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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/20359/2021

ACPR/23/2025 du 09.01.2025 sur OTMC/3930/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : RISQUE DE RÉCIDIVE;RISQUE DE COLLUSION
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20359/2021 ACPR/23/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 9 janvier 2025

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Mes Yaël HAYAT et Alexa LANDERT, avocates, HAYAT & MEIER, place du Bourg-de-Four 24, case postale 3504, 1211 Genève 3,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de mise en liberté rendue le 17 décembre 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 23 décembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 17 précédent, notifiée le surlendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a refusé sa mise en liberté.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision et à sa mise en liberté immédiate sous les mesures de substitution qu'il énumère.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, médecin dermatologue, a été arrêté provisoirement le 21 octobre 2021. Sa détention provisoire, ordonnée par le TMC le 24 octobre 2021, a été régulièrement prolongée depuis lors, la dernière fois jusqu'au 22 janvier 2025.

Par ordonnances des 21 septembre 2023 et 22 avril 2024, le TMC a également refusé sa mise en liberté provisoire.

b.a. Le précité est prévenu de meurtre (art. 111 CP) avec la circonstance aggravante de l'assassinat (art. 112 CP), de dommages à la propriété (art. 144 CP) et d'infractions à l'art. 33 LArm, ainsi qu'aux art. 19 et 19a LStup, pour avoir, à Genève :

- dans la nuit du 20 au 21 octobre 2021, au domicile conjugal sis chemin 1______ no. ______ à C______ [GE], tué par balles son épouse D______, puis avoir demandé de l'aide pour se débarrasser du cadavre,

- le 21 octobre 2021, endommagé la vitre du véhicule de police 4______, en lui donnant des coups de tête, étant précisé que plainte pénale a été déposée contre lui le 22 octobre 2021,

- à des dates indéterminées, acquis plusieurs armes et munitions sans disposer des autorisations nécessaires et les avoir détenues, en particulier à son domicile, jusqu'au 21 octobre 2021, date de son interpellation,

- détenu, depuis une date indéterminée en 2021, pour sa consommation personnelle et aux fins de la remettre à des tiers, notamment à son épouse D______, une quantité minimale de 782.4 grammes bruts de cocaïne,

- depuis une date indéterminée, régulièrement consommé des stupéfiants, notamment de la cocaïne.

b.b. Il est également prévenu de contrainte sexuelle (art. 189 CP), d'abus de la détresse (art. 193 CP), d'injure (art. 177 CP), d'exhibitionnisme (art. 194 CP) et de désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (art. 198 CP), pour :

- avoir le 16 août 2021, indiqué à E______, employée de maison du couple A______/D______, qu'il voulait avoir une relation sexuelle avec elle, mimant à cette occasion l'acte sexuel en étant totalement nu, et l'avoir injuriée,

- s'être masturbé nu devant elle les 23 et 24 août 2021,

- le 25 août 2021, l'avoir injuriée, puis avoir couru nu derrière elle en lui disant qu'il voulait "du sexe" et en essayant de l'attraper, puis en lui criant de se mettre à genoux, avant de tenter de la frapper,

étant précisé que la prénommée a déposé plainte pénale pour ces faits le 22 octobre 2021 (P/20582/2021). Dite procédure sera jointe à la présente procédure par ordonnance du 13 septembre 2024, confirmée par arrêt de la Chambre de céans du 28 octobre 2024 (ACPR/780/2024).

À la suite de la plainte pénale de E______, le prévenu a déposé plainte pénale contre elle pour dénonciation calomnieuse, d'une part (P/2______/2024), et faux témoignage, d'autre part (P/3______/2024). Dites procédures ont été suspendues par ordonnances du Ministère public des 26 août et 13 septembre 2024.

c. Le prévenu a reconnu avoir fait feu à quatre reprises sur son épouse au moyen d'un revolver de calibre 357 Magnum, contestant cependant lui avoir intentionnellement donné la mort, affirmant avoir agi dans un délire mystique aggravé par la prise massive de cocaïne sous la forme de crack.

d. À teneur du rapport de police du 22 novembre 2023 (pce 41'564 ss), il ressortait de nombreux messages émanant de D______ qu'elle était persuadée que son mari essayait de lui nuire, de l'empoisonner, voire de la tuer ou de la faire tuer. Il lui faisait en outre subir des violences psychologiques.

