Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/763/2025 du 24.09.2025 sur OTDP/1404/2025 ( TDP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/6901/2025 ACPR/763/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 24 septembre 2025 |
Entre
A______, représenté par Me Samir DJAZIRI, avocat, DJAZIRI & NUZZO, rue Leschot 2, 1205 Genève,
recourant,
contre l'ordonnance rendue le 3 juin 2025 par le Tribunal de police,
et
LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104,
1211 Genève 8,
intimés.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 16 juin 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 3 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal de police a constaté l'irrecevabilité, pour cause de tardiveté, de son opposition à l'ordonnance pénale n. 1______ du Service des contraventions (ci-après, SdC), du 12 février 2025, et dit que cette ordonnance était assimilée à un jugement entré en force.
Le recourant conclut, avec suite de frais et indemnité de CHF 1'000.-, à l'annulation de cette décision, au constat de la recevabilité de son opposition et au renvoi de la procédure au Tribunal de police.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 30 août 2024, A______ a été convoqué au Groupe technique de recherche de véhicules (ci-après, GTRV) de l'unité routière de la Gendarmerie genevoise dans le cadre d'une enquête relative à un accident de la circulation.
Il lui a été demandé de présenter le disque tachygraphe se trouvant dans l'appareil d'enregistrement de son véhicule, ainsi que les disques des vingt-huit jours précédents. N'ayant produit que quatre disques, A______ a été informé qu'il ferait l'objet d'un contrôle d'entreprise sur la période antérieure.
b. Par lettre du 30 août 2024, le GTRV a convoqué A______ en vue du contrôle susmentionné. N'ayant pas présenté les tachygraphes demandés, il a été informé de l'établissement d'un rapport de gendarmerie.
c. Pour faire suite à la demande de la police, A______ a adressé, par son avocat, le 11 novembre 2024, les pièces requises en vue d'établir sa situation personnelle et financière.
d. Par ordonnance pénale n. 1______ du 12 février 2025, le SdC a condamné A______ à une amende de CHF 4'760.-, plus émolument de CHF 150.-. La décision précisait qu'elle pouvait faire l'objet d'une opposition, dans les dix jours dès sa notification.
Le pli recommandé contenant cette ordonnance a été envoyé à l'adresse privée du contrevenant, no. 2______ rue 3______, [code postal] B______, en France.
À teneur du suivi des envois recommandés de la Poste suisse, le pli a été "distribué" au destinataire le 15 février 2025 à 11 heures 50. Aucune reproduction de la signature du destinataire, ni aucun nom, ne figure sur ce suivi.
e. A______ a formé opposition par lettre datée du 4 mars 2025, mais postée par pli recommandé le 13 mars 2025 depuis la Suisse.
Dans sa lettre, il expose avoir "bien reçu votre ordonnance pénale qui m'a été adressée le 12 février 2025". Il reconnaissait entièrement les faits reprochés, mais souhaitait solliciter la clémence de l'autorité, pour une diminution de l'amende.
f. Par ordonnance sur opposition tardive, du 18 mars 2025, le SdC a transmis la procédure au Tribunal de police, avec copie au contrevenant, afin que le juge statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition. Il a conclu à l'irrecevabilité de l'opposition.
g. Le 26 mars 2025, le Tribunal de police a informé A______ que, dès lors que l'ordonnance pénale lui avait été notifiée le 15 février 2025, le délai pour y former opposition était venu à échéance le 25 suivant, de sorte que l'opposition apparaissait tardive. Un délai lui était imparti pour se prononcer sur cette apparente irrecevabilité.
h. Par lettre de son conseil, du 10 avril 2025, A______ a exposé que l'ordonnance pénale ne lui avait pas été notifiée par un agent de la Poste. Il l'avait trouvée dans sa boîte aux lettres le 3 mars 2025. La décision ne lui avait donc pas été notifiée le 15 février 2025. Il sollicitait à cet égard du Tribunal de police qu'il sollicite de la Poste la production du suivi muni de sa signature.
Au demeurant, dans la mesure où il avait reçu la décision le 3 mars 2025, il avait agi en temps utile en formant opposition le 13 suivant.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal de police a retenu que par suite du contrôle dont il avait fait l'objet le 18 septembre 2024 par le GTRV, A______ devait s'attendre à recevoir des communications d'une autorité pénale. Le pli contenant l'ordonnance pénale n'avait pas été retourné au SdC avec une mention telle que "destinataire introuvable à l'adresse indiquée" ou "parti sans laisser d'adresse", permettant de penser que le destinataire n'avait pas pu être atteint. Le suivi postal indiquait que l'envoi avait été distribué le 15 février 2025. Envoyée à une adresse valable, l'ordonnance "[était] réputée avoir été notifiée le 15 février 2025". Une éventuelle absence de distribution par un agent de la Poste, à cette date, n'était évoquée que comme simple hypothèse par le contrevenant, qui ne fournissait aucun élément concret à l'appui de ce cas de figure, ses simples allégations ne suffisant pas à le rendre vraisemblable. Partant, remise au guichet de la poste suisse le 13 mars 2025, l'opposition était tardive et l'ordonnance pénale devait être assimilée à un jugement entré en force.
