Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
PS/66/2025

ACPR/731/2025 du 15.09.2025 ( RECUSE ) , REJETE

Recours TF déposé le 21.10.2025, 7B_1108/2025
Descripteurs : RÉCUSATION;EXPERT
Normes : CPP.56.letf

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/66/2025 ACPR/731/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 15 septembre 2025

 

Entre

A______, représentée par Me Marc BELLON, avocat, rue Pierre-Fatio 12, case postale 3055, 1211 Genève 3,

requérante,

et

B______ et C______, p.a. CURML, chemin de la Vulliette 4, 1000 Lausanne 25,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

cités.

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 30 juillet 2025, A______ demande la récusation de la Prof. B______ et du Dr C______ dans la procédure P/1______/2021. Elle sollicite aussi l'annulation de leur rapport d'expertise du 14 juillet 2025 et que le mandat d'expertise soit nouvellement confié à un expert allergologue issu d'une entité distincte du CURML, des HUG et du CHUV, abstraction faite du dosage de l'anaphylatoxine C5a qui devra être obtenu de la part du laboratoire du CHUV.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le ______ mars 2021, vers 15h00, D______, âgé de 73 ans, a reçu, au centre E______, un vaccin contre le virus SARS-CoV-2, du lot "2______ F______", de la société G______. Vers 15h37, une caméra de surveillance a filmé D______ en difficulté respiratoire, à la place 3______. Il est devenu inconscient à 15h38 et le décès a été constaté à 16h15, après 33 minutes de tentative de réanimation.

b. L'autopsie médico-légale pratiquée sur D______, le 16 mars 2021, a conclu que la cause du décès n'avait pu être établie.

Toutefois, en l'absence de toute autre cause décelable, notamment de lésions traumatiques ou d'une intoxication aiguë à toutes les substances recherchées de nature à rendre compte du décès, l'hypothèse la plus probable était celle d'un décès d'origine naturelle chez une personne présentant notamment une pathologie pulmonaire sévère et une sténose importante au niveau coronarien sur une plaque d'athérosclérose. En l'état actuel des connaissances scientifiques sur le sujet et à la suite des investigations menées, un éventuel lien de causalité n'avait pas pu être établi entre le décès et la vaccination. L'absence d'augmentation de la tryptase et de signes évocateurs à l'autopsie parlaient en défaveur d'un choc anaphylactique. Il a cependant été relevé que, lors de l'analyse externe du corps, les paupières de D______ étaient "légèrement oedématiées, prédominant au niveau de la paupière inférieure droite" et que la tête était spontanément tournée sur la droite (cf. rapport d'autopsie du 5 mai 2021).

c. Le 22 septembre 2021, le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière, en raison de l'absence d'infraction pénale à l'origine du décès de D______, faute de l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination et le décès.

d. Par courrier du 29 septembre 2021, A______, fille de D______, s'est constituée partie plaignante.

e. Le 2 décembre 2021, l'ordonnance de non-entrée en matière précitée lui a été notifiée.

f. Par arrêt du 24 mars 2022 (ACPR/4______/2022), la Chambre de céans a admis le recours de A______ contre ladite ordonnance, l'a annulée et a renvoyé la cause au Ministère public afin qu'il procède à divers actes d'instructions visant à déterminer la cause réelle de la mort. Au vu des éléments au dossier – conclusions des médecins-légistes qui ne permettaient pas de comprendre la cause de la mort, proximité temporelle entre la vaccination et le décès, absence de renseignements pris auprès des exploitants du centre du lot du vaccin concerné, absence d'une vérification approfondie du déroulement de la vaccination, absence du dossier médical et des instructions du médecin-traitant et de l'oncologue du défunt –, sans aucun acte d'enquête, l'existence du lien – plus ou moins direct – de causalité entre la vaccination et le décès de D______ ne pouvait être exclu.

g. Le 14 avril 2022, A______ a déposé plainte pénale contre inconnus pour homicide par négligence (art. 117 CP) et omission de prêter secours (art. 128 CP) en lien avec le décès de son père.

h. Par courrier du 3 janvier 2024, A______ a adressé au Ministère public divers avis médicaux des Drs H______, I______, J______, et du Prof. K______ et du Dr L______, tous spécialistes en allergologie et en immunologie.

