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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/771/2024

ACPR/679/2024 du 20.09.2024 sur OMP/12369/2024 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : MOYEN DE DROIT;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL)
Normes : CPP.135; CPP.393

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/771/2024 ACPR/679/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 20 septembre 2024

 

Entre

A______, avocat, ______, agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance d'indemnisation rendue le 11 juin 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 27 juin 2024, Me A______ recourt contre l'ordonnance du 11 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a fixé à CHF 854.- l'indemnité pour son activité de défenseur d'office de B______.

Le recourant conclut à l'annulation de ladite ordonnance et à ce que son indemnité soit arrêtée à CHF 1'480.95.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par ordonnance pénale du 11 mars 2024, le Ministère public a déclaré B______ coupable de violation grave des règles de la circulation routière.

b. Par lettre du 21 mars 2024, Me A______ a, au nom de B______, formé opposition à ladite ordonnance.

Il a également sollicité le bénéfice de l'assistance judiciaire, pour son client.

c. Par ordonnance du 15 avril 2024, le Ministère public a fait droit à cette dernière requête et nommé Me A______ en qualité de défenseur d'office, sans autre précision.

d. Le 29 avril 2024, le Ministère public a maintenu l'ordonnance pénale précitée et transmis la procédure au Tribunal de police.

e. Après que B______ eut retiré son opposition, le Tribunal de police a, par ordonnance du 7 mai 2024, dit que l'ordonnance pénale du 11 mars 2024 était assimilée à un jugement entré en force.

f. Le 4 juin 2024, Me A______ a transmis au Ministère public un état de frais pour son activité entre le 21 mars et le 2 mai 2024, totalisant un montant de CHF 1'814.27, TVA incluse, correspondant à "11h25" de travail. La note d'honoraires comprend notamment :

- 2h35 d'activité avant le 15 avril 2024, soit : le 21 mars 2024, une conférence avec le client de 30 minutes (dans le poste Conférence); étude du dossier de 45 minutes, recherches juridiques de 20 minutes, rédaction de l'opposition de 50 minutes (sous Procédures) et mémo au client de 10 minutes (dans Courriers et téléphones);

- 2h35 d'activité pour le poste Courriers et téléphones.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a, en application de l'art. 16 al. 2 RAJ, notamment réduit :

- "2h25 pour activités antérieures au 15 avril 2024" […], et

- "11h45 [sic] concernant la rubrique courriers et téléphones s'agissant d'activités comprises dans le forfait courriers/téléphones".

La voie de droit mentionnée pour attaquer la décision est celle du recours par-devant la Chambre de céans.

D. a. Dans son recours, Me A______ considère qu'en se fondant sur la date de l'ordonnance de nomination d'office, et non celle de la demande, le Ministère public avait violé l'art. 5 RAJ.

Par ailleurs, la mention de "11h45" pour la rubrique Courrier et téléphones alors que l'état de frais ne faisait état, pour ce poste, que de 2h35 d'activité, était erronée.

b. Le Ministère public conclut, à la forme, à l'irrecevabilité du recours, et, au fond, à son rejet.

La voie de l'opposition était seule ouverte contre les ordonnances d'indemnisation après opposition à une ordonnance pénale, au sens des art. 353 al. 1 let. g et 354 CPP. La voie de droit mentionnée dans sa décision était inexacte.

Il aurait en outre revenu à Me A______ de recourir contre l'ordonnance de nomination du 15 avril 2024, laquelle ne prévoyait pas la rétroactivité de son mandat au jour du dépôt de la demande. L'absence d'une telle démarche ne pouvait être palliée a posteriori par l'opposition à l'ordonnance d'indemnisation.

La mention de "11h45", procédait d'une erreur de plume, et "le temps à retrancher de l'état de frais est bien de 11h25" [sic].

c. Me A______ persiste dans ses conclusions.

Le défenseur d'office qui entendait contester l'indemnisation de son état de frais disposait des voies de droit prévues par l'art. 135 al. 3 CPP, dans sa teneur entrée en vigueur dès le 1er janvier 2024.

Au sens de cette disposition, "la décision finale", était l'ordonnance du Tribunal pénal, qui pouvait être attaquée par le voie du recours, conformément à l'art. 393 al. 1 let. b CPP. C'était donc bien cette dernière qui devait être entreprise contre la décision querellée, et son recours était donc recevable.

Ainsi, la voie de droit mentionnée dans la décision querellée était correcte. Même s'il en était autrement, son recours devait être admis sur la foi du principe de la protection de la confiance, s'agissant d'une norme nouvellement en vigueur et pour laquelle il n'était pas possible de consulter la jurisprudence ou la doctrine.

Sur le fond, conformément à l'art. 5 al. 1 RAJ, et en l'absence de mention dans l'ordonnance de nomination d'office dérogeant à cette règle, il n'avait pas conclu à l'octroi d'un effet rétroactif, mais à l'indemnisation de ses prestations à compter du jour de sa requête.

