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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/68/2024

ACPR/498/2025 du 30.06.2025 ( PSPECI ) , ADMIS

Descripteurs : RISQUE DE RÉCIDIVE;BRACELET ÉLECTRONIQUE
Normes : CP.76b; CP.77b

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/68/2024 ACPR/498/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 30 juin 2025

 

Entre

A______, représenté par Me François Gillard, avocat, Coin d'en Bas 5, 1092 Belmont-sur-Lausanne,

recourant,

 

contre la décision refusant l'exécution d'une peine privative de liberté sous surveillance électronique, rendue le 21 août 2024 par le Service de l'application des peines et mesures (devenu le Service de la réinsertion et du suivi pénal, ci-après, SRSP),

 

et

LE SERVICE DE LA RÉINSERTION ET DU SUIVI PÉNAL (SRSP), route des Acacias 82, case postale 1629, 1211 Genève 26,

intimé.

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 2 septembre 2024, A______ recourt contre la décision du 21 août 2024, communiquée à une date que le dossier ne permet pas d'établir, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) a refusé l'exécution de sa peine privative de liberté sous la forme de la surveillance électronique.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision et à l'octroi du régime de la surveillance électronique pour exécuter sa peine; subsidiairement, il sollicite le renvoi de la cause au SAPEM pour complément d'instruction et l'octroi dudit régime.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par arrêt du 4 avril 2024, la Chambre pénale d'appel et de révision de Genève a déclaré A______, né en 1970, coupable d'escroquerie (art. 146 al. 1 CP), d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 al. 2 CP), de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), d'infraction à l'art. 87 al. 4 LAVS, et l’a condamné à une peine privative de liberté de six mois, ainsi qu'à une peine pécuniaire de 60 jours-amende. Cette peine était partiellement complémentaire à celle prononcée le 28 mai 2019 par le Ministère public de C______.

Il lui était reproché d'avoir, comme titulaire d'une entreprise en raison individuelle et en sa qualité d'associé gérant de deux sociétés, obtenu, en 2020, des prêts COVID-19, dont l'un fondé sur un chiffre d'affaires ne correspondant pas à la réalité, et d'avoir utilisé l'argent versé à d'autres fins que celles convenues, en particulier à des fins privées, ainsi que de ne pas avoir reversé, en 2019, à la caisse AVS, les cotisations sociales prélevées sur les salaires de ses employés.

b. Le 4 juillet 2024, A______, sous la plume de son conseil, a demandé à exécuter sa peine sous la forme d'une surveillance électronique, subsidiairement sous le régime de la semi-détention.

Il a produit la copie de sa carte d'identité suisse ainsi qu'un contrat de travail, daté du 11 mars 2024, aux termes duquel il était engagé par le B______ SA en qualité de responsable mécanicien, à 60 %.

c. Le 8 juillet 2024, le SAPEM a délégué l'exécution de la peine à l'Office d'exécution des peines du canton de Vaud dès lors que l'intéressé était domicilié et travaillait à C______ [VD].

d. En date du 15 juillet 2024, l'Office précité a retourné cette délégation au SAPEM au motif que A______ ne remplissait pas les conditions d'octroi du régime de la surveillance électronique. Il avait déjà bénéficié d'un tel régime, du 12 novembre 2018 au 12 mai 2019, ce qui ne l'avait pas empêché de commettre de nouvelles infractions l'année suivante. Il avait de nombreux antécédents et faisait l'objet d'une enquête en cours.

e. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, outre la condamnation du 4 avril 2024, A______ a été condamné :

- le 8 septembre 2015, par le Ministère public de C______, pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice et emploi d'étrangers sans autorisation, à une peine pécuniaire de 120 jours-amende, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 400.-;

- le 24 juin 2016, par le Ministère public de C______, pour inobservation des règles de la procédure de poursuite pour dettes et faillite ou de la procédure concordataire, délit contre la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité et insoumission à une décision de l'autorité, à une peine pécuniaire de 80 jours-amende, et à une amende de CHF 900.-;

- le 28 avril 2017, par le Ministère public de Fribourg, pour violation de l'obligation de tenir une comptabilité, à une peine pécuniaire de 10 jours-amende;

- le 6 septembre 2017, par le Ministère public D______, pour tentative de contrainte, à une peine pécuniaire de 20 jours-amende;

- le 22 mars 2018, par le Tribunal correctionnel de C______, pour abus de confiance, à une peine privative de liberté de 12 mois, dont six mois avec sursis et un délai d'épreuve de quatre ans;

- le 28 mai 2019, par le Ministère public de C______, pour violation de l'obligation de tenir une comptabilité et gestion fautive par le débiteur failli, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, peine partiellement complémentaire à la condamnation du 8 septembre 2015 et complémentaire à celles des 24 juin 2016, 28 avril 2017 et 22 mars 2018.

