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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8904/2025

ACPR/452/2025 du 12.06.2025 sur OMP/9379/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN
Normes : CPP.255.al1bis

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8904/2025 ACPR/452/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 12 juin 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 15 avril 2025 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 24 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 15 avril 2025, qui lui a été notifiée en main propre le même jour, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance, subsidiairement, au renvoi de la cause au Ministère public.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant guinéen né le ______ 1997, est dépourvu de domicile fixe, de document d'identité et de moyens de subsistance légaux en Suisse.

b.a. Le 11 mars 2025, il a été interpellé dans le quartier des Pâquis, à Genève, après que la police l'avait vu échanger avec un toxicomane de la drogue contre une somme d'argent. Il était en possession de six boulettes de cocaïne.

Entendu par la police le même jour, il a notamment reconnu avoir vendu trois boulettes de cocaïne, sur les neuf qu'il détenait à la base, et consommer tous les jours environ trois joints de marijuana.

Ces faits ont donné lieu à l'ouverture de la procédure P/1______/2025.

b.b. Le 12 mars 2025, une décision d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève lui a été notifiée, pour une durée de 12 mois.

b.c. Par ordonnance pénale du même jour (P/1______/2025), le Ministère public a condamné A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 30.-, assortie du sursis pendant trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 100.-, pour infractions aux art. 19 al. 1 let. b et c LStup, 115 al. 1 let. a LEI et 19a ch. 1 LStup, eu égard aux faits sus-cités (supra, let. B.b.a).

b.d. L'intéressé a formé opposition à cette ordonnance pénale.

c.a. Le 14 avril 2025, A______ a été à nouveau interpellé à la place des Alpes, à Genève, après avoir uriné sur la voie publique à la rue 2______, puis pris la fuite en courant à la vue des gendarmes, sans obtempérer aux injonctions "STOP POLICE".

Il a refusé de déposer devant la police.

Ces faits ont donné lieu à l'ouverture de la présente procédure (P/8904/2025).

c.b. Par ordonnance du 15 avril 2025, le Ministère public a ordonné l'établissement du profil d'ADN de A______, dans cette procédure.

c.c. Par ordonnance pénale du même jour, le Ministère public a condamné A______ à une peine privative de liberté de 90 jours et à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à CHF 30.-, toutes deux assorties du sursis pendant trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 200.-, pour infractions aux art. 115 al. 1 let. b et 119 LEI, à l'art. 286 al. 1 CP ainsi qu'à l'art. 11C al. 1 LPG, eu égard aux faits sus-exposés (supra, let. B.c.a).

c.d. Par courrier du 25 avril 2025, A______ a, sous la plume de son conseil, formé opposition à cette ordonnance (supra, let. B.c.c) et a requis une défense d'office.

d. L'extrait du casier judiciaire suisse de A______ (au 15 avril 2025) ne fait état d'aucune condamnation entrée en force, mais de deux procédures en cours, à savoir la P/1______/2015 et la présente procédure.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public considère qu'il convient d'établir le profil d'ADN du prévenu en raison d'"infraction(s) passée(s) (art. 255 al. 1bis CPP)", celui-ci ayant déjà été soupçonné par la police d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, référence étant faite à la liste des infractions mentionnées dans la Directive A.5, art. 4, du Procureur général. Il avait, en effet, été condamné par ordonnance pénale du 12 mars 2025 pour infraction à l'art. 19 al. 1 let. b et c LStup, décision toutefois frappée d'opposition, de sorte qu'elle n'était pas entrée en force.

D. a. Dans son recours, A______ fait valoir une violation des art. 195 et 255 CPP, ainsi que 13 al. 2 Cst. Son casier judiciaire était vierge, les ordonnances pénales notifiées ayant été frappées d'oppositions. Au demeurant, il avait été condamné à des peines qui ne conféraient aux faits en cause pas de gravité particulière. La Directive A.5 du Procureur général n'avait pas force de loi. La volonté de cette autorité de ficher les étrangers de manière massive devait être stoppée. Dans ces circonstances, l'établissement de son profil d'ADN était arbitraire et disproportionné, outre le fait qu'il était inutile et coûteux.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais.

L'établissement du profil d'ADN du recourant avait été ordonné pour élucider, non pas les infractions en cours d'instruction dans le cadre de la présente procédure, mais parce qu'il avait, par le passé, été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, référence étant faite à l'infraction à la LStup ayant conduit au prononcé de l'ordonnance pénale du 12 mars 2025 (P/1______/2025). Aussi, l'argument selon lequel les faits reprochés dans le cadre de l'ordonnance pénale du 15 avril 2025 ne revêtiraient pas de gravité particulière n'était pas pertinent.

