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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14644/2020

ACPR/811/2024 du 05.11.2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : EXPERTISE;COMPLÉMENT;EXPERT;AUDITION OU INTERROGATOIRE;ABUS DE DROIT
Normes : CPP.189.ala

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14644/2020 ACPR/811/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 5 novembre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Jean-Marc CARNICE, avocat, Carnicé Sàrl, rue
Pierre-Fatio 15, case postale, 1211 Genève 3,

recourant,

 

contre la décision rendue le 23 septembre 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


Vu:

-          la présente procédure ouverte contre A______ et B______ pour abus de confiance (art. 138 CP) et escroquerie (art. 146 CP) en suite de la plainte déposée le 14 août 2020 par C______, laquelle leur reproche, dans le cadre de la relation contractuelle qu'ils avaient établie par l'entremise de [la fiduciaire] D______ SA, société sise à Genève dont A______ était l'administrateur, abusé du mandat de fiducie qui leur avait été confié pour prendre le contrôle de la maison d'édition E______ LTD, sise à Chypre, dont elle était l'animatrice et l'ayant droit économique, ainsi que de ses avoirs;

-          l'expertise graphologique mise en œuvre par le Ministère public afin de déterminer l'authenticité des signatures figurant sur les documents dont se prévalaient les parties, et le mandat confié à cette fin au Dr F______ le 19 octobre 2023;

-          la reddition du rapport d'expertise, le 20 décembre 2023, et sa transmission aux parties le 15 janvier 2024;

-          la requête en récusation formée le 19 janvier 2024 par A______ et B______ à l'encontre du Dr F______, avec demande d'annulation de l'expertise, et son rejet par la Chambre de céans, par arrêt du 8 mai 2024 (ACPR/342/2024);

-          les échanges de courriers entre le Ministère public et le conseil de A______, des 13, 15 et 16 mai 2024 ainsi que des 9 juillet, 23 août et 20 septembre 2024;

-          la décision du Ministère public du 23 septembre 2024, communiquée par pli simple;

-          le recours expédié le 4 octobre 2024 par A______ contre cette décision.

Attendu que :

-          à l'issue de l'arrêt du 8 mai 2024 (ACPR/342/2024), le Ministère public a, le 13 mai 2024, imparti aux parties un délai au 3 juin 2024 pour déposer leurs éventuelles observations sur le rapport d'expertise du 20 décembre 2023 ainsi que pour indiquer si elles souhaitaient une audition de l'expert;

-          dans son pli du 15 mai 2024, le conseil de A______ a répondu que son client allait interjeter recours contre l'arrêt susvisé, de sorte qu'il ne se justifiait pas d'entreprendre les mesures d'instruction envisagées, en particulier l'audition de l'expert. Un nouveau délai devrait lui être imparti lorsque le Tribunal fédéral aurait statué. En cas de refus, il saisirait cette instance d'une demande de mesures provisionnelles;

-          par pli du 16 mai 2024, le Ministère public a annoncé qu'il irait de l'avant mais impartirait un nouveau délai aux parties une fois que le Tribunal fédéral se serait déterminé sur la demande de mesures provisionnelles annoncée;

-          dans ses courriers des 9 juillet et 23 août 2024, le Ministère public, ayant constaté le rejet des mesures provisionnelles, a imparti aux parties un délai au 30 septembre 2024 pour déposer leurs éventuelles observations sur le rapport d'expertise ainsi que pour indiquer si elles souhaitaient une audition de l'expert;

-          par courrier du 20 septembre 2024, le conseil de A______ a requis du Ministère public qu'il soit ordonné à l'expert d'indiquer, preuves à l'appui, les méthodes utilisées pour le transport, le stockage et l'analyse des deux contrats originaux Q1 et Q2 qui lui avaient été soumis (y compris la chaîne de traçabilité, l'emballage, le contrôle d'accès), ainsi que l'identité de toutes les personnes qui avaient été en contact physique avec ces contrats et celles qui étaient présentes lorsque les documents avaient été analysés, le but étant de pouvoir exclure que dits documents aient pu faire l'objet de manipulation ou d'altération. Cette requête se justifiait pleinement dès lors qu'au cours de l'audience pendant laquelle ces documents originaux avaient été remis au Ministère public, le conseil de C______ avait catégoriquement refusé que son mandant les touche "de peur de contamination, d'altération de ces documents". Il sollicitait ces informations avant l'échéance du délai fixé au 30 septembre 2024 pour se déterminer, à défaut de quoi il se réservait le droit de compléter ultérieurement ses déterminations;