En substance, après avoir consulté le rapport d'autopsie et visionné les images de la vidéosurveillance, ils privilégiaient le diagnostic d'anaphylaxie [attestation du 16 août 2023 du Dr H______, rapport du 10 août 2023 du Dr I______ et attestation du 14 novembre 2023 du Dr J______], lequel se fondait sur un faisceau d'indices concordants, étant précisé que les signes cliniques primaient sur d'éventuels examens complémentaires pour retenir un tel diagnostic. Les signes à rechercher étaient l'angio-œdème, l'urticaire, la détresse respiratoire et le collapsus cardio-vasculaire mais pouvaient être masqués par les médicaments bêtabloquants pris par D______ [attestation du 16 août 2023 du Dr H______]. Sur la vidéosurveillance, D______ présentait un œdème important des paupières de l'œil droit, de sorte que s'il était absent plus tôt dans la journée, il pouvait être qualifié "d'angioedème aigu très probable, qui est diagnostic d'une réaction allergique en cours" (sic) [rapport du 10 août 2023 du Dr I______]. Selon le Dr J______, le choc anaphylactique apparaissait être la cause la plus vraisemblable de la mort "malgré l'absence de tryptase postmortem massivement augmentée, mais également en raison de l'absence de quelconques autres causes possibles de mort démontrées par l'autopsie" [attestation du 14 novembre 2023]. Pour le Dr I______, la réaction anaphylactique survenant "moins de 30 minutes après une injection d'un vaccin, seule circonstance particulière du décès, [cela rendait] le lien de cause à effet très probable" [rapport du 10 août 2023].

Quant au constat du Prof. K______, basé sur le contexte clinique, quelques aspects de l'autopsie et les images de vidéosurveillance – sur lesquelles il avait vu que D______ avait les coudes sur les genoux et avait été en "lutte respiratoire" avant de s'écrouler –, le décès de ce dernier était typique d'un "bronchospasme (asthme) post-vaccinal". "Une mort naturelle n'est pas soutenue par l'observation clinique et vient donc plus bas dans les probabilités diagnostiques" [rapport du 6 septembre 2023]. Le Dr L______, responsable de la prise en charge de plus de 200 patients à risque d'allergie au vaccin, a expliqué que quatre d'entre eux avaient présenté un bronchospasme rapidement, soit moins de 30 minutes après l'administration et qu'un "bronchospasme sévère peut entraîner un arrêt cardiaque et donc représenter une issue potentiellement fatale" [attestation du 24 novembre 2023].

A______ a également produit un article intitulé "Anaphylatoxin Complement 5a in G______ 2______/5______- Induced Immediate-Type Vaccine Hypersensitivity Reactions", publié le ______ mai 2023, dans la revue "M______, no. 6______", portant notamment sur six cas documentés de réaction anaphylactique au vaccin anti-COVID-19 à ARN-messager 2______/5______ de G______. Cinq avaient présenté un taux de Complément 5a (aussi appelé anaphylatoxine C5a) augmenté, dans les échantillons de sang prélevés dans les six heures à compter de la réaction anaphylactique. Dans les six cas, le taux de C5a commençait à diminuer dans les prélèvements de sang effectués plus de 24 heures après la réaction anaphylactique. Si un taux normal ne permettait pas encore d'exclure une réaction anaphylactique, en revanche, un taux de C5a élevé la confirmait. Aucun des six cas ne présentait d'élévation du taux de tryptase dans les échantillons de sang prélevés dans les six heures à compter de la réaction anaphylactique.

i. Par ordonnance du 15 avril 2025, le Ministère public a désigné la Prof. B______ et le Dr C______ comme experts et leur a confié un mandat d'expertise portant sur le rapport d'autopsie de D______ et un éventuel lien de causalité entre l'injection du vaccin et le décès de ce dernier.

