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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/23757/2024

ACPR/774/2024 du 25.10.2024 sur OTMC/3115/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : SOUPÇON
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23757/2024 ACPR/774/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 25 octobre 2024

Entre

A______, détenu, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

 

contre l’ordonnance rendue le 15 octobre 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565 - 1211 Genève 3

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

intimés.

 


EN FAIT :

A.           Par acte expédié sous messagerie sécurisée le l5 octobre 2024, A______ recourt contre l’ordonnance du même jour par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) a autorisé son placement en détention provisoire jusqu’au 13 décembre 2024. Il conclut à l’annulation de cette décision et à sa libération immédiate.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.             Le 13 octobre 2024, vers 3h., A______, ressortissant kosovar né en 1998 et sans titre de séjour en Suisse, a été interpellé alors qu’il cheminait, seul, sur la rue 1______, à Genève, à la hauteur du pont 2______, sur le soupçon d’avoir tenté, vers 2h.30, de cambrioler un kiosque situé à la rue 3______.

b.             Il conteste les faits. Il prétend avoir été en train de regagner le domicile d’un oncle qui l’hébergeait dans le quartier, mais dont il n’a pu donner l’adresse (et dont les vérifications du Ministère public montreront qu’il habiterait dans le quartier de la Jonction). Selon lui, si, comme tendaient à le montrer des images de vidéo-surveillance (prises à la hauteur du no. ______ rue 1______ et détaillées dans le rapport d’arrestation), il s’était retourné à plusieurs reprises sur son chemin, voire avait fait demi-tour (déclaration à la police, p. 3), c’était en raison d’une intervention de la police, non loin. Le tiers avec lequel il s’était brièvement rencontré, à teneur de ces images, l’avait tout au plus renseigné sur la rue qu’il cherchait. Aucun objet suspect n’a été retrouvé sur lui. Selon les vérifications de la police, il avait été contrôlé à l’entrée d’un véhicule en Suisse, [au quartier de] C______, le 18 septembre 2024 peu avant 23h., puis laissé aller.

c.              La police a recensé trois autres cambriolages, achevés, de commerces dans un périmètre relativement proche du kiosque de la rue 3______, et selon un modus operandi similaire (pesée d’outils sur des portes ou fenêtres). L’on ignore si A______ pourrait y avoir participé. Des prélèvements d’ADN, y compris sur le prénommé et sur des pieds-de-biche, tournevis et ciseaux trouvés non loin du kiosque, sont en cours. Par ailleurs, les deux téléphones portables du recourant sont en cours de perquisition.

d.             Un autre prévenu, qui affirme avoir fait le guetteur non loin du kiosque et s’était débarrassé d’une capuche à l’approche de la police (qui l’a appréhendé), a affirmé que deux personnes étaient à l’œuvre devant le magasin, mais n’a pas reconnu A______. Un témoin oculaire n’a pu identifier que ledit guetteur, tout en remarquant que l’habillement d’une autre personne qu’il avait vu s’éloigner du kiosque était de couleur sombre (comme les policiers le constateront lors de l’appréhension de A______).

C.           a. Dans l’ordonnance querellée, le TMC retient que les charges, qui comportent aussi celles d’avoir séjourné illégalement en Suisse, étaient suffisantes et graves ; que A______ présentait des risques de fuite, réitération et collusion ; et qu’aucune mesure de substitution ne pallierait ceux-ci.

b. À l’appui de son recours, A______ conteste que les charges soient suffisantes. Lorsqu’il avait été arrêté, il se trouvait à 13 minutes à pied du kiosque, impression tirée de Google Maps à l’appui, et aucun autre indice qu’un comportement jugé suspect par la police ne l’incriminait. On ne pouvait lui imputer d’autres méfaits dans le quartier, car il n’était pas venu en Suisse avant le 18 septembre 2024. Une fiancée en France voisine et un oncle « à D______ [rue 1______] » expliquaient sa présence là où il avait été interpellé. Par ailleurs, le TMC n’avait pas disposé d’un dossier complet.

