Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/21728/2022

ACPR/126/2025 du 17.02.2025 sur OCL/695/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;LÉSION CORPORELLE SIMPLE;ABUS D'AUTORITÉ;POLICE;CHIEN;FUITE
Normes : CPP.319; CP.123; CP.312

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21728/2022 ACPR/126/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 17 février 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Julien MARQUIS, avocat, VÖGELI MARQUIS Avocats, rue De-Candolle 24, 1205 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 23 mai 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 28 mai 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 23 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a ordonné le classement de la procédure.

Le recourant conclut à l'annulation de cette ordonnance et à la poursuite de l'instruction contre B______, des chefs d'infraction d'abus d'autorité et lésions corporelles simples. Il sollicite, en outre, l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.

b. Le recourant a été dispensé de verser des sûretés.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Selon le rapport d'interpellation du 9 septembre 2022, plusieurs patrouilles s'étaient rendues au chemin 1______ no. ______ (à C______ [GE]), à la suite de l'appel d'un automobiliste ayant remarqué la présence d'un individu faisant le guet, pendant que deux autres enjambaient le muret d'une propriété située le long de la route 2______. Une fois sur place, les patrouilles avaient constaté un cambriolage en cours dans une villa. Deux personnes avaient rapidement été interpellées, dont une après avoir été débusquée par D______, le chien de service de l'appointé B______. Un troisième individu, identifié comme étant A______, né le ______ 2006, avait pris la fuite en direction de la route 2______.

Selon la rubrique "Usage de la force / contrainte", A______ avait sauté par la fenêtre de la cuisine de la villa et s'était mis à courir afin de s'échapper. B______ avait effectué plusieurs sommations ("STOP POLICE, ARRETEZ-VOUS OU JE LACHE LE CHIEN"), restées sans effet. N'ayant "aucun autre moyen de l'interpeller", B______ avait engagé D______ en "travail de défense". Le canidé avait rapidement saisi le mollet gauche de A______ mais ce dernier avait continué sa course, en essayant de retirer sa jambe "avec vigueur". Cette action avait eu pour effet de faire lâcher prise à D______, lequel, sur ordre de B______, s'était derechef saisi du "fuyard" au niveau de la cuisse, le faisant chuter. Le Sergent-chef E______ et le Gendarme F______ étaient arrivés près de A______ qui, après avoir résisté, avait pu être menotté.

b.a. Entendu par la police le 9 septembre 2022, A______ a expliqué avoir quitté la villa cinq minutes à peine après y être entré, constatant qu'elle était habitée. À sa sortie, la police était là, avec un chien. Un policier lui avait dit "Stop". Pris de peur, il avait commencé à courir, jusqu'à sentir une attaque au pied. Il était ensuite tombé. Les policiers l'avaient roué de coups au sol, avec un bâton, tandis que le chien le mordait encore. Il était effectivement entré dans la maison et y avait dérobé un téléphone portable "par opportunité", mais son intention première était de trouver un endroit où dormir.

b.b. Par-devant le Tribunal des mineurs, A______ a confirmé ses déclarations à la police, réitérant avoir "paniqué" à la vue de la police car il ne souhaitait pas être arrêté. Il ne voulait pas déposer plainte contre la police, seulement "partir, […] trouver un endroit où aller".

c. Le 13 octobre 2022, le Tribunal des mineurs a dénoncé au Ministère public les circonstances de l'interpellation de A______, ce dernier ayant décidé de ne pas porter plainte.

d.a. Par pli du 6 avril 2023, A______, sous la plume de son conseil, a avisé le Ministère public de son intention de se constituer partie plaignante, au pénal comme au civil. Compte tenu de la gravité de sa blessure, se posait la question de "l'opportunité et de la proportionnalité" de l'utilisation d'un chien lors de son interpellation, dès lors qu'il n'était pas armé et ne présentait aucun danger.

