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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7560/2021

ACPR/34/2025 du 14.01.2025 sur OCL/1358/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;DIFFAMATION;CALOMNIE;DÉNONCIATION CALOMNIEUSE;PRESCRIPTION
Normes : CPP.319; CP.173; CP.174; CP.303; CP.178

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7560/2021 ACPR/34/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 14 janvier 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Alec REYMOND, avocat, @lex Avocats, rue de Contamines 6, 1206 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 26 septembre 2024 par le Ministère public,

 

et

B______, représenté par Me Philippe Vladimir BOSS, avocat, MLL LEGAL, avenue des Toises 12, case postale 140, 1001 Lausanne,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 10 octobre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 septembre précédent, notifiée le 30 suivant, par laquelle le Ministère public a classé la procédure à l'égard de B______.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'200.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. La procédure s'inscrit dans le contexte d'un litige prud'homal (C/1______/2020), dont il ressort les éléments suivants:

- l’avocat genevois A______ exerce, parallèlement à son activité au barreau, des fonctions dirigeantes (membre du conseil d’administration/directeur) au sein des sociétés et succursale suivantes, toutes sises à Genève : C______ SA (ci-après : C______), D______ SA (ci-après : D______), E______ SA et F______. LTD;

- le ______ 2020, la première de ces entités a été sanctionnée par l’administration états-unienne pour ses activités de négoce de ______ avec le Venezuela. Le 12 mars suivant, la seconde fit, à son tour, l’objet d’une sanction, au motif qu’elle aurait permis à C______ de contourner les pénalités qui lui étaient imposées;

- B______ avait été engagé le 2 septembre 2019 par G______ SA – société active, semble-t-il, dans la location de services – pour travailler en faveur de C______;

- cette dernière entité ayant décidé, après avoir été sanctionnée par les autorités américaines, de mettre un terme à son activité, elle a procédé au licenciement de l’ensemble de ses collaborateurs, y compris ceux embauchés par G______ SA. À cet effet, elle a élaboré un plan social, auquel B______ a refusé de souscrire;

- le contrat de travail de ce dernier s’est terminé le 31 août 2020;

- dans le courant du deuxième semestre 2020, B______ a ouvert action contre C______, G______ SA et H______ SA – société genevoise dont il soutient qu’elle aurait repris l’activité de C______ – devant le Tribunal des prud’hommes;

- dans la procédure prud’homale, les sociétés défenderesses sont représentées par A______, qui intervient en qualité d’administrateur, pour C______, et d’avocat, pour G______ SA et H______ SA.

b. Le 15 décembre 2020, B______ a dénoncé A______ à la Commission du barreau, requérant l’ouverture d’une procédure disciplinaire contre lui.

Dite dénonciation comporte, entre autres, les passages suivants :

1) Trois des sociétés dirigées par A______ faisaient l’objet de sanctions américaines en raison de leur rôle dans le commerce illégal de ______ avec le Venezuela (C______, D______ et E______ SA). Une autre avait "été dénoncée par [l'association] I______ pour corruption au Nigéria" (F______. LTD). Le "cabinet" du prénommé était "une imposture pour aider ces sociétés à opérer de manière douteuse à Genève".

2) A______ avait "utilisé son [étude] pour faciliter le transfert d’argent de C______ vers une entreprise de paille[,] G______ SA[,] afin d’éviter les difficultés de mise en conformité imposées par les sanctions américaines sur tout paiement effectué vers ou depuis une entité sanctionnée". Ainsi, le prénommé "facturait C______ qui lui versait [de] l’argent, G______ facturait M. A______ [lequel] payait [ensuite] G______ pour qu’ils paient […] les salaires des employés […] de G______ [sic]".

3) A______ "s’[était] fait une spécialité de représenter des sociétés commerciales de juridictions reconnues pour leur corruption".

4) Le prénommé avait enfreint, à plusieurs reprises, la LLCA et la LPAv, dès lors qu’il avait été "à la fois [dirigeant] de […] C______ et [D______], avocat de […] C______, avocat de G______ SA et avocat de H______ SA, représentant un conflit d’intérêts manifeste [sic]".