Pour ce faire, ils devaient notamment prendre connaissance de la procédure (1); s'entourer de tous renseignements utiles (2); procéder à l'analyse du dosage de l'anaphylatoxine C5a dans les échantillons de sang de feu D______ (3); analyser le rapport d'autopsie de D______ à la lumière des avis des allergologues produits par A______ (4); déterminer, si possible, la cause du décès de D______, subsidiairement, si possible, la cause la plus probable (5); déterminer s'il y avait eu une violation des règles de l'art dans la prise en charge de D______ (6); et, déterminer, si possible, s'il existait un lien de causalité entre le décès de D______ et l'injection du vaccin G______ contre le COVID-19 (7).

j. Dans leur rapport du 14 juillet 2025, les experts ont indiqué s'être fondés sur les avis des allergologues transmis, l'ensemble du dossier concernant l'autopsie de D______, les échanges entre les signataires de l'expertise et la littérature médicale et scientifique.

Ils ont confirmé les conclusions du rapport d'autopsie et retenu qu'il n'y avait pas d'éléments concrétisant l'hypothèse d'un choc anaphylactique. Il existait des éléments en faveur d'un décès d'origine naturelle de D______, en raison de ses pathologies, lesquelles avaient très probablement diminué ses capacités respiratoires et cardiovasculaires favorisant le décès.

Ils ont notamment relevé, sous la rubrique intitulée "signes post-mortem des chocs anaphylactiques", que "dans le cas de D______, seule la mention, au niveau des paupières, d'un aspect légèrement oedématié, prédominant au niveau de la paupière inférieure droite. En outre, nous lisons, dans le rapport d'autopsie, à noter que la tête est spontanément sur la droite, plaidant en faveur d'un artefact post mortem liée à la position du corps" (sic).

À teneur de leur rapport, les experts n'avaient pas visionné la vidéosurveillance. Cela étant, un diagnostic clinique basé sur un tel support était, par principe, très difficile et peu fiable. Un examen clinique reposait sur des éléments concrets, une auscultation adéquate et des paramètres hémodynamiques mesurés entraient dans l'évaluation. Par ailleurs, pour un observateur, un malaise d'origine cardiaque suivi d'un décès (cardiaque) pouvait également se présenter avec une détresse respiratoire, une tachypnée (respiration rapide) et une perte de connaissance. Ainsi, là encore, le seul élément constaté par le rapport d'autopsie pertinent était un aspect "légèrement oedématié, prédominant au niveau de la paupière inférieure droite", côté duquel la tête reposait.

Toujours selon leur rapport, ils avaient renoncé au dosage du taux d'anaphylatoxine C5a dans les échantillons de D______ car il n'apporterait aucun éclaircissement dans le cas présent, dans la mesure où de multiples facteurs connus pour perturber les analyses de ce complément étaient présents chez le concerné, à savoir : qu'il avait souffert, de son vivant, de différentes pathologies pouvant influencer ledit taux et avait subi une réanimation cardiopulmonaire avant le constat du décès; que les prélèvements avaient été effectués lors de l'autopsie, environ 21h30 après le décès et plusieurs heures d'entreposage du corps en chambre froide à 4°C, puis stockés dans un congélateur à – 20°C. Ainsi, en l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'existait aucun moyen d'interpréter les résultats dans le cas de D______ et procéder à une telle analyse ne correspondrait pas aux règles de l'art en la matière. Enfin, du point de vue médico-légal, aucun lien de causalité entre le vaccin injecté et le décès n'avait pu être objectivé hormis la relation temporelle.

