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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/6148/2025

ACPR/447/2025 du 12.06.2025 sur ONMMP/1369/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;VIOLATION DE DOMICILE
Normes : CPP.310; CP.186

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6148/2025 ACPR/447/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 12 juin 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Anne BOUQUET, avocate, ULMANN & Associés, route des Jeunes 4, 1227 Carouge,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 13 mars 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 24 mars 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 13 mars 2025, notifiée le 17 suivant, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur sa plainte contre B______.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance en cause et à ce que la procédure soit retournée au Ministère public pour la suite de l'instruction, frais à la charge de l'État, et à ce qu'une indemnité de CHF 1'750.- lui soit octroyée pour l'exercice raisonnable de ses droits engendrés par la procédure de recours.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 1er novembre 2024, A______, domicilié no. ______ chemin 1______, au [quartier du] D______ [GE], a déposé plainte pénale contre C______, son ex-compagne avec laquelle il avait eu deux enfants, et contre B______. Avec la précitée, il avait, le 24 avril 2020, acheté un appartement sis chemin 2______ no. ______ à E______ [GE], chacun étant copropriétaire de la moitié de l'appartement. La relation s'étant dégradée, il avait quitté le domicile provisoirement en mai 2021, laissant temporairement la jouissance de l'appartement à C______. Depuis septembre 2023, celle-ci avait invité son nouveau compagnon, B______, à vivre dans l'appartement, un contrat au terme duquel ce dernier payait un montant mensuel de CHF 2'000.- ayant été passé entre eux, sans son autorisation [à lui]. Des contributions d'entretien avaient été fixées par le juge civil, lequel ignorait cet état de fait et cette procédure était pendante devant le Tribunal fédéral. Sa situation financière étant extrêmement compliquée, il avait cherché, notamment auprès de C______, une solution pour l'assainir, sans obtenir de réponse. Il avait réintégré l'appartement du chemin 2______ le 15 août 2024, mais l'avait quitté le jour-même à la suite de l'intervention de la police. Il avait tenté de prendre contact avec B______, dont les deux enfants occupaient des chambres du logement un week-end sur deux, pour lui expliquer la nécessité, soit de récupérer l'appartement, soit d'obtenir une indemnité pour occupation illicite, sans résultat. Par courrier du 27 septembre 2024, il avait imparti à B______ un délai au 11 octobre suivant pour envisager un contrat de bail en règle ou, à défaut, quitter l'appartement à la même date. Ce courrier étant resté sans réponse, la présence de B______, qui violait l'art. 647b du Code Civil (ci-après CC), était constitutive de violation de domicile, toutes les chambres étant occupées et lui-même dans l'impossibilité d'emménager chez lui. L'accord de la majorité des copropriétaires était expressément requis pour l'occupation du bien. Divers autres griefs, dirigés contre C______ exclusivement, étaient mentionnés dans la plainte.

b. À l'appui de sa plainte, A______ a versé différents documents, notamment relatifs à l'achat de l'appartement du chemin 2______, une convention entre C______ et B______ relative à cet appartement, le contrat de bail de l'appartement qu'il occupait au chemin 3______, divers échanges qu'il avait eus avec C______ ou le mis en cause, de même que l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du 12 décembre 2023.

