Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/391/2025 du 22.05.2025 sur JTPM/246/2025 ( TPM ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE PM/369/2025 ACPR/391/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 22 mai 2025 |
Entre
A______, détenu à la prison de Champ-Dollon, agissant en personne,
recourant,
contre l'ordonnance rendue le 5 mai 2025 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,
et
LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. Par acte reçu au Tribunal pénal le 14 mai 2025, qui l'a transmis à la Chambre de céans, A______ recourt contre l'ordonnance du 5 mai 2025, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a refusé sa libération conditionnelle.
Le recourant déclare vouloir former recours contre cette décision.
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a. A______, ressortissant tunisien, né le ______ 1989, exécute actuellement les peines privatives de liberté suivantes :
- 100 jours, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement, pour infractions à la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI), prononcée le 19 novembre 2024 par le Ministère public;
- 5 jours, en conversion d'une amende d'un montant de CHF 500.-, pour consommation de stupéfiants, prononcée le 18 octobre 2023 par le Ministère public;
- 60 jours, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement, en conversion d'une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- le jour, pour entrée illégale et séjour illégal, prononcée le 18 octobre 2023 par le Ministère public;
- 5 jours, en conversion d'une amende de CHF 500.-, pour consommation de stupéfiants, prononcée le 18 mars 2024 par le Ministère public et
- 45 jours, sous déduction de 1 jour de détention avant jugement, en conversion d'une peine pécuniaire de 45 jours-amende à CHF 10.- le jour, pour infractions à la LEI, prononcée le 18 mars 2024 par le Ministère public.
b. Il est incarcéré à la prison de Champ-Dollon depuis le 7 janvier 2025.
Au vu de la durée prévisible du séjour en détention de l'intéressé, aucun plan d'exécution de la sanction n'a été réalisé.
c. Les deux tiers des peines actuellement exécutées seront atteints le 25 mai 2025, tandis que la fin de la peine est fixée au 5 août prochain.
d. Il ressort de l'extrait du casier judiciaire suisse de A______, connu également sous les alias A______/2______ et A______/3______, dans sa teneur au 8 avril 2025, qu'il a été, en sus de ce qui précède, condamné le 25 août 2023 pour infractions à la LEI; le 21 mai 2024 pour appropriation illégitime et entrée illégale; le 16 juin 2024 pour séjour illégal, violation des règles de la circulation routière et consommation de stupéfiants; et le 12 octobre 2024 pour séjour illégal et délit contre la loi sur les armes. Il a par ailleurs bénéficié, le 3 septembre 2024, d'une libération conditionnelle, laquelle a été révoquée le 19 novembre 2024, le solde de peine de 43 jours étant inclus dans la nouvelle peine prononcée.
e. S'agissant de sa situation personnelle, il indique être marié et avoir un fils né le ______ 2023, vivant avec sa mère à B______ en France. Il est titulaire d'une carte d'identité et d'un passeport tunisiens.
Sur le plan administratif, A______ a déposé une demande d'asile qui se trouve toujours à l'examen auprès du Secrétariat d'État aux migrations (SEM) selon un courriel de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) du 8 janvier 2025. Un renvoi prévu a dû être annulé en raison de cette demande d'asile. Un nouveau renvoi pourrait être organisé dès qu'une décision du SEM serait rendue et entrée en force.
f. Dans sa demande de libération conditionnelle, reçu par le Service de la réinsertion et du suivi pénal (SRSP) le 17 janvier 2025, A______ indique souhaiter, à sa sortie de prison, se rendre au Centre fédéral pour requérant d'asile à C______ dans le canton de D______ auquel il a été attribué dans le cadre de sa demande d'asile. Il serait également prêt à retourner en France, chez lui, où il pourrait compter sur le soutien de sa femme.
g. La direction de la prison de Champ-Dollon a, le 14 février 2025, préavisé favorablement la libération conditionnelle de l'intéressé, dont le comportement en détention était jugé correct. A______ n'avait pas élaboré de projet de réinsertion socio-professionnelle concret adapté à sa situation administrative ni n'avait bénéficié de suivi socio-judiciaire régulier.