5) A______ avait, en sa qualité d’administrateur de C______, "orchestré le licenciement collectif abusif" des personnes qu’employait (in)directement cette société, démarche qui était "clairement contraire aux exigences du droit suisse".

6) Le prénommé avait, toujours en cette même qualité, participé "à [un] harcèlement moral" à son endroit;

7) Il n’était "pas possible de passer en revue les activités de ce monsieur [i.e. A______] sans en conclure que ses objectifs [n’étaient] pas l’application de la loi et la défense des valeurs du barreau de Genève, mais la rémunération de lui-même par ses clients, les services qu’il leur fourni[ssai]t et par son emploi chez ses clients [sic]".

c. Invité par lettre de la Commission du barreau du 13 janvier 2021 à se prononcer sur cette dénonciation, A______ l’a qualifiée de "ramassis d’élucubrations fallacieuses et non prouvées".

d. Par décision du 26 janvier 2021, l’autorité précitée a classé ladite dénonciation, considérant que les éléments rapportés ne permettaient pas de retenir un manquement aux règles professionnelles justifiant une procédure sous l’angle disciplinaire.

B______ n'a pas contesté cette décision.

e. Toutefois, par lettre du 16 février 2021 à la Commission du Barreau, B______ a exprimé son souhait de voir au printemps un "procès public contre M. A______ […]".

La suite de son texte comportait le passage suivant:

"En supposant que nous ayons gain de cause, je peux décider d'un plan d'action contre M. A______ sur la base de l'art. 12 let. a de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000. Cette fois-ci avec le soutien de la Chambre des prud'hommes. Il est aussi évident qu'un procès contre une entreprise d'État russe et ses activités à Genève sera très intéressant pour la presse suisse et internationale".

f. Le 8 avril 2021, A______ a déposé plainte pénale contre B______ des chefs d’infractions aux art. 174, subsidiairement 173, 22 cum 181 et 303 CP.

En substance, il y exposait que les passages de la dénonciation relatés au chiffres 1) à 7) du consid. B.b supra étaient attentatoires à son honneur. De plus, en saisissant la Commission du barreau, le mis en cause avait tenté de l’intimider, cherchant à le contraindre à cesser d’occuper dans la procédure prud’homale ou, du moins, à influencer le sort de celle-ci. Enfin, la plupart des comportements que lui prêtait B______ relevaient du droit pénal; la Commission du barreau étant tenue de dénoncer toute infraction dont elle avait connaissance dans l’exercice de ses fonctions, B______ avait enfreint l’art. 303 CP.

g. À réception, le même jour, de la plainte, le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière.

h. Par arrêt du 18 août 2021 (ACPR/549/2021), la Chambre de céans a annulé cette ordonnance.

La dénonciation de B______ adressée à la Commission du barreau suggérait, pour les points 1 à 3, que A______ favorisait, en qualité d'avocat, des activités illicites et y contribuait. Ces assertions, susceptibles de faire apparaître l'intéressé comme une personne adoptant/ayant adopté un comportement malhonnête, voire délictueux, pouvaient a priori être diffamatoires. Le Ministère public ne pouvait dès lors pas considérer, sous l'angle du principe "in dubio pro duriore", que l'ouverture d'une instruction n'avait pas lieu d'être pour les propos relatés aux chiffres 1 à 3. Le fait que les allégués avaient été adressés à un cercle restreint de destinataires, de surcroît avertis, était impropre à rendre licite le comportement incriminé; tout au plus ce fait pouvait être pris en considération pour une non-entrée en matière fondée sur l'art. 52 CP, motif distinct de celui retenu.