Une enquête pénale est, en outre, ouverte contre lui, depuis le 16 janvier 2023, par le Ministère public de C______, pour escroquerie par métier (art. 146 al. 2 CP).

C. Dans la décision querellée, le SAPEM justifie son refus d'autoriser A______ à exécuter sa peine sous la forme de la surveillance électronique, en se fondant sur le préavis défavorable de l'Office d'exécution des peines du canton de Vaud. Il considère que l'intéressé présente un risque de récidive.

D. a. Dans son recours, A______ expose avoir été contraint de reprendre "immédiatement et seul" la gestion du garage B______ SA à la suite de "graves problèmes familiaux" rencontrés par son fils. Une incarcération serait "catastrophique" car il devrait "inévitablement" fermer "immédiatement" son garage et perdrait sa seule source de revenus. Ses employés, dont son fils, en subiraient également les conséquences négatives. Un régime de semi-détention ne permettrait pas non plus d'assurer la viabilité de son entreprise, dès lors que les restrictions d'horaires l'empêcheraient de travailler le soir et les week-ends. Enfin, une incarcération de plusieurs mois pourrait signifier, à son âge, "la fin de toute possibilité de retrouver ensuite une nouvelle place sur le marché du travail" et le placerait dans une situation "de précarité extrême, et cela non seulement sur le plan économique et personnel, mais également sur le plan social et psychologique". Il n'était pas impliqué dans l’enquête en cours, celle-ci étant "en réalité" dirigée contre son fils à une période où il gérait, de fait, le garage familial. Lui-même n'avait été entendu qu'en sa qualité d'associé gérant. Il considérait remplir les conditions pour exécuter sa peine sous la forme de la surveillance électronique, étant souligné qu'il était "parfaitement au courant que la commission d'une nouvelle infraction le condamnerait à renoncer définitivement à son activité professionnelle actuelle", voire conduirait à la révocation de l'exécution de sa peine sous cette forme.

À l'appui, il produit l'extrait du registre du commerce du canton de Zoug du 3 septembre 2024, duquel il ressort qu'il est membre du conseil d'administration du garage B______ SA avec signature individuelle.

b. Le SAPEM conclut au rejet du recours. Le recourant présentait un risque de récidive élevé. Ce risque faisait à lui seul obstacle à l'octroi d'un régime alternatif d'exécution de peine et primait sur la situation personnelle de l'intéressé et l'éventuelle fermeture de son garage. L'enquête pénale en cours était encore inscrite dans son casier judiciaire et aucun élément ne permettait de penser qu'elle ne serait pas dirigée contre lui.

c. A______ réplique brièvement, soulignant l'ancienneté des faits, objet de sa condamnation du 4 avril 2024, et la responsabilité exclusive de son fils dans la nouvelle procédure.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – la date de notification de la décision entreprise étant inconnue –, concerner une décision rendue par le SAPEM, dans une matière pour laquelle il est compétent (art. 40 al. 1 et 5 al. 2 let. h de la Loi d'application du code pénal suisse du 27 août 2009 [LaCP; E 4 10]), sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 42 al. 1 LaCP et 52 al. 2 du Règlement sur les formes alternatives d'exécution des peines du 13 décembre 2017 [RFAEP; E 4 55.13]), les art. 379 à 397 CPP s'appliquant par analogie (art. 42 al. 3 LaCP), et émaner du condamné visé par la décision querellée, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision entreprise (art. 382 CPP).

2.             Le recourant fait grief au SAPEM de lui avoir refusé le bénéfice de la surveillance électronique.

2.1. Conformément à l'art. 79b al. 1 let. a et al. 2 CP, à la demande du condamné, l'autorité d'exécution peut ordonner l'utilisation d'un appareil électronique fixé au condamné (surveillance électronique), au titre de l'exécution d'une peine privative de liberté de 20 jours à 12 mois : s'il n'y a pas lieu de craindre que le condamné s'enfuie ou commette d'autres infractions (let. a); s'il dispose d'un logement (let. b); s'il exerce une activité régulière qu'il s'agisse d'un travail, d'une formation ou d'une occupation, pendant au moins 20 heures par semaine, ou s'il est possible de l'y assigner (let. c); si les personnes adultes faisant ménage commun avec lui y consentent (let. d) et s'il approuve le plan d'exécution établi à son intention (let. e).

