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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8160/2025

ACPR/416/2025 du 02.06.2025 sur OMP/8582/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN;VOL(DROIT PÉNAL)
Normes : CPP.255.al1bis; CP.139

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8160/2025 ACPR/416/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 2 juin 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 4 avril 2025 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 14 avril 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 4 précédent, par laquelle le Ministère public a ordonné que soit établi son profil d'ADN.

Le recourant conclut principalement, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance.

b. Par ordonnance du 16 avril 2025 (OCPR/8/2025), la Direction de la procédure a rejeté la requête d'effet suspensif formée à titre préalable.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant de Guinée, sans emploi et sans domicile fixe, a été interpellé par la police, le 3 avril 2025, dans le magasin C______ SA de la rue 1______ no. ______, à Genève.

Il lui est reproché d'avoir dans ledit magasin, dans le but de s'enrichir sans droit à hauteur de leur valeur, soustrait :

- le 24 mars 2025, à 10h40, quatre paires d'écouteurs de marque D______, d'une valeur totale de CHF 796.-;

- le 27 mars 2025, à 18h15, trois paires d'écouteurs de marque E______ d'une valeur totale de CHF 569.85;

- le 31 mars 2025, à 15h48, une paire d'écouteurs de marque E______ d'une valeur totale de CHF 219.95.

Il lui est en outre reproché d'avoir, à Genève :

- le 31 mars 2025, pénétré sans droit dans le magasin précité alors qu'il faisait l'objet d'une interdiction d'entrée dans ledit commerce pour une durée de trois ans, laquelle lui avait été notifiée le 28 mars 2025;

- entre le 29 décembre 2024, lendemain de sa dernière condamnation non-entrée en force, et le 3 avril 2025, date de son interpellation, pénétré et séjourné en Suisse, sans être au bénéfice des autorisations nécessaires;

- entre le 13 janvier 2025, date de son renvoi en Italie, pays ayant accepté sa réadmission sans titre de séjour, et le 3 avril 2025, pénétré et séjourné sur le territoire suisse au mépris d'une décision d'expulsion prise à son encontre par la Chambre pénale d'appel et de révision, le 22 août 2023, pour une durée de cinq ans.

b. L'intéressé s'est refusé à toute déclaration à la police.

c. Dans son rapport d'arrestation, la police, compte tenu des antécédents du prévenu en matière de vol, a sollicité une prise d'ADN, celle-ci n'ayant jamais été effectuée.

d. Par-devant le Ministère public, le 4 avril 2025, A______ a contesté les faits. Il n'avait rien volé. Par ailleurs, aucune interdiction d'entrée dans le magasin ne lui avait été signifiée.

e. Par ordonnance pénale du même jour, le Ministère public a déclaré le prénommé coupable de vol (art. 139 ch. 1 CP), violation de domicile (art. 186 CP), rupture de ban (art. 291 al. 1 CP) et d'infractions à l'art. 115 al. 1 let. a et b LEI, et l'a condamné à une peine privative de liberté de 180 jours, sous déduction de deux jours de détention avant jugement. Il l'a en outre déclaré coupable de vol d'importance mineure (art. 139 ch. 1 CP cum art. 172ter CP) et condamné à une amende de CHF 1'000.-.

f. Le prévenu y a formé opposition.

g. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse au 4 avril 2025, le prénommé a été condamné à quatorze reprises entre le 21 novembre 2013 et le 18 mars 2024, principalement pour entrée illégale, séjour illégal et exercice d'une activité lucrative sans être au bénéfice des autorisations, mais également pour infractions contre le patrimoine (appropriation illégitime, le 11 décembre 2013; vol, le 20 mars 2018; et escroquerie par métier, le 22 août 2023).

Le 28 décembre 2024, il a en outre été condamné par ordonnance pénale du Ministère public, à une peine privative de liberté de 180 jours, pour vol et rupture de ban. Dite ordonnance, frappée d'opposition, n'est pas entrée en force.

C. Dans son ordonnance, le Ministère public considère qu'il convient d'établir le profil d'ADN du prévenu, celui-ci ayant déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN, la police ayant indiqué dans son rapport pour quelles raisons ce prélèvement se justifiait, à savoir en raison des infractions de vols reprochées (art. 255 al. 1bis CPP).

D. a. À l'appui de son recours, A______ excipe d'une violation du droit d'être entendu, l'ordonnance querellée, sous forme d'un formulaire pré-rempli, n'étant pas suffisamment motivée pour lui permettre de saisir dans quel complexe de faits l'établissement de son profil d'ADN était envisagé. Ensuite, il n'existait aucun indice sérieux et concret de la commission par lui d'infractions suffisamment graves pour justifier une telle mesure, laquelle était donc disproportionnée.

b. La cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu.

2.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., implique notamment, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision, afin que, d'une part, le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et, d'autre part, que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que la partie intéressée puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 ; 142 I 135 consid. 2.1).

2.2. En l'espèce, la motivation du Ministère public, sous forme de "croix" sur un document pré-rempli, est certes succincte.

Il n'en demeure pas moins qu'elle répond à l'exigence légale précitée, en tant qu'elle fait référence à la procédure pénale dirigée contre le prévenu et au rapport de police en lien avec les faits ayant donné lieu à son interpellation, le 3 avril 2025, précisant que la police avait indiqué dans celui-ci pour quelles raisons ce prélèvement se justifiait, à savoir en raison des infractions de vol reprochées.

Telle motivation permettait dès lors au recourant de comprendre la décision et de la contester dans la cadre de son recours, ce qu'il a au demeurant fait.

Partant, le grief est infondé.

3. Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

3.1. Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). 

3.2. Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

3.3. L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2; 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).  

3.4. En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas les infractions en cours d'instruction, mais d'autres infractions, plus précisément des vols, dès lors qu'il avait déjà été soupçonné de la commission de tels faits et même condamné pour cela.

Il existe en effet des indices sérieux et concrets de la commission, par l'intéressé, d'infractions (passées) au patrimoine.

Tout d'abord, il a déjà été condamné pour vol le 20 mars 2018, puis, le 22 août 2023, par la Chambre pénale d'appel et de révision pour une autre infraction au patrimoine sous la forme d'une escroquerie par métier, et encore, par ordonnance pénale du Ministère public du 28 décembre 2024 pour vol notamment. Quand bien même cette dernière condamnation n'est pas entrée en force à la suite de son opposition à l'ordonnance pénale, ses antécédents semblent dénoter chez lui un ancrage certain dans la délinquance.

Le fait qu'il soit sans emploi accentue ensuite la crainte qu'il pourrait être impliqué dans d'autres vols, en particulier, encore inconnus des autorités, qui pourraient lui être attribués si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leurs commissions.

Enfin, les infractions à l'art. 139 CP susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3), laquelle est fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, qui justifie l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.

Partant, la mesure querellée, dont les conditions légales sont réalisées, n'apparaît ni injustifiée ni disproportionnée.

4.             Justifiée, l'ordonnance attaquée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03). L'autorité de recours est en effet tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

6.             Il sera statué sur l'indemnité du défenseur d'office à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juge; Monsieur Pierre BUNGENER, juge suppléant; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/8160/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00