S'agissant des faits visés dans le cadre de l'ordonnance pénale du 12 mars 2025, il ressortait du rapport d'arrestation du 11 mars 2025 que des policiers avaient observé le prévenu échanger avec un toxicomane de la drogue contre une somme d'argent. Par ailleurs, lors de son interpellation, l'intéressé était en possession de six boulettes de cocaïne. Auditionné par la police, il avait reconnu avoir vendu trois boulettes sur les neuf qu'il détenait.

Il existait ainsi des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, d'une infraction à la LStup. L'argument selon lequel le prévenu avait un casier judiciaire vierge n'était pas pertinent, dans la mesure où seuls des indices concrets étaient requis à teneur de l'art. 255 al. 1bis CPP. L'établissement du profil d'ADN du recourant n'apparaissait en aucun cas disproportionné, étant relevé qu'il existait un intérêt public à pouvoir résoudre et poursuivre certaines infractions à l'aide de l'ADN, comme en l'espèce une infraction à la LStup, portant sur un trafic de cocaïne.

c. Dans sa réplique, A______ persiste dans ses conclusions, relevant que l'établissement de son profil d'ADN avait été ordonné à quatre reprises entre les mois d'avril et mai 2025 et que le Ministère public ne justifiait toujours pas l'opportunité de l'établir dans le cas d'espèce.

En outre, l'art. 353 al. 1 let. fbis CPP était violé dans la mesure où les ordonnances pénales figurant à la procédure ne comportaient pas le délai d'effacement d'un profil d'ADN éventuellement existant.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN dans le cadre de la présente procédure.

2.1.1.      Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). 

2.1.2.      Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

2.1.3.      L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2; 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard de prendre également en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).  

Lorsque la mesure vise à élucider des infractions passées ou futures, elle n'est pas soumise à la condition de l'existence de soupçons suffisants laissant présumer une infraction au sens de l'art. 197 al. 1 CPP : des indices au sens susmentionné suffisent. Des soupçons suffisants doivent cependant exister en ce qui concerne l'acte qui a fondé le prélèvement ou l'établissement du profil d'ADN (ATF 145 IV 263 consid. 3.4).

2.2.            En l'espèce, il est constant que l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas les infractions visées par la présente procédure, mais d'autres actes "passés" en lien avec la LStup, dès lors qu'il a déjà été soupçonné de délits, notamment à la LStup.

Il ressort en effet du dossier que le recourant a admis sa participation à un trafic de stupéfiant telle que reproché le 11 mars 2025, à savoir notamment la vente de trois boulettes de cocaïne à un toxicomane et la détention d'un solde de six boulettes au moment de son interpellation. Peu importe qu'il ait formé opposition à l'ordonnance pénale du 12 mars 2025 (P/1______/2025), puisqu'il existe des indices sérieux et concrets – vu les circonstances de son interpellation et ses déclarations – de la commission de tels actes punissables.

S'y ajoute le contexte personnel du recourant, laissant craindre un ancrage dans la délinquance liée aux stupéfiants. Il sera rappelé que l'ordonnance querellée a été rendue alors qu'il venait de se faire interpeller une nouvelle fois dans le quartier des Pâquis – notoirement connu pour abriter un trafic de rue de diverses drogues –, à peine plus d'un mois après que lui avait été notifiée une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève, le 12 mars 2025, pour une durée d'une année, et que l'ordonnance pénale rendue le 16 avril 2025 a retenu à son encontre non seulement des infractions aux l'art. 286 CP et 11C al. 1 LPG (pour avoir uriné sur la voie publique), mais également aux art. 115 al. 1 let. b et 119 LEI. Ces éléments permettent de penser que l'intéressé pourrait être impliqué dans d'autres infractions à la LStup encore inconnues des autorités, qui pourraient lui être attribuées si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leurs commissions.

Enfin, les infractions à la LStup susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité eu égard à la santé publique. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3) qui, bien que n'ayant pas force de loi, est fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, lequel autorise l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.

Le fait pour le Ministère public d'avoir, dans de telles circonstances, ordonné l'établissement du profil d'ADN du recourant, quand bien même cette autorité l'aurait ordonné à quatre reprises, selon l'intéressé, entre les mois d'avril et mai 2025, dans d'autres procédures, ne suffit pas à rendre la mesure disproportionnée.

Enfin, le fait que son coût soit éventuellement mis à la charge du recourant – ce qui n'est pas évident à ce stade, dès lors que cette question ne se posera éventuellement qu'à l'issue de la procédure et à la condition que l'intéressé soit condamné – n'est pas pertinent.

S'agissant du grief à teneur duquel toutes les ordonnances pénales figurant à la procédure violeraient l'art. 353 al. 1 let. fbis CPP, il est exorbitant au présent recours, qui porte uniquement sur l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN prononcée le 15 avril 2025, et non sur les différentes ordonnances pénales rendues dans le cadre de la présente procédure.

En définitive, l'ordonnance querellée ne prête pas le flanc à la critique, les réquisits pour le prononcé de l'établissement du profil d'ADN du recourant étant réunis.

3.              Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

5. Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/8904/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00