2.2. La surveillance électronique est un mode d'exécution de la peine privative de liberté (Vollzugsstufe), alternative à la prison qui vient s'ajouter aux solutions de la semi-détention (art. 77b CP) et du travail d'intérêt général (art. 79a CP) en début de peine. L'idée centrale de cette mesure, si elle tend sans doute à désengorger les prisons, est avant tout de limiter les effets nocifs de la détention, en évitant au condamné qu'il doive exécuter sa peine et qu'il risque ainsi de perdre ses assises sociales (travail, famille, etc.). Concrètement, cette solution voit en principe le condamné travailler ou s'occuper une partie de la journée et, durant son temps libre, regagner son logement et y rester, des aménagements du temps libre étant évidemment envisageables (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS, Commentaire romand : Code pénal I (art. 1 – 110 CP), 2ème éd., Bâle 2021, n. 5 ad art. 79b CP).

2.3. La condition de l'absence de risque de récidive posée par l'art. 79b al. 2 let. a CP étant identique à celle posée par l'art. 77b al. 1 let. a CP, elle doit être appliquée de la même manière (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1261/2021  du 5 octobre 2022 consid. 2.1; 6B_872/2021 précité consid. 2.2 et la référence citée).

Le risque de fuite ou de récidive visé par l'art. 77b CP doit être d'une certaine importance et les nouvelles infractions d'une certaine gravité. Pour poser un pronostic quant au comportement futur du condamné, l'autorité d'exécution des peines doit tenir compte, notamment, de ses antécédents judiciaires, de sa personnalité, de son comportement en général et au travail, ainsi que des conditions dans lesquelles il vivra (ATF 145 IV 10 consid. 2.2.1 et les références).

Contrairement au sursis et à la libération conditionnelle, toutes les infractions sont envisagées dans le risque de récidive mentionné à l'art. 79b al. 2 let. a CP, et pas seulement les délits et crimes (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS, op. cit., n. 13 ad art. 79b CP note 44).

L'existence d'un risque de récidive fait à lui seul obstacle à l'octroi du régime de la semi-détention ou de la surveillance électronique, sans qu'il n'y ait lieu de tenir compte de la situation familiale du condamné, de ses activités professionnelles, de son intégration, etc. (arrêt du Tribunal fédéral 6B_872/2021 précité consid. 3.2.4).

2.4. L'art. 43 du règlement sur les formes alternatives d'exécution des peines (RFAEP) du 13 décembre 2017 prévoit que "si une enquête pénale est ouverte à l'encontre de la personne condamnée, le service de l'application des peines et mesures peut suspendre ou révoquer la surveillance électronique."

2.5. En l'occurrence, le recourant a été condamné à sept reprises de 2015 à 2024, dont six fois pour des infractions commises dans le cadre de son activité d'indépendant, à plusieurs peines pécuniaires et à deux peines privatives de liberté [12 mois, dont six avec sursis, en 2018; six mois en 2024]. La répétition d'antécédents spécifiques, d'une certaine gravité, suffit à poser un pronostic défavorable. En outre, il fait l'objet d'une procédure, ouverte en 2023 par le Ministère public vaudois, en lien avec la gestion d'une société dont il est l'associé gérant. On ne voit pas en quoi sa condamnation du 4 avril 2024, portant sur des infractions commises en 2019 et 2020, permettrait d'exclure le risque de récidive, tout comme son affirmation, non étayée, selon laquelle la nouvelle procédure serait dirigée exclusivement contre son fils.

Dans ces circonstances, le risque de réitération – dont l'examen est le même pour la semi-détention et la surveillance électronique – doit être retenu et s'oppose à l'exécution de la peine privative de liberté sous une forme alternative, étant souligné qu'il en a déjà bénéficié à une reprise.

Le fait que son incarcération puisse le placer dans une situation délicate par rapport à son garage – dont il dit assumer "seul" la gestion – n'est point pertinent, étant ici rappelé qu'il s'agit là de conséquences inhérentes à toute incarcération.

3.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée et, partant, le recours rejeté.

4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Service de la réinsertion et du suivi pénal.

Le communique, pour information, au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/68/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00