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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10622/2022

ACPR/259/2025 du 02.04.2025 sur OMP/25165/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : RÉOUVERTURE DE L'ENQUÊTE;ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;ORDONNANCE DE CLASSEMENT;NOUVEAU MOYEN DE PREUVE;DOMICILE FICTIF
Normes : Cst.29.al2; CPP.323; CPP.319; CPP.310; LEI.118; CP.146

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10622/2022 ACPR/259/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 2 avril 2025

 

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance de reprise de la procédure préliminaire rendue le 19 novembre 2024 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 6 décembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 19 novembre précédent, communiquée par pli simple, à teneur de laquelle le Ministère public a ordonné la réouverture de la procédure P/10622/2022 dirigée contre lui, préalablement clôturée le 4 janvier 2023.

Il conclut, sous suite de frais et dépens – chiffrés ultérieurement à CHF 4'157.30 –, à l'annulation de cette décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ et son épouse, C______, sont propriétaires d'une villa située au chemin 1______ no. ______, à D______ [GE].

b. P/2______/2019

b.a. Début avril 2022, une perquisition a été effectuée au domicile (allégué) de E______, prévenu dans la cause précitée, soit au chemin 1______ no. ______.

À cette occasion, la police a remarqué que les noms de plusieurs personnes – autres que ceux des membres de la famille A______/C______ et du prénommé – figuraient sur la plaquette de la boîte aux lettres.

b.b. Recherches faites, cette autorité a constaté que : neuf individus étaient "officiellement déclaré[s] comme habitant" la maison, laquelle comptait cinq chambres à coucher; cinq personnes supplémentaires semblaient "être en mesure de recevoir du courrier à cette adresse", les intéressées étant désignées sur la plaquette sus-évoquée; de nombreux autres individus avaient logé, par le passé, dans cette habitation.

Elle a consigné ces données dans un rapport.

c. P/10622/2022

c.a. Nanti de ce rapport, le Ministère public a ouvert la présente cause, soupçonnant les époux A______/C______ d'infraction à l'art. 118 LEI, pour avoir, entre 2015 et 2022, donné de fausses indications à l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), tendant à faire croire que certaines personnes étaient domiciliées dans leur villa à D______, alors qu'elles n'y habitaient en réalité pas, fournissant ainsi des adresses de complaisance, cela dans le but de permettre aux intéressées d'obtenir des titres de séjour auxquels elles n'avaient pas droit.

c.b.a. Par missives des 16 mai et 15 juin 2022, le Procureur a sollicité de trois autorités administratives (OCPM, Hospice général et Office cantonal des assurances sociales [ci-après : OCAS]) des renseignements concernant les personnes actuellement et anciennement domiciliées au chemin 1______ no. ______.

L'un de ces plis était intitulé "ordre de dépôt" et les deux autres, "demande[s] d'information[s]".

c.b.b. L'OCPM a répondu que, d'après ses registres, trente-quatre individus avaient résidé à l'adresse susmentionnée, entre août 2012 et juin 2022; huit d'entre eux y vivaient encore. Il a remis au Ministère public une liste desdits individus ainsi qu’une copie des contrats de bail et de divers formulaires (relatifs à l'entrée de locataire, à l'annonce de changement d'adresse ou à la demande d'autorisation de séjour) en sa possession.

Il ne s'est, en revanche, pas prononcé sur la question, posée par le Procureur, de savoir si des titres de séjour avaient été délivrés à ces mêmes individus.

c.b.c. L'Hospice général et l’OCAS ont, pour leur part, informé le Ministère public avoir versé des prestations à certaines des personnes désignées dans ses missives. Le premier de ces organismes a annexé à sa réponse les attestations d'aides financières concernées.

c.c. Le 15 décembre 2022, le Procureur a requis de l'Administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) qu'elle lui fournisse, "dans le cadre de l'entraide", le décompte de A______ afférent aux revenus tirés de ses "sous-location[s]", établi par ce dernier et joint à sa déclaration pour l'année 2021.