i. Entendu par la police le 8 octobre 2021, B______ a expliqué avoir découvert le "rôle inhabituel" joué par A______ dans l'activité des sociétés C______, G______ SA et H______ SA dans le cadre de la procédure prud'homale. En résumé, le précité occupait plusieurs postes qui entraient en conflit, à savoir administrateur, avocat et employé; il favorisait également des transferts d'argent avec comme objectif de conserver ces flux aussi éloignés que possible de C______, en raison des sanctions dont cette société faisait l'objet. Le harcèlement moral à son encontre avait commencé après son refus du plan social proposé avec le licenciement collectif. Il n'avait jamais accusé A______ d'être un spécialiste dans la représentation de sociétés corrompues. Il n'avait pas non plus l'intention de le forcer à cesser d'occuper. Il était mû par deux motivations: d'abord, car un petit nombre de personnes portait atteinte à la réputation du domaine du négoce dans lequel il avait travaillé durant 25 ans et, ensuite, car il souhaitait "vivre dans un pays qui défend les valeurs et le droit et où ceux qui sont sensés le faire, le font avec honneur". Hormis la Commission du barreau, il n'avait saisi aucune autre entité.

j. Le 16 mai 2022, le Ministère public a ouvert une instruction contre B______, étendue le 22 juin 2023, pour "propos mensongers et attentatoires à l'honneur" de A______ et pour tentative de contrainte.

k. Lors des audiences de confrontation des 15 septembre 2022 et 6 octobre 2023 par-devant le Ministère public, B______ a maintenu les termes de sa dénonciation à la Commission du barreau et ses déclarations à la police. Il a ajouté que, devant les juridictions prud'homales, A______ était tant partie, avocat que témoin et avait désigné sa propre Étude pour le représenter, ce qui était contraire "à la loi sur les avocats" et, plus particulièrement, à l'interdiction de tout conflit d'intérêts. Le précité, en qualité d'administrateur et d'avocat, avait conseillé C______ pour un licenciement collectif exécuté en violation du Code des obligations. A______ avait encore effectué du harcèlement moral à son encontre, lui occasionnant une détresse psychologique. Il n'avait jamais tenté de contraindre le prénommé. Sa lettre du 16 février 2021 visait seulement à démontrer qu'il se réservait le droit "de prendre les actions appropriées".

A______ a contesté les allégations de B______. Le licenciement collectif, supervisé par l'Office cantonal de l'emploi et proposant un plan social "généreux", avait été accepté par tous les employés, à l'exception du prénommé. Avant la procédure prud'homale, il n'avait jamais parlé avec ce dernier et il ne s'expliquait pas ce "déchainement" contre sa personne.

l. Par lettre du 25 juillet 2024, A______ s'est opposé à l'avis de prochaine clôture du Ministère public, l'informant du classement de la procédure à venir.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que la dénonciation du 15 décembre 2020 à la Commission du barreau, soit à un tiers au sens des art. 173 ss CP, contenait des assertions, sous chiffres 1 à 3 et dans leur ensemble, de nature à jeter sur A______ le soupçon d'une conduite contraire à l'honneur. Le cercle restreint – et averti – des destinataires ne supprimait par le caractère illicite du qualificatif. Cependant, ces propos, poursuivant le but de dénoncer des agissements de A______ en sa qualité d'homme de loi, avaient exclusivement été portés à la connaissance de l'autorité compétente en la matière. Dans ce contexte, il devait être fait application de l'art. 52 CP. S'agissant des propos relatés sous chiffres 4 à 7, B______ les avait tenus afin d'expliquer et soutenir sa position devant la Commission du barreau. Ils étaient donc en lien avec ses griefs contre A______ et ne remplissaient ainsi pas les conditions d'une infraction contre l'honneur.

L'envoi de la dénonciation du 15 décembre 2020 et de la lettre du 16 février 2021 à la Commission du barreau ne constituait pas un moyen de pression abusif, si bien qu'une tentative de contrainte ne pouvait pas être retenue.

