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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/97/2024

ACPR/12/2025 du 07.01.2025 ( RECUSE ) , REJETE

Descripteurs : RÉCUSATION;EXPERT
Normes : CPP.56.alf; CPP.183.al3

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/97/2024 ACPR/12/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 7 janvier 2025

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me Christian DELALOYE, avocat, LEUBA DELALOYE Avocats SA, square des Places 1, case postale 952, 1701 Fribourg,

requérant,

 

et

Dre C______, p.a. Unité D______, CURML - HUG, rue Gabrielle-Perret-Gentil 4, 1211 Genève 14, agissant en personne,

Dr E______, p.a. Unité D______, CURML - HUG, rue Gabrielle-Perret-Gentil 4, 1211 Genève 14, agissant en personne,

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

cités.


EN FAIT :

A. Par pli du 5 décembre 2024, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a transmis à la Chambre de céans, avec ses observations du même jour, la demande de récusation formée le 4 décembre 2024 par A______ visant les Drs C______ et E______, en lien avec la procédure PM/1______/2024.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ purge actuellement une peine privative de liberté de seize ans, pour assassinat, prononcée le 1er juin 2012 par le Tribunal criminel.

Il est incarcéré à la prison de B______ depuis le 24 octobre 2024, en provenance de l'établissement de F______, ensuite de la décision provisoire du Service de l'application des peines et mesures (ci-après : SAPEM) d'ordonner sa réintégration en milieu fermé, aux motifs qu'il aurait tenu à un codétenu des propos selon lesquels il envisageait d'attenter à la vie d'une personne référente au SAPEM. La confirmation de cette décision par le SAPEM, le 31 octobre 2024, fait l'objet d'un recours pendant devant la Chambre de céans.

b. L'examen de la libération conditionnelle du précité est actuellement en cours devant le TAPEM (PM/1______/2024), étant précisé que la fin de peine est fixée au 22 avril 2025.

c. Dans son préavis du 1er novembre 2024 adressé au TAPEM, le SAPEM a, compte tenu de sa décision du 31 octobre 2024, conclu au refus de la libération conditionnelle. Il a également invité le TAPEM à ordonner une expertise psychiatrique dans le cadre de cette procédure.

d. Le Ministère public, pour sa part, a également requis que le TAPEM ordonne une expertise psychiatrique de l'intéressé.

e. Le SAPEM ayant, ensuite de sa décision de réintégration de A______ en milieu fermé, déjà initié des démarches auprès du Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML) en vue de la réalisation d'une expertise psychiatrique du prénommé – Centre qui lui avait proposé les noms de la Dre C______, médecin adjointe à l'Unité D______ au CURML-HUG et du Dr E______, médecin interne à [l'unité] D______ –, il en a informé le TAPEM, par courriels des 5, 6 et 20 novembre 2024, l'invitant à reprendre le mandat.

f. Le 19 novembre 2024, le SAPEM, se prévalant de sa compétence découlant de l'art. 1 let. d et al. 2 let. h et l LaCP ainsi que des art. 10 et 11 REPM – laquelle était contestée par A______ (cf. son courrier du 6 novembre 2024 au SAPEM) –, a ordonné l'expertise psychiatrique du prénommé et désigné la Dre C______ et le Dr E______ en qualité d'experts. À la suite de sa décision du 31 octobre 2024 révoquant sa décision de passage en milieu ouvert du précité, il considérait nécessaire de réaliser une expertise psychiatrique de celui-ci afin notamment de se déterminer sur un éventuel diagnostic, sur les risques de récidive qu'il présenterait en cas de libération, tout comme sur un éventuel changement de sanction, ce avant la fin de sa peine.

g. Par pli du 25 novembre 2024 adressé au conseil de A______, le TAPEM l'a informé vouloir soumettre son mandant à une expertise psychiatrique, celle figurant au dossier datant du 13 avril 2010. Le SAPEM ayant ordonné, le 19 novembre 2024, une expertise dont les buts poursuivis étaient les mêmes, l'expertise du Tribunal annulait et remplaçait celle du SAPEM. Le projet de mission d'expertise lui était ainsi transmis avec un délai au 4 décembre 2024 pour communiquer ses éventuelles observations et indiquer si son mandant avait des motifs de récusation concernant la Dre C______ et le Dr E______.

h. Dans ses observations du 4 décembre 2024, A______, par la voix de son conseil, a indiqué refuser de se soumettre à une nouvelle expertise. Subsidiairement, il souhaitait que soit précisé dans la mission d'expertise qu'il contestait avoir tenu les propos que lui attribuait le SAPEM et ayant donné lieu à sa réintégration en milieu fermé, décision qu'il avait contestée devant la Chambre pénale de recours. Plus subsidiairement, il sollicitait l'ajout/la suppression de certaines questions.

