Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/106/2025 du 04.02.2025 ( RECUSE ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE PS/102/2024 ACPR/106/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mardi 4 février 2025 |
Entre
A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me Cédric KURTH, avocat, boulevard James-Fazy 3, case postale 187, 1233 Bernex,
requérant,
et
C______, Procureure, p.a. Ministère public, route de Chancy 6B, case postale 3565,
1211 Genève 3,
citée.
Vu :
- la procédure P/1______/2023 dirigée contre A______ et instruite par C______, procureure;
- l'audience d'instruction du 20 novembre 2024, dont le procès-verbal a été communiqué (en copie) au prévenu par courrier du Ministère public du 12 décembre 2024;
- la demande de récusation de C______ formée par A______ le 20 novembre 2024, rejetée par arrêt de la Chambre de céans du 6 décembre 2024 (ACPR/918/2024);
- la lettre du 14 décembre 2024, adressée par A______ à la Chambre de céans, avec copie au Ministère public, intitulée "CONTESTATION PV AUDIENCE MP 20.11.2024 (notifié le 13.12.2024) et DEMANDE DE RECUSATION du Magistrat instructeur (CPP 56 f)";
- les compléments à la demande de récusation des 19 et 21 suivants;
- l'acte d'accusation du 24 décembre 2024 renvoyant A______ en jugement par devant le Tribunal de police, pour dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), dommage à la propriété d'importance mineure (art. 144 al. 1 cum 172ter CP), vol (art. 139 CP), violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 ch. 1 CP), lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP), menaces (art. 180 CP), injure (art. 177 CP), voies de fait (art. 126 CP), désagrément d'ordre sexuel (art. 198 al. 1 CP), souillure (art. 11C al. 2 let. c LPG), utilisation frauduleuse d'un ordinateur d'importance mineure (art. 147 al. 1 cum 172ter CP) et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI);
- l'audience de jugement fixée le 27 janvier 2025.
Attendu que :
- à l'appui de sa demande de récusation – qu'il qualifie de "complémentaire (voire supplémentaire si l'économie de procédure n'est pas souhaitée)" – A______ fait valoir, par son conseil, "de nouveaux éléments découverts renforçant d'autant plus les doutes de prévention du magistrat instructeur C______". Il se plaint d'avoir reçu tardivement et "après de multiples rappels" le procès-verbal du 20 novembre 2024, dont le contenu "ne correspond pas à la vérité et [fait] perdre toute confiance à l'instruction". Selon lui, la procureure avait "sciemment décidé" de ne pas l'informer du retard de la plaignante. Elle avait également "faussement" indiqué que l'audience avait débuté à 9h00 et que le greffe avait informé le cabinet de son départ et tenté de l'atteindre à plusieurs reprises. L'audience qui s'était tenue de manière "précipitée" juste après son départ, sans son accord, était illégale et violait les droits de la défense. Il reproche, en outre, à C______ de l'avoir volontairement privé de l'accès aux plaintes complémentaires, d'avoir "édulcoré" le procès-verbal d'éléments essentiels, instruit exclusivement à charge, refusé de lui accorder une prolongation du délai pour le dépôt de ses réquisitions de preuves et les avoir refusées. Il craignait "très sérieusement que par des procédés déloyaux, [elle avait] tenté d'obtenir des informations accablantes en audience du 20 novembre 2024 pour justifier [sa] privation de liberté et s'en prévaloir dorénavant dans ses nouvelles déterminations relatives à l'existence d'un risque de collusion";
- dans son premier complément, il fait valoir "l'hostilité" de la procureure qui avait omis de lui remettre la copie de l'intégralité du dossier et refusé de lui octroyer un délai pour déposer ses réquisitions de preuves;
- dans le second, intitulé "nouvelles occurrences", il persiste dans ses griefs, s'en prend à l'ordonnance de refus d'administration des preuves du 19 décembre 2024 et considère que certaines infractions ont été retenues à tort dans l'acte d'accusation.