e. Entendue comme témoin par le Ministère public le 5 décembre 2023, E______ a relaté les confidences que lui avait faites la victime, à savoir notamment que son mari ne l'aimait pas et voulait la tuer. D______ s'était également plainte que son mari la frappait. Elle avait elle-même constaté non seulement que l'intéressé parlait mal à son épouse mais encore des traces de violences physiques sur cette dernière.

f. En date du 5 avril 2024, F______, gardien à la prison de B______, a établi un rapport d'incident duquel il ressort que lors d'un parloir du même jour, le prévenu avait tenu à sa mère et son frère les propos suivants en lien avec l'experte en charge de l'expertise psychiatrique, la Dre G______ : "Je suis tombé sur une moche, connasse, psychorigide, lesbienne féministe dégueulasse, une pute enculée par son père. Je serre les poings sous la table mais je vais exploser et je devrais la planter devant le procureur. Les femmes sont toutes des salopes, je ne peux plus les voir. La psy, j'ai envie de la frapper comme ma femme. Etre médecin, ce n'est pas une profession pour une femme".

Ensuite de quoi le prévenu a déposé plainte pénale contre le précité, notamment pour calomnie et diffamation.

g. À teneur de l'expertise psychiatrique du 7 octobre 2024, le prévenu présentait, au moment des faits de meurtre, un trouble de la personnalité de sévérité modérée, une dépendance à la cocaïne, un trouble psychotique provoqué par la cocaïne et une possible intoxication à cette substance. Il présentait actuellement un trouble de la personnalité de sévérité modérée et une dépendance à la cocaïne sevrée en milieu protégé. Selon les experts, il existait un risque moyen de récidive de violences physique et sexuelle ainsi qu'un risque élevé de récidive de violences conjugales. Un risque moyen de rechute dans la consommation de cocaïne était également relevé. Un traitement psychiatrique, psychothérapeutique et addictologique ambulatoire était recommandé. Il était à craindre que la prise en charge du trouble de la personnalité soit difficile et que le prévenu présentât des rechutes dans les consommations, de sorte que plusieurs années de prise en charge seraient nécessaires. Concernant les faits de meurtre, l'intéressé présentait une altération partielle de sa responsabilité qui pouvait varier de légèrement à fortement restreinte. L'intéressé ayant donné plusieurs versions différentes des faits de meurtre, il ne leur appartenait pas de déterminer quelle version était à privilégier.

h. Les experts ont été auditionnés le 29 novembre 2024. Ils ont confirmé la teneur de leur rapport.

La suite de leur audition a été fixée au 10 janvier 2025.

i. À l'audience du 17 décembre 2024 devant le TMC, le prévenu a déclaré n'avoir pas l'intention de fuir mais d'assumer ses actes. Ses attaches étaient à Genève et à sa libération, il irait vivre chez sa mère. Il renonçait à son droit de pratique à Genève et voulait entreprendre une formation en informatique à H______ [VD]. Tous les témoins avaient été entendus de sorte que le risque de collusion avait disparu. Le risque de réitération était conditionné au fait qu'il se remette à boire ou à se droguer. Or, il préférait mourir plutôt que de faire cela. Il ne touchait plus à la drogue depuis plus de deux ans malgré de nombreuses tentations en prison. Il entendait enfin poursuivre son traitement psychiatrique à sa sortie.

C.            Dans son ordonnance querellée, le TMC constate que les faits reprochés, s'agissant de la mort de D______, étaient d'une extrême gravité et les charges largement suffisantes.

Il existait un risque de fuite nonobstant la nationalité suisse du prévenu, qui pouvait cependant être pallié par la caution de CHF 3,5 millions proposée, à laquelle venaient s'adjoindre les autres mesures de substitution proposées (dépôt de ses pièces de légitimation, interdiction de quitter le territoire suisse, assignation à résidence chez sa mère avec port d'un bracelet électronique, présentation une fois par semaine à un poste de police, obligation de déférer à toute convocation de justice ou de police et obligation d'annonce d'évolution de sa situation financière).

Le risque de collusion perdurait de façon concrète, en particulier à l'égard des parties plaignantes, étant relevé l'importance pour le prévenu des témoignages qui contextualisaient sa vie et en définitive son geste mortel et les autres éléments de la prévention.