c. Il ressort de l'arrêt précité que le domicile légal des enfants du recourant, âgés de 10 et 8 ans, a été fixé chez leur mère, qui a obtenu leur garde exclusive, A______ bénéficiant d'un droit de visite. La Cour civile a retenu que les difficultés de communication des parents ne permettaient pas d'espérer une prochaine amélioration et a souligné l'importance du critère de stabilité pour les enfants qui étaient fortement affectés par le conflit parental. L'arrêt retient que A______ a quitté le domicile familial entre avril et juin 2021, date à laquelle il s'était constitué un domicile distinct. La Cour a considéré qu'il n'appartenait pas au juge saisi d'une requête en fixation des droits parentaux et de contributions d'entretien de statuer sur l'attribution entre ex-conjoints non mariés de la jouissance de l'ancien domicile familial.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a relevé qu'il ressortait de la plainte et des pièces produites que C______ était copropriétaire pour moitié de l'appartement du no. ______ chemin 2______. A______ lui avait laissé la jouissance de cet appartement. B______ avait été autorisé à vivre dans ce logement par C______, son ayant-droit, un contrat de bail étant même conclu entre les précités. Aucune violation de domicile n'était intervenue. Quoi qu'il en soit, le délai de plainte de trois mois n'aurait pas été respecté, la présence de B______ étant connue depuis avril 2024. Une ordonnance de non-entrée en matière devait ainsi être rendue au sens de l'art. 310 al. 1 let. a ou b CPP.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que le contrat de bail conclu entre C______ et B______ serait nul sans son accord et contournerait les règles du CC dans un but contraire aux mœurs puisque C______ s'enrichissait de la situation alors qu'elle n'avait pas le droit d'aliéner sa propre part de l'appartement. Le Ministère public feignait de ne pas comprendre la situation en retenant qu'il avait cédé la jouissance de l'appartement à son ex-compagne. Il était arbitraire de considérer qu'en quittant temporairement l'appartement familial dont il était pour moitié copropriétaire, il avait renoncé à tous ses droits, notamment celui d'y emménager à nouveau, et que B______ aurait un droit légitime à y vivre malgré une injonction de le quitter. Cela constituait une immixtion de l'autorité pénale dans une procédure civile et une négation des droits de propriété. Les deux propriétaires restaient ayants droit, aucune décision judiciaire n'entravant sa jouissance de son bien, seule sa volonté d'ayant droit étant déterminante. Une injonction de quitter l'appartement avait été expressément faite le 27 septembre 2024 à B______, lequel avait passé outre, ce qui démontrait sa volonté de réaliser l'infraction à partir du 11 octobre 2024. Le comportement délictueux subsistait en tout cas depuis cette dernière date et le délai de plainte n'était pas échu s'agissant d'un délit continu. La cause devait être renvoyée au Ministère public pour être instruite en application du principe in dubio pro duriore, un doute subsistant sur la réalisation de l'infraction, ce dont B______ n'avait pas à profiter.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant soutient la réalisation d'une violation de domicile.

3.1.1.           Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police, que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1).

3.1.2.           À teneur de l'art. 186 CP, commet une violation de domicile au sens de l'art. 186 CP, passible sur plainte d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire, quiconque, d'une manière illicite et contre la volonté de l'ayant droit, pénètre dans une maison, dans une habitation, dans un local fermé faisant partie d'une maison, dans un espace, cour ou jardin clos et attenant à une maison, ou dans un chantier, ou y demeure au mépris de l'injonction de sortir à lui adressée par un ayant droit.

La violation de domicile est un délit continu (Dauerdelikt), poursuivable aussi longtemps que l'auteur n'a pas quitté les lieux qu'il occupe sans droit, de sorte que le délai de plainte (de trois mois) ne commence à courir que lorsque l'auteur a quitté les lieux. Lorsqu'une plainte pénale est déposée alors que le délit continu est toujours en cours de réalisation, les effets de la plainte s'étendent en principe aussi aux faits dénoncés qui perdurent après le dépôt de la plainte.

3.1.3. La violation de domicile est un délit contre la liberté. Plus particulièrement, le bien protégé est la liberté du domicile qui comprend la faculté de régner sur des lieux déterminés sans être troublé et d'y manifester librement sa propre volonté. Le droit au domicile tel que protégé par l'art. 186 CP appartient à celui, personne morale ou physique, qui a le pouvoir de disposer des lieux, en vertu d'un droit réel ou personnel ou encore d'un rapport de droit public (ATF 128 IV 81 consid. 3a p. 84; 118 IV 167 consid. 1c p. 170; arrêt 6B_1025/2021 du 2 mai 2022 consid. 2.2 ; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI, Code pénal – Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, N. 5 et 20 ad art. 186).