Il requérait en outre la récusation de la Dre C______ et du Dr E______.

C. a. A______ sollicite la désignation de deux autres experts. Les liens des experts mandatés avec le canton de Genève suscitaient des craintes de partialité, en raison des difficultés significatives qu'il rencontrait avec les autorités genevoises. En outre, les experts avaient dans un premier temps été désignés par le SAPEM, alors qu'il avait toujours contesté la compétence de dite autorité à cet égard.

b. Dans ses observations du 5 décembre 2024, le premier juge conclut à l'irrecevabilité de la demande de récusation, faute de motivation suffisante, le seul motif allégué étant le rattachement des experts au CURML et au canton de Genève, subsidiairement à son rejet. Même à vouloir interpréter très largement l'art. 56 let. f CPP, il ne discernait pas "en quoi les deux médecins visés auraient des liens si étroits avec on ne sait qui, qui fonderaient un début de prévention".

c. A______ n'a pas répliqué.

 

EN DROIT :

1.             1.1. Lorsqu'est en cause la récusation d'un expert nommé par les tribunaux de première instance – ici le TAPEM –, il appartient à l'autorité de recours, au sens des art. 20 al. 1 et 59 al. 1 let. b CPP, de statuer (arrêts du Tribunal fédéral 1B_488/2011 du 2 décembre 2011 consid. 1.1 et 1B_243/2012 du 9 mai 2012 consid. 1.1), de sorte que la Chambre de céans est compétente à raison de la matière (ACPR/491/2012 du 14 novembre 2012).

1.2. En tant que condamné faisant l'objet d'un réexamen de sa libération conditionnelle, A______ a qualité pour agir (art. 104 al. 1 let. a CPP et, par analogie, 58 al. 1 CPP).

1.3.1. La demande de récusation doit être présentée sans délai par les parties dès qu'elles ont connaissance d'un motif de récusation (art. 58 al. 1 CPP), soit dans les jours qui suivent la connaissance du motif de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_601/2011 du 22 décembre 2011 consid. 1.2.1), sous peine de déchéance (ATF 138 I 1 consid. 2.2).

1.3.2. En l'occurrence, le requérant s'est opposé, dans ses observations du 4 décembre 2024, soit dans le délai octroyé par le premier juge pour ce faire, à la désignation des Drs C______ et E______, de sorte que sa requête n'est pas tardive.

1.4.1. Il incombe au demandeur en récusation de rendre "plausibles" les griefs qu’il invoque (art. 58 al. 1 CPP), i.e. à présenter une motivation factuelle d’une vraisemblance prépondérante (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 3 ad art. 58). Une critique ou de simples soupçons ne sont donc pas suffisants (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit  commentaire du CPP, Bâle 2016, n. 6 ad art. 58).

1.4.2. En l'espèce, la simple allégation du requérant selon laquelle les experts visés pourraient être partiaux du fait de leur appartenance au CURML et de leurs prétendus liens étroits avec les autorités genevoises ne répond pas à l'exigence d'une motivation suffisante, au vu de ce qui précède.

Quand bien même devrait-on considérer que tel est le cas et que, partant, la requête est recevable, celle-ci devrait de toute manière être rejetée.

2. 2.1. L'art. 56 CPP – applicable aux experts par renvoi de l'art. 183 al. 3 CPP – énumère divers motifs de récusation aux lettres a à e, la lettre f imposant quant à elle la récusation lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention. La lettre f de l'art. 56 CPP a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes (ATF 138 IV 142 consid. 2.1; TF 1B_45/2015 du 29 avril 2015 consid. 2.1 et les références citées).

