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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11903/2025

ACPR/494/2025 du 27.06.2025 sur OMP/12635/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN
Normes : CPP.255.al1bis

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11903/2025 ACPR/494/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 27 juin 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate, BAZARBACHI LALHOU & ARCHINARD, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève

recourant,

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 24 mai 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 3 juin 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 24 mai précédent, notifiée le même jour, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

P/3521/2025

a. A______, né le ______ 1981, connu sous divers alias, de nationalité malienne, est prévenu depuis le 8 février 2025 de viol (art. 190 CP) et de rupture de ban (art. 291 al. 1 CP) pour avoir, à Genève :

- dans les locaux de la laverie automatique sis no. ______, rue 1______, à Genève, dans la nuit du 28 au 29 janvier 2025, contraint B______ à subir une pénétration péno-vaginale ;

- du 15 novembre 2024, date de sa dernière mise en liberté, au 7 février 2025, date de son arrestation, persisté à séjourner en Suisse, au mépris de l’expulsion judiciaire prononcée à son encontre le 6 novembre 2023 par la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de Genève, pour une durée de trois ans ;

b. A______ a été détenu provisoirement à la suite de son interpellation du 7 février jusqu'au 6 mai 2025, où il a été libéré moyennant des mesures de substitution.

c. L'instruction de ces faits est toujours en cours.

d. Il a fait l'objet d'une ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN le 8 février 2025, sur la base de l'art. 255 al. 1 CPP, au motif que l'infraction portait sur un crime ou un délit susceptible d'être élucidé au moyen de l'ADN, soit un viol, et que la police avait prélevé des traces biologiques susceptibles d'êtres comparées avec un profil d'ADN.

Il n'a pas recouru contre cette ordonnance.

 

 

P/11903/2025

e. Le 23 mai 2025 en début de soirée, A______ a été interpellé au no. ______, rue 1______, dans la laverie précitée, pour séjour illégal en Suisse.

f. Il a refusé de s'exprimer devant la police.

g. Devant le Ministère public le 24 mai 2025, il a indiqué "faire sa vie" en Suisse depuis l'année 2000. Il n'avait pas de papiers et ses autorisations de séjour n'avaient pas été renouvelées. Il vivait dans la rue, parfois chez des amis. Il avait une fille à Soleure, qu'il n'avait pas revue depuis 2018. Il ne méritait plus d'être arrêté pour séjour illégal. Il n'était jamais sorti de Suisse.

h. Par ordonnance du 26 mai 2025, le Ministère public a joint les procédures P/11903/2025 et P/3521/2025, sous ce dernier numéro.

i. À teneur de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné à 16 reprises entre le 9 janvier 2006 et le 14 novembre 2024, pour crime à la LStup, contraventions à la LStup (en 2006, 2013 et 2019), entrée et séjour illégal, non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI), rupture de ban, violation de domicile (à deux reprises) et vol portant sur un élément de faible valeur.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que A______ avait déjà été soupçonné par la police d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN (cf. liste des infractions mentionnées dans la directive A.5, art. 4). Le prévenu avait été condamné à 16 reprises depuis le 9 janvier 2006, notamment pour crime contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 2 LStup) et violation de domicile, à réitérées reprises (art. 186 CP). Il faisait également l'objet d'une procédure pénale ouverte à son encontre pour viol (art. 190 CP).

D. a. À l'appui de son recours, A______ expose que son profil d'ADN avait déjà été établi à de multiples reprises, dont récemment, de sorte que l'établissement de profil querellé n'était ni justifié, ni proportionné. La pratique du Ministère public d'ordonner systématiquement l'établissement de profils d'ADN de personnes étrangères, qui reposait sur une Directive, violait le principe de la séparation des pouvoirs et l'art. 255a CPP, outre soulever de sérieux doutes quant au respect de l'interdiction des discriminations (art. 8 al. 2 Cst. et 14 CEDH). Lui-même avait un droit à être protégé contre l'emploi abusif de ses données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH). Il ne se justifiait nullement "d'ordonner arbitrairement un établissement d[e son] profil d'ADN en conformité avec les droits à une décision motivée (art. 6 § 1 CEDH)". Son profil d'ADN devait être effacé et les échantillons prélevés détruits.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

3.1.       L'établissement d'un profil d'ADN est de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données privées (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH).