h. Dans son préavis négatif du 9 avril 2025, le SRSP salue le fait que A______ cherche à régulariser sa situation administrative et qu'il a su adopter un bon comportement en détention. Toutefois, il avait été condamné à quatre reprises pour des consommations de stupéfiants d'octobre 2023 à novembre 2024, mais également pour vol simple, appropriation illégitime, violation des règles de la circulation routière et délit contre la loi sur les armes, de sorte que son pronostic de récidive était défavorable. Il présentait un certain ancrage dans la délinquance et aucun élément ne permettait d'espérer qu'il saurait tirer profit de l'octroi d'une nouvelle libération conditionnelle. Il n'avait pas ébauché de projet de réinsertion, si bien que sa situation actuelle en cas de sortie de détention serait similaire à celle qui était la sienne au moment de la commission des infractions. Il présentait de ce fait un risque de récidive non négligeable.
i. Le 10 avril 2025, le Ministère public a fait siens le préavis et les conclusions du SRSP.
j. Dans le délai imparti par le TAPEM pour solliciter la tenue d'une audience ou pour déposer d'éventuelles observations écrites, A______ a présenté ses excuses pour les erreurs commises et "remercié" les autorités suisses, indiquant vouloir rejoindre sa famille en France.
k. Par courriel du 29 avril 2025, le SRSP a transmis au TAPEM des informations actualisées concernant les peines purgées par l'intéressé, suite à la transmission par le Service des contraventions de l'ordonnance pénale du Ministère public du 18 mars 2024, précisant que son préavis demeurait inchangé.
C. Dans l'ordonnance querellée, le TAPEM constate que si la condition temporelle pour l'octroi de la libération conditionnelle serait réalisée le 25 mai 2025 et que le préavis de l'établissement pénitentiaire ne s'y opposait pas, le SRSP et le Ministère public s'opposaient tous deux à dite libération conditionnelle. Le pronostic se présentait en effet sous un jour fort défavorable au vu des nombreux antécédents de l'intéressé, qui n'avait pas su tirer profit des premières condamnations assorties du sursis et les courtes peines privatives de liberté successives prononcées à son encontre, récidivant même après l'octroi, le 3 septembre 2024, d'une libération conditionnelle. Sa situation personnelle demeurait inchangée, malgré une demande d'asile désormais déposée, aucun projet concret et étayé n'étant présenté, le détenu se trouvant toujours en situation illégale en Suisse, sans travail, ni logement. Rien n'indiquait en fin de compte qu'il saurait mettre à profit une nouvelle libération conditionnelle et le risque qu'il commît de nouvelles infractions, non limitées à la LEI, apparaissait très élevé.
D. a. Dans son recours, A______ expose que sa situation n'est pas facile, se décrivant comme une victime de la "rue" et la drogue, tout seul à Genève où il était initialement venu se faire soigner. Il présente ses excuses et affirme s'être désormais "réveillé". Il est papa, sa femme et son fils lui manquent, et il a désormais arrêté de consommer des stupéfiants. Il remercie la justice et les médecins suisses. Il en appelle à la clémence de la Cour et souhaite avoir une autre chance de retrouver son fils et sa femme en France. Il précise ne pas vouloir retourner dans son pays d'origine où sa famille avait rencontré d'importants problèmes, lui-même étant témoin de Jéhovah et ayant déposé une demande d'asile en Suisse.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours est formé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 42 al. 3 LaCP cum 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une décision judiciaire ultérieure indépendante au sens de l'art. 363 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1463/2017 du 29 mai 2018 consid. 3 et 6B_158/2013 du 25 avril 2013 consid. 2.1) rendue par le TAPEM (art. 41 al. 1 LaCP), jugement sujet à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 42 al. 1 let. b LaCP cum ATF 141 IV 187 consid. 1.1; art. 393 al. 1 let. b CPP), et émane du condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant conteste le refus d'octroi de la libération conditionnelle.
3.1. Aux termes de l'art. 86 al. 1 CP, l'autorité compétente libère conditionnellement le détenu qui a subi les deux tiers de sa peine, mais au moins trois mois de détention, si son comportement durant l'exécution de la peine ne s'y oppose pas et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou de nouveaux délits.
