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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/414/2019

ACPR/108/2025 du 04.02.2025 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE PÉNALE;OPPOSITION(PROCÉDURE);RETRAIT(VOIE DE DROIT);FICTION;NOTIFICATION PAR VOIE OFFICIELLE
Normes : CPP.354; CPP.88; CPP.356; CPP.3

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/414/2019 ACPR/108/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 4 février 2025

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l'ordonnance rendue le 4 novembre 2024 par le Tribunal de police,

 

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 13 novembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 4 précédent, notifiée le jour même, par laquelle le Tribunal de police a constaté le retrait de son opposition à l'ordonnance pénale du 20 septembre 2023 et dit que celle-ci était assimilée à un jugement entré en force.

Il conclut, principalement, à l'annulation de cette ordonnance et à ce qu'il soit ordonné au Tribunal de police de le reconvoquer à une nouvelle audience, en mentionnant qu'en cas d'absence aux débats, la procédure par défaut serait initiée. Subsidiairement, il requiert l'annulation de cette ordonnance et la suspension de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ souffre d'une schizophrénie paranoïde épisodique avec déficit stable ainsi que de troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de substances psycho-actives multiples (alcool, cocaïne, benzodiazépines). Selon une expertise rendue en 2015 dans le cadre d'une précédente procédure pénale, sa responsabilité était moyennement à fortement restreinte et il existait un risque de récidive.

En 2016, un traitement institutionnel des troubles mentaux au sens de l'art. 59 CP a été ordonné par le Tribunal de police. Cette mesure a été levée en mars 2020.

b. La présente procédure concerne des faits de violation de domicile, dommages à la propriété, lésions corporelles simples, injure, menaces et filouterie d'auberge d'importance mineure, commis au préjudice du C______ [club sportif] (août 2018), de l'ex-compagne de A______ (juin 2019), d'une tierce personne qui avait tenté de s'interposer alors qu'une dispute opposait ce dernier à sa nouvelle compagne (mai 2021) et d'un établissement public (mai 2021).

c. Interpellé le 28 mai 2021, A______ a été entendu par la police, puis par le Ministère public, et a partiellement contesté les faits qui lui étaient reprochés.

d. Jugeant qu'il relevait d'un cas de défense obligatoire, le Ministère public a, par ordonnance du 29 mai 2021, ordonné une défense d'office en sa faveur, en la personne de Me B______, avocat.

e. À l'issue de l'audience, le Ministère public a ordonné la libération de A______, moyennant le respect de plusieurs mesures de substitution, notamment de déférer à toute convocation du pouvoir judiciaire et de ne pas quitter sa commune de domicile, soit D______ [GE], sauf pour se rendre à des rendez-vous médicaux et sociaux.

f. En juin 2023, le Ministère public a renoncé à l'expertise psychiatrique ordonnée en décembre 2021, le prévenu ne se présentant pas aux rendez-vous, malgré l'engagement pris en ce sens en septembre 2022.

g. Par ordonnance pénale du 20 septembre 2023, le Ministère public a déclaré A______ coupable des infractions visées sous let. b ci-dessus.

h. À la suite de son opposition, A______ a été réentendu par le Ministère public le 13 octobre 2023 et a persisté dans ses dénégations.

i. Par ordonnance du 17 octobre 2023, le Ministère public a maintenu l'ordonnance pénale et transmis la cause au Tribunal de police.

j. Le 17 juillet 2024, le Tribunal de police a adressé à A______, à son adresse à D______, un mandat de comparution pour une audience fixée le 4 novembre 2024, en attirant son attention sur le fait qu'en cas d'absence à celle-ci sans excuse valable, l'opposition serait réputée retirée et l'ordonnance pénale déclarée exécutoire.

Ce courrier lui a été retourné avec la mention "introuvable à cette adresse". Une réponse identique a été apportée au nouveau mandat adressé à A______ à une autre adresse à D______, fournie par son avocat.

