fenêtre [infra, let. B.f.].
e.a. Devant le Ministère public, A______ a indiqué ne pas avoir consulté de médecin à la suite des faits du 10 juillet 2019. La plupart des incidents qu’elle avait eus avec D______ avaient été de la violence verbale.
Réentendue par la suite concernant ces faits, elle a indiqué avoir déposé plainte en raison des menaces de D______, sans faire état de coups. Elle lui avait précédemment annoncé son intention de partir, mais il n’avait pas pris ses mises en garde au sérieux. Lorsqu'elle était finalement partie, elle s'était rendue dans un foyer pour femmes en raison des menaces reçues de la part du précité sur son téléphone. Il l’avait par ailleurs fait trébucher, exerçait sur elle une pression verbale constante et contrôlait ses déplacements. Il n'y avait pas eu d'élément déclencheur particulier la poussant à quitter le domicile. Les jours précédents, ils s'étaient disputés à propos du fils de D______, qui avait frappé E______ avec son genou. D______ avait ignoré cet incident et lui avait dit que c'était une menteuse. Elle en avait parlé à G______.
Elle a ultérieurement relevé que trois des photos produites par D______, portant la mention "19 july", montraient les blessures qu'elle avait subies au genou à la suite des coups reprochés.
e.b. D’après A______, le compte A___.4___@gmail.com n’avait jamais été utilisé par D______. À sa connaissance, il y avait un code d’accès et le prévenu ne le connaissait pas. Il n’y avait eu qu’une seule connexion à son insu, après quoi elle avait modifié son mot de passe.
Lorsqu’ils vivaient ensemble, elle utilisait l’adresse e-mail A___.B___@______.ch. D______ n'y avait pas eu accès. Elle avait réalisé que le mot de passe de cette adresse avait été modifié, car elle n’avait plus pu s’y connecter et avait dû contacter le support informatique.
Le prévenu avait eu accès à son téléphone et son contenu par le biais du cloud L______, ce qu’elle ignorait, bien qu’il fût nécessaire d’entrer un code pour cela. En fait, le cloud L______ était géré par une adresse commune, ce qu’elle savait, car le précité voulait voir ce qu’elle faisait avec son téléphone mobile. À l’époque, elle y avait consenti. Le compte A___.4___@gmail.com n’avait pas été lié au cloud L______.
e.c. A______ avait ignoré l’existence de caméras de surveillance dans son appartement à F______. Elle avait eu l’impression que D______ disposait d’informations la concernant et qu’il roulait parfois doucement devant chez elle. Alors qu’elle était en train de nettoyer l’appartement avec K______, ce dernier avait remarqué un trou sur le tableau électrique dans le couloir, l’avait dévissé et y avait trouvé la caméra. Après cela, elle avait récupéré un tableau électronique qu’elle s’apprêtait à jeter, celui-ci pouvant constituer une cachette possible, et constaté qu’il abritait effectivement une caméra, laquelle était branchée. Elle avait accroché ce tableau avec D______. Elle avait vérifié l’entier de son appartement et avait démonté tout ce qui était en lien avec le courant électrique, puis avait déménagé.
Elle n’avait pas installé ces caméras avec D______, n’en ayant pas les connaissances techniques. Ce dernier avait présenté des images enregistrées à son insu à la curatrice de E______, en l’accusant de prostitution, en janvier ou février 2020. La curatrice lui avait indiqué qu’il s’agissait de photographies prises à l’intérieur de son appartement et qu’elle les avait refusées, n’ayant pas le droit de visionner de telles images.