Enfin, la rubrique Courriers et téléphones totalisait 2h35 et non "11h25".

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et émane du défenseur d'office, qui a qualité pour agir (art. 135 al. 3 CPP) et un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Il convient toutefois d'examiner si la décision querellée est sujette à recours auprès de la Chambre de céans.

1.2.2. Jusqu'au 31 décembre 2023, l'art. 135 al. 3 let. a aCPP prévoyait que le défenseur d'office pouvait recourir devant l'autorité de recours, contre la décision du ministère public fixant l'indemnité.

Depuis le 1er janvier 2024, l'art. 135 al. 3 CPP prévoit que le défenseur d'office peut contester la décision fixant l'indemnité en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale.

1.2.3. L'art. 393 al. 1 let. a CPP, dont la teneur est demeurée identique au 1er janvier 2024, dispose que le recours est recevable contre les décisions du ministère public.

Le recours au sens étroit constitue la voie de droit ordinaire à l'encontre des décisions rendues en procédure préliminaire, telle que l'indemnité du défenseur d'office (L. MOREILLON / A. PAREIN‑REYMOND, Petit commentaire CPP, Bâle 2016, n. 5 et 12 art. 393).

1.3. En l'espèce, l'indemnisation querellée ne figurait pas dans l'ordonnance pénale, rendue dans le cadre de la procédure principale, contrairement à ce que prévoit l'art. 353 al. 1 let. g CPP et aux principes applicables en la matière – rappelés dernièrement dans l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_1319/2023 du 23 avril 2024 consid. 3.1 –. Elle a fait l'objet d'une décision ultérieure séparée.

Ainsi, lorsque le Ministère public rend une décision indépendante ultérieure, il convient – contrairement à ce que prévoit l'art. 135 al. 3 CPP qui s'applique à l'indemnisation fixée dans l'ordonnance pénale, conformément à l'art. 353 al. 1 let. g CPP – d'appliquer les voies de droit ordinaires prévues pour contester les ordonnances de cette autorité. Le recours est donc la voie de contestation, conformément à l'art. 393 al. 1 let. a CPP (cf. C. GETH, Verteidigungsrechte und Haftrecht nach der Revision der Strafprozessordnung in Basler Juristische Mitteilungen, 2024 p. 136-137 – qui retient que, dans un cas où l'indemnisation n'a pas été fixée dans la décision finale, il est judicieux d'appliquer les règles générales et de prévoir un droit de recours conformément à l'art. 393 CPP –).

Partant, le recours est recevable.

2. 2.1. À teneur de l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès.

2.2. L'assistance juridique est en règle générale octroyée avec effet au jour du dépôt de la requête (art. 5 al. 1 RAJ).

2.3. En l'occurrence, le 21 mars 2024, Me A______ a demandé l'assistance juridique pour son client, laquelle a été octroyée par ordonnance du 15 avril 2024. La décision en question ne mentionne pas le dies a quo de la couverture de son activité. En l'absence d'une telle information, le recourant pouvait, de bonne foi, considérer qu'elle débuterait conformément à l'art. 5 al. 1 RAJ – norme réglementant la question – soit au dépôt de sa requête (cf. not. ACPR/360/2015 du 30 juin 2015 consid. 3.1. et 4.1).

Partant, c'est à tort que le Ministère public a fait débuter l'indemnisation au jour de l'ordonnance de nomination du défenseur d'office et non à celle de la demande, faute de précision contraire à cet égard dans sa décision d'octroi.

Afin de permettre au recourant de bénéficier du double degré de juridiction – et au Ministère public de corriger son "erreur de plume", qui rend la motivation peu compréhensible –, la cause sera ainsi renvoyée au Ministère public (art. 397 al. 2 CPP) pour qu'il statue sur l'indemnisation de l'activité déployée entre le 21 mars et le 15 avril 2024, détaillée dans l'état de frais produit.

3.             En conclusion, le recours se révèle fondé et doit être admis. Partant, l'ordonnance querellée doit être annulée.

4.             L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 et 4 CPP).

5.             5.1. Le défenseur d'office a droit à des dépens lorsqu'il conteste avec succès une décision d'indemnisation (ATF 125 II 518 consid. 5 p. 520; arrêt du Tribunal fédéral 6B_439/2012 du 2 octobre 2012 consid. 2).

5.2. In casu, il y a lieu, compte tenu de l'admission des conclusions du recourant, de lui allouer, à titre de juste indemnité, un montant de CHF 432.40 TVA à 8.1% comprise, pour son acte de recours et sa réplique.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet le recours.

Annule l'ordonnance querellée et renvoie la cause au Ministère public pour qu'il statue au sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à Me A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 432.40 TTC pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal pénal fédéral connaît des recours du défenseur d'office contre les décisions de l'autorité cantonale de recours en matière d'indemnisation (art. 393 al. 1 let. a CPP et 37 al. 1 LOAP). Le recours doit être adressé dans les 10 jours, par écrit, au Tribunal pénal fédéral, case postale 2720, 6501 Bellinzone.