Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/553/2025 du 16.07.2025 sur OMP/12076/2025 ( MP ) , ADMIS
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/6877/2025 ACPR/553/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 16 juillet 2025 |
Entre
A______, représentée par Mes C______ et D______, avocates,
recourante,
contre l'ordonnance de refus d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite rendue le 16 mai 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 30 mai 2025, A______, partie plaignante, recourt contre l'ordonnance du 16 précédent, notifiée le 20 du même mois, à teneur de laquelle le Ministère public a refusé de lui accorder l'assistance judiciaire gratuite.
Elle conclut, sous suite de frais, à l'annulation de cette décision, dite assistance devant lui être octroyée et l’une de ses deux actuelles avocates de choix, Me C______, désignée en qualité de conseil juridique gratuit.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 24 mars 2025, le Ministère public a ouvert une instruction contre A______ pour des faits de violences domestiques, commis à réitérées reprises (P/6877/2025).
b. Le 9 mai suivant, la prénommée a adressé deux missives au Ministère public.
b.a. Dans la première, elle déposait plainte pénale contre son époux, B______, lui reprochant de l'avoir, en de multiples occasions, violentée (art. 123, voire 122, CP), injuriée (art. 177 CP) et menacée (art. 180 CP).
Elle sollicitait le prononcé d'une mesure d'éloignement du domicile conjugal à l'encontre de l’intéressé.
b.b. Dans la seconde, elle requérait, sous la plume de ses deux conseils de choix, le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite, spécifiant qu'il devrait être tenu compte, pour le calcul de ses revenus et charges, du fait que les époux, sitôt la mesure sus-évoquée ordonnée, ne feraient plus ménage commun.
c. Le 14 mai 2025, le Procureur a ouvert une procédure contre B______ (P/10700/2025), qu’il a jointe à la cause P/6877/2025.
d. Informée par ce magistrat que le prononcé d'une mesure d'éloignement était du ressort de la police, A______ a sollicité, et obtenu, de cette dernière autorité, le 15 mai 2025, une telle mesure, valable jusqu'au 4 juin suivant [selon le rapport établi par la police le 15 mai 2025, transmis au Ministère public à une date non spécifiée].
e. Nanti du pli évoqué à la lettre B.b.b ci-dessus, le Greffe de l'assistance juridique a établi un rapport, le 16 mai 2025.
Il en résulte que la précitée n'était pas indigente, étant relevé que, pour établir son budget, il avait été "fai[t] masse des revenus et charges des époux[,] dès lors qu'ils viv[ai]ent toujours ensemble selon la demande d'assistance juridique (…) et qu'aucune mesure d'éloignement n'[a]vait été déposée".
C. Dans sa décision déférée, le Ministère public a considéré que A______ disposait de ressources suffisantes pour rétribuer ses avocates.
D. a.a. À l'appui de son recours, auquel elle joint des pièces nouvelles, la précitée invoque une violation de l’art. 136 CPP. Le Procureur avait omis de tenir compte, lors de l’examen de sa situation financière, de la mesure d'éloignement prononcée à l’encontre de son époux. Or, s’il l’avait fait, il aurait admis son impécuniosité.
a.b. Elle produit, entre autres documents, une requête déposée par ses soins le 28 mai 2025 devant la juridiction compétente, tendant à ce que ladite mesure d'éloignement soit prolongée jusqu'au 4 juillet suivant.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme (art. 385 al. 1 CPP) et dans le délai (art. 396 al. 1 CPP) prescrits, concerner une ordonnance sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand du Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 15, 19ème tiret, ad art. 393) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à se prévaloir d'une violation de l'art. 136 CPP (art. 115 cum 382 CPP).
1.2. Il en va de même des pièces nouvelles jointes à cet acte (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).
2. 2.1. Un conseil juridique gratuit est désigné à la partie plaignante/victime pour autant qu'elle ne dispose pas de ressources suffisantes, que l’action civile/pénale ne paraisse pas vouée à l’échec et que la défense de ses intérêts le justifie (art. 136 al. 1 et al. 2 let. c CPP).
2.2. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 Cst féd. et 3 al. 2 let. c CPP, impose à l'autorité l'obligation de motiver sa décision afin, d’une part, que son destinataire puisse l'attaquer utilement et, d’autre part, que la juridiction de recours soit en mesure d’exercer son contrôle (ATF 139 IV 179 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 7B_150/2022 du 18 février 2025 consid. 4.4.1).
La Chambre de céans est habilitée, quand l'absence de motivation (suffisante) d'une décision l'empêche de statuer, à renvoyer d'office la cause au ministère public (cf. notamment ACPR/345/2025 du 7 mai 2025, consid. 2.2).
2.3. En l'espèce, le Procureur semble s’être fondé sur le rapport du Greffe de l'assistance juridique pour nier l'impécuniosité de la recourante.
Or, ce service n’a pas pris en considération, le 16 mai 2025, lorsqu’il a examiné les revenus et charges de l'intéressée, la mesure d'éloignement prononcée, la veille, contre B______, mesure que la requérante avait dûment mentionné avoir sollicitée.
Il s'ensuit que la Chambre de céans – qui n’a pas à établir, ab ovo, le budget d'une personne requérant l'assistance judiciaire – ne peut évaluer si la plaignante est, ou non, indigente (art. 136 al. 1 let. a/b CPP).
De surcroît, puisque l'indigence n'a pas été retenue, la décision querellée est muette sur les chances de succès de l'action civile/pénale de l’intéressée (art. 136 al. 1 let. a/b CPP), respectivement sur la nécessité, pour cette dernière, d'être assistée d'un avocat (art. 136 al. 2 let. c CPP).
Il s'ensuit que la juridiction de recours n’est pas en mesure d’exercer son contrôle quant à la réalisation des réquisits de l'art. 136 CPP.
Partant, l'ordonnance entreprise doit être annulée et la cause renvoyée au Ministère public afin qu'il rende une décision (suffisamment) motivée sur ces aspects (art. 397 al. 2 CPP).
3. Au vu de la nature formelle du vice constaté, il n'était pas nécessaire d'ordonner un échange d'écritures, la Chambre de céans n’ayant pas statué sur le fond (cf. par analogie ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2 et arrêt du Tribunal fédéral 7B_150/2022 précité, consid. 8).
4. 4.1. Les frais de la procédure seront laissés à la charge de l'État (art. 20 RAJ).
4.2. Représentée par deux avocates, la partie plaignante, qui obtient gain de cause (sous l'angle de l'annulation de la décision), n'a pas sollicité l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours (cf. art 136 al. 3 CPP), ni conclu à des dépens (art. 433 al. 2 cum 436 al. 1 CPP), de sorte qu'il ne sera pas entré en matière sur ce point (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1345/2016 du 30 novembre 2017 consid. 7.2).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Admet le recours.
Annule, en conséquence, l’ordonnance déférée et renvoie la cause au Ministère public pour nouvelle décision motivée dans le sens des considérants.
Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.
Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour elle ses conseils, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).