A______ a donc été convoqué à l'audience de jugement par voie édictale, dans la Feuille d'avis officielle du ______ août 2024, la publication mentionnant que, s'il n'y donnait pas suite, son opposition serait réputée retirée.

k. Le matin de l'audience, étant sans nouvelles de A______, son avocat a sollicité du Tribunal de police le report de celle-ci, ce qui a été refusé.

Lors de l'audience, l'avocat a confirmé être sans nouvelles de son mandant depuis février 2024. Le juge ne l'a pas autorisé à représenter ce dernier.

C. Dans son ordonnance querellée, le Tribunal de police estime que l'attitude de A______ démontrait qu'il se désintéressait de la procédure pénale, de sorte que son opposition devait être considérée comme retirée.

D. a. Dans son recours, l'avocat de A______ explique qu'en dépit de toutes ses démarches, il n'était pas parvenu à localiser son client, étant précisé que celui-ci ne possédait pas de téléphone et avait évoqué le projet de s'établir en Valais. Compte tenu de son alcoolisme et de sa situation très précaire, il ne faisait nul doute qu'il n'avait pas eu de connaissance effective du mandat de comparution du Tribunal de police, ni des conséquences que son défaut à l'audience était susceptible d'entraîner. Or, la fiction du retrait de l'opposition ne s'appliquait que si l'opposant avait effectivement connaissance de la citation à comparaître. Le Tribunal de police n'était dès lors pas fondé à considérer l'absence du prévenu comme valant retrait de l'opposition, mais aurait dû suspendre la procédure ou, cas échéant, engager la procédure par défaut.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP) qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de cette décision (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. Selon l'art. 354 al. 1 let. a CPP, le prévenu peut faire opposition, par écrit, à l'ordonnance pénale dans les dix jours.

Lorsque, malgré l'opposition, le ministère public décide de maintenir l’ordonnance pénale, il transmet sans retard le dossier au tribunal de première instance en vue des débats. L’ordonnance pénale tient lieu d’acte d’accusation (art. 356 al. 1 CPP).

3.2. Le mandat de comparution aux débats est décerné par écrit par le tribunal de première instance (art. 201 al. 1 CPP). Il doit renseigner, en particulier, sur les conséquences juridiques d'une absence non excusée (al. 2 let. f).

Lorsqu'une partie est tenue de comparaître personnellement à l'audience ou d'accomplir elle-même un acte de procédure, la communication doit lui être notifiée directement (art. 87 al. 4 CPP).

Lorsque le lieu de séjour du destinataire est inconnu et n'a pas pu être déterminé en dépit des recherches qui peuvent raisonnablement être exigées, la notification a lieu dans la Feuille officielle désignée par le canton ou la Confédération (art. 88 al. 1 let. a CPP). L'autorité doit toutefois avoir précédemment entrepris des démarches approfondies pour localiser le prévenu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1117/2015 du 6 septembre 2016 consid. 1.1 et 6B_738/2011 du 20 mars 2012 consid. 3.3).

3.3. Si l'opposant fait défaut aux débats devant le tribunal de première instance sans être excusé et sans se faire représenter, son opposition est réputée retirée (art. 356 al. 4 CPP).

Cette disposition consacre une fiction légale de retrait de l'opposition en cas de défaut injustifié, à l'instar de l'art. 355 al. 2 CPP, auquel elle correspond (ATF 142 IV 158 consid. 3.1 et 3.5).

Malgré son libellé, si la citation à comparaître qui lui a été notifiée contenait la sommation selon laquelle il était tenu de se présenter personnellement, et que le prévenu est absent aux débats, sans excuse, la seule présence de son avocat ne suffit pas à y remédier, si le défenseur n'est pas en mesure de justifier l'absence de son client (arrêts du Tribunal fédéral 6B_363/2022 du 26 septembre 2022 consid. 1.2 et 6B_368/2021 du 25 février 2022 consid. 1.1).

3.4. La fiction de retrait de l'art. 356 al. 4 CPP ne s'applique toutefois que si l'on peut déduire de l'absence non excusée, selon le principe de la bonne foi (art. 3 al. 2 let. a CPP), un désintérêt pour la suite de la procédure pénale (ATF 142 IV 158 consid. 3.1 et 3.3; 140 IV 82 consid. 2.3).