La libération conditionnelle constitue la dernière étape de l'exécution de la sanction pénale. Elle est la règle et son refus l'exception, dans la mesure où il n'est plus exigé qu'il soit à prévoir que le condamné se conduira bien en liberté (cf. art. 38 ch. 1 al. 1 aCP), mais seulement qu'il ne soit pas à craindre qu'il commette de nouveaux crimes ou délits. Autrement dit, il n'est pas nécessaire pour l'octroi de la libération conditionnelle qu'un pronostic favorable puisse être posé. Il suffit que le pronostic ne soit pas défavorable (ATF 133 IV 201 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 7B_678/2023 du 27 octobre 2023 consid. 2.2.2).
Le pronostic à émettre doit être posé sur la base d'une appréciation globale, prenant en considération les antécédents de l'intéressé, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des délits qui sont à l'origine de sa condamnation, le degré de son éventuel amendement ainsi que les conditions dans lesquelles il est à prévoir qu'il vivra (ATF 133 IV 201 consid. 2.2 et 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 7B_678/2023 du 27 octobre 2023 consid. 2.2.2).
Un risque de récidive est inhérent à toute libération, conditionnelle ou définitive (ATF 119 IV 5 consid. 1b). Pour déterminer si l'on peut courir le risque de récidive, il faut non seulement prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé (ATF 125 IV 113 consid. 2a). Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle de ses victimes que s'il a commis, par exemple, des infractions contre le patrimoine (ATF 133 IV 201 consid. 2.3). Il y a également lieu de rechercher si la libération conditionnelle, éventuellement assortie de règles de conduite et d'un patronage, ne favoriserait pas mieux la resocialisation de l'auteur que l'exécution complète de la peine (ATF
124 IV 193 consid. 4d/aa/bb).
3.2. En l'espèce, il est acquis que la condition objective de la libération conditionnelle du recourant sera réalisée le 25 mai 2025 et que le comportement de l'intéressé en détention ne s'oppose pas à cette libération conditionnelle.
Cela étant, comme relevé par le SRSP et le TAPEM, le pronostic se présente sous un jour clairement défavorable. Le recourant a, au 8 avril 2025, sept antécédents inscrits à son casier judiciaire suisse, pour des infractions variées relevant du Code pénal mais également de la LEI, de la LStup ou de la LCR. Il a déjà bénéficié d'une libération conditionnelle, le 3 septembre 2024, ce qui ne l'a pas dissuadé de commettre de nouvelles infractions, pour lesquelles il a été condamné les 12 octobre 2024 et le 19 novembre 2024. C'est dire qu'il n'a pas su saisir les multiples chances qui lui ont été données de s'amender.
Sa situation personnelle n'est aujourd'hui pas différente de celle qui prévalait jusqu'ici. Sa paternité, qu'il invoque dans son recours, remonte au 9 juillet 2023, soit avant l'octroi de sa libération conditionnelle du 3 septembre 2024. Son abstinence, en milieu carcéral, ne suffit pas à elle seule à garantir qu'il ne consommera plus de stupéfiants à sa sortie de prison. Enfin, le dépôt d'une demande d'asile, dont il n'indique pas dans son recours si la procédure est toujours en cours ou non, ne permet pas de renverser un pronostic qui s'avère nettement défavorable.
C'est donc à juste titre que le TAPEM a refusé l'octroi de la libération conditionnelle, l'ordonnance du TAPEM étant exempte de toute critique.
4. Le recours doit, partant, être rejeté.
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03) pour tenir compte de sa situation financière.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Ministère public et au Tribunal d'application des peines et des mesures.
Le communique, pour information, au Service de la réinsertion et du suivi pénal.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Catherine GAVIN et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.
La greffière : Olivia SOBRINO |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
PM/369/2025 | ÉTAT DE FRAIS |
| ACPR/ |
COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
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- frais postaux | CHF | 10.00 |
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Émoluments généraux (art. 4) | | |
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- délivrance de copies (let. a) | CHF |
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- délivrance de copies (let. b) | CHF |
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- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
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Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
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- décision sur recours (let. c) | CHF | 415.00 |
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- | CHF |
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| Total | CHF | 500.00 | |||