d.b. Est annexé à son pli son dossier médical, duquel il ressort, en substance, qu'il a souffert d'une plaie profonde d'environ 11 cm au niveau de la face externe du mollet gauche, ayant nécessité une intervention chirurgicale, et d'une perte de moins d'un millimètre de dent sur l'incisive gauche.

e. Le 4 août 2023, l'Inspection générale des services (ci-après: IGS) a rendu au Ministère public son rapport sur complément d'enquête.

e.a. B______ a déclaré que le jour en question, il avait d'abord interpellé un premier suspect, qu'il avait remis à une patrouille arrivée sur place. Alors qu'il suivait une piste de D______ dans la maison, A______ avait sauté depuis la fenêtre de la villa, avant de courir en direction de la sortie de la propriété. Il avait hurlé, à plusieurs reprises, "Stop police ou je lâche le chien" en direction du fuyard mais, comme ce dernier continuait sa course, il avait décidé d'engager D______. Le canidé avait rapidement rattrapé A______ et l'avait saisi au mollet gauche. L'intéressé s'était dégagé sans cesser de courir mais, à la suite de l'ordre de poursuivre l'engagement, D______ l'avait saisi une nouvelle fois au niveau de la cuisse gauche, le faisant chuter. Dès que E______ et F______ avaient rejoint A______, maintenu au sol par D______, il avait donné l'ordre au chien de lâcher sa prise.

e.b. E______ a expliqué qu'à son arrivée sur les lieux, d'autres patrouilles étaient déjà sur place. Depuis l'extérieur de la propriété, il avait entendu les aboiements du chien de service, provenant de l'intérieur de la villa. Depuis le muret, il avait aperçu B______, accompagné de son chien, qui hurlait des sommations à un individu qui courait en direction du portail d'entrée.

Pour le surplus, il a décrit l'intervention de D______ dans les mêmes termes que B______. Lorsqu'il était arrivé à la hauteur de A______, maintenu au sol par D______, B______ avait rappelé son chien. Le prévenu avait opposé une résistance à son interpellation, nécessitant des coups de déstabilisation.

e.c. F______ a, en substance, confirmé les déclarations de ses collègues, en particulier celles de E______, précisant que B______ se trouvait à une vingtaine de mètres derrière A______ lorsqu'il le sommait de s'arrêter.

f. Il ressort encore du rapport de l'IGS les éléments suivants:

- le chien D______ a été évalué – avec succès – le 30 mai 2022, avec une note de 94 sur 100. Il avait obtenu la totalité des points dans la discipline "Technique du mordant" et perdu quatre points dans la discipline "Cessation", avec les commentaires "DC" [double commandement par son maître] et "repique" [soit le fait que le chien relâche de lui-même sa prise pour la ressaisir à nouveau]. Le 1er décembre 2022, D______ avait obtenu une nouvelle fois un score de 94, en marquant l'ensemble des points dans les disciplines précitées.

- selon l'ordre de service "Brigade des chiens de police" (OS PRS.20.09; ci-après: l'ordre de service):

·         le conducteur de chien ne peut engager son animal dans le dispositif policier que si l'animal est reconnu opérationnel en défense (chiffre 5);

·         le fait que le chien, en défense ou à l'issue d'un travail de flair, saisisse en le mordant un suspect dans le but de l'immobiliser, est considéré comme un usage de la contrainte (chiffre 6);

·         l'usage de la contrainte avec le chien ne peut se pratiquer qu'à l'encontre d'auteurs présumés de crimes ou de délits. Le conducteur engage son chien uniquement si l'interpellation ne peut avoir lieu par un autre moyen plus approprié. En cas de fuite, il ne l'engage que si le suspect fuit avec détermination (chiffre 6.1);

·         dans la mesure où l'objectif de la mission et les circonstances le permettent, l'engagement sera précédé d'au moins une sommation "halte police" (chiffre 6.2).

g. Le 17 octobre 2023, le Ministère public a ouvert une instruction contre inconnu pour abus d'autorité et lésions corporelles simples.

h. Le 12 janvier 2024, il a avisé A______, au bénéfice d'une assistance judiciaire gratuite, de son intention de rendre une ordonnance de classement.

i. Par courrier du 26 janvier 2024, le conseil de A______ a relevé que "les allégations de coups [étaient] contestées et non prouvées, si bien que rien ne [faisait] obstacle au classement sur ce point".