L'étude du dosage de l'anaphylatoxine C5a telle que proposée par A______, pourrait étayer l'éventuel diagnostic d'une réaction d'hypersensibilité dans l'administration du vaccin reçu mais présentait plusieurs limites méthodologiques, accompagnées d'un manque d'informations documentées, susceptibles d'affecter l'interprétation et la portée des résultats. En outre, les conclusions de l'étude n'avaient pas été reproduits dans d'autres travaux, ce qui en limitait la portée et soulignait la nécessité de validations indépendantes.

k. Le 24 juillet 2025, le Ministère public a transmis à A______ le rapport précité et lui a imparti un délai au 1er septembre 2025 pour formuler des observations.

C. a. Dans sa requête, A______ considère que les experts avaient failli à leur mission de manière irréparable.

Tout d'abord, ils n'avaient pas visionné les images de vidéosurveillance, ce qui contrevenait à plusieurs de leurs obligations. En effet, en agissant ainsi, ils avaient commis une "entorse à la diligente exécution de leur mission", dès lors que le mandat d'expertise leur donnait instructions de prendre connaissance de la procédure (1) et de s'entourer de tous renseignements utiles (2). Or, les images en question figuraient objectivement parmi ceux-ci. En outre, sans les avoir vues, ils préjugeaient de leur valeur clinique.

Ce manquement entachait également leur analyse médico-légale, dans la mesure où ils avaient mentionné s'agissant de "signes post-mortem des chocs anaphylactiques", la phrase suivante : "Dans le cas de D______, seule la mention, au niveau des paupières, d'un aspect légèrement oedématié, prédominant au niveau de la paupière inférieure droite", qui, étant grammaticalement défaillante, ne permettait pas de comprendre ce qu'ils avaient voulu dire, alors qu'il s'agissait pourtant d'un aspect capital. Même à supposer qu'ils entendaient dire qu'il se serait agi du seul signe post-mortem d'un choc anaphylactique, les experts l'avaient nuancé, tout en se gardant de souligner les constatations du Dr I______ – qui, sur les images de vidéosurveillance, avait distingué sur D______, de son vivant, un œdème de la paupière droite –, lesquelles, selon A______, excluaient tout lien de causalité entre l'œdème constaté à l'autopsie et la position de la tête post-mortem.

Cette omission avait également pour conséquence que les experts avaient retenu "que pour un observateur, un malaise d'origine cardiaque suivi d'un décès (cardiaque) peut également se présenter avec une détresse respiratoire, une tachypnée (respiration rapide) et une perte de connaissance", ce qui contrevenait aux images de vidéosurveillance, qui montraient surtout une "lutte respiratoire" puis une position "coude sur les genoux", soit "assez typique d'un bronchospasme aigu" [rapport du 6 septembre 2023 du Prof. K______].

Ce défaut était par ailleurs "totalement inadmissible", dans la mesure où les experts avaient admis un lien de causalité temporel entre la vaccination de D______ et son décès.

Ensuite, contrairement au mandat, les experts n'avaient pas procédé au dosage de l'anaphylotaxine C5a et avaient, en lieu et place, discrédité la seule étude disponible et publiée concernant "la corrélation scientifiquement documentée entre réaction d'hypersensibilité (comprenant les réactions anaphylactiques) au vaccin de la société G______ et l'anaphylatoxine C5a". Les objections émises par les experts à l'encontre de cette étude ne justifiaient pas de refuser de procéder à l'analyse requise. Un tel choix de leur part procédait "d'une entrave à la manifestation de la vérité".

Enfin, les experts avaient refusé tacitement de répondre à la question de savoir s'il y avait eu une violation des règles de l'art dans la prise en charge de D______ (6). Ils s'étaient ainsi employés, par leur silence, à protéger leurs pairs alors que les éléments au dossier confirmaient la violation des règles de l'art médical.