L'AFC s'est exécutée le 23 du même mois.

c.d. Par ordonnances de "non-entrée en matière" du 4 janvier 2023, le Ministère public a considéré qu'au vu, d'une part, de l'analyse des pièces transmises par l'OCPM ainsi que l'AFC, et, d'autre part, de "l'audition du prévenu dans le cadre de la procédure P/2______/2019 dirigée contre E______, lequel avait affirmé avoir été domicilié chez les époux A______/C______" [déposition qui ne figure pas au présent dossier], il ne pouvait être retenu que ces derniers auraient volontairement fourni de fausses indications aux autorités (art. 310 al. 1 let. a CPP).

d. P/3______/2023

d.a. Fin 2023, une instruction a été ouverte contre A______, sous la cote précitée, en raison d'un accident de la circulation ayant entraîné le décès d'une personne.

Cette instruction – menée par un Procureur distinct de celui chargé de la cause P/10622/2022 – a été progressivement étendue à d'autres faits, découverts en cours d'enquête.

d.b. Le 25 octobre 2024, le prénommé a été prévenu d'escroquerie (art. 146 CP) pour avoir, de concert avec son épouse, depuis 2016 à tout le moins : réalisé des domiciliations fictives à Genève au profit de nombreux individus, de façon à pouvoir présenter de faux contrats de bail à l'Hospice général et à permettre à ces derniers de bénéficier de prestations indues, étant précisé que certains d’entre eux habitaient en réalité en France; effectivement logé des personnes, en fournissant à cette dernière institution des baux qui ne correspondaient pas aux habitations véritablement mises à disposition, trompant ainsi l'Hospice général, qui avait versé aux intéressées des aides financières indues.

C. Dans sa décision déférée, le Procureur chargé de l’affaire P/3______/2023 a considéré que la reprise de la cause P/10622/2022 (art. 323 CPP) se justifiait à l'égard de A______ [à l'exclusion de C______], dès lors que "[l’instruction menée par ses soins] port[ait] sur des faits similaires, voire se recoupant en partie, et relev[ait] une responsabilité pénale du prévenu ne ressortant pas du dossier antérieur".

D. a. À l'appui de son acte, A______ expose avoir reçu le 26 novembre 2024 l'ordonnance susvisée.

Dite ordonnance était sujette à recours, puisque la décision du 4 janvier 2023 ayant clôturé la procédure P/10622/2022 constituait matériellement – nonobstant sa dénomination ("non-entrée en matière") – un classement. En effet, les requêtes adressées par le Procureur aux autorités administratives [susmentionnées] consistaient en des demandes de production de dossiers au sens de l'art. 194 CPP, type d'acte d'enquête qui ne pouvait être ordonné qu'une fois l'instruction ouverte.

Sur le fond, le dossier relatif à l’affaire P/10622/2022 ne contenait – au jour du dépôt du recours – aucune pièce issue de la cause P/3______/2023 [assertion qui est exacte]; il s’agissait là d’une "entrave dirimante" à la reprise de l'instruction. Subsidiairement, l’ordonnance querellée violait son droit d'être entendu, faute d'être motivée quant aux faits et/ou moyens de preuve nouveaux invoqués à son appui.

b.a. Invité à se déterminer, le Procureur s'en rapporte à justice s’agissant de la recevabilité du recours et conclut, sur le fond, à son rejet.

La motivation de la décision entreprise, bien que succincte, permettait d’en saisir la portée, puisqu’elle faisait référence aux éléments recueillis dans la procédure P/3______/2023, étant souligné que A______ disposait des "pièces essentielles" y figurant.

Les réquisits de l'art. 323 CPP étaient réalisés, comme en attestaient les documents qu’il joignait à ses observations.

Il résultait, en particulier, d’un rapport de police, rendu le 7 septembre 2024 dans la cause P/3______/2023, que les personnes officiellement domiciliées chez le prévenu n'y vivaient en réalité pas, malgré les informations fournies aux autorités et/ou à l'Hospice général, élément qui ne ressortait pas de la cause P/10622/2022 et qui était de nature à révéler une responsabilité pénale du prévenu.

b.b.a. À teneur de ce rapport, établi sur mandats d'actes d'enquête du Ministère public des 29 mai, 10 et 15 juillet 2024 :

·      A______ était inscrit, dans les registres de l’Hospice général, "comme bailleur de personnes en difficulté" à soixante-trois reprises;

·      le prénommé logeait actuellement une trentaine d'individus à huit adresses différentes (chemin 4______ no. ______, rue 5______ no. ______, route 6______ no. ______, chemin 7______ no. ______, chemin 8______ no. ______, chemin 9______ no. ______, chemin 10_____ no. ______ ainsi que chemin 11_____ no. ______);