Sa fille aînée avait eu des problèmes de consommation de drogue et d’alcool. Elle séjournait chez elle une fois par mois et avait sa propre chambre. Cela ne faisait pas de sens que D______ plaçât ces caméras pour surveiller sa fille aînée, car il s'agissait d'un appartement de trois pièces, de sorte qu'il était facile pour elle de garder un contrôle sur les personnes s'y trouvant. Une caméra avait par ailleurs été placée dans sa propre chambre, ce qui la dérangeait, s'agissant de sa sphère privée.
f. Entendue par le Ministère public, G______ a déclaré que A______ lui avait indiqué être partie de Genève pour F______ en raison de violences conjugales à son encontre et celui de E______. Elle ne se souvenait plus précisément de ce que A______ lui avait dit au sujet de la violence physique, mais la précitée lui avait indiqué que le prévenu contrôlait son téléphone et qu’elle ne pouvait pas sortir librement. Elle croyait se souvenir que l’un des fils de D______ avait été violent envers E______. A______ soupçonnait par ailleurs d’être surveillée par vidéo dans son appartement.
Lors d'un entretien en janvier 2020 à F______, D______ avait mis sur la table un lot de 50 à 60 photos, en format cartes postales, prétendant que A______ négligeait ses enfants et se livrait à la prostitution. Elle avait refusé de les prendre, ne sachant pas si elles avaient été obtenues par des moyens légaux ou illégaux. Elle n'avait aperçu que furtivement une photo floue et en contre-jour, prise d’en haut et de côté, d'un homme dénudé ‒ dont on ne voyait qu’une partie du haut du corps ‒ et assis sur un sofa, près d’une fenêtre, avec une silhouette féminine sur la gauche, sans pouvoir identifier quiconque. Sur présentation de deux images figurant dans le rapport de renseignements de la BCI du 5 juillet 2021 [supra, let. B.a.c.a], elle n'était pas en mesure de dire si la photographie précitée était du même type, ne pouvant confirmer qu’il s’agissait du même angle – même si cela semblait être le cas – ni de la même pièce. Elle ne reconnaissait par ailleurs pas le sofa figurant sur ces images, car sur la photo qu’elle avait vue, l’homme le cachait.
Elle avait douté de la légalité des photos soumises par D______, d’une part parce que A______ soupçonnait faire l’objet d’une surveillance; d’autre part, car, à sa demande, le précité avait admis que certaines photos avaient été prises illégalement, A______ ayant selon lui donné son accord pour l'installation d'une caméra pour surveiller sa belle-fille. En outre, l'angle des photos, prises en hauteur, lui avait paru suspect.
Selon sa compréhension, les photos avaient été prises après le retour du couple à Genève, à un moment où A______ ne pouvait pas se douter d'être observée.
g.a. Le Ministère public a imparti un délai aux parties pour se déterminer sur les images extraites des deux cartes mémoire provenant des caméras dissimulées [supra, let. B.a.c.b].
g.b. Dans ses déterminations du 2 novembre 2023, A______ a observé que les photos produites par D______ [supra, let. B.d.d] provenaient de ses réseaux sociaux ainsi que de son téléphone, notamment celles montrant des hématomes à son genou.
Quant aux plus de 45'000 photos extraites par la police, elles avaient été prises par les caméras que le prévenu admettait avoir installées. D______ avait posé une caméra dans le tableau lumineux à l'époque où la famille vivait à Genève, soit fin 2017 ou début 2018. En juin 2018, lors du déménagement de la famille à F______, il avait déménagé ce tableau et l'avait installé au-dessus du lit conjugal. Contrairement à ce qu’il avait indiqué, au vu des photos extraites, D______ avait posé la caméra dans le couloir durant l’été 2018 déjà. Pendant toute cette période, jusqu’à son retour à F______ en 2019, il l'avait secrètement surveillée.
