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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/87/2024

ACPR/879/2024 du 27.11.2024 ( PSPECI ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ;EXÉCUTION DES PEINES ET DES MESURES;ALLÉGEMENT;RÉGIME DE LA DÉTENTION
Normes : CPP.382; CP.75a; CP.76

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/87/2024 ACPR/879/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 27 novembre 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'établissement de B______, ______, comparant en personne,

recourant,

 

contre la décision de passage en milieu ouvert rendue le 29 octobre 2024 par le Service de l'application des peines et mesures,

et

LE SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES et MESURES, case postale 1629, 1211 Genève 26,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 1er novembre 2024, A______ recourt contre la décision du 29 octobre 2024, notifiée à une date inconnue, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) a décidé de son transfert en régime ouvert, dès le 5 novembre 2024, à l'Établissement de détention fribourgeois de B______ (ci-après, B______).

Le recourant déclare recourir contre son transfert à B______ en régime ouvert.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né le ______ 1971, ressortissant argentin, est titulaire d'un permis C, valable jusqu'au 4 septembre 2028.

b. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire, A______ a été condamné à douze reprises, entre mai 1997 et juin 2024, pour infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants, infractions à la loi fédérale sur la circulation routière, infraction à la loi fédérale sur les armes, vol simple, violation de domicile, dommages à la propriété, lésions corporelles simples, empêchement d'accomplir un acte officiel et vol d'importance mineure.

c. En raison de sa condamnation à des peines privatives de liberté, par ordonnances pénales du Ministère public prononcées en 2024, d'une part, et de la conversion d'amendes impayées en peines privatives de liberté de substitution, par ordonnances pénales de conversion prononcées en 2023 et 2024 par le Service des contraventions, d'autre part, A______ a été arrêté, le 20 septembre 2024, puis incarcéré à la prison de C______ [GE].

Il s'y trouvait encore au moment du dépôt de son recours, son transfert à B______ ayant été agendé au 5 novembre 2024.

d. Les deux tiers de la peine exécutée par A______ devraient être atteints le 21 février 2025, la fin de sa peine étant quant à elle fixée au 11 mai 2025.

e. Dans une lettre adressée le 11 octobre 2024 au SAPEM, par laquelle il demandait notamment son transfert à la prison de D______, A______ indiquait que sa mère habitait à Neuchâtel et qu'il était donc difficile à cette dernière de venir lui rendre visite sans prendre de risques pour sa santé. Sa compagne ne pouvait pas non plus venir l'y trouver, dès lors qu'elle résidait à trois heures de train de Genève.

f. Par courriel du 1er novembre 2024, E______, qui se présentait comme la compagne de A______, a informé l'autorité d'exécution que ce dernier se trouve actuellement en plein sevrage de son traitement "Severlong" et qu'il comptait le finaliser à C______, où il avait pris ses marques et sa routine. Il était mentalement très faible, très fatigué et très irritable et n'était ainsi pas en état d'être transféré vers un établissement pénitentiaire à Fribourg. Bien que l'idée d'un passage en milieu ouvert fût appréciée, il n'était pas en mesure de l'assumer et avait besoin d'un encadrement strict et fermé pour terminer son sevrage d'ici à fin décembre 2024.

g. Par courriel du 4 novembre 2024, E______ a annoncé au SAPEM s'être entretenue par téléphone avec A______ au sujet de son déplacement. Ce dernier lui avait indiqué aller de mieux en mieux et accepter son transfert à B______ où il pourrait terminer son sevrage.

C. Dans l'ordonnance querellée, le SAPEM relève que, suite à la condamnation de A______ à des peines privatives de liberté, ainsi qu'à la conversion de diverses amendes en peines privatives de liberté de substitution, le solde de peines à exécuter par ce dernier s'élève à 233 jours. Il se justifiait de transférer A______ en régime ouvert à B______, dès le 5 novembre 2024, aucun élément défavorable à un tel transfert n'ayant été mis en évidence. En effet, ce dernier, bien que de nationalité étrangère, ne présentait aucun risque de fuite, dès lors qu'il était titulaire d'un permis C, valable jusqu'au 4 septembre 2028, et résidait à Genève. Il ne faisait par ailleurs l'objet d'aucune sanction, son comportement en détention étant jugé satisfaisant. Bien que son casier judiciaire fît état de neuf antécédents entre 1997 et 2022, le risque de commission de nouvelles infractions pouvait être considéré comme contenu dans le cadre de l'exécution des peines au sein d'un établissement ouvert.