Le déroulement de l'engagement de D______ n'était pas remis en cause mais, en revanche, il y avait lieu de s'interroger sur sa nécessité et sa proportionnalité, notamment en comparaison avec la situation qui prévalait dans un arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision du 27 juin 2017 (AARP/216/2017). Les éléments constitutifs des infractions visées aux art. 123 et 312 CP apparaissaient ainsi remplis.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que l'atteinte subie par A______, soit une plaie ouverte d'environ 11 cm au mollet gauche, pouvait être qualifiée de lésion corporelle simple, commise au moyen d'un objet dangereux, soit le chien de service D______. Le canidé avait été engagé par B______ comme moyen de contrainte à l'encontre de A______, lequel était suspecté d'avoir commis un crime ou un délit et fuyait avec détermination en ignorant les sommations du policier. La blessure subie par le précité avait été causée par son propre comportement, à savoir le fait d'avoir retiré sa jambe à la prise de D______, afin de s'échapper, étant rappelé que la deuxième saisie du chien ne lui avait causé aucune blessure. Cette lésion était une conséquence inévitable de la contrainte exercée sur un individu récalcitrant. B______ s'était limité aux actes strictement nécessaires pour interpeller A______. Dans ces conditions, l'engagement de D______ était légitime et proportionnel, de sorte que les lésions en découlant étaient couvertes par la mission de la police (art. 14 CP). Il n'y avait également pas de place, dans ce contexte, pour un quelconque abus d'autorité.

D. a. Dans son recours, A______, qui ne conteste pas l'état de fait du Ministère public, affirme, en s'appuyant de l'arrêt AARP/216/2017 susmentionné, que l'engagement de D______ à sa poursuite n'était pas nécessaire, ni proportionné. Il essayait de fuir à pied de la villa, "à la suite d'un cambriolage", sans être armé, ni recherché pour des violences. Son comportement ne présentait, en outre, aucun danger puisque sa seule attitude, face à la police, avait été "de prendre ses jambes à son cou". En outre, de nombreux policiers, avec leurs véhicules, étaient présents sur place, à "une vingtaine de mètres seulement". Rien n'expliquait pourquoi aucun des agents n'avait entrepris de le poursuivre à pied, ou même en voiture. En outre, B______ savait la direction de sa fuite, soit la route 2______, étant précisé que le seul autre chemin possible finissait en cul-de-sac. De surcroît, la notion de fuite avec "détermination" dans l'ordre de service se révélait indéterminée et ne devait pas autoriser le recours à la force indépendamment des circonstances. Or, dans le contexte qui était le sien, sa seule fuite ne justifiait pas l'utilisation, par la police, d'une arme. Enfin, sa réaction face à la première morsure de D______ ne changeait rien à la mesure de contrainte employée, dès lors que le risque de blessure n'était plus totalement contrôlable une fois le chien engagé. On ne pouvait pas lui reprocher d'avoir essayé de se dégager, tant il était vrai qu'une telle morsure pouvait susciter la peur, sinon une douleur intense.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP; ATF 127 IV 209 consid. 1b).

2.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir classé les infractions de lésions corporelles simples et abus d'autorité.

2.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les références citées).

2.2. L'art. 312 CP réprime les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, abusent des pouvoirs de leur charge.