·      l'Hospice général avait découvert, lors d'un contrôle, que "l'un des résidents [de A______]", auquel il versait des prestations, vivait en France [étant précisé que cette personne ne fait pas partie des individus domiciliés au chemin 1______ no. ______, (selon la liste dressée par l’OCPM dans la cause P/10622/2022)];

b.b.b. Le Ministère public n’a pas produit les pièces annexées à ce rapport, parmi lesquelles figuraient les dépositions de plusieurs personnes – entendues par la police – hébergées par A______ [dont aucune ne fait partie des individus domiciliés au chemin 1______ no. ______ (selon la liste dressée par l’OCPM dans la cause P/10622/2022)].

c. Dans sa réplique, A______ qualifie de "douteu[se]" la recevabilité des pièces produites par le Ministère public, celles-ci l’ayant été au stade des observations au recours seulement.

La réouverture de la procédure P/10622/2022 ne pouvait se fonder sur le rapport de police [sus-évoqué] pour trois principaux motifs.

Premièrement, l'on ignorait ce qui avait conduit le Procureur, en mai et juillet 2024, à ordonner à la police d'enquêter, dans le cadre de la procédure P/3______/2023, sur le volet des domiciliations fictives, puisque ce volet, entièrement appréhendé par la cause P/10622/2022, avait fait l’objet d’une décision de clôture. En agissant de la sorte, l’autorité intimée avait, de facto, rouvert l'instruction de cette dernière cause. Elle ne pouvait donc, sans contourner les exigences de l'art. 323 al. 1 CPP, se prévaloir du rapport litigieux, établi ultérieurement, soit en septembre 2024, pour justifier une reprise de l’instruction qui avait matériellement déjà eu lieu, reprise qu’elle avait formalisée deux mois et demi plus tard, en rendant la décision déférée.

Secondement, ledit rapport avait été produit sans ses annexes, seules déterminantes pour apprécier la réalisation des réquisits de la norme précitée.

Troisièmement, ce document ne constituait pas un moyen de preuve nouveau au sens de l'art. 323 al. 1 CPP. En effet, il avait déjà été largement question, dans l'affaire P/10622/2022, de (prétendues) domiciliations fictives. Or, malgré le fait que le Ministère public détenait une liste de "locataires" ayant bénéficié de prestations de l'Hospice général, il avait renoncé à procéder à des auditions et, plus généralement, à instruire la réalité de ces domiciles.

d. Le Procureur n'a pas dupliqué.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et – en l’absence de respect des réquisits de l’art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), par le prévenu (art. 111 al. 2 CPP), partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).

1.2. Il convient de déterminer s’il est dirigé contre une décision sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

1.2.1. S'agissant des voies de droit à l'encontre d'un prononcé ordonnant la reprise d’une procédure préliminaire (art. 323 CPP), une distinction doit être opérée quant à la nature de l’ordonnance préalable ayant clôturé la cause (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.2 à 2.3.4).

Si cette ordonnance consiste en un classement (art. 319 CPP), le recours est ouvert contre la décision de reprise de l’instruction (ATF 144 IV 81 précité, consid. 2.3.2).

En revanche, lorsqu’il s’agit d’une non-entrée en matière (art. 310 CPP), le prononcé rendu en application de l’art. 323 CPP s'apparente à une ordonnance d'ouverture de l'instruction au sens de l'art. 309 CPP, contre laquelle le prévenu ne dispose d’aucun moyen de droit (ATF 144 IV 81 précité, consid. 2.4).

1.2.2. Le ministère public est habilité à rendre une décision de non-entrée en matière tant et aussi longtemps qu’il n’a pas ouvert une instruction (arrêt du Tribunal fédéral 6B_425/2022 du 12 février 2023 consid. 4.1.1).

Si une telle instruction a été ouverte, formellement ou matériellement, il doit alors la clôturer par un classement (ibidem). De jurisprudence constante, la requête tendant à obtenir d’une autorité (notamment) administrative la production d’un dossier au sens de l'art. 194 CPP constitue un acte d'enquête qui ne peut, en principe, être exécuté qu'une fois l'instruction ouverte (arrêt du Tribunal fédéral 6B_446/2021 du 21 juillet 2022 consid. 2.3).  

Le prévenu ne doit subir aucun préjudice du fait que le procureur a prononcé une non-entrée en matière au lieu d’un classement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_425/2022 précité).