L'intérêt du prévenu à obtenir des témoignages favorables était ainsi capital, fondant un risque concret de collusion jusque par-devant l'autorité de jugement, comme cela avait du reste déjà été constaté dans la précédente ordonnance de prolongation de la détention du 18 octobre 2024, que le prévenu n'avait pas contestée. Si le risque de collusion avait certes diminué à la suite de l'audition des témoins, il n'était pas annihilé. Il importait que l'autorité de jugement puisse disposer de déclarations non influencées par le prévenu, vu les enjeux pour lui. Il ressortait par ailleurs du rapport de police du 22 novembre 2023 (pce 41'564) une capacité de manipulation du prévenu, quand bien même il fallait prendre les messages de la victime avec précaution. L'engagement du prévenu de ne pas contacter les personnes mêlées à la procédure était insuffisant.

Il existait un risque de réitération concernant des actes de violences graves. L'enquête avait permis d'établir que le prévenu vivait entouré d'un imposant arsenal, de nombreuses armes ayant été découvertes chez lui, sur son lieu de travail et, plus récemment, dans une cave qu'il louait. Au cours des semaines ayant précédé la mort de son épouse, le prévenu consommait une grande quantité de cocaïne sous forme de crack et était régulièrement en proie à des délires et à des hallucinations, ce qui ne l'avait pas retenu de continuer à consommer massivement de la drogue ni empêché de travailler de façon efficace (son fonctionnement avec ses patients et son personnel était bon), selon les experts. Si le prévenu était actuellement abstinent, c'était en raison de son incarcération. La perquisition de ses locaux professionnels avait permis la découverte de près de 800 grammes de cocaïne, ce qui tendait à démontrer qu'il disposait d'un accès à des quantités de stupéfiants qui n'étaient pas celles d'un consommateur usuel (rapport de la brigade criminelle du 16 mai 2023). Il avait recours à plusieurs dealers dont un dénommé I______, qu'il rencontrait régulièrement. Il avait admis avoir acquis quelque 4 kg de cocaïne au cours des années 2020 et 2021 pour un montant de près de CHF 200'000.-, drogue destinée tant à son épouse qu'à lui-même. Le risque qu'il consomme à nouveau était ainsi objectivement important, avec la conséquence d'un risque de récidive important s'agissant d'actes de violence, y compris mortifère, commis sous l'emprise de la drogue et des hallucinations qu'elle générait. Les propos tenus par le prévenu, relatés par un gardien dans son rapport d'incident du 5 avril 2024, étaient inquiétants et montraient que l'intéressé n'avait pas besoin d'être sous l'emprise de stupéfiants pour évoquer un geste agressif. Il ressortait du rapport d'expertise du 7 octobre 2024 – déjà été rendu au moment du prononcé de la dernière ordonnance de prolongation du 18 octobre 2024, laquelle retenait un risque de réitération important – que le prévenu présentait un risque de récidive violent élevé dans le cadre domestique et modéré en dehors. Des rechutes dans les consommations de stupéfiants étaient en outre à craindre selon les experts, quand bien même l'intéressé affirmait renoncer à toute consommation. Il était prématuré de considérer que des soins ambulatoires seraient susceptibles de pallier ce risque.

Les experts ne se prononçaient pas sur la diminution de responsabilité, laquelle dépendrait de la version des faits qui serait retenue par l'autorité de jugement, de sorte que contrairement à ce qu'affirmait le recourant – qui voyait dans son maintien en détention une violation du principe de la proportionnalité –, c'était aussi bien une responsabilité faiblement restreinte qui pourrait être finalement admise. Dans tous les cas, un homicide susceptible d'être qualifié d'assassinat, en concours, entre autres, avec une violation grave de la LStup, était susceptible d'aboutir au prononcé d'une longue peine privative de liberté, compatible, même en cas d'atténuation en lien avec la responsabilité, à la détention provisoire subie, ainsi qu'avec la détention encore à subir jusqu'à la tenue du procès.

D.           a. À l'appui de son recours, A______ conteste le risque de collusion. Le premier juge ne démontrait pas en quoi il existait un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité. Les parties plaignantes avaient été entendues et il n'avait plus aucun contact ni avec ses enfants ni avec ses beaux-parents. Aucun autre témoin ne devait être entendu. Les faits étant en substance admis, seul son état mental serait au cœur des débats et d'aucune façon, les conclusions des experts ne pourraient être manipulées. Que la police ait constaté chez lui une "capacité de manipulation" dans son rapport du 22 novembre 2023 ne suffisait pas à retenir un risque de collusion jusqu'à l'audience de jugement. Celui-ci pouvait au demeurant être pallié par l'interdiction de prendre contact avec les parties plaignantes et toute autre personne que la Chambre de céans jugerait encore utile d'être entendue.