Lorsqu’il s’agit de déterminer la personne protégée contre une violation de domicile, ce ne sont donc pas les règles de la propriété qui importent. La loi protège le propriétaire qui habite lui-même sa maison. Cependant, il n’est alors pas protégé en qualité de titulaire d’un droit réel, mais bien dans son droit de ne pas être troublé chez lui. L'extinction du rapport juridique lui conférant la maîtrise effective ne le prive pas de cette protection tant qu'il exerce son pouvoir (ATF 112 IV 31 consid. 3a p. 33; arrêts 6B_1056/2013 du 20 août 2014 consid. 1.1; 6B_806/2009 du 18 mars 2010 consid. 2). En effet, le droit d'utiliser les lieux (liberté de domicile) prend naissance avec leur occupation et cesse avec le départ de l'occupant, si bien que celui-ci reste l'ayant droit aussi longtemps qu'il n'a pas vidé les lieux (ATF 112 IV 31 consid. 3b; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ, Commentaire romand : Code pénal II (art. 111 – 392 CP), Bâle 2017, N. 10 ss ad art. 186 CP).

3.1.4. Il peut y avoir plusieurs ayants droit pour un même lieu. La question est délicate de savoir, en pareil cas, si un seul d’entre eux peut valablement s’opposer à la présence d’un tiers ou s’il faut l’accord de tous. Dans un couple, les deux partenaires sont titulaires du droit au domicile, sans égards à leur qualité respective de propriétaire ou de locataire. Comme le critère réside dans la maîtrise des lieux, un locataire peut opposer la protection de son logement même au propriétaire​. Il en va de même du fermier​ ou du sous-locataire, par exemple​. Par ailleurs, le propriétaire n’est pas légitimé à contrôler l’accès par des tiers à l’habitation d'un locataire. Le droit du locataire d’utiliser les voies d’accès à son appartement comprend aussi la faculté de les mettre à disposition de ceux auxquels il permet de venir chez lui​ (Commentaire romand : op. cit. ad art. 186 CP N 10 ss).

3.2. En l'espèce, il est manifeste, tel que cela ressort de l'arrêt de la Chambre civile du 12 décembre 2023 et des propres écritures du recourant, que ce dernier et C______ ont des domiciles distincts depuis mai 2021, la précitée ayant disposé, avec l'accord du recourant et cela même s'il l'a qualifié de "temporaire", sur plusieurs années, de la jouissance de l'appartement du chemin 2______, lui-même s'étant constitué un nouveau domicile. Indépendamment de la qualité de copropriétaire du recourant, il est ainsi clairement établi que l'ayant droit du domicile du chemin 2______, possédant la maîtrise des lieux, au sens de l'art. 186 CP, est bien C______ et non le précité. À l'inverse, ce dernier ne peut prétendre à cette qualité, étant relevé que son intrusion durant une partie de la journée, le 15 août 2024, suivie de l'intervention de la police, ne saurait être assimilée à la constitution d'un domicile propre en ces lieux. La question de la licéité ou non de la convention qualifiée de contrat de bail, passée entre C______ et B______, est exorbitante de l'application de l'art. 186 CP et ne relève pas du droit pénal, mais bien civil, tout comme la question de l'attribution définitive de l'appartement du chemin 2______.

Les conditions à l'ouverture de l'action pénale, telles que précitées font ainsi défaut.

Même si c'est à tort que le Ministère public a considéré que le délai pour porter plainte était échu dans la mesure où l'art. 186 CP constitue un délit continu conformément aux principes sus-énoncés, il n'en reste pas moins que son appréciation de la non réalisation des éléments constitutifs d'une violation de domicile est correcte.

Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

5.             N'obtenant pas gain de cause, il n'a pas droit à une indemnité (art. 433 al. 1 let. a CPP a contrario).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que leur montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt au recourant, soit pour lui à son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Valérie LAUBER, juge, et Monsieur Pierre BUNGENER, juge suppléant; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/6148/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

Total

CHF

1'000.00