Considérant, en droit que :
- la Chambre pénale de recours de la Cour de justice (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ), siégeant dans la composition de trois juges (art. 127 LOJ), est l'autorité compétente pour statuer sur une requête de récusation visant un magistrat du tribunal de première instance (art. 59 al. 1 let. b CPP);
- le requérant, prévenu dans la procédure pendante (art. 104 al. 1 let. a CPP), dispose de la qualité pour agir (art. 58 al. 1 CPP);
- conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c’est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3; arrêts du Tribunal fédéral 1B_430/2021 du 22 octobre 2021 consid. 2.1 et 1B_601/2011 du 22 décembre 2011 consid. 1.2.1);
- en l'occurrence, la demande, déposée immédiatement après l'envoi, le 12 décembre 2024, du procès-verbal de l'audience du 20 novembre 2024, a été formée à temps;
- le requérant persiste à soutenir que la citée fait preuve de prévention à son égard;
- l'art. 56 let. f CPP a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres a à e de l'art. 56 CPP. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH (ATF 143 IV 69 consid 3.2 p. 74). Cet article concrétise aussi les droits déduits de l'art. 29 al. 1 Cst. garantissant l'équité du procès et assure au justiciable cette protection lorsque d'autres autorités ou organes (cf. art. 12 CPP) que des tribunaux (cf. art. 13 CPP) sont concernés (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2;
127 I 196 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_384/2017 du 10 janvier 2018 consid. 4.1);
- la procédure de récusation n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 148 IV 137 consid. 2.2; 144 I 159 consid. 4.3; 143 IV 69 consid. 3.2; arrêt 1B_25/2022 du 18 mai 2022 consid. 2.2). L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (ATF 136 III 605 consid. 3.2.1; arrêt 7B_189/2023 du 16 octobre 2023 consid. 2.2 et les arrêts cités);
- des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que la personne en cause est prévenue ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2). Il en résulte aussi que l'autorité saisie d'une requête de récusation n'a pas à examiner les griefs soulevés au fond contre ces prononcés (arrêt du Tribunal fédéral 1B_163/2022 du 27 février 2023 consid. 3.3);
- les griefs du requérant en lien avec le retard de l’audience du 20 novembre 2024 et sa tenue en son absence en raison du départ intempestif de son conseil, ont déjà été traités par la Chambre de céans (ACPR/918/2024 du 6 décembre 2024) de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y revenir, étant souligné que d'éventuelles omissions ou erreurs dans le procès-verbal ne sauraient constituer une violation particulièrement lourde ou répétée des devoirs de la citée et fonder une apparence de partialité;
- il a également déjà été statué que la restriction alléguée de l'accès au dossier pouvait, s'il y avait lieu, être frappée d'un recours;
- le choix des questions posées à une partie plaignante – en l'occurrence non assistée d'un conseil – fait partie des prérogatives du magistrat instructeur et il n'y a ici pas d'indice dans les termes utilisés et dans la manière dont l'audition a été menée que la citée aurait voulu favoriser la plaignante, étant souligné que le prévenu ne saurait, par le biais de la récusation, contester la teneur du procès-verbal établi à cette occasion;
- ni le refus de donner suite aux réquisitions de preuves [lesquelles peuvent être réitérées à l'ouverture des débats] ni celui d'accorder une prolongation de délai, ne font redouter une apparence de prévention de la citée, étant souligné que si la magistrate doit certes instruire à charge et à décharge (art. 6 al. 2 CPP), le fait qu'elle ne partage pas l'avis du prévenu sur la portée des preuves et ait une lecture divergente du dossier ne la rend pas partiale;
- enfin, le requérant ne saurait inférer de son maintien en détention avant jugement un signe de prévention de la citée, le TMC et la Chambre de céans ayant statué par décisions séparées, cette dernière sur le recours formé contre sa mise en détention pour des motifs de sûreté (ACPR/82/2025);
- la demande doit donc être rejetée;
- au vu de cette issue, il n'y avait pas à demander à la citée de prendre position avant de statuer (arrêts du Tribunal fédéral 7B_1/2024 du 28 février 2024 consid. 5.2; 1B_196/2023 du 27 avril 2023 consid. 4 et les références);
- le requérant, qui succombe, sera condamné aux frais de la procédure (art. 59 al. 4 CPP), fixés en totalité à CHF 900.-, y compris un émolument de décision.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette la requête de récusation.
Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au requérant (soi pour lui son défenseur) et à C______.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
PS/102/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- demande de récusation (let. b) | CHF | 815.00 |
Total | CHF | 900.00 |