Le prévenu avait montré à G______ tant des photos ressortant du lot qu’il avait produit que d’autres, extraites des caméras, au vu des déclarations de la précitée. Il convenait de confronter ce témoin aux photos extraites et de déterminer à qui appartenait le réseau WIFI auquel les caméras avaient cherché à se connecter.
g.c. Dans ses observations du 1er juillet 2024, D______ a persisté dans ses explications selon lesquelles les caméras avaient été installées d’entente avec A______ pour surveiller les agissements de sa belle-fille.
h. Dans le délai imparti par l’avis de prochaine clôture de l’instruction du 15 octobre 2024, lequel mentionnait qu'une ordonnance de classement allait être rendue, les parties ont indiqué ne pas requérir d'actes d'instruction complémentaires.
C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a observé, eu égard aux lésions corporelles dénoncées le 10 juillet 2019, que la plaignante avait déclaré avoir quitté Genève pour F______ à la suite d'une dispute avec D______, lequel lui aurait donné un coup de pied, tandis que ce dernier contestait les faits reprochés. Toutefois, lors de son audition devant le Ministère public, la plaignante avait indiqué qu'il n'y avait pas eu d'élément déclencheur à son départ et avait seulement évoqué une altercation survenue les jours précédents entre le fils du prévenu et E______. Au demeurant, les photos produites par le prévenu portaient l'indication "19 July" et il était improbable que de telles marques persistassent neuf jours après. En tout état de cause, les déclarations des parties étaient contradictoires et aucun élément objectif ne permettait de privilégier l'une ou l'autre des versions. Aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'était ainsi établi (art. 319 al. 1 let. a CPP).
S’agissant de l’accès au compte e-mail de la plaignante, D______ avait admis s’y être connecté une seule fois, en précisant que cette connexion s’était effectuée de manière automatique. La plaignante avait immédiatement pris des mesures pour sécuriser son compte en changeant son mot de passe, de sorte que le prévenu n’y avait plus eu accès. Au surplus, ce dernier avait nié avoir eu connaissance de l’adresse e-mail A___.B___@______.ch, relevant qu’il n’y avait jamais eu accès et qu’il n’avait jamais disposé du mot de passe correspondant. Par conséquent, les éléments constitutifs de l’accès indu à un système informatique n’étaient pas réalisés (art. 319 al. 1 let. b CPP), faute d’intention. Au demeurant, une renonciation à toute poursuite se justifiait également compte tenu des circonstances, notamment de l’unique connexion survenue (art. 319 let. e CPP, art. 8 al. 1 CPP et 52 CP).
Enfin, eu égard à la violation alléguée du domaine privé au moyen d’un appareil de prise de vues, les déclarations des parties étaient contradictoires et aucun élément objectif au dossier ne permettait de retenir que le prévenu aurait procédé à l’installation des caméras à l’insu de la plaignante ou sans son consentement. À cela s’ajoutait le fait que celle-ci avait déclaré avoir découvert les caméras le 30 août 2019, alors que les enregistrements s’étaient arrêtés le 24 août 2019, sans qu’il n'y ait d’explication quant à l’absence de prises dans cet intervalle. De plus, les caméras avaient cherché à se connecter à un réseau WIFI proche du domicile de la plaignante, ce qui rendait peu probable l’accès du prévenu à leur contenu, d’autant plus qu’elles disposaient de microcartes SD. En outre, il n’était pas possible d’établir si D______ avait eu accès aux images capturées par ces caméras, ni qu’il en eût fait un quelconque usage. G______ n’avait pas pu confirmer si les photos que le prévenu lui avait présentées étaient similaires à celles mentionnées dans le rapport de la BCI du 5 juillet 2021. Dès lors, il n’y avait pas de prévention pénale suffisante à l’encontre du prévenu (art. 319 al. 1 let. a CPP).
D. a.a. Dans son recours, A______ fait grief au Ministère public d'avoir apprécié de manière inexacte et insuffisante les faits et d'avoir violé les art. 318 al. 2 et 319 CPP, les art. 123 ch. 1 et ch. 2 al. 4, 143bis al. 1 et 179quater CP, ainsi que le principe in dubio pro duriore et l'obligation de mener une enquête effective (art. 3 et 8 CEDH et Convention d'Istanbul).