Enfin, rien au dossier ne permettait de retenir que B______ savait A______ innocent des faits dont il l'accusait et aurait agi, malgré cela, en vue de faire ouvrir une procédure disciplinaire contre lui. Les éléments constitutifs de l'infraction de dénonciation calomnieuse n'étaient pas non plus réunis.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que les propos contenus dans la dénonciation du 15 décembre 2020 aux chiffres 1 à 3, attentatoires à son honneur, ne pouvaient se voir appliquer l'art. 52 CP. En choisissant de tenir ces propos à la Commission du barreau, soit l'organe chargé de la surveillance des avocats, B______ avait agi dans le but de nuire à sa réputation. Ladite Commission étant composée d'une dizaine d'avocats, mais également de magistrats et de membres choisis en dehors de la profession, cela rendait d'autant plus dommageable l'atteinte à son honneur. La "culpabilité" de B______ ne pouvait pas non plus être considérée de peu d'importance, ce dernier n'ayant pas agi par "simple chicanerie" et s'étant même adressé à la presse pour faire part de ses fausses accusations. Dans le cadre de la procédure prud'homale, de nombreuses affirmations de B______ avaient été contredites, démontrant la nature "fallacieuse" de ses propos.

Les chiffres 4 à 7 de la dénonciation devaient également être considérés comme attentatoires à son honneur. B______ ne s'était pas restreint à propager ces allégations devant la Commission du barreau, mais les avait aussi proférées par-devant le Ministère public et le Tribunal des prud'hommes. Pour ces points aussi, il avait été établi que les accusations du prénommé étaient infondées et, malgré cela, B______ avait persisté dans ses allégations.

Le Ministère public avait "très vaguement" traité de la dénonciation calomnieuse. C'était faire fi du fait que B______ n'avait renoncé à persister dans sa dénonciation à la Commission du barreau qu'après avoir été informé du classement de sa plainte pénale, signe qu'il le savait innocent. De plus, ladite Commission étant soumise à l'obligation de dénoncer toute infraction, elle entrait dans le champ des autorités comprises par l'art. 303 CP.

Enfin, la démarche "audacieuse" de B______ visait à l'intimider dans le cadre de la procédure civile, comme le démontrait le contenu du courrier du précité du 16 février 2021, et, en particulier, son allusion à la presse suisse et internationale.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant conteste le classement de sa plainte.

2.1. En vertu de l'art. 319 al. 1 let. b CPP, la cause doit être classée quand les éléments constitutifs d’une infraction ne sont pas réalisés.

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1). Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2).

2.2.1 Le ministère public ordonne également le classement de la procédure lorsqu’il est établi que certaines conditions à l’ouverture de l’action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (art. 319 al. 1 let. d CPP).

Tel est le cas lorsque l'action pénale est prescrite (L. MOREILLON/ A. PAREIN-REYMOND, Code de procédure pénale - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2016, n. 17 ad art. 319; ACPR/742/2023 du 25 septembre 2023 consid. 4.2), soit quatre ans pour les délits contre l'honneur (art. 178 al. 1 CP).

2.2.2. Le délai de prescription court dès la commission de l'acte répréhensible (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 2 ad art. 178).

Les infractions contre l'honneur ne constituent pas des délits de durée. Dans l'hypothèse d'infractions contre l'honneur répétées visant une même personne, il n'y a pas d'unité s'agissant de la prescription, laquelle court pour chacun des actes dès le jour de sa commission. Il serait uniquement possible d'imaginer une unité naturelle lorsque l'auteur commet des atteintes à l'honneur semblables ou similaires dans le même contexte, respectivement dans un intervalle de temps (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 3 ad art. 178).

2.3. L'art. 303 ch. 1 CP réprime notamment du chef de dénonciation calomnieuse quiconque aura dénoncé à l'autorité, comme auteur d'un crime ou d'un délit, une personne qu'il savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale.

2.3.1. Sur le plan objectif, la dénonciation doit être transmise à une autorité compétente. Il n'est pas nécessaire que cette dernière soit compétente pour la poursuite de l'infraction. Il suffit qu'il soit de son devoir de transmettre la dénonciation à l'autorité compétente (M. DUPUIS/ L. MOREILLON/ C. PIGUET/ S. BERGER/ M. MAZOU/ V. RODIGARI (éds), Petit commentaire du CP, 2ème éd., Bâle 2017, n. 12 ad art. 303).

2.3.2. Est "innocent" celui qui a été libéré par un jugement d'acquittement ou par le prononcé d'un classement. Le juge de la dénonciation calomnieuse est, sauf faits ou moyens de preuve nouveaux, lié par une telle décision (ATF 136 IV 170 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_483/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1.1.1).