Partant, les manquements cumulés fondaient une apparence de prévention des experts au sens de l'art. 56 al. 1 let. f CPP, de sorte que le rapport d'expertise devait être annulé et le mandat confié à de nouveaux experts.

b. À réception, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             1.1. Lorsqu'est en cause la récusation d'un expert nommé par le ministère public, il appartient à l'autorité de recours, au sens des art. 20 al. 1 et 59 al. 1 let. b CPP, de statuer (arrêts du Tribunal fédéral 1B_488/2011 du 2 décembre 2011 consid. 1.1 et 1B_243/2012 du 9 mai 2012 consid. 1.1), de sorte que la Chambre de céans est compétente à raison de la matière (ACPR/491/2012 du 14 novembre 2012).

1.2. En tant que partie plaignante, A______ a qualité pour agir (art. 104 al. 1 let. b CPP et, par analogie, 58 al. 1 CPP).

1.3.1. La demande de récusation doit être présentée sans délai par les parties dès qu'elles ont connaissance d'un motif de récusation (art. 58 al. 1 CPP), soit dans les jours qui suivent la connaissance du motif de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_601/2011 du 22 décembre 2011 consid. 1.2.1), sous peine de déchéance (ATF 138 I 1 consid. 2.2).

La jurisprudence admet le dépôt d'une demande de récusation six à sept jours après la connaissance des motifs mais considère qu'une demande déposée deux à trois semaines après est tardive (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du code de procédure pénale, 3ème éd., Bâle 2025, n. 3a ad art. 58 CPP; arrêts du Tribunal fédéral 1B_14/2016 du 2 février 2016 consid. 2 et 1B_60/2014 du 1er mai 2014 consid. 2.2).

1.3.2. En l'occurrence, la requête n'est pas tardive, pour avoir été formée dans les six jours après l'envoi du rapport d'expertise, le 24 juillet 2025, sur laquelle se fonde la demande de récusation.

2.             2.1. L'art. 56 let. f CPP – applicable aux experts en vertu du renvoi de l'art. 183 al. 3 CPP – prévoit que toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est récusable "lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention". Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes de l'art. 56 CPP (ATF 143 IV 69 consid. 3.2). Elle concrétise les droits déduits de l'art. 29 al. 1 Cst. garantissant l'équité du procès et assure au justiciable une protection équivalente à celle de l'art. 30 al. 1 Cst. s'agissant des exigences d'impartialité et d'indépendance requises d'un expert (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2). Les parties à une procédure ont donc le droit d'exiger la récusation d'un expert dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur son impartialité. Cette garantie tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause puissent influencer une appréciation en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective de l'expert est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale de sa part. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 143 IV 69 consid. 3.2; arrêts 1B_261/2018 du 24 octobre 2018 consid. 2.1; 1B_110/2017 du 18 avril 2017 consid. 3.1). Quant aux critiques portant sur le contenu du rapport ou la méthode appliquée, elles ne conduisent pas à la récusation sauf en cas d’erreurs particulièrement nombreuses ou graves qui se manifestent de manière unilatérale au détriment d’une des parties (L. MOREILLON / A. PAREIN‑REYMOND, Code de procédure pénale - Petit commentaire, 3ème éd., Bâle 2025 et les références citées). Ainsi, le fait qu'un expert ait commis une erreur n'est pas un motif de récusation en tant que tel, cela ne pouvant faire naître un doute quant à son impartialité que s'il s'agit d'une erreur crasse ou d'erreurs répétées (arrêt du Tribunal fédéral 1B_82/2015 du 30 juin 2015 consid. 3.3).

2.2. En l'espèce, dans la mesure où la requérante se plaint, en substance, de la méthodologie appliquée par les experts – absence du visionnage des images de vidéosurveillance et du dosage du complément anaphylotaxine C5a –, conformément à la jurisprudence et la doctrine précitées, ces actes doivent, pour faire naître un doute sur leur impartialité au sens de l'art. 56 al. 1 let. f CPP, constituer un manquement grave ou des erreurs répétées.