Il conteste ensuite le risque de réitération. Sa consommation de stupéfiants était exclusivement rattachée au couple qu'il formait avec son épouse et à la dépendance de cette dernière aux toxiques. Il avait pu arrêter sa consommation de cocaïne en détention et selon les experts, les symptômes psychotiques avec des idées délirantes associés à l'augmentation de sa consommation de crack avant la survenance des faits s'étaient rapidement amendés après ceux-ci, ce qui excluait une psychose chronique chez lui. Or, le premier juge avait fait fi de ces constats, en se fondant sur un contexte qui n'était plus. Quant à l'incident du 5 avril 2024, aucune suite n'y avait été donnée par le Ministère public, ce qui signifiait que celui-ci n'avait jamais donné de portée aux mots qu'il aurait prétendument prononcés au parloir. L'appréciation qu'en tirait le premier juge ("il n'a pas besoin d'être sous l'emprise de stupéfiants pour adopter une posture agressive et évoquer un geste agressif") était dès lors sans fondement. Les experts retenaient qu'un "traitement psychiatrique, psychothérapeutique et addictologique ambulatoire" était recommandé. Or, le premier juge n'avait rien dit sur les mesures de substitution proposées à cet égard, qui "répond[aient] pourtant et strictement aux constatations expertales" et étaient susceptibles d'atteindre le but de la détention, ce d'autant qu'au vu de sa responsabilité qui serait restreinte, le principe d'une réduction de peine était acquis. Ce risque pouvait être pallié principalement par : la mise en œuvre d'un traitement psychiatrique, psychothérapeutique et addictologique ambulatoire au CAAP J______; l'interdiction de consommer de l'alcool et des stupéfiants ainsi que l'obligation de se soumettre à des contrôles réguliers et inopinés d'abstinence; l'obligation de résider au domicile de sa mère à Genève; et l'interdiction d'acquérir/de détenir/de porter une arme.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours. Un risque de collusion concret perdurait à l'égard de E______, F______ et K______, père de la victime, au vu des fortes tensions entre ces personnes (le recourant avait déposé plaintes pénales contre les deux premiers et il avait accusé systématiquement son beau-père durant l'instruction d'avoir abusé sexuellement de sa fille). Les témoignages contextualisant la vie de l'intéressé et son geste mortel étaient essentiels pour l'appréciation de la prévention d'assassinat et l'évaluation de la peine. L'intérêt du recourant à obtenir des témoignages favorables était ainsi capital. L'engagement du recourant de ne pas contacter les personnes mêlées à la procédure était dès lors insuffisant.

Il existait un risque de réitération, compte tenu du rapport d'expertise. Le dossier contredisait les explications du recourant selon lesquelles sa consommation de stupéfiants était liée exclusivement au couple qu'il formait avec son épouse. Près de 800 grammes de cocaïne avaient été saisis. Il était par ailleurs en contact avec plusieurs trafiquants dont I______, qu'il rencontrait régulièrement (pce 41'414 ss). Enfin, il avait estimé avoir acquis environ 4 kg de cocaïne au cours des années 2020 et 2021 pour un montant de près de CHF 200'000.-. Ensuite, si les experts avaient certes retenu que le recourant présentait une dépendance à la cocaïne d'intensité modérée, ils considéraient aussi qu'une rechute était à craindre, plusieurs années de prise en charge étant nécessaires. Le risque que le recourant consomme à nouveau de la drogue en cas de mise en liberté était indéniable, avec la conséquence d'un risque de réitération important s'agissant d'actes de violence, y compris mortifère, sous l'emprise de stupéfiants. Il ressortait de la procédure que l'intéressé avait adopté à plusieurs reprises une posture agressive alors qu'il était incarcéré et abstinent aux stupéfiants. À cet égard, les propos rapportés par le rapport d'incident du 5 avril 2014 étaient inquiétants, quand bien même l'intéressé les contestait. Enfin, le rapport d'expertise mentionnait que le recourant présentait un risque de réitération violent élevé dans le cadre domestique et modéré en dehors de ce contexte, si bien qu'il existait un danger sérieux et imminent qu'il commette un crime grave du même genre. Les mesures de substitution proposées n'étaient pas aptes à le pallier.