1.2.3. En l’espèce, la cause P/10622/2022 a été clôturée, le 4 janvier 2023, par une ordonnance de non-entrée en matière, type de décision qui ne permet pas de contester l'ouverture ultérieure de l’instruction (art. 309 al. 3 CPP).

Le prévenu fait valoir que le Ministère public aurait dû rendre, en lieu et place, un classement – soit une ordonnance qui autorise, de par sa nature, un recours contre une reprise de la procédure au sens de l'art. 323 CPP –.

Si cela s’avérait, le recourant subirait alors un dommage, en ce sens qu’il pourrait être privé, en raison du prononcé d’une décision erronée, d’une voie de droit contre l’ordonnance ici querellée.

Il sied donc d’établir si le Procureur était fondé, à la date précitée, à rendre une décision de non-entrée en matière.

Les investigations menées par ce magistrat ont consisté à solliciter des informations et pièces, auprès de quatre organismes étatiques (OCPM, Hospice général, OCAS et AFC), lesquels ont donné suite à ses demandes.

Ce faisant, il a, matériellement – sans égard aux intitulés de certaines de ses missives ("ordre de dépôt" et "demande[s] d'information[s]") –, requis la transmission de dossiers entre autorités administratives et judiciaire au sens de l'art. 194 CPP, actes d’enquête qui ne peuvent, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral citée au consid. 1.2.2 supra, être ordonnés qu’après l’ouverture d’une instruction.

Il s’ensuit que le prononcé d’un classement s’imposait.

Partant, il se justifie de replacer le recourant dans la situation qui aurait été la sienne si une telle décision avait été rendue.

L’ordonnance déférée est donc, au vu des circonstances de l’espèce, sujette à recours.

1.3. Le prévenu dispose d’un intérêt juridiquement protégé (art. 382 CPP) à quereller cette ordonnance, étant habilité à se plaindre d’une violation de l’art. 323 CPP.

1.4. À cette aune, le recours est recevable.

2. Le prévenu tient le prononcé entrepris pour insuffisamment motivé et met en doute la recevabilité des pièces produites par le Ministère public à l'appui de ses observations.

2.1.1. Le droit d’être entendu, ancré aux art. 29 al. 2 Cst féd. et 3 al. 2 let. c CPP, impose au magistrat de motiver sa décision afin, d’une part, que son destinataire puisse l'attaquer utilement s’il y a lieu et, d’autre part, que la juridiction de recours soit en mesure d’exercer son contrôle. Le juge est ainsi tenu de mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé son prononcé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_425/2024 du 17 janvier 2025 consid. 2.1). 

2.1.2. Une violation de ce droit peut être réparée. En effet, le Tribunal fédéral admet la guérison – devant l'autorité supérieure qui dispose d'un plein pouvoir d'examen – de l'absence de motivation, pour autant que l'autorité intimée ait justifié et expliqué sa décision dans un mémoire de réponse et que le recourant ait eu la possibilité de s’exprimer sur ces points dans une écriture complémentaire; il ne doit toutefois en résulter aucun préjudice pour ce dernier (ATF 125 I 209 consid. 9a et 107 Ia 1 consid. 1; arrêt du Tribunal pénal fédéral R.R.2019.70 du 3 septembre 2019, consid. 3.1 in fine). Cela vaut y compris en présence d'un vice grave, lorsqu’un renvoi à l'instance inférieure constituerait une vaine formalité, respectivement aboutirait à un allongement inutile de la procédure, incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable
(ATF 145 I 167 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1).

2.2.1. In casu, le Ministère public a considéré que la reprise de la présente cause se justifiait, au motif que "la procédure P/3______/2023 port[ait] sur des faits similaires, voire se recoupant en partie (…)".

Il faut admettre, avec le recourant, que cette motivation est insuffisante.

En effet, il appartenait au Procureur de désigner les "faits" concernés, le prévenu n’ayant pas à opérer de déductions quant aux (éventuels) motifs justifiant une réouverture de l’instruction.

De plus, la Chambre de céans n’était pas en mesure d’exercer son contrôle (avant le stade des observations au recours), faute de pièce relative à l’affaire P/3______/2023 versée à la présente procédure.

Il s’ensuit qu’une violation du droit d’être entendu doit être constatée.