D. a. À l'appui de son recours, A______ maintient que le pli contenant l'ordonnance pénale ne lui avait pas été remis par un agent de la Poste contre signature le 15 février 2025, mais il l'avait retrouvé dans sa boîte aux lettres le 3 mars 2025. Son opposition, le 13 mars 2025, avait donc été formée dans le délai légal.
Selon la jurisprudence, en particulier l'ATF 142 IV 125 consid. 4.3., le fardeau de la preuve de la notification incombait à l'autorité. Par ailleurs, dans un arrêt 6B_1451/2020 du 30 septembre 2021, le Tribunal fédéral avait annulé une décision qui se fondait sur une notification contestée par le justiciable, lequel réfutait avoir reçu la décision litigieuse, alors que l'autorité n'avait pas requis la production de sa signature par la Poste.
b. Le Tribunal de police conclut au rejet du recours. Le recourant alléguait une simple hypothèse, sans autre élément, sans rendre vraisemblable que des erreurs auraient été commises par la Poste. Cette seule allégation du recourant ne suffisait pas à contredire l'attestation du suivi postal.
c. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Le recourant n'expliquait pas pourquoi il n'aurait trouvé que le 3 mars 2025, dans sa boîte aux lettres, le courrier recommandé qui avait été distribué le 15 février 2025 selon le suivi postal. Cette date [le 3 mars], qui correspondait opportunément à dix jours avant l'expédition de son envoi daté du 4 mars 2025, n'avait pas été invoquée dans son courrier d'opposition, et rien dans ses explications ne permettait de comprendre le délai écoulé entre la date de distribution indiquée par la poste, la date invoquée de réception et celle de l'expédition postale du courrier d'opposition. Il n'exposait notamment pas avoir été absent durant les jours qui avaient suivi le 15 février 2025, ou avoir été dans l'impossibilité concrète de relever son courrier. Il ne rendait donc pas vraisemblable que la présomption de réception à la date de distribution de l'envoi postal devait ici être renversée. La jurisprudence citée concernait un cas de figure différent, d'un justiciable ayant toujours exposé ne jamais avoir reçu l'ordonnance pénale, ce qui n'était pas le cas du recourant.
d. Le SdC conclut au rejet du recours, en se référant au contenu de l'ordonnance attaquée.
e. Le recourant n'a pas répliqué.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. Le recourant reproche au Tribunal de police d'avoir retenu que son opposition à l'ordonnance pénale avait été formée avec retard.
2.1. Le prévenu peut contester l'ordonnance pénale du SdC dans le délai de dix jours. Si aucune opposition n'est valablement intervenue, cette ordonnance est assimilée à un jugement entré en force (art. 354 al. 1 let. a et al. 3 cum 357 al. 1 CPP).
2.2. Les autorités pénales notifient leurs prononcés par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception (art. 85 al. 2 CPP).
Le prononcé est réputé notifié lorsqu'il a été remis au destinataire, à l'un de ses employés ou à toute personne de plus de seize ans vivant dans le même ménage (art. 85 al. 3 CPP).
2.3. En vertu de l'art. 87 CPP, toute communication doit être notifiée au domicile du destinataire (al. 1). Les parties qui ont leur résidence à l'étranger sont tenues de désigner une adresse de notification en Suisse; les instruments internationaux prévoyant la possibilité d'une notification directe sont réservés (al. 2).
Selon l'art. 16 al. 1 du Deuxième Protocole additionnel à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 8 novembre 2001 (RS 0.351.12; ci-après, le Deuxième Protocole), applicable à la Suisse et à la France, les autorités judiciaires compétentes de toute Partie peuvent envoyer directement, par voie postale, des actes de procédure et des décisions judiciaires, aux personnes qui se trouvent sur le territoire de toute autre Partie.
2.4. De jurisprudence constante, le fardeau de la preuve de la notification effectuée et de la date de celle-ci incombe à l'autorité (ATF 144 IV 57 consid. 2.3; 142 IV 125 consid. 4.3). L'autorité supporte dès lors également les conséquences de l'absence de preuve de la notification, en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 129 I 8 consid. 2.2; 124 V 400 consid. 2a; arrêts du Tribunal fédéral 7B_277/2023 du 19 septembre 2023 consid. 2.3.1; 6B_699/2021 du 21 juin 2022 consid. 2.4.1). La preuve de la notification peut néanmoins résulter d'autres indices ou de l'ensemble des circonstances, par exemple un échange de correspondances ultérieur ou le comportement du destinataire (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 et les arrêts cités).