-          dans sa décision querellée, le Ministère public constate que cette nouvelle "inquiétude" formulée par le prévenu, soit que les documents aient pu faire l'objet de manipulation ou d'altération, n'était appuyée par aucun élément. Il s'agissait là en réalité de mettre en cause, à nouveau, la probité du Dr F______. Il relève par ailleurs que si le conseil de C______ avait fait état de craintes lors de la remise de ces documents, c'était en cas d'analyse d'éventuelles traces ADN, analyse qui n'avait pas été effectuée. Cet argument tombait donc à faux. Il n'était dès lors pas fait droit à la requête;

-          à l'appui de son recours, A______ conclut, sous suite de dépens, à l'annulation de la décision attaquée et reprend les termes de sa requête du 20 septembre 2024. Les lignes directrices édictées par [les] G______ Sciences Institutes auxquelles l'expert s'était référé préconisaient des standards applicables en matière de conservation, garde ainsi que de transfert de moyens de preuve physique et électronique. Il était donc légitime que les parties puissent vérifier que la procédure "anticontamination", ainsi que les règles visant la préservation et la manipulation des documents aient été suivies. Or, l'expertise ne contenait aucune indication à ce propos. Il n'entendait pas remettre en cause la probité de l'expert, mais uniquement s'assurer de la traçabilité des objets soumis à expertise en obtenant les informations y relatives. En refusant sa requête, le Ministère public avait contrevenu à l'art. 189 let. a CPP. Sa décision était en outre inopportune.

Considérant en droit que :

-          le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits – la décision querellée ayant été communiquée par simple pli – (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et émane du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP);

-          il est dirigé contre un refus du Ministère public d'accéder à une requête d'obtention d'informations, auprès de l'expert, visant à s'assurer que les documents qui lui avaient été remis n'aient fait l'objet d'aucune manipulation ou altération préalable;

-          un tel refus ne semble pas pouvoir être assimilé à une décision de refus d'ordonner un complément d'expertise;

-          partant, la recevabilité du recours paraît douteuse mais peut, quoi qu'il en soit, rester ouverte, au vu de ce qui suit;

-          selon l'art. 189 let. a CPP, la direction de la procédure, d'office ou à la demande d'une partie, fait compléter ou clarifier une expertise par le même expert ou désigne un nouvel expert lorsque l'expertise est incomplète ou peu claire;

-          tel est notamment le cas lorsque l'expertise ne répond pas à toutes les questions posées, n'est pas fondée sur l'ensemble des pièces transmises à l'expert, fait abstraction de connaissances scientifiques actuelles ou ne répond pas aux questions de manière compréhensible ou logique (arrêt du Tribunal fédéral 6B_607/2017 du 30 novembre 2017 consid. 2.1);

-          en l'espèce, le recourant ne prétend pas que l'expertise serait incomplète en tant qu'elle n'exposerait pas la méthode d'analyse employée, ne spécifierait pas les pièces sur lesquelles est fondé le travail réalisé par l'expert ou ne répondrait pas aux questions posées. On comprend qu'il souhaite seulement pouvoir s'assurer que les règles édictées en matière de conservation et de manutention des documents avaient bien été suivies, faute, selon lui, d'informations spécifiques sur ce point;

-          or, l'expert n'a pas encore été entendu, un délai ayant été imparti aux parties pour solliciter son audition éventuelle;

-          on ne voit ainsi pas ce qui empêchera le recourant, à cette occasion, de l'interroger sur ses préoccupations en lien avec la préservation et la manipulation des documents remis. Le recourant n'en dit mot, d'ailleurs;

-          le refus du Ministère public de donner suite, à ce stade, à la demande d'informations du prévenu auprès de l'expert apparaît ainsi fondé, sous l'angle de l'art. 189 let. a CPP;

-          on ne voit pas non plus en quoi dit refus serait inopportun, au sens de l'art. 393 al. 2 let. c CPP, au contraire, compte tenu de la vraisemblable audition à venir de l'expert, qui pourra apporter toute information utile sur son rapport;

-          la démarche du recourant, qui semble s'inscrire dans une volonté de retarder au maximum l'audition de l'expert, dont, faut-il rappeler, il a échoué à demander la récusation devant la Chambre de céans, confine à un abus de droit qui n'a pas à être protégé;

-          le recours sera ainsi rejeté;

-          vu son issue, il pouvait être statué sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP);

-          le recourant, qui succombe, supportera les frais de l'instance, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/14644/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

Total

CHF

985.00