2.2.2. Celle-ci a toutefois été réparée durant la procédure de recours.

Ainsi, le Ministère public a exposé, dans ses observations, pièces à l’appui, les éléments qui fondaient sa décision; ce procédé tendant à satisfaire le droit du recourant à une décision formellement correcte, il est pleinement admissible. Le prévenu a ensuite eu l’occasion de s’exprimer sur ces allégués et documents via sa réplique.

Dite réparation n’induit aucun préjudice pour l’intéressé. En effet, la juridiction de recours statue avec un plein pouvoir de cognition (art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP) sur les problématiques dont elle est saisie. À cela s'ajoute qu'un renvoi de la cause au Procureur constituerait une vaine formalité, pour les raisons qui seront exposées au point 3. infra.

2.3. Ces considérations scellent le sort des griefs.

3. Le recourant conteste la réalisation des réquisits de l’art. 323 al. 1 CPP.

3.1. À teneur de cette dernière norme, le ministère public ordonne la reprise d'une procédure classée s'il a connaissance de faits et/ou moyens de preuves nouveaux qui, d'une part, ne ressortent pas du dossier antérieur et, d'autre part, révèlent une responsabilité du prévenu.

3.1.1. Un moyen de preuve est nouveau s'il était inconnu au moment du prononcé du classement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_764/2022 du 17 avril 2023 consid. 5.2).

Tel n'est pas le cas quand ce moyen a été cité, voire administré, lors de la procédure antérieure sans être toutefois complètement exploité (ibidem).

En revanche, la preuve est qualifiée de nouvelle lorsque le procureur ne pouvait en avoir connaissance précédemment, même en faisant montre de la plus grande diligence (ibidem).

3.1.2. Le nouvel élément doit, en sus, permettre d’envisager une modification de la décision de classement (ibidem).

3.2. L'art. 118 al. 1 LEI punit quiconque induit en erreur les autorités chargées de l'application de cette loi, en leur donnant de fausses indications ou en dissimulant des faits essentiels et, de ce fait, obtient frauduleusement une autorisation pour lui ou pour un tiers, ou évite le retrait d'une autorisation.

3.3. En l’occurrence, il convient de déterminer si le rapport de police du 7 septembre 2024 – seule pièce sur laquelle l'autorité intimée assoit son raisonnement – permet une réouverture du présent dossier.

3.3.1. Le recourant critique la manière dont le Procureur a réuni les preuves ayant abouti à ce rapport, dans le cadre de la procédure P/3______/2023.

Ce faisant, il perd de vue que la saisine de la Chambre de céans est limitée à la cause P/10622/2022. Il ne saurait donc obtenir, au détour d'un recours interjeté contre la reprise de celle-ci, un examen de la validité des actes administrés dans celle-là.

Il s’ensuit que l’autorité intimée pouvait se prévaloir, sans abus de droit (contournement des exigences de l’art. 323 CPP), dudit rapport.

Au demeurant, la thèse sur laquelle le recourant fonde un tel contournement – à savoir que la problématique des domiciliations fictives serait entièrement appréhendée par la présente procédure – est erronée.

En effet, cette problématique est commune aux affaires P/10622/2022 et P/3______/2023. Elle peut donc, comme telle, être examinée dans le cadre de chacune d'elles, sous l'angle de la réalisation des éléments constitutifs de l'art. 118 LEI pour la première et de l'art. 146 CP pour la seconde.

3.3.2. Le fait que le rapport de police a été versé à la présente cause sans ses annexes ne permet aucunement de douter de l'exactitude des données qui y sont consignées, étant ajouté, à l'intention du recourant, que l'appréciation des témoignages et renseignements recueillis par la police n'a pas sa place dans une procédure de reprise de l'instruction.

3.3.3. Reste à déterminer si la teneur de ce rapport – qui constitue une pièce nouvelle, établie postérieurement au 4 janvier 2023, jour de la clôture de la procédure P/10622/2022 – révèle une responsabilité pénale du prévenu, c'est-à-dire permet d'étayer le fait que le recourant aurait fourni de fausses informations à l’OCPM au sujet des personnes vivant (prétendument) à son domicile, situé au chemin 1______ no. ______ – seuls actes imputés au recourant dans ce cadre –.

Tel est le cas.

En effet, ce document désigne d'autres individus et adresses que ceux concernés par la présente cause, mettant ainsi en lumière l'ampleur des (potentielles) domiciliations fictives réalisées par le recourant. À cela s'ajoute que l'Hospice général semble avoir découvert, lors d'un contrôle, que "l'un des résidents [du prévenu]", auquel il versait des prestations, vivait en France, et non à l'adresse genevoise qui lui avait été communiquée.