2.2. L'art. 56 CPP concrétise les garanties déduites de l'art. 30 al. 1 Cst. Certes, dès lors que l'expert ne fait pas partie du tribunal, sa récusation ne s'examine pas au regard de l'art. 30 al. 1 Cst., mais sous l'angle de l'art. 29 al. 1 Cst. garantissant l'équité du procès (ATF 125 II 541 consid. 4a). Cette disposition assure toutefois au justiciable une protection équivalente à celle de l'art. 30 al. 1 Cst. s'agissant des exigences d'impartialité et d'indépendance requises d'un expert (ATF 127 I 196 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 1B_488/2011 du 2 décembre 2011 consid. 3.1). Les parties à une procédure ont donc le droit d'exiger la récusation d'un expert dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur son impartialité. Cette garantie tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition interne de la part de l'expert ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence d'une prévention et fassent redouter une activité partiale. Cependant, seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en compte, les impressions purement individuelles n'étant pas décisives (ATF 140 III 221 consid. 4.1; ATF 139 III 433 consid. 2.1.1; ATF 138 IV 142 consid. 2.1;
ATF 137 I 227 consid. 2.1 et les références citées).

2.3. Il y a notamment motif à récusation lorsque l'expert affiche son antipathie à l'égard de l'une des parties par des gestes ou des propos déplacés; c'est également le cas s'il dit à des tiers qu'il estime le prévenu coupable, ou si, lors de sa nomination, il exprime déjà des opinions tranchées quant à l'issue de l'expertise (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op.cit., n. 19 ad art. 183 CPP). En revanche, l'appartenance à une autorité, à une institution ou à un organisme dont un autre membre est à l'origine de l'action pénale ou s'est prononcé en sa faveur ne suffit pas à faire naître un doute quant à l'impartialité de l'expert. Dans bien des cas, admettre le contraire limiterait de façon inacceptable la possibilité pour les tribunaux de recourir à une expertise. Dans le même sens, le fait qu'un expert doive se prononcer sur des déclarations faites par un collègue ne suffit pas à le récuser (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 23 ad art. 183 CPP et les références citées).

2.4. En l'occurrence, le simple fait que les experts désignés appartiennent au CURML, site de Genève, ne saurait fonder le moindre soupçon de prévention à leur encontre, étant rappelé que cette institution a précisément pour mission de répondre aux demandes d'expertise médico-légales.

Le requérant n'explicite pas quelles "difficultés significatives" rencontrées par lui-même avec les autorités genevoises feraient craindre une partialité chez les experts mandatés, de sorte que les réquisits de l'art. 56 let. f CPP n'apparaissent pas réalisés.

Enfin, on ne voit pas non plus en quoi la prétendue non-compétence du SAPEM pour désigner les experts rendrait ces derniers partiaux, ce d'autant que le TAPEM a validé ce choix par la suite, reprenant à son compte la mission d'expertise initiale.

3. Au vu de ce qui précède, il n’existe pas de motif justifiant la récusation des experts désignés, au sens de l’art. 56 let. f CPP. La requête en récusation, infondée, sera ainsi rejetée.

4. Vu l'issue de la cause, point n'était besoin de demander aux experts de prendre position, au sens de l'art. 58 al. 2 CPP, avant de statuer (arrêts du Tribunal fédéral 7B_1/2024 du 28 février 2024 consid. 5.2. et 1B_196/2023 du 27 avril 2023 consid. 4 et les références), étant précisé que cette disposition n'est impérative qu'en tant qu'elle vise en particulier à permettre l'établissement des faits. Or, ceux-ci sont clairs et n'appelaient aucune précision de leur part.

5. En tant qu'il succombe, le requérant supportera les frais de la procédure qui comprennent un émolument de CHF 900.- (art. 59 al. 4 CPP; art. 418 al. 2 CPP; art. 13 al. 1 let. b. du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP;
E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette la requête.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au requérant, soit pour lui son conseil, au Tribunal d'application des peines et des mesures, à la Dre C______ et au Dr E______.

Le communique pour information au Service de l'application des peines et mesures.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/97/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- demande sur récusation (let. b)

CHF

900.00

Total

CHF

1'005.00