2.5. Il existe une présomption de fait – réfragable – selon laquelle, pour les envois recommandés, d'une part, l'employé postal a correctement inséré l'avis de retrait dans la boîte à lettres ou la case postale du destinataire et, d'autre part, la date de ce dépôt, telle qu'elle figure sur la liste des notifications, est exacte. Cette présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire. Si ce dernier ne parvient pas à établir l'absence de dépôt dans sa boîte ou sa case postale au jour attesté par le facteur, la remise est censée avoir eu lieu en ces lieu et date. Du fait notamment que l'absence de remise constitue un fait négatif, le destinataire ne doit cependant pas en apporter la preuve stricte. Il suffit d'établir qu'il existe une vraisemblance prépondérante que des erreurs se soient produites lors de la notification (arrêts du Tribunal fédéral 6B_314/2012 du 18 février 2013 consid. 1.4.1; 6B_281/2012 du 9 octobre 2012 consid. 2.1).
2.6. Dans l'arrêt 6B_1451/2020 du 30 septembre 2021 cité par le recourant, le prévenu contestait avoir reçu le pli contenant l'ordonnance pénale, tandis que l'autorité se fondait sur le suivi des envois recommandés pour retenir que l'ordonnance pénale avait bel et bien été notifiée au recourant. Pour le Tribunal fédéral, le suivi des envois recommandés n'indiquait toutefois pas auprès de qui la notification était intervenue et surtout aucune reproduction de la signature ne figurait sur ledit document. Le recourant soutenait devant toutes les autorités n'avoir pas reçu l'ordonnance litigieuse et la Poste lui refusait de plus amples informations, lesquelles ne pouvaient être obtenues que par l'expéditeur, soit l'autorité pénale. Il existait ainsi un doute quant à la notification de l'ordonnance pénale. Les autorités cantonales, à qui il incombait de prouver la notification valable et la date de celle-ci, n'avaient procédé à aucune vérification supplémentaire auprès de la Poste, bien que le recourant eût soulevé ce point. Partant, la cause devait être renvoyée au Tribunal de police pour qu'il examinât la validité de la notification de l'ordonnance pénale. Si les recherches devaient aboutir au constat que l'ordonnance pénale n'avait effectivement pas été notifiée au recourant, il y aurait lieu de se fonder sur les autres pièces du dossier et les déclarations du recourant pour établir la date de la prise de connaissance, par ce dernier, de l'ordonnance pénale (consid. 2.3).
2.7. En l'espèce, le SdC, expéditeur de l'ordonnance pénale, à qui incombe le fardeau de la preuve de la réception, a démontré par le suivi des envois recommandés de La Poste, que le pli contenant l'acte judiciaire avait été "distribué" le 15 février 2025.
Le recourant, contrevenant, admet, pour sa part, avoir reçu le pli contenant l'ordonnance pénale, mais soutient l'avoir trouvé dans sa boîte aux lettres, en France, le 3 mars 2025, soit seize jours après la date de distribution susmentionnée. Or, le dépôt, par les services postaux français, d'un pli recommandé, directement dans la boîte aux lettres du destinataire, paraît peu vraisemblable.
Par ailleurs, la jurisprudence constante, sus-rappelée, à teneur de laquelle il existe une présomption de fait que l'employé postal a correctement inséré dans la boîte aux lettres l'avis de retrait, s'applique par analogie à la remise du pli recommandé, ainsi qu'au suivi des envois recommandés de La Poste. Il s'ensuit qu'il existe ici une présomption que le pli recommandé a bien été délivré le 15 février 2025 au recourant ou à une personne vivant dans le même ménage (art. 85 al. 3 CPP).
Or, le recourant, qui se borne à affirmer avoir trouvé le pli recommandé dans sa boîte aux lettres, sans exposer les raisons de ce changement (inhabituel) de pratique, ni démontrer qu'il se serait renseigné auprès de son office postal pour obtenir une explication, ne parvient pas à convaincre – même avec une vraisemblance prépondérante – qu'une telle erreur de La Poste aurait pu se produire lors de la notification.
Le recourant invoque, pour appuyer son propos, l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_1451/2020 sus-référencé. Dans cette affaire-là, le destinataire du pli avait, depuis le début, soutenu ne pas avoir reçu du tout le pli recommandé, ni l'avis de retrait. L'état de fait était donc différent, étant relevé que dans son opposition, le recourant s'est référé à l'ordonnance pénale adressée le "12 février 2025" sans exposer l'avoir reçue le 3 mars 2025 comme il le soutiendra, avec l'aide de son conseil, devant le Tribunal de police.
Il s'ensuit que le recourant ne parvient pas à renverser la preuve produite par l'autorité de poursuite pénale, à teneur de laquelle l'ordonnance pénale a été notifiée le 15 février 2025.
Expédiée le 13 mars 2025, l'opposition est donc tardive.
3. Infondé, le recours sera rejeté.
4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
5. Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (art. 429 al. 1 let. a CPP a contrario).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 800.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son conseil), au Tribunal de police, au Ministère public et au Service des contraventions.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/6901/2025 | ÉTAT DE FRAIS |
| ACPR/ |
COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
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- frais postaux | CHF | 20.00 |
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Émoluments généraux (art. 4) | | |
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- délivrance de copies (let. a) | CHF |
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- délivrance de copies (let. b) | CHF |
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- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
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Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
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- décision sur recours (let. c) | CHF | 800.00 |
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| Total | CHF | 895.00 | |||