Elle ne contestait l'ordonnance rendue qu’en ce qui concernait "le coup de pied contre le genou", "l'accès au système informatique" et "les caméras".
S'agissant du "coup de pied contre le genou", les dénégations du prévenu n'étaient pas crédibles, tandis que ses explications et les photos du 19 juillet 2019 étaient convaincantes. Le prévenu avait admis la dispute du 10 juillet 2019. D'après la curatrice, le climat familial était empreint d'épisodes de violences. L'appréciation du Ministère public selon laquelle la persistance des marques neuf jours après les faits était "improbable" n'était pas fondée, une telle question devant être tranchée par le juge du fond, voire après un avis médical. Elle n'avait alors aucun intérêt à accuser faussement son époux.
En ce qui concernait "l'accès au compte e-mail A___.4___@gmail.com" par le prévenu, contrairement à ce que le Ministère public avait retenu, il ne s'était pas fait automatiquement. En effet, elle avait reçu un e-mail d'alerte sécurité le 22 juillet 2019 lui indiquant qu'une personne s'était connectée à son compte via un nouvel appareil H______. Le prévenu avait donc intentionnellement configuré son nouveau téléphone à son compte e-mail [à elle] quatre jours après sa fuite. Dans ces circonstances, il ne pouvait inférer un consentement de sa part. En faisant application de l'art. 52 CP, le Ministère public avait minimisé la gravité du comportement du prévenu dans un contexte de violences conjugales.
Enfin, concernant "les caméras", les déclarations des parties étaient certes contradictoires. Cela étant, elle avait nié de manière constante avoir été au courant de leur existence. Elle avait précisément quitté le prévenu parce qu'elle se sentait surveillée dans sa vie quotidienne, ce qu'elle avait confié tant à la police qu’à G______. Ses explications, ainsi que celles de K______, étaient cohérentes, spontanées et détaillées. Au contraire, celles du prévenu étaient dénuées de sens. En particulier, il n'était pas nécessaire de surveiller les enfants de la sorte. Aucun élément ne permettait de croire qu'elle avait accepté d'être filmée nuit et jour. Il était peu plausible que le prévenu n'eût pas visionné les images. Il les avait en tout état de cause conservées, la police ayant retrouvé les cartes mémoire. De plus, il en avait donné connaissance à un tiers, en les transmettant à G______, la photo montrée à cette dernière ne pouvant avoir été prise que par une caméra cachée.
En tout état de cause, le Ministère public ne pouvait pas classer la procédure sans confronter G______ aux photos extraites, notamment à celles produites à l’appui du recours [infra, let. D.a.b.]. Il était par ailleurs nécessaire de déterminer à qui appartenait le réseau WIFI [I______2.4GHz_5______] auquel les caméras avaient cherché à se connecter et de verser à la procédure les résultats de ces recherches.
a.b. A______ produit notamment des copies de certaines photographies extraites des caméras dissimulées, montrant notamment un homme et une femme dénudés, sur ce qui semble être un lit, à proximité d’une fenêtre. Sur aucune des photos l’homme n’est assis, étant allongé ou debout sur toutes celles où il apparaît.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. La recourante déplore un établissement inexact et insuffisant des faits.
Dans la mesure où la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_808/2022 du 8 mai 2023 consid. 1.4), les éventuelles constatations incomplètes ou erronées auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.
4. La recourante fait grief au Ministère public d'avoir classé les faits dénoncés dans ses plaintes.
4.1.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public classe la procédure notamment lorsqu’aucun soupçon justifiant une mise en accusation n’est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b), ou encore lorsqu'il peut renoncer à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales (let. e).
Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2).
4.1.2. Selon l’art. 8 al. 1 CPP, le Ministère public et les tribunaux renoncent à toute poursuite pénale lorsque le droit fédéral le prévoit, notamment aux conditions de l'art. 52 CP.