Cette mesure doit, en conséquence, se fonder sur une base légale, être justifiée par un intérêt public et être proportionnée au but visé (ATF 147 I 372 consid. 2.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_631/2022 du 14 février 2023 consid. 2).

3.2.       Selon l'art. 255 al. 1bis CPP, le prélèvement et l'établissement d'un profil d'ADN peuvent être ordonnés sur le prévenu si des indices concrets laissent présumer qu'il pourrait avoir commis d'autres crimes ou délits que celui ou ceux pour lesquels l'instruction est en cours. Une telle mesure peut être ordonnée par le ministère public durant l'instruction (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.2).

3.3.       L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions. Celles-ci doivent revêtir une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2). L'on prendra en considération, dans la pesée des intérêts à réaliser, les éventuels antécédents de l'intéressé (ATF 145 IV 263 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).

3.4.       L'art. 255 CPP ne permet pas le prélèvement routinier d'échantillons d'ADN et leur analyse, ce que concrétise l'art. 197 al. 1 CPP. Selon cette disposition, des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). Les antécédents doivent également être pris en compte. Cependant, l'absence d'antécédents n'exclut pas en soi l'établissement d'un profil d'ADN
(ATF 147 I 372 précité consid. 2.1; 145 IV 263 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 1B_230/2022 précité consid. 2.2).

3.5.       Selon l'art. 16 al. 1 de la Loi sur les profils d’ADN, Fedpol efface les profils d’ADN établis notamment en vertu des art. 255 et 257 CPP lorsque la procédure en cause est close par un acquittement entré en force (let. c) un an après l’entrée en force de l’ordonnance de classement ou de non-entrée en matière (let. d).

3.6.       En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas les infractions en cours d'instruction, mais d'autres actes, étant rappelé qu'il avait déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, après avoir été condamné à 16 reprises, notamment pour infraction à l'art. 19 al. 2 Stup et violation de domicile, à réitérées reprises, et la précision qu'il faisait l'objet d'une procédure pour viol.

À cet égard, il existe des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, de tels actes punissables, ce qu'il ne remet pas en cause dans son recours.

Il sera rappelé qu'il a été interpellé par la police le 23 mai 2025 en début de soirée dans la laverie où il est soupçonné d'avoir violé B______ moins de trois mois plus tôt. Il était démuni de papiers d'identité, de moyens de subsistance et admet dormir dans la rue.

De telles circonstances permettent de penser que l'intéressé pourrait être impliqué dans d'autres infractions, en particulier contre le patrimoine, sous la forme en particulier de violations de domicile, encore inconnues des autorités, lesquelles pourraient lui être attribuées si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN avec des traces prélevées sur les lieux de leur commission. Des infractions à la LStup ne sauraient par ailleurs être exclues, compte tenu de l'absence de tout revenu avéré connu au recourant, de sa condamnation pour un crime à la LStup, certes il y a plus de 20 ans déjà, mais à laquelle s'ajoutent trois condamnations pour consommation de stupéfiants.

De plus, les infractions à la LStup et de violation de domicile susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité. Il s'agit d'ailleurs de cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3) qui, bien que n'ayant pas force de loi, est fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, lequel autorise l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.

Le recourant reproche au Ministère public d'avoir ordonné un prélèvement de son profil d'ADN alors qu'un tel profil avait été établi "à de multiples reprises". Comme déjà jugé par la Chambre de céans (ACPR/195/2025; ACPR/261/2025), cet argument tombe à faux. Dès lors que les profils d'ADN sont effectivement soumis à effacement après un certain délai, même prolongeable, il subsiste un intérêt, pour autant que les conditions soient à nouveau réalisées, ce qui est le cas ici, à soumettre derechef le prévenu à cette mesure, laquelle n'est partant ni arbitraire ni disproportionnée et ne tient pas à sa seule origine. Au demeurant, il ressort de la procédure que l'établissement de son profil a été ordonné le 8 février 2025, en lien avec sa prévention de viol, et que le recourant n'indique pas à quand remonteraient les autres prélèvements et établissements.

Enfin, il n'est pas contraire au principe de la proportionnalité d'étendre l'inscription, de quelques mois, par la nouvelle ordonnance, puisque les conditions légales sont réunies.

Partant, la mesure, qui repose sur une base légale et est dictée par un intérêt public, est justifiée.

4. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté.

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

 

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/11903/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00