Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/774/2025 du 26.09.2025 sur ONMMP/3515/2025 ( MP ) , REJETE
| république et | canton de Genève | |
| POUVOIR JUDICIAIRE P/16042/2025 ACPR/774/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du vendredi 26 septembre 2025 | ||
Entre
A______, domicilié ______, agissant en personne,
recourant,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 24 juillet 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 4 août 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 24 juillet 2025, notifiée le 31 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 11 juillet 2025.
Le recourant conclut à l'annulation de cette ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour instruction.
b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
Le 11 juillet 2025, A______ a déposé plainte pour "abus de faiblesse", dénonçant les "manières utilisées" pour lui "soustraire" son bien immobilier.
Actuellement à la retraite, il était atteint de surdité aigüe, ce qui constituait un lourd handicap dans sa compréhension avec les autres, plus particulièrement avec les autorités administratives. Ayant constaté que des courriers à lui destinés ne lui étaient pas parvenus ou avaient disparu, il s'était adressé à l'Office postal, lequel lui avait répondu ne pas être responsable de la surveillance de sa boîte aux lettres. Après avoir travaillé de manière acharnée, il avait pu racheter la maison familiale, laquelle avait précédemment été "perdue" par son père en raison d'une mauvaise gestion des affaires familiales. Outre celle-ci, il était également propriétaire de deux parcelles de terrains – adjacentes à sa maison et qu'il avait acquises ultérieurement –, ainsi que d'une collection de deux roues et de voitures. Ayant fait l'objet de poursuites, pour un montant de CHF 2'859.60, sa maison avait été mise aux enchères, le 25 mai 2025. Il s'était opposé à celles-ci, mais l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'OCP) avait refusé d'entrer en matière, étant précisé que toutes les dates mentionnées dans les documents de l'OCP étaient erronées et/ou que les délais lui ayant été impartis n'avaient pas été respectés. Le 26 juin 2025, il avait reçu un courrier d'un certain C______, le mettant en demeure de quitter sa maison dans un délai de 60 jours et lui faisant également part de l'établissement d'un rapport d'expertise, le 9 mars 2025, dont il n'avait pas été averti, ainsi que de l'insalubrité de son domicile, quand bien même il y avait vécu depuis de nombreuses années. Il n'avait reçu "aucune preuve" sous la forme d'un acte de la vente de son bien immobilier. L'OCP ne lui avait par ailleurs transmis aucun document pour le solde de ses poursuites et n'avait effectué aucun versement en sa faveur pour le solde de sa vente. Au vu de son état de santé et des faits rapportés, il considérait qu'il y avait "matière pour abus de faiblesse (art. 146 CP) et abus de confiance (art. 138 CP)".
À l'appui de sa plainte, A______ a produit:
- une copie du procès-verbal de l'OCP du 7 juillet 2025, portant sur la saisie de son bien immobilier sis route 1______ no. ______, à B______ [GE];
- un courrier de l'OCP du 3 juillet 2025, par lequel celui-ci a refusé d'entrer en matière sur son opposition;
- le courrier de mise en demeure de C______ du 26 juin 2025; et
- l'expertise immobilière portant sur le bien immobilier précité.
C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public a considéré, au vu des explications fournies par A______ et des pièces transmises par ce dernier, que les éléments dénoncés ne remplissaient pas les éléments constitutifs d'une quelconque infraction pénale (art. 310 al. 1 let. a CPP).
D. a. Dans son recours, A______ considère qu'au vu de son état de santé et des faits dénoncés dans sa plainte, lesquels étaient avérés, les éléments constitutifs des infractions aux art. 138 CP ("abus de confiance") et 146 CP étaient réunis, de sorte que le Ministère public se devait d'entrer en matière sur sa plainte.
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
Bien que limite sous l'angle de la condition de la motivation suffisante, le recours, en tant qu'il émane d'un justiciable en personne, sera néanmoins considéré comme recevable (art. 385 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant ne conteste pas l'ordonnance querellée en tant que celle-ci n'a pas retenu d'infraction en lien avec la disparition alléguée de courriers. Il n'y sera pas revenu (art. 385 al. 1 let. a CPP).
4. Le recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur les faits dénoncés dans sa plainte, constitutifs selon lui d'infractions aux art. 138 CP et 146 CP.
4.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.
Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).
Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le ministère public doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 9 ad art. 310).
Un refus d'entrer en matière n'est possible que lorsque la situation est claire, en fait et en droit. En cas de doutes, ou lorsque l'acte dénoncé a eu des incidences graves (par exemple en présence de lésions corporelles graves), une instruction doit en principe être ouverte, quand bien même elle devrait ultérieurement s'achever par un classement (arrêt du Tribunal fédéral 1B_454/2011 du 6 décembre 2011 consid. 3.2).
4.2. Commet un abus de confiance, au sens de l'art. 138 ch. 1 CP, quiconque, pour se procurer ou pour procurer à un tiers un enrichissement illégitime, s'approprie une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui a été confiée (al. 1) ou, sans droit, emploie à
son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales qui lui ont été confiées (al. 2).