À cela s'ajoutait un risque de fuite sérieux, vu la gravité des faits ainsi que la peine menace et la peine concrètement encourue. Le TMC, dans une précédente ordonnance du 22 avril 2024, avait déjà refusé une demande de mise en liberté formée par le prévenu, alors que celui-ci proposait une caution de CHF 3 millions. L'augmentation de CHF 500'000.- proposée ici ne faisait pas la moindre différence. Aucun fait nouveau n'était survenu à cet égard. Les mesures de substitution énumérées ne permettraient que de constater sa fuite après coup et n'étaient dès lors pas suffisantes.

La durée de la détention provisoire subie en l'état demeurait parfaitement proportionnée au vu de la gravité des faits reprochés, même si une responsabilité fortement restreinte devait être finalement retenue.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance.

d. Le recourant réplique et persiste dans son recours. E______ avait été confrontée à lui dans le cadre de sa plainte. Ni le Ministère public ni le TMC n'avaient invoqué un risque de collusion avec elle en qualité de témoin dans la procédure pour homicide. De plus, le Ministère public avait interpellé à plusieurs reprises le témoin sur le faux témoignage, laissant entrevoir qu'il tenait une valeur probante très relative à ses propos. Le Ministère public n'avait non plus jamais jusqu'ici allégué un risque de collusion avec F______ et le TMC ne le retenait pas non plus. Le Ministère public avait choisi de ne pas entendre K______, de sorte qu'il n'était pas soutenable d'invoquer un risque de collusion à son égard. S'agissant du risque de réitération, il avait expressément fait état d'une consommation de stupéfiants commune avec son épouse. Or, le Ministère public, tout comme le TMC, ne se prononçaient pas sur les mesures de substitution proposées. Les faits – contestés – ayant donné lieu au rapport d'incident du 5 avril 2024 n'avaient toujours pas été instruits et, s'ils étaient avérés, ne traduiraient qu'une posture agressive verbale. Les experts ayant intégré cet incident dans leur rapport, les mesures de substitution recommandées par eux devaient être mises en place. Enfin, les observations du Ministère public sur le risque de fuite devaient être ignorées car contournant les voies de droit de l'art. 222 CPP.

 

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ne conteste pas les charges, s'agissant des faits d'homicide, lesquelles apparaissent toujours suffisantes. Il n'y a dès lors pas lieu d'y revenir.

3.             Il conteste le risque de collusion,

3.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

3.2. En l'espèce, si les parties plaignantes et témoins ont été entendus à ce stade aujourd'hui avancé de l'instruction, il doit être admis, à l'instar du premier juge, que l'intérêt du recourant à obtenir des témoignages favorables jusque par-devant l'autorité de jugement est crucial, au vu de l'enjeu de la procédure pour lui sous l'angle de la qualification juridique des faits, d'une part, et de sa responsabilité pénale, d'autre part. Il importe donc que l'autorité de jugement puisse disposer de déclarations non influencées par l'intéressé.

En particulier, un risque de collusion important et concret perdure vis-à-vis de E______.

Il est rappelé à cet égard que la Chambre de céans, en tant qu'autorité de recours, possède un plein pouvoir d'examen en fait et en droit et n'est pas liée par les motifs invoqués par les parties (art. 391 al. 1 let. a CPP) ou la motivation de l'autorité précédente dont elle à connaître des décisions, le seul principe applicable en la matière étant celui de la vérité matérielle objective et de la légalité (art. 7 CPP). Que le TMC, voire le Ministère public, n'aient pas mentionné ou détaillé précisément ce risque en lien avec l'audition de la précitée en qualité de témoin n'est donc aucunement déterminant.

La prénommée, employée domestique du couple, a recueilli les confidences de la victime et constaté elle-même des traces de violence physique sur celle-ci. Il convient d'éviter que le recourant ne l'influence ou exerce des pressions sur elle afin qu'elle modifie ses déclarations en sa faveur, étant précisé qu'il a déposé plainte pénale contre elle pour faux témoignage notamment.

La "capacité de manipulation" du recourant mise en exergue par la police dans son rapport du 22 novembre 2023, que l'intéressé ne semble pas contester, est par ailleurs de nature à amplifier ce risque.