Or, il ressort des explications figurant dans le rapport d'expertise que les experts ont renoncé à de tels actes, dans la mesure où ils n'étaient pas de nature à influencer leurs conclusions. Ils ont aussi précisé qu'au vu des connaissances médicales et scientifiques dans le domaine concerné, il n'était pas scientifiquement possible d'interpréter le résultat des deux actes en question, dans le cas de D______. Une telle interprétation, en l'état et au vu des spécificités du cas d'espèce, les aurait conduits à agir de manière non conforme aux règles de l'art. Aucun élément au dossier ne permet de considérer que ce choix délibéré des experts constituerait une erreur crasse justifiant leur récusation.

Au contraire, s'agissant du dosage du complément C5a, les experts ont spécifiquement relevé la présence de facteurs pouvant influencer son taux, soit que D______ avait souffert, de son vivant, de différentes pathologies, qu'il avait subi une réanimation cardiopulmonaire avant le constat du décès, et que les prélèvements des échantillons avaient été effectués lors de l'autopsie, environ 21h30 après le décès et plusieurs heures d'entreposage du corps en chambre froide à 4°C, puis stockés dans un congélateur à
– 20°C.

La requérante reconnait elle-même que l'étude produite, proposant le dosage du complément en question, était la seule disponible et publiée traitant d'une hypersensibilité du vaccin. Elle ne peut ainsi prétendre que le refus des experts de procéder à l'analyse du complément C5a, même en la présence d'une telle étude, puisse être contraire à une pratique établie, et partant constituer une faute grave de la part des experts.

Pour ce qui est des images de vidéosurveillance, quand bien même les spécialistes consultés par la requérante s'y seraient fiés pour avancer leurs hypothèses sur la cause de la mort de D______ – choc anaphylactique ou bronchospasme –, ils s'accordent également sur le fait que les signes cliniques priment sur d'éventuels examens complémentaires. Or, c'est bien en l'absence de ceux-là et de pertinence des deux actes litigieux que les experts ont renoncé à procéder à ceux-ci. Ainsi, l'absence de visionnement ne peut davantage être considérée comme un manquement grave.

Partant, la méthodologie décriée des experts ne constitue pas un motif de récusation.

Force enfin de constater que les griefs soulevés ainsi que les autres reproches formulés par la requérante – soit en particulier une phrase peu compréhensible grammaticalement, voire l'absence de réponse à des points du mandat – relèvent le cas échéant d'un cas d'application de l'art. 189 CPP et non de l'art. 56 CPP.

3.             Au vu de ce qui précède, il n’existe pas de motif justifiant la récusation des experts, au sens de l’art. 56 let. f CPP, a fortiori à l'annulation de l'expertise (cf. art. 60 al. 1 CPP a contrario). La requête en récusation et la demande d'annulation du rapport d'expertise, infondées, seront ainsi rejetées.

4.             Vu l'issue de la cause, point n'était besoin de demander aux experts de prendre position, au sens de l'art. 58 al. 2 CPP, avant de statuer (arrêts du Tribunal fédéral 7B_1/2024 du 28 février 2024 consid. 5.2 et 1B_196/2023 du 27 avril 2023 consid. 4 et les références), étant précisé que cette disposition n'est impérative qu'en tant qu'elle vise en particulier à permettre l'établissement des faits. Or, ceux-ci sont clairs et n'appelaient aucune précision de leur part. Il s'ensuit que la requête de récusation doit être rejetée, ainsi que les autres conclusions.

5.             La requérante, qui succombe, supportera les frais de la procédure, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 59 al. 4 CPP; art. 418 al. 2 CPP; art. 13 al. 1 let. b. du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette la requête de récusation formée par A______ contre la Prof. B______ et le Dr C______ ainsi que la demande d'annulation du rapport d'expertise du 14 juillet 2025.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la requérante, soit pour elle son conseil, à la Prof. B______ et au Dr C______, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Valérie LAUBER et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).

P/1______/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

00.00

- délivrance de copies (let. b)

CHF

00.00

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- demande sur récusation (let. b)

CHF

805.00

Total

CHF

900.00