Or, selon la jurisprudence, eu égard aux spécificités de la procédure de l'ordonnance pénale, l'art. 356 al. 4 CPP doit être interprété à la lumière de la garantie constitutionnelle (art. 29a Cst.) et conventionnelle (art. 6 par. 1 CEDH) de l'accès au juge, dont l'opposition (art. 354 CPP) vise à assurer le respect en conférant à la personne concernée la faculté de soumettre sa cause à l'examen d'un tribunal. En ce sens, la fiction de retrait de l'opposition consacrée par l'art. 356 al. 4 CPP ne s'applique donc que si l'opposant a effectivement eu connaissance de la citation à comparaître et des conséquences du défaut (ATF 146 IV 30 consid. 1.1.1).

En d'autres termes, la double fiction (fiction de la notification de la citation et fiction du retrait de l'opposition) n'est pas compatible avec la garantie constitutionnelle de l'accès au juge s'agissant des ordonnances pénales. En effet, le retrait de l'opposition que la loi rattache au défaut non excusé suppose que le prévenu soit conscient des conséquences de son manquement et qu'il renonce à ses droits en toute connaissance de la situation juridique déterminante (ATF 146 IV 30 consid. 1.1.3; 142 IV 158 consid. 3.5; 140 IV 82 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_801/2019 du 21 novembre 2019 consid. 1.1.3).

Demeurent réservés les cas d'abus de droit (ATF 142 IV 158 consid. 3.4; 140 IV 82 consid. 2.7).

3.5. En l'occurrence, à la suite de l'ordonnance pénale du 20 septembre 2023, le recourant a été réentendu par le Ministère public, lequel a, quelques jours plus tard, rendu une ordonnance de maintien et transmis la cause au Tribunal de police. La portée de la procédure pénale, en particulier la probabilité d'une convocation prochaine par le juge, ne pouvait dès lors échapper au recourant, ce d'autant moins qu'il a conservé des contacts avec son avocat à tout le moins jusqu'en février 2024.

Or, non seulement le recourant a-t-il quitté le territoire de la commune de D______, alors que les mesures de substitution auxquelles il était soumis lui en faisaient l'interdiction, mais s'est également rendu inatteignable, singulièrement pour son avocat, en ne communiquant aucune adresse à laquelle il pouvait être joint. Bien que sa situation, tant psychologique que matérielle, soit indéniablement précaire, une telle attitude – soit une "disparition" de près de dix mois – constitue une preuve de son désintérêt des suites de la procédure et permet de considérer son absence au débats comme la manifestation qu'il entendait, en toute connaissance de cause, renoncer à ses droits (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_667/2021 du 4 juillet 2021 et 6B_363/2022 du 26 septembre 2022).

Dans ces conditions, il faut admettre que le fait d'invoquer l'interdiction de la double fiction (de la notification et du retrait de l'opposition) a un caractère abusif, étant rappelé que la Chambre de céans ne suit pas la doctrine selon laquelle une procédure par défaut devrait être engagée dans un tel cas (cf. ATF 146 IV 30 consid. 1.1.3 et ACPR/295/2021 du 5 mai 2021).

C'est dès lors à juste titre que le premier juge a considéré que l'absence du recourant à l'audience du 4 novembre 2024 valait retrait de son opposition.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, arrêtés à CHF 300.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.             Le recourant, qui plaide au bénéfice de l'assistance judiciaire, n'a pas déposé d'état de frais.

Compte tenu de l'ampleur des écritures déposées (huit pages, page de garde comprise) et de l'absence de difficulté de la cause, une indemnité de CHF 486.45, TVA à 8.1% comprise, sera allouée, correspondant à trois heures d'activité au tarif horaire de CHF 150.- pour un avocat collaborateur, tel semblant avoir été le statut de Me E______, signataire du mémoire de recours.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, fixés à CHF 300.-.

Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 486.45, TVA à 8.1% incluse.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son avocat, au Ministère public et au Tribunal de police.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/414/2019

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

215.00

Total

CHF

300.00