L'infraction suppose que l'auteur agisse dans l'accomplissement ou sous le couvert de sa tâche officielle et qu'il abuse des pouvoirs inhérents à cette tâche. L'abus est réalisé lorsque l'auteur, en vertu de sa charge officielle, décide ou use de contrainte dans un cas où il ne lui est pas permis de le faire (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa; arrêt 6B_518/2021 du 8 juin 2022 consid. 1.1); l'abus est également réalisé lorsque l'auteur poursuit un but légitime mais recourt, pour l'atteindre, à des moyens disproportionnés (ATF 149 IV 128 consid. 1.3.1; 127 IV 209 consid. 1a/aa et b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_518/2021 précité consid. 1.1 et les arrêts cités). L'abus d'autorité réside ainsi, par exemple, dans le fait d'utiliser la force de manière licite, mais en dépassant la mesure autorisée (ATF 149 IV 128 consid. 1.3.1 et les arrêts cités). 

2.3. L'art. 123 CP – qui peut s'appliquer concurremment à l'art. 312 CP (ATF 99 IV 13 consid. 3) – réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. La poursuite a lieu d'office si l'auteur fait usage du poison, d'une arme ou d'un objet dangereux (art. 123 ch. 2 al. 1 CP). L'utilisation d'un chien contre un être humain peut répondre à la qualification d'objet dangereux (ACPR/3/2016 du 12 janvier 2016 consid. 3.2).

2.4. Aux termes de l'art. 14 CP, quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du présent code ou d'une autre loi. En ce qui concerne le devoir de fonction, c'est le droit cantonal qui détermine, pour les agents publics cantonaux, s'il existe un devoir de fonction et quelle en est l'étendue (ATF 121 IV 207 consid. 2a).

Les fonctionnaires de police qui commettent des infractions dans l'exercice de leurs fonctions ne peuvent pas invoquer cette disposition si leur action ne respecte pas le principe de proportionnalité. En d'autres termes, l'action des fonctionnaires de police doit être appropriée et nécessaire à l'atteinte du but poursuivi et le bien juridique touché, de même que l'ampleur de sa violation doivent être proportionnés au but visé (ATF 141 IV 417 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_468/2022 du 12 janvier 2023 consid. 2.2).

2.5. Dans l'arrêt AARP/216/2017 du 27 juin 2017, la Chambre pénale d'appel et de révision a considéré que l'engagement d'un chien de service pour appréhender un individu était justifié, compte tenu du danger potentiel que ce dernier représentait pour l'animal, voire le policier. Dans le cas d'espèce, le prévenu s'était retrouvé, après une course-poursuite en voitures en plein centre de Genève durant laquelle il avait pris de nombreux risques (forçant notamment un barrage de police), acculé dans le cabanon d'un jardin où il s'était caché en pleine nuit. Une fois pisté et retrouvé par le chien et son maître, accompagné d'un collègue, il avait donné un coup de pied au berger allemand. Le policier avait alors ordonné au canidé de saisir le suspect pour procéder à son interpellation.

Il ressort encore de cet arrêt que l'actuel chiffre 6.1 de l'ordre de service avait, avant le 25 août 2014, la teneur suivante: "le conducteur engage son chien uniquement si l'interpellation ne peut avoir lieu par un autre moyen plus approprié et suppose que le suspect fuie avec détermination".

2.6. En l'espèce, il est admis que le recourant, à la vue de la police, s'est mis à fuir de la maison dans laquelle il était entré sans droit, en direction de la route 2______, malgré les sommations lui enjoignant de s'arrêter. Il a ensuite été rattrapé par D______, lequel l'a saisi au niveau du mollet gauche, prise dont il s'est libéré "avec vigueur" en continuant sa course, pour finalement tomber au sol après avoir été derechef saisi par D______ au niveau de la cuisse gauche. Il présente comme principale blessure une plaie ouverte de 11 cm au mollet gauche, laquelle est liée à la première saisie du chien de service.

Pour le surplus, le recourant ne conteste pas qu'il était, sur le moment, suspecté d'un crime ou d'un délit, ni l'aptitude au service du canidé, ou encore le respect, par B______, de la procédure d'engagement (sommation orale).

En revanche, il remet en doute la nécessité et la proportionnalité de l'engagement de l'animal.