À relever encore que si le Ministère public a certes marqué sa circonspection à l'occasion d'une réponse de ce témoin à une question du conseil du recourant, lors de l'audience du 1er mars 2024 (pce 50'327), rien ne permet de considérer à ce stade les propos de l'intéressée comme peu probants, comme voudrait le faire accroire le recourant, étant précisé que l'appréciation de la crédibilité des déclarations du témoin appartiendra à l'autorité de jugement, comme relevé du reste par la Chambre de céans dans son arrêt du 28 octobre 2024 (cf. consid. B.b.b.).

Le recourant propose, à titre de mesure de substitution, l'interdiction de prendre contact avec les parties plaignantes et toute autre personne que la Chambre de céans jugerait encore utile d'être entendue.

Au vu de ce qui précède, un tel engagement apparaît clairement insuffisant, compte tenu de l'enjeu de la procédure pour l'intéressé.

4.             Le recourant conteste le risque de réitération.

4.1. L'art. 221 al. 1 let. c CPP, relatif au risque de récidive, dans sa nouvelle teneur au 1er janvier 2024 (RO 2023 468), présuppose désormais que l'auteur compromette sérieusement et de manière imminente la sécurité d'autrui en commettant des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre.

Selon la jurisprudence relative à l'art. 221 al. 1 let. c aCPP (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2023 [RO 2010 1881]) – transposable au nouveau droit (ATF 150 IV 149 consid. 3.1 s.) –, trois éléments doivent être réalisés pour admettre le risque de récidive : en premier lieu, le prévenu doit en principe déjà avoir commis des infractions du même genre, et il doit s'agir de crimes ou de délits graves; deuxièmement, la sécurité d'autrui doit être sérieusement compromise; troisièmement, une réitération doit, sur la base d'un pronostic, être sérieusement à craindre
(ATF 146 IV 136 consid. 2.2; 143 IV 9 consid. 2.5).

Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3 et 4).

4.2. Le nouvel art. 221 al. 1bis CPP prévoit pour sa part que la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté peut exceptionnellement être ordonnée si le prévenu est fortement soupçonné d'avoir porté gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui en commettant un crime ou un délit grave et s'il y a un danger sérieux et imminent qu'il commette un crime grave du même genre
(cf. ATF 150 IV 149 susmentionné, consid. 3.2, et arrêt du Tribunal fédéral 7B_1025/2023 du 23 janvier 2024 consid. 3.2).

Comme il est renoncé à toute infraction préalable (seul indice fiable permettant d'établir un pronostic légal), il semble justifié de restreindre les infractions soupçonnées aux crimes et délits graves contre des biens juridiques particulièrement importants (par ex., la vie, l'intégrité physique ou l'intégrité sexuelle). L'exigence supplémentaire de l'atteinte grave a pour objectif de garantir que lors de l'examen de la mise en détention, on prendra en considération non seulement les peines encourues, mais aussi les circonstances de chaque cas. Ces restrictions sont de plus requises en ce qui concerne le risque de crime grave du même genre. En effet, la détention préventive ne paraît justifiée que si le prévenu risque de mettre gravement en danger les biens juridiques des victimes potentielles (comme lorsque le motif de mise en détention est le passage à l'acte). Enfin, ces restrictions ont pour objectif d'exclure que ce motif de mise en détention soit avancé en cas de dommages purement matériels ou de comportements socialement nuisibles (Message du Conseil fédéral du 28 août 2019 [19.048] concernant la modification du Code de procédure pénale – mise en œuvre de la motion 14.3383 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États « Adaptation du code de procédure pénale » –, FF 2019 6351, p. 6395).

4.3. En l'occurrence, à suivre le recourant, il aurait agi, s'agissant de la prévention d'homicide, en proie à des délires psychotiques exacerbés par la prise massive de cocaïne sous forme de crack. Sa consommation de stupéfiants était exclusivement rattachée au couple qu'il formait avec la victime et à la dépendance de cette dernière aux toxiques. Depuis son incarcération, il était abstinent et il ne voulait plus toucher à la drogue. Les mesures de substitution préconisées par les experts étaient de nature à pallier tout risque de récidive.

On ne saurait toutefois le suivre.