Ces éléments – dont le Procureur chargé de la cause P/10622/2022 ignorait l'existence sans qu'un manque de diligence ne puisse lui être reproché (étant rappelé qu'il n'y a pas lieu de poser des exigences trop strictes quant au respect du devoir de diligence [cf. en ce sens ATF 141 IV 194 consid. 2.3]) – sont suffisants pour considérer que le recourant aurait éventuellement pu contrevenir à l'art. 118 LEI.

Il s'ensuit que les conditions de l'art. 323 CPP sont réalisées.

La reprise de la présente affaire se justifie donc.

3.4. À cette aune, le recours est infondé et doit être rejeté.

4. 4.1. Le recourant succombe sur le fond (art. 428 al. 1 CPP), mais voit son grief tiré d'une violation du droit d'être entendu admis (arrêt du Tribunal fédéral 7B_512/2023 du 30 septembre 2024 consid. 3.1).

Il sera, en conséquence, condamné à la moitié des frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 3 cum 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), soit au paiement de CHF 600.-.

Le solde de ces frais (CHF 600.-) sera laissé à la charge de l'État.

4.2. Le recourant peut, corrélativement (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2), prétendre à l'octroi de dépens en lien avec l'activité pour laquelle il a obtenu gain de cause (soit à raison de 50%).

Il chiffre à CHF 4'157.30 ses prétentions, correspondant à 9 heures et 15 minutes d’activité accomplies par un chef d’étude et un stagiaire, facturées aux tarifs horaires respectifs de CHF 450.- et CHF 250.-, cela pour les prestations suivantes : consultation du dossier au Ministère public (par le stagiaire; 1 heure et 30 minutes); recherches en droit et rédaction d’un courriel (20 minutes ainsi que 15 minutes); rédaction du recours, acte qui comporte neuf pages de développement en fait et en droit (2 heures et 15 minutes); entretien avec le client (30 minutes); "Reçu OCPR[,] lettre CPR[,] courriel" (35 minutes); "Tél" (par le stagiaire; 5 minutes); "Réplique [acte de 5 pages], courriel client[,] tél" (3 heures et 45 minutes).

Le temps consacré à certains de ces postes apparaît excessif. Il sera donc ramené, s’agissant de l’activité déployée par le chef d’étude, à 5 heures (4 heures pour la rédaction des recours et réplique, recherches en droit incluses, ainsi que 1 heure pour s’entretenir avec le client [conférence/téléphone] et rédiger l’ensemble des lettres/courriels nécessaires) et, concernant celle exécutée par le stagiaire, à 20 minutes (15 minutes de consultation du dossier ainsi que 5 minutes pour le téléphone, la vacation au Ministère public devant étant indemnisée séparément).

Ces prestations doivent être rémunérées selon le tarif horaire usuel applicable à Genève, soit CHF 450.- pour un chef d'étude et CHF 150.- pour un avocat stagiaire (APCR/5/2023 du 4 janvier 2023, consid. 3.2); la vacation sus-évoquée – qui ne relève pas de l'exécution du mandat stricto sensu – sera rétribuée à concurrence de CHF 50.-, forfait appliqué au déplacement (aller-retour) effectué par un stagiaire (APCR/5/2023 précité, consid. 3.3).

À cette aune, l’indemnisation sera arrêtée à CHF 1'270.20 ({[5 heures x CHF 450.-] + [20 minutes x CHF 150.-] + CHF 50.-} x 50% [mesure dans laquelle le recourant a obtenu gain de cause], le total étant majoré de la TVA à 8.1%).

4.3. Conformément à l'art. 442 al. 4 CPP, la créance de l'État fondée sur les frais de la procédure de recours (CHF 600.-) sera compensée, à due concurrence, avec le montant alloué au recourant à titre de dépens (CHF 1'270.20).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-, soit au paiement de CHF 600.-.

Laisse le solde des frais de la procédure de recours (CHF 600.-) à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'270.20, TVA à 8.1% incluse, pour la procédure de recours (art. 429 CPP).

Dit que les frais de la procédure mis à la charge de A______ (CHF 600.-) sont compensés (art. 442 al. 4 CPP), à due concurrence, avec l'indemnité allouée à ce dernier (CHF 1'270.20).

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/10622/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'115.00

Total

CHF

1'200.00