c. Le TMC se réfère à son ordonnance.

d. Le Ministère public met en exergue la proximité immédiate de A______ avec les lieux de l’infraction tentée, ainsi que des images vidéo le montrant discuter avec un inconnu, puis cheminant en regardant derrière lui.

e. A______ réplique que les déterminations du Ministère public résonneraient comme un aveu de la vacuité des charges.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222, 384 let. a et 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant semble se plaindre, mais en vain, que le TMC n’aurait pas disposé d’un dossier complet avant de statuer. Le Ministère public n’est tenu de fournir au juge de la détention que les pièces essentielles à l’appui de sa demande de mise en détention (art. 224 al. 2, 2e phrase, CPP). Pour le surplus, la Chambre de céans dispose d’un dossier complet et est, par conséquent, en mesure d’exercer pleinement son pouvoir d’examen.

3.             Le recourant conteste l'existence de charges suffisantes.

3.1.       À teneur de l'art. 221 al. 1 CPP, la détention provisoire suppose que le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit. Il n'appartient pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. Il incombe en effet au juge du fond de résoudre les questions de qualification juridique des faits poursuivis, d’apprécier la culpabilité du prévenu, ainsi que d’apprécier la valeur probante des moyens de preuve. Le juge de la détention ne tient donc en principe pas compte d’un alibi, à moins d’une démonstration par une preuve immédiatement disponible (ATF 143 IV 330 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_1003/2024 du 15 octobre 2024 consid. 3.2).

3.2.       L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention provisoire n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 143 IV 330 consid. 3.2). En d'autres termes, les soupçons doivent se renforcer plus l'instruction avance et plus l'issue du jugement au fond approche. Si des raisons plausibles de soupçonner une personne d'avoir commis une infraction suffisent au début de l'enquête, ces motifs objectifs doivent passer de plausibles à vraisemblables (arrêt du Tribunal fédéral 7B_1003/2024, loc. cit.). Il faut ainsi, pour reprendre la jurisprudence relative au degré de preuve requis dans un procès, que des éléments parlent en faveur de la culpabilité du prévenu, et ce, même si le juge envisage l'éventualité que tel ne soit pas le cas (ATF 140 III 610 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_208/2018 du 28 mai 2018 consid. 4.1.).

3.3.       À la lumière de ces principes, il sera relevé, en premier lieu, que les charges, d’illégalité du séjour en Suisse ne sont pas contestées, qui plus est sur une certaine durée, puisque le recourant admet avoir pénétré sur le territoire le 18 septembre 2024. Or, l’art. 115 al. 1 LÉI réprime des délits, au sens de l’art. 10 al. 3 CP, dont la peine-menace n’atteint, certes, pas le maximum prévu à cette disposition, mais n’en est pas moins compatible avec la détention avant jugement (ACPR/133/2021 du 2 mars 2021 consid. 3).

Par ailleurs, en ce qui concerne la tentative de cambriolage, c’est en vain que le recourant se prévaut – sur la base d’un itinéraire qu’il a lui-même tiré de Google Maps, mais dont rien n’indique qu’il l’aurait réellement suivi cette nuit-là – d’une proximité insuffisante, en temps comme en lieu, avec l’infraction. Il est, certes, vrai qu’une demi-heure semble avoir séparé son interpellation de la commission présumée de l’infraction ; mais aucune des autorités pénales précédentes ne prétend qu’il aurait été interpellé en flagrant délit, au sens de l’art. 217 al. 2 let. a CPP.

Il convient par conséquent uniquement d’examiner si le juge de la détention était fondé à retenir des charges suffisantes après les premières investigations de la police.

Or, tel est le cas.