4.1.3. Aux termes de l'art. 52 CP, si la culpabilité de l’auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l’autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.
4.2.1. L'art. 123 ch. 1 CP [dans sa teneur en vigueur au moment des faits; art. 2 CP] réprime le comportement de celui qui, intentionnellement, aura fait subir à une personne une autre atteinte – que grave – à l'intégrité corporelle ou à la santé. La poursuite a lieu d'office si l'auteur est le conjoint de la victime et que l'atteinte est commise durant le mariage (art. 123 ch. 2 al. 4 CP).
4.2.2. L'art. 143bis al. 1 CP [dans sa teneur en vigueur au moment des faits; art. 2 CP] sanctionne, sur plainte, quiconque s'introduit sans droit, au moyen d'un dispositif de transmission de données, dans un système appartenant à autrui et spécialement protégé contre tout accès de sa part.
4.2.3. L'art. 179quater CP [dans sa teneur en vigueur au moment des faits; art. 2 CP] condamne, sur plainte, le comportement de celui qui, sans le consentement de la personne intéressée, aura observé avec un appareil de prise de vues ou fixé sur un porteur d'images un fait qui relève du domaine secret de cette personne ou un fait ne pouvant être perçu sans autre par chacun et qui relève du domaine privé de celle-ci; ou de celui qui aura tiré profit ou donné connaissance à un tiers d'un fait qu'il savait ou devait présumer être parvenu à sa propre connaissance au moyen d'une infraction visée à l'al. 1; ou de celui qui aura conservé une prise de vues ou l'aura rendue accessible à un tiers, alors qu'il savait ou devait présumer qu'elle avait été obtenue au moyen d'une infraction visée à l'al. 1.
Par "domaine secret", on entend – la notion est la même qu’en droit civil – ce qui est inconnu d’autrui, respectivement un fait qui doit être soustrait à la connaissance d’autrui, à l’exception des personnes auxquelles il a été spécialement confié. Il s’agit de faits que le sujet entend soustraire à la curiosité d’autrui, ayant pour cela un intérêt légitime (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., F______ 2017, n. 4 ad art. 179quater).
4.3.1. En l’espèce, la recourante reproche au Ministère public de ne pas avoir poursuivi D______ pour l’hématome au genou qu’il lui aurait causé en lui donnant un coup de pied sur la jambe le 10 juillet 2019. À cet égard, elle se prévaut des photos produites par le prévenu, lesquelles montreraient son genou avec des hématomes, en mentionnant la date du 19 juillet.
Il est admis qu’une dispute a éclaté entre les parties, vraisemblablement le 10 juillet 2019 [le prévenu ayant confirmé la querelle, sans se souvenir de la date], et qu’elles se sont séparées à compter du 18 juillet suivant, la plaignante étant partie vivre à F______.
Le prévenu a toutefois nié avoir donné un quelconque coup à la recourante à cette occasion, alléguant n’avoir eu qu’une discussion avec elle au sujet de l’éducation de sa fille aînée.
Entendue plus amplement devant le Ministère public au sujet de ces faits, la recourante n’a pas fait état d’atteintes à son intégrité corporelle de la part du prévenu, mais essentiellement de menaces, indiquant que la plupart des incidents qu’elle avait eus avec ce dernier relevaient de la violence verbale. Elle a précisé qu’il n’y avait pas eu d’évènement déclencheur particulier l’ayant amenée à quitter le domicile conjugal, si ce n’est le fait qu’elle s’était disputée précédemment avec D______ au sujet d’un coup de genou qu’un de ses fils avait porté à E______.
Alors que la recourante a indiqué s’être confiée à G______ à propos de ces faits, celle-ci n’a pas non plus rapporté d’élément permettant de rendre vraisemblable la survenance de violence physique de la part de D______ à l’encontre de la recourante en juillet 2019. Cette témoin ne se souvenait que du fait qu’un des fils du prévenu s’était montré violent vis-à-vis de E______, tel que la recourante l’avait relaté.