D. a. Dans son recours, A______ explique avoir cessé de consommer de l'héroïne quinze ans plus tôt et être actuellement "à la fin d'un sevrage de morphine". Un certificat médical, qu'il ne produit toutefois pas, attesterait du fait qu'il devait rester seul en cellule, vu les conséquences physiques, psychiques, musculaires et osseuses liées au sevrage. Le transfert à B______ aurait également pour conséquence de l'éloigner de sa mère, âgée de 84 ans. Il n'était pas opposé à son transfert vers cet établissement mais souhaitait que celui-ci fût différé dans la mesure où il avait besoin d'un mois supplémentaire pour terminer son sevrage dans des conditions favorables.

b. Invité par courrier de la Direction de la procédure du 7 novembre 2024 à indiquer s'il maintenait son recours, A______ n'y a pas donné suite à l'échéance du délai de cinq jours lui ayant été imparti.

c. Par courrier du 21 novembre 2024, A______ a indiqué qu'il maintenait son recours. B______ n'était pas adapté à un détenu en fin de sevrage. Son transfert avait "ralenti son rythme de baisse" et l'avait "coupé tout net". Il préférait retourner à la prison de C______ ou à D______ [établissement ouvert avec section fermée].

d. La cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. La Chambre de céans est l'autorité compétente pour connaître des recours (art. 42 al. 1 let. a LaCP [E 4 10]) dirigés contre les décisions d'octroi/de refus de passage en milieu ouvert rendues par le SAPEM (art. 439 al. 1 CPP; art. 5 al. 5 let. b LaCP cum 11 al. 2 let. b REPM [E 4 55.05]).

1.2. Le recours, soumis au CPP applicable à titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 3 LaCP), a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une décision rendue par le SAPEM dans une matière où ce service est compétent et contre laquelle le recours auprès de la Chambre de céans est ouvert.

1.3.1. Se pose néanmoins la question de la qualité pour agir du recourant contre la décision entreprise. En tant que condamné exécutant une peine, il est certes partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a et 111 CPP), mais cela ne suffit pas à lui conférer la qualité pour recourir: encore faut-il qu'il ait un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.3.2. Selon l'art. 382 al. 1 CPP, a qualité pour recourir toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision. Cet intérêt doit être actuel et pratique ; il doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_766/2016 du 4 avril 2017 consid. 1.2; M. NIGGLI/ M. HEER/ H. WIPRÄCHTIGER (éds), Basler Kommentar StPO/JStPO, 3ème éd., Bâle 2023, n. 7 ad art. 382).

Le recourant, quel qu'il soit, doit être directement atteint dans ses droits et doit établir que la décision attaquée viole une règle de droit qui a pour but de protéger ses intérêts et qu'il peut, par conséquent, en déduire un droit subjectif. Il doit en outre avoir un intérêt à l'élimination de cette atteinte, c'est-à-dire à l'annulation ou à la modification de la décision dont provient l'atteinte (A. KUHN/ Y. JEANNERET/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 2 ad art. 382, ATF 131 IV 191 consid. 1.2.1 p. 193 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_344/2019 du 6 mai 2019 destiné à la publication consid. 3.1 ; 6B_1239/2017 du 24 mai 2018 consid. 2.1).