Tout d'abord, à teneur de l'expertise psychiatrique, le recourant présentait, au moment des faits de meurtre, un trouble de la personnalité de sévérité modérée, une dépendance à la cocaïne, un trouble psychotique provoqué par la cocaïne et une possible intoxication à cette substance. Il présentait actuellement un trouble de la personnalité de sévérité modérée et une dépendance à la cocaïne sevrée en milieu protégé. Il existait un risque moyen de récidive de violences physique et sexuelle ainsi qu'un risque élevé de récidive de violences conjugales. Auditionnés le 29 novembre 2024, les experts ont confirmé leur rapport.

Le premier juge a souligné l'importance de la consommation de drogue du recourant à l'époque des faits, compte tenu de la saisie de cocaïne opérée dans ses locaux, de ses contacts avec plusieurs trafiquants de drogue et de ses propres déclarations selon lesquelles il avait acquis près de 4 kg de cocaïne en 2020 et 2021. Selon les experts, un risque de rechute dans ses consommations était à craindre, quand bien même l'intéressé était actuellement abstinent en prison, et plusieurs années de prise en charge de son trouble de la personnalité seraient nécessaires.

À l'instar du premier juge, il convient donc de considérer qu'il existe un risque que le recourant, s'il était remis en liberté, consomme à nouveau, avec la conséquence qu'il commette, sous l'emprise de drogue, des actes de violence graves.

L'incident du 5 avril 2024 au parloir de la prison, bien que contesté voire minimisé par le recourant, accrédite par ailleurs, quoi qu'il en dise, sa propension à l'agressivité, fût-elle ici verbale, et ce, indépendamment de la suite qu'entend ou non y donner le Ministère public.

Si les experts préconisent certes un traitement psychiatrique, psychothérapeutique et addictologique ambulatoire pour diminuer le risque de récidive, ils relèvent également dans leur rapport que cette recommandation est théorique. Il n'était pas formellement possible d'affirmer qu'il existait un lien entre les pathologies dont souffrait le recourant et les différents faits reprochés, étant précisé qu'il appartiendrait à la justice de déterminer ce lien, selon la version des faits privilégiée. En outre, si l'intéressé affirmait être d'accord de s'astreindre à un tel suivi, celui-ci n'avait que peu de chances d'aboutir à une diminution significative du risque de récidive en l'absence d'une réelle volonté de l'expertisé de travailler sur son propre fonctionnement et notamment sa propension à la violence physique et sexuelle, étant relevé que son introspection restait limitée et que les progrès, après plus de deux ans de thérapie, n'étaient pas significatifs (rapport d'expertise, page 61).

Il résulte de ce qui précède qu'une mise en liberté assortie des mesures de substitution proposées, dont la mise en oeuvre du traitement ambulatoire préconisé par les experts, apparaît prématurée et inapte en l'état à pallier l'important risque de récidive.

5. L'admission des risques indiscutables de collusion et de réitération dispense l'autorité de recours d'examiner si s'y ajoute un risque – alternatif – de fuite (arrêts du Tribunal fédéral 7B_188/2024 du 12 mars 2024 consid. 6.3.1 et 1B_197/2023 du 4 mai 2023 consid. 4.5).

6. 6.1. À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible. Selon une jurisprudence constante, la possibilité d'un sursis, voire d'un sursis partiel, n'a en principe pas à être prise en considération dans l'examen de la proportionnalité de la détention préventive (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281-282; 125 I 60; arrêts du Tribunal fédéral 1B_750/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2, 1B_624/2011 du 29 novembre 2011 consid. 3.1 et 1B_9/2011 du 7 février 2011 consid. 7.2).

6.2. En l'espèce, le recourant semble considérer que la durée de sa détention provisoire viole le principe de la proportionnalité dans la mesure où sa responsabilité pénale serait restreinte et qu'une réduction de peine serait acquise.

Or, il appartiendra à l'autorité de jugement de se prononcer sur la diminution de responsabilité de l'intéressé, les experts considérant que s'agissant des faits de meurtre, l'altération partielle de sa responsabilité pouvait varier de légèrement à fortement restreinte, selon la version des faits qui sera finalement retenue. Il n'est donc pas question ici d'anticiper une éventuelle réduction de peine.

La durée de la détention provisoire subie en l'état reste ainsi parfaitement proportionnée à la peine concrètement encourue, si l'ensemble des faits reprochés au recourant devait être confirmé.

7. Le recours, infondé, sera ainsi rejeté.

8. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, ses défenseurs), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/20359/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

 

 

Total

CHF

1'005.00