2.3.3. Sur le plan subjectif, seul l'auteur qui agit dans un dessein particulier – à savoir "en vue de faire ouvrir […] une poursuite pénale" – peut se rendre coupable de dénonciation calomnieuse (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 17 ad art. 303).

2.4. Se rend coupable de contrainte, au sens de l'art. 181 CP, quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

2.4.1. La menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 consid. 2b; 106 IV 125 consid. 2a) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 consid. 2a). La loi exige un dommage sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient présenté comme dépendant de la volonté de l'auteur soit propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d'action. La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, en se plaçant du point de vue d'une personne de sensibilité moyenne (ATF 122 IV 322 consid. 1a; 120 IV 17 consid. 2a/aa). Il peut également y avoir contrainte lorsque l'auteur entrave sa victime "de quelque autre manière" dans sa liberté d'action. Cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive. N'importe quelle pression de peu d'importance ne suffit pas. Il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action. Il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1; 137 IV 326 consid. 3.3.1).

2.4.2. La contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite, soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux mœurs (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1; 137 IV 326 consid. 3.3.1; 134 IV 216 consid. 4.1).

2.5. En l'espèce, point n'est besoin d'examiner la dénonciation du 15 décembre 2020 – et son contenu – sous l'angle de la diffamation ou de la calomnie. En effet, le délai de prescription de quatre ans est aujourd'hui échu, de sorte qu'il existe un empêchement de procéder conduisant au classement de ces infractions. L'ordonnance querellée peut donc être confirmée sur ce point, par substitution de motif.

2.6. S'agissant de la dénonciation calomnieuse, le prévenu a adressé sa dénonciation du 15 décembre 2020 à la Commission du barreau. À teneur de ses explications, il visait, en substance, à souligner le "rôle inhabituel" occupé par le recourant dans le cadre du litige prud'homal et le conflit d'intérêts qui en découlait, lequel était selon lui contraire à la LLCA. Certes, il accusait aussi le recourant d'autres comportements problématiques, comme une participation à un licenciement abusif ou, encore, la favorisation, voire sa contribution, en qualité d'avocat, à des activités illicites.

Cela étant, aucun élément objectif ne permet de conclure que ladite dénonciation – nonobstant son contenu – aurait eu pour vocation d'aboutir à l'ouverture d'une procédure pénale, ce qui n'a d'ailleurs pas été le cas. Estimant que les agissements du recourant étaient contraires à la LLCA, c'est dans ce but que le prévenu a saisi l'organe compétent pour la surveillance des avocats.

On ne saurait ainsi reprocher au prévenu d'avoir délibérément cherché à faire ouvrir une poursuite pénale contre le recourant, dès lors qu'il a justement adressé sa dénonciation à la Commission du barreau exclusivement et qu'il n'a pas contesté la décision de celle-ci du 26 janvier 2021.

Les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de la dénonciation calomnieuse ne sont ainsi pas réunis.

2.7. Reste encore à examiner l'infraction de tentative de contrainte dénoncée.

À ce propos, il est patent que la saisine de la Commission du barreau n'est pas, en soi, un moyen illicite.

En outre, ni la dénonciation du 15 décembre 2020, ni le courrier du 16 février 2021 ne contiennent une menace d'une intensité suffisante pour remplir les conditions de la contrainte. S'il est fait allusion, dans ce deuxième courrier, à une éventuelle implication de la presse nationale et internationale, les contours de l'évocation restent trop imprécis pour viser le recourant directement et, surtout, constituer l'annonce d'un dommage sérieux.

Enfin, le prévenu a contesté avoir agi dans le but d'obliger le recourant à cesser d'occuper ou pour un quelconque avantage civil, et aucun élément objectif n'établit le contraire.

Compte tenu de ce qui précède, les éléments constitutifs de la contrainte ne sont donc pas réunis.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée, le cas échéant par substitution de motif (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1335/2015 du 23 septembre 2016 consid. 2.3). Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et à B______, soit pour eux leurs conseils respectifs, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/7560/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'105.00

Total

CHF

1'200.00