Le recourant peut se prévaloir d'un intérêt juridiquement protégé lorsqu'il est touché directement et immédiatement dans ses droits propres, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il ne l'est que par un simple effet réflexe (ATF 145 IV 161 consid. 3.1 p. 163 et la référence citée). L'intérêt juridiquement protégé se distingue de l'intérêt digne de protection, qui n'est pas nécessairement un intérêt juridique, mais peut être un intérêt de fait. L'existence d'un intérêt de pur fait ou la simple perspective d'un intérêt juridique futur ne suffit pas à conférer la qualité pour recourir (ATF 136 I 274 consid. 1.3 p. 276 ; 133 IV 121 consid. 1.2 p. 124 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_601/2017 du 26 février 2018 consid. 2).

D'une manière générale, les personnes poursuivies ne peuvent recourir contre une décision rendue en leur faveur (ATF 101 IV 327 ; ATF 103 II 155 consid. 3 : JT 278 I 518 ; DCPR/125/2011 du 31 mai 2011). Une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède donc pas la qualité pour recourir et son recours est irrecevable (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 p. 85 = SJ 2018 I 421 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_818/2018 du 4 octobre 2018 consid. 2.1).

1.3.3. Les peines privatives de liberté sont exécutées dans un établissement fermé ou ouvert (art. 76 al. 1 CP). Le détenu est placé dans un établissement fermé, ou dans la section fermée d'un établissement ouvert, s'il y a lieu de craindre qu'il ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions (art. 76 al. 2 CP).

Les institutions fermées – lesquelles sont réservées aux délinquants violents ou dangereux pour la collectivité publique/carcérale – disposent, par opposition à celles ouvertes, d’un niveau de sécurité élevé, que ce soit dans l'infrastructure du bâtiment accueillant le condamné, dans l'organisation et la formation du personnel pénitentiaire ou dans l'intensité des restrictions qui sont faites à la liberté de mouvement du détenu. Les sections ouvertes offrent aux condamnés un régime d'exécution plus souple, qui permet à ces derniers de travailler ou de pratiquer une activité durant la journée et de ne passer que leur temps libre et de repos en détention (R. ROTH/ L. MOREILLON (éds), Commentaire romand, Code pénal I,
art. 1-110 CP
, 2ème éd., Bâle 2021, n. 4 et 5 ad art. 76 CP).

Les allégements dans l’exécution sont des adoucissements du régime de privation de liberté, notamment le transfert en établissement ouvert, l’octroi de congés, l’autorisation de travailler ou de loger à l’extérieur ainsi que la libération conditionnelle (art. 75a al. 2 CPP).

1.3.4. En l'espèce, le SAPEM a décidé de transférer le recourant en régime ouvert à B______ dès le 5 novembre 2024. Ce faisant, cette autorité a élargi le régime d'exécution de peine auquel ce dernier était soumis.

Une telle décision étant assurément favorable au recourant au vu des principes énoncés supra, on ne discerne pas de quel intérêt juridique celui-ci disposerait à la contester.

Certes, ce dernier fait valoir, tant dans son recours que dans son courrier subséquent – dont la recevabilité peut rester indécise au vu des considérations qui suivent –, que B______ n'était "pas adapté à un détenu en fin de sevrage" et qu'un transfert dans cet établissement, bien que le rapprochant de sa compagne, aurait pour conséquence de l'éloigner de sa mère, ce qui justifiait selon lui une prolongation de son incarcération à la prison de C______ pour un mois supplémentaire.

La question de savoir si le transfert du recourant à B______ aurait réellement pour conséquence de l'éloigner de sa mère, laquelle résiderait à Neuchâtel, peut toutefois souffrir de demeurer indécise, dans la mesure où les motifs qu'il invoque relèvent de la pure convenance personnelle, soit d'un intérêt de fait qui n'ouvre pas la voie au recours devant la Chambre de céans.

À cela s'ajoute que le recourant ne dispose d'aucun intérêt actuel à la modification de la décision entreprise, son passage en milieu ouvert étant survenu le 5 novembre 2024 déjà.

Faute d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de l'ordonnance querellée, le recours doit être déclaré irrecevable, ce que la Chambre de céans pouvait constater d'office, sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP)

2.             Le recourant, dont le recours est irrecevable, est considéré avoir succombé. Il supportera ainsi les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au SAPEM et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/87/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00