Tout d'abord, l'ordre de service prévoit expressément – dans sa teneur depuis le 24 août 2014 – la possibilité d'engager un chien de service en cas de fuite "avec détermination" d'un suspect. Une telle mesure n'est pas d'emblée exclue par la simple hypothèse qu'un agent pourrait engager la poursuite à pied ou en voiture, tout comme la présence de deux policiers ne les empêche pas, si la mesure se justifie, d'employer un chien de service pour procéder à une interpellation (cf. AARP/216/2017 précité).

En l'occurrence, le recourant venait de sauter de la fenêtre de la villa et fonçait en direction du portail d'entrée lorsqu'il s'est vu enjoindre, à plusieurs reprises, de s'arrêter; ce qu'il n'a pas fait malgré ces sommations. L'intéressé a lui-même déclaré s'être mis à courir, pris de "panique" face à la police et à la peur d'être arrêté.

Ces circonstances permettent de se distancer de l'arrêt AARP/216/2017, dans lequel la fuite du suspect avait pris fin au moment de son interpellation.

Malgré les injonctions de s'arrêter, le recourant a continué sa course. Même lorsqu'il a été saisi une première fois au mollet par D______, il a préféré se défaire "avec vigueur" de la prise du canidé plutôt que s'arrêter, au risque de subir des lésions plus graves; ce qui s'est d'ailleurs produit. Une fois au sol et face à la présence de deux policiers, il a opposé une résistance à son interpellation, nécessitant des coups de déstabilisation.

Selon les autres policiers entendus, le recourant se trouvait à une vingtaine de mètres de B______ lorsque ce dernier lui a ordonné de s'arrêter. S'il est aisé a posteriori de considérer qu'il existait d'autres possibilités à disposition du précité pour rattraper le fuyard, l'engagement de D______, plus rapide, était une solution apte et adéquate à cette fin. En outre, les chiens de police sont entrainés pour ne pas blesser en cas d'interpellation. À ce propos, lors de son évaluation réussie du 30 mai 2022 – soit antérieure aux faits – D______ a obtenu un score de 94 sur 100, avec en particulier tous les points possibles dans la catégorie "Technique du mordant".

Compte tenu de ce qui précède, le recourant affichait, sur le moment, une volonté ferme de fuir, laquelle a d'ailleurs perduré même alors que sa course avait pris fin, puisqu'il a opposé une résistance aux policiers venus l'interpeller. L'engagement de D______ était ainsi justifié. Par ailleurs, B______ ne pouvait pas anticiper que le recourant chercherait à se libérer de la prise du canidé, se causant ainsi la plaie ouverte constatée médicalement. La mesure prise pour rattraper le fuyard et l'interpeller était donc proportionnée.

L'engagement, par B______, de son chien de service pour arrêter le recourant, acte ayant causé – in fine et exclusivement en raison du comportement de ce dernier – des lésions corporelles simples, est donc couvert par l'art. 14 CP. La mesure de contrainte effectuée était en effet légale et proportionnée.

Pour ce même motif, il n'y a, en outre, pas de place pour un abus d'autorité au sens de l'art. 312 CP.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Infondé, le recours pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             Le recourant sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.

4.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 let. a CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l’assistance judiciaire gratuite, sur demande, à la partie plaignante, pour faire valoir ses prétentions civiles, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l’action civile ne paraît pas vouée à l’échec (let. a); à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action pénale ne paraît pas vouée à l'échec (let. b).

4.2. La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance judiciaire peut donc être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée ou que la procédure pénale est vouée à l'échec (arrêts du Tribunal fédéral 1B_173/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1.1 et 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1).

4.3. En l'espèce, quand bien même le recourant serait indigent, force est de retenir que le recours était voué à l'échec pour les motifs exposés plus haut, de sorte que les conditions pour l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours ne sont pas remplies.

La demande sera donc rejetée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 300.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), compte tenu de sa situation personnelle.

Le refus d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite est, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire gratuite.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 300.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/21728/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

215.00

Total

CHF

300.00