Au surplus, comme elle l’a indiqué, la recourante n’a pas fait constater médicalement les lésions alléguées. Les simples photos d’un genou présentant un bleu, produites par le prévenu lui-même, et dont on ignore tout du contexte, ne sauraient suffire à objectiver les lésions alléguées près de dix jours auparavant, ni leur auteur.
Partant, c’est à bon droit que le Ministère public a considéré qu’il n’existait pas de soupçon suffisant permettant de poursuivre le prévenu sur ce point.
4.3.2. La recourante fait grief au Ministère public de ne pas avoir poursuivi D______ pour l’accès indu à ses boîtes e-mails A___.4___@gmail.com – conformément à la notification reçue en ce sens [supra, let. B.a.b.] – et A___.B___@______.ch, par suite du changement de mot de passe de cette dernière adresse.
D______ a reconnu qu’il était possible qu’il se fût connecté à la boîte e-mail A___.4___@gmail.com après la séparation, mais ceci de façon "automatique", involontaire et unique. À cet égard, il a expliqué qu’il avait accès à ce compte via son téléphone depuis 2017, dès lors que la plaignante et lui avaient convenu de partager les accès à leurs boîtes e-mails, ainsi qu’à leurs comptes du cloud L______, étant relevé que celui de la précitée était relié à l’adresse e-mail en question.
La recourante a reconnu avoir, par le passé, consenti à ce que son cloud L______ fût géré par une adresse commune du couple, afin que D______ pût avoir accès à l’activité de son téléphone, contestant toutefois que l’adresse e-mail A___.4___@gmail.com fût elle-même reliée à ce cloud L______.
Dès lors, les déclarations des parties apparaissent contradictoires, sans qu’aucun élément matériel ne puisse permettre de décrédibiliser les explications du prévenu et de privilégier celles de la plaignante.
Pour le reste, le prévenu a nié avoir eu connaissance, avant la présente procédure, de l’adresse e-mail A___.B___@______.ch et aucun élément au dossier ne permet de suspecter qu’il soit à l’origine de la perte d’accès de la plaignante à cette boîte e-mail, cet évènement pouvant avoir une autre explication.
Dans ces conditions, c’est à juste titre que le Ministère public a considéré que les éléments constitutifs de l’accès indu à un système informatique (art. 143bis al. 1 CP) n’étaient pas réalisés et qu’en tout état de cause, les conséquences de l’acte du prévenu étaient si peu importantes qu’il pouvait être renoncé à le poursuivre (art. 8 al. 1 CPP et art. 52 CP).
4.3.3. La recourante soutient que le Ministère public aurait dû poursuivre le prévenu pour violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d’un appareil de prise de vues, suite à la découverte de caméras dans son logement à F______, selon elle placées par ce dernier.
Le prévenu explique que les caméras en question avaient été posées d’entente avec la recourante avant leur séparation et qu’en tout état de cause, il n’avait pas visionné les images enregistrées par celles-ci, ni n’en avait fait un quelconque usage.
Quand bien même le prévenu a varié sur les dates de la pose des caméras, il est établi que celle-ci a été effectuée avant la séparation définitive des parties en juillet 2019, le tableau abritant celle dans la chambre à coucher ayant été accroché par le couple lui-même, selon les propres déclarations de la recourante. Par ailleurs, il ressort du dossier que la fille aînée de la recourante pouvait effectivement adopter à l’époque un comportement problématique. Dans ces circonstances, aucun élément objectif ne permet d’affirmer que l’installation des caméras s’était faite véritablement à l’insu de la recourante.
L’enquête de police n’a pas permis non plus de déterminer la méthode utilisée pour se connecter aux caméras, ni d’établir qu’une consultation des images avait eu lieu à distance, quand bien même cela semblait techniquement possible.
