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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/5436/2023

ACPR/676/2024 du 18.09.2024 sur ONMMP/3490/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : VIOL;SOUPÇON;ASSISTANCE JUDICIAIRE
Normes : CPP.310; CPP.136; aCP.189; aCP.191

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5436/2023 ACPR/676/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 18 septembre 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 9 août 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 22 août 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 9 août 2024, notifiée le 12 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour ouverture d'une instruction. Il sollicite en outre l'assistance judiciaire pour le recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 9 mars 2023, C______ a déposé plainte contre A______ pour plusieurs actes de violences physiques, d'exploitation sexuelle et de violences sexuelles, notamment viol. En substance, elle avait rencontré le précité à D______ trois mois plus tôt et était arrivée à Genève avec lui un mois plus tard. Rapidement, il l'avait frappée sur tout le corps et obligée à se prostituer dans un appartement à la rue 1______ no. ______, menaçant de faire du mal à sa famille si elle ne s'exécutait pas. Elle a précisé que dans l'appartement en question se trouvaient deux autres femmes, E______ et F______, et que E______ devait également se prostituer.

b. Entendu par la police le même jour, A______ a nié les faits, arguant que c'était la plaignante qui l'avait violé deux semaines plus tôt, dans le logement précité. Il était en train de dormir et s'était réveillé "en pleine fellation qu'[il n'avait] pas demandée". F______ et E______ pourraient le confirmer.

Sur ce, il a déposé plainte pénale contre C______ pour l'acte sexuel non consenti.

c. Auditionnée par la police le même jour, E______, questionnée sur un viol prétendument subi par C______ une nuit, a déclaré que cela était faux. Cela s'était passé différemment. Ainsi, une nuit, alors qu'ils étaient les quatre en train de dormir sur le même matelas avec la même couette [soit elle-même, F______, C______ et A______] – F______ dormait et A______ dormait contre C______ – cette dernière s'était glissée sous les draps et avait "commencé à le sucer". A______ s'était réveillé et avait "commencé à gueuler sur C______ comme quoi elle l'avait violé". C______ était une "nympho". A______ avait frappé C______ une seule fois en lui donnant une gifle, qui selon elle était clairement méritée, car elle lui avait manqué de respect. Or, "on ne manque pas de respect à un homme".

d. Le lendemain, une instruction pénale contre A______ pour lésions corporelles simples, voies de fait, menaces, contrainte, traite d'êtres humains, encouragement à la prostitution, contrainte sexuelle et viol a été ouverte.

e. Devant le Ministère public, le 26 juin 2023, E______ a notamment déclaré que C______ était une fausse victime de viol, ajoutant : "À ce qu'il paraît, elle s'est fait violer dans la même pièce et j'aurais pu entendre des bruits. C'est elle qui sautait souvent sur A______ pour avoir des relations sexuelles".

f. Entendu par le Ministère public le 18 août 2023 en lien avec les allégations de fellation non consentie de A______, G______, le locataire de l'appartement de la rue 1______ no. ______, a indiqué que A______ lui en avait parlé une fois, alors qu'ils étaient dans la chambre ou la cuisine. Il n'était pas présent durant ladite fellation.

g. À la même audience, C______ a contesté avoir fait une fellation non consentie à A______, réitérant que c'était elle qui avait été victime d'un viol. Elle ne s'était pas levée en pleine nuit en se disant : "tiens je pourrais faire une petite fellation à Monsieur A______". Celui-ci mentait.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public relève que les faits sont contestés par C______. Aucune contrainte n'était par ailleurs décrite dans la plainte, de sorte que les éléments constitutifs de l'art. 189 CP en vigueur au moment des faits n'étaient pas réalisés (art. 310 al. 1 let. a CPP).

D. a. À l'appui de son recours, A______ excipe une violation de l'art. 191 aCP, disposition qui n'avait pas été examinée par le Ministère public. Il ressortait de ses déclarations, corroborées par celles de E______ et de G______, qu'il avait subi une fellation non consentie alors qu'il était incapable de résistance, C______ profitant de son état d'inconscience.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (arrêt 6B_196/2020 précité; ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; ATF 138 IV 86 consid. 4.1).

4. Enfreint l'art. 189 al. 1 aCP, dans sa version en vigueur au moment des faits (art. 2 al. 2 CP a contrario), celui qui, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister l’aura contrainte à subir un acte analogue à l’acte sexuel ou un autre acte d’ordre sexuel.

Selon l'art. 191 aCP, se rend coupable d'acte d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, celui qui, sachant qu’une personne est incapable de discernement ou de résistance, en aura profité pour commettre sur elle l’acte sexuel, un acte analogue ou un autre acte d’ordre sexuel.

5. En l'espèce, le recourant prétend avoir subi une fellation non consentie prodiguée par C______, alors qu'il dormait, ce que cette dernière conteste.

Il ressort du dossier que c'est à la suite de la plainte pénale déposée par C______ contre l'intéressé, notamment pour viol, que celui-ci, entendu par la police comme prévenu, a mentionné les faits précités et déposé lui-même plainte pénale.

E______, qui dormait au côté des prénommés mais aurait alors été réveillée, a déclaré avoir assisté à la scène. Or, ses déclarations sont sujettes à caution, en tant qu'elle apparaît clairement avoir pris le parti du recourant contre la mise en cause.

Quant aux déclarations de G______, elles ne corroborent en rien la plainte, celui-ci, qui n'était pas présent au moment des faits, n'ayant fait que recueillir les propos que le recourant lui avait confiés.

Partant, que ce soit sous l'angle de l'art. 189 aCP ou de l'art. 191 aCP, il n'existe pas d'éléments objectifs et probants au dossier permettant d'accréditer la version du recourant et de fonder ainsi un soupçon suffisant d'une infraction de nature sexuelle commise à son encontre.

6. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours, rejeté.

7. Le recourant sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours.

7.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire gratuite à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle ne dispose pas des ressources suffisantes et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. a) et à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l’action pénale ne paraît pas vouée à l’échec (let. b). L'assistance judiciaire comprend, notamment, l'exonération des frais de procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP).

7.2. La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. L'assistance judiciaire peut être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée (par exemple en raison du dépôt tardif de la plainte ou d'une infraction ne protégeant pas les intérêts privés) ou si la procédure pénale est vouée à l'échec, notamment lorsqu'une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement doit être rendue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_49/2019 du 20 mai 2019 consid. 3.1).

7.3. En l'occurrence, sans même examiner la question de l'indigence, force est de retenir que le recours était voué à l'échec pour les motifs exposés plus haut, de sorte que les conditions pour l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours ne sont pas remplies.

La demande sera, partant, rejetée.

8. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Le refus d'octroi de l'assistance juridique gratuite est, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance juridique gratuite pour la procédure de recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/5436/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

Total

CHF

800.00