Sur le plan objectif, l'infraction réprimée à l'art. 138 ch. 1 al. 1 CP suppose l'existence d'une chose mobilière appartenant à autrui. Une autre personne que l'auteur doit avoir un droit de propriété sur la chose, même si ce droit n'est pas exclusif. Il faut encore que la chose ait été confiée à l'auteur, ce qui signifie qu'elle doit lui avoir été remise ou laissée pour qu'il l'utilise de manière déterminée dans l'intérêt d'autrui, en particulier pour la conserver, l'administrer ou la livrer selon des instructions qui peuvent être expresses ou tacites (ATF 120 IV 276 consid. 2 p. 278). L'acte d'appropriation signifie tout d'abord que l'auteur incorpore économiquement la chose ou la valeur de la chose à son propre patrimoine, pour la conserver, la consommer ou pour l'aliéner ; il dispose alors d'une chose comme propriétaire, sans pour autant en avoir la qualité. L'auteur doit avoir la volonté, d'une part, de priver durablement le propriétaire de sa chose, et, d'autre part, de se l'approprier, pour une certaine durée au moins. Il ne suffit pas que l'auteur ait la volonté d'appropriation, celle-ci devant se manifester par un comportement extérieurement constatable (ATF 129 IV 223 consid. 6.2.1 p. 227 ; 121 IV 25 consid. 1c ; 118 IV 148 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1268/2018 du 15 février 2019 consid. 2.2).
Sur le plan objectif, l'infraction réprimée à l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP suppose, notamment, l'existence d'une valeur patrimoniale confiée. Cette notion se rapporte aux choses fongibles ou aux choses déterminées devenues propriété de l'auteur par mélange, de par la loi ou par contrat, ainsi qu'aux valeurs incorporelles que représentent les créances pécuniaires en général (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 26 ad. art. 138).
4.3. L'art. 146 al. 1 CP réprime le comportement de quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.
L'escroquerie suppose, sur le plan objectif, que l'auteur ait usé de tromperie, que celle-ci ait été astucieuse, que l'auteur ait ainsi induit la victime en erreur ou l'ait confortée dans une erreur préexistante, que cette erreur ait déterminé la personne trompée à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers et que la victime ait subi un préjudice patrimonial (ATF 119 IV 210 consid. 3).
Par tromperie, il faut entendre tout comportement destiné à faire naître chez autrui une représentation erronée des faits (arrêt du Tribunal fédéral du 6B_26/2024 du 20 décembre 2024 consid. 4.1.1). La tromperie peut consister soit à induire la victime en erreur, par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, soit à conforter la victime dans son erreur.
4.4. En l'espèce, à l'instar du Ministère public, on ne décèle, dans la plainte du recourant, aucun indice de la commission d'une infraction aux art. 138 CP ou 146 CP, ni d'une quelconque autre infraction pénale, son acte de recours n'étant pas plus explicite à cet égard.
Si l'on comprend des explications du recourant qu'il reproche à l'OCP diverses irrégularités qui seraient survenues dans le cadre de la saisie et de la vente aux enchères de son bien immobilier, les faits qu'il a dénoncés ne tombent toutefois pas sous le coup du droit pénal.
Pour qu'une infraction d'abus de confiance (art. 138 CP) puisse trouver application, encore faut-il que l'on se trouve en présence, soit d'une chose mobilière, soit d'une valeur patrimoniale, lesquelles doivent par ailleurs avoir été confiées à un tiers. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque le bien dont le recourant déplore la soustraction est un bien immobilier, soit une catégorie de biens pour laquelle l'infraction d'abus de confiance n'entre pas en ligne de compte.
Quant à une éventuelle escroquerie (art. 146 CP), on ne décèle, dans les faits tels que décrits par le recourant, aucun comportement répréhensible par lequel l'OCP ou une quelconque autre personne l'aurait induit astucieusement en erreur, que ce soit par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou encore l'aurait conforté astucieusement dans son erreur, de sorte que c'est à juste titre que le Ministère public n'a pas retenu une telle infraction.
Dans la mesure où certains des éléments constitutifs des deux infractions précitées n'étaient manifestement pas réunis, il n'était point besoin pour le Ministère public d'examiner si le recourant avait pu être "abusé" du fait de son état de santé.
On ne voit pour le surplus pas quelle autre infraction serait susceptible d'entrer en ligne de compte pour appréhender les faits dénoncés par le recourant, ce dernier n'en invoquant au demeurant aucune autre.
Si, ainsi que le soutient le recourant, des irrégularités ont entaché la vente de son bien immobilier, ce qu'il ne rend au demeurant nullement vraisemblable, celles-ci auraient dû être contestées, conformément à l'art. 17 de la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillites (LP), dans le cadre d'une plainte adressée auprès de l'autorité de surveillance, soit à la Chambre de surveillance de la Cour de justice.
Dans la mesure où il n'existe aucun soupçon de la commission d'une quelconque infraction pénale, l'ordonnance querellée sera confirmée.
5. Partant, le recours sera rejeté.
6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.
| Le greffier : Sandro COLUNI |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
| P/16042/2025 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
| Débours (art. 2) | | |
| - frais postaux | CHF | 10.00 |
| Émoluments généraux (art. 4) | | |
| - délivrance de copies (let. a) | CHF | |
| - délivrance de copies (let. b) | CHF | |
| - état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
| Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
| - décision sur recours (let. c) | CHF | 915.00 |
| Total | CHF | 1'000.00 |