En ce tout début d’enquête, les déclarations du recourant sur les raisons de sa présence, à cette heure-là, cette nuit-là, à quelques encablures du kiosque considéré ne suffisent pas à ruiner les indices recueillis par la police, sur son comportement comme sur sa vêture. Il résulte du rapport d’arrestation qu’il a été filmé en un lieu (no. ______ rue 1______) plus proche du kiosque (no. ______ rue 3______) que celui de son arrestation (pont 2______), s’étant brièvement rencontré avec un tiers – étant observé que le guetteur, co-prévenu, affirme que deux personnes s’étaient activées sur le kiosque et que le recourant semble avoir fait demi-tour précisément alors qu’il avait repris la direction du kiosque et qu’il avait entendu la police s’y rendre. Le temps pris par la police pour repérer le recourant, après le signalement du cambriolage tenté, n’est certainement pas un élément à sa décharge. En outre, les déclarations du recourant à teneur desquelles un oncle, bien réel, résiderait précisément « à D______ [rue 1______] » ont été infirmées par les vérifications opérées par le Ministère public.

4.             Le recourant n’a abordé aucune des autres conditions nécessaires à la détention provisoire.

Or, le risque de collusion (art. 221 al. 1 let. b CPP), à tout le moins, peut lui être opposé.

Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 7B_1003/2024, précité, consid. 4.2), il peut y avoir collusion lorsque le prévenu tente d’influencer les déclarations que pourraient faire des témoins, des personnes appelées à donner des renseignements ou des co-prévenus, ainsi que lorsqu’il essaie de faire disparaître des traces ou des moyens de preuve.

Tel serait le cas, en l’espèce, si le recourant était libéré, puisqu’il n’a été confronté ni au guetteur, ni au témoin oculaire et qu’on ignore quelle serait la tierce personne en compagnie de laquelle il dit apparaître sur les images de vidéo-surveillance – étant rappelé que le guetteur dit avoir vu deux personnes s’activer près du kiosque. Par ailleurs, et surtout, des investigations sont en cours (ADN, perquisition de téléphones portables) qui pourraient non seulement confirmer les soupçons de commission de l’infraction tentée le 13 octobre 2024, mais aussi révéler la participation du recourant à trois cambriolages achevés, à d’autres dates. À cet égard, c’est en vain que le recourant estime établie son arrivée en Suisse le 18 septembre 2024. Il aurait parfaitement pu se livrer à des allées et venues entre la Suisse et la France sans avoir été contrôlé, avant comme après cette date. Du reste, il a spontanément déclaré à la police qu’il fréquente une femme résidant en France voisine.

Par conséquent, on ne voit pas pourquoi les allégations de son recours pèseraient plus lourd, à ce stade, que les constatations de la police selon lesquelles, dès le 15 septembre 2024, trois cambriolages de commerces étaient recensés dans un secteur relativement proche du kiosque de la rue 3______ – et avaient été commis selon un modus operandi similaire.

5.             Par ailleurs, le recourant présente un risque de fuite incontestable, au sens de l’art. 221 al. 1 let. a CPP, puisqu’il n’a aucune attache sérieuse avec la Suisse ; qu’il prétendait d’ailleurs n’y être que de passage pour visiter un parent ; et qu’il fréquenterait une femme vivant en France.

6.             Il n'est ainsi pas nécessaire d'examiner si, en sus, le risque de réitération ferait obstacle à sa libération.

7.             On ne voit pas quelle mesure de substitution (art. 237 ss. CPP) pallierait les deux risques retenus supra.

8.             La durée, encore brève, de la détention du recourant à ce jour se concilie largement avec le principe de la proportionnalité (art. 197 al. 1 let. c et 212 al. 3 CPP) et ne devrait pas s’avérer concrètement excessive même à l’échéance décidée par le premier juge.

9.             Le recours sera par conséquent rejeté. Le recourant supportera les frais de l'instance, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprendront un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son défenseur, au Tribunal des mesures de contrainte et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente ; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges ; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P23757/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

Total

CHF

1'005.00