La recourante affirme que, contrairement à ce qu’il soutient, le prévenu aurait eu accès aux images enregistrées et en aurait fait usage auprès de G______, puisqu’il ressortait des déclarations de cette témoin que le précité lui avait soumis une photo du type de celles qui avaient été extraites des cartes mémoire des caméras dissimulées.
Cela étant, on ne peut inférer une telle conclusion du témoignage de G______. En effet, il n’est pas démontré que le descriptif que ce témoin a fait du souvenir d’une photo qu’il n’a pas véritablement regardée correspondrait à celui d’une photo extraite des caméras. Il ne correspond en particulier pas totalement à celui des copies des photos extraites des caméras produites par la recourante. En effet, ces photos ne montrent en particulier pas un homme, ayant le haut du corps visiblement dénudé, assis sur un sofa qu’il cacherait. G______ n’a du reste pas été en mesure de confirmer que la photo qu’elle avait vue aurait été prise du même angle, dans la même pièce et sur le même sofa que ceux visibles sur les photos issues des caméras figurant dans le rapport de la BCI du 5 juillet 2021.
La recourante sollicite que G______ soit confrontée aux photos extraites des caméras. Cela étant, dans la mesure où il est constant que ce témoin n’a vu que furtivement la photo que lui avait soumise le prévenu et qu’il n’apparaît pas que le descriptif qu’elle en a fait corresponde à celui d’une des photos extraites des caméras – dont elle n’a du reste pas reconnu l’angle et le lieu de prise –, il sied de retenir, par appréciation anticipée des preuves, qu’une telle confrontation ne permettra pas de déterminer, à satisfaction de droit, si la photo qui lui avait alors été soumise pouvait ou non provenir des cartes mémoire des caméras dissimulées. Elle n’amènera ainsi aucun élément probant.
Pour les mêmes raisons que celles retenues à l’égard des adresses e-mail, il n’apparaît pas non plus utile de déterminer à qui appartenait le réseau WIFI auquel les caméras avaient cherché à se connecter.
Dans ces conditions, il n’existe pas de soupçon suffisant d’une violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d’un appareil de prise de vues par le prévenu, sans qu’aucune mesure d’instruction ne soit propre à modifier cette appréciation (art. 139 al. 2 CPP). Aucune violation de l'obligation d'enquête effective au sens de l'art. 3 CEDH ne saurait par ailleurs être retenue, au vu des actes d'instruction menés jusqu’ici.
La probabilité que le prévenu soit condamné apparaît, en définitive, bien inférieure à celle d’un acquittement.
5. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.
6. La recourante sollicite l'assistance judiciaire pour le recours.
6.1. L'assistance judiciaire gratuite ne peut être accordée qu'à la condition que la démarche à entreprendre et l'action pénale ne soient pas vouées à l'échec, comme le prévoient les art. 29 al. 3 Cst. et 136 al.1 let. a et b CPP. D'après la jurisprudence, un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter (ATF 138 III 217 consid. 2.2.4; 129 I 129 consid. 2.2).
6.2. En l'espèce, compte tenu des développements qui précèdent, le recours était manifestement voué à l'échec, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur la requête d'assistance judiciaire.
7. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03) pour tenir compte de sa situation personnelle, étant précisé que le rejet de la demande d’assistance judiciaire gratuite est rendu sans frais (art. 20 RAJ).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Rejette la demande d'assistance judiciaire gratuite.
Condamne A______ (anciennement B______) aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.
| Le greffier : Sandro COLUNI |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI
|
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
| P/19218/2019 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
| Débours (art. 2) | | |
| - frais postaux | CHF | 10.00 |
| Émoluments généraux (art. 4) | | |
| - délivrance de copies (let. a) | CHF | |
| - délivrance de copies (let. b) | CHF | |
| - état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
| Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
| - décision sur recours (let. c) | CHF | 815.00 |
| Total | CHF | 900.00 |