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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8763/2024

ACPR/624/2024 du 23.08.2024 sur OMP/10122/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE JUDICIAIRE;PLAINTE PÉNALE
Normes : CPP.136

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8763/2024 ACPR/624/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 23 août 2024

 

Entre

 

A______, représentée par Me D______, avocate,

recourante,

 

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 14 mai 2024 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


Vu :

-          l'ordonnance du 14 mai 2024, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner une défense d'office en faveur de A______;

-          le recours expédié le 27 mai 2024 par la précitée contre cette décision.

Attendu que :

-          le 22 mars 2024, la police est intervenue au domicile de A______ en raison d'un conflit avec son ex-concubin, B______;

-          le même jour, A______ a déposé plainte. Elle a expliqué, en présence d'une traductrice, que B______ était entré chez elle, après une dispute. Il l'avait traitée de "psychopathe" et de "pute", empêchée de respirer en mettant ses mains sur sa bouche et son nez pendant environ cinq minutes, en lui disant que si elle ne se taisait pas, il la tuerait. Elle l'avait mordu pour se dégager et avait téléphoné à la police. Elle avait eu très peur pour sa vie;

-          selon le constat médical établi le lendemain par le Service de médecine de premier recours des HUG, A______ présentait notamment une plaie de 1 cm sur la lèvre supérieure, du sang séché sur les lèvres et autour des narines et un hématome au niveau du poignet droit. Elle était en outre en état de choc;

-          des photographies des lésions figurent également au dossier;

-          lors de son audition à la police, en présence d'un interprète, B______ a contesté les faits;

-          par lettre du 29 avril 2024, Me D______ s'est constituée pour la défense des intérêts de A______. Elle demandait l’octroi d’une défense d’office, avec effet au 24 avril 2024, au motif que sa mandante était réfugiée ukrainienne et au bénéfice de l'aide sociale;

-          dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère que A______ était indigente et que l'action civile ne paraissait pas vouée à l'échec. La désignation d'un conseil juridique gratuit n'était toutefois pas justifiée, au vu de l'absence de difficultés particulières de fait ou de droit de la cause et de la situation personnelle de l'intéressée;

-          à l'appui de son recours, A______ conclut à l'annulation de cette décision. Elle ne connaissait pas le système juridique suisse, ne parlait pas le français, suivait un traitement psychiatrique depuis son agression et souffrait d'insomnies et de cauchemars. Elle soutenait avoir ainsi besoin, en plus d'un interprète, d'un conseil juridique "pour se repérer dans cette procédure" et être conseillée utilement. En outre, elle devait être entendue dans une salle LAVI en raison des souffrances subies et de l'impossibilité, pour elle, de se retrouver dans la même salle que son agresseur;

-          par courrier expédié le 18 juin 2024, le conseil de la précitée a transmis à la Chambre de céans le rapport médical établi le ______ juin 2024 par la Dre C______, médecin ______ [fonction] à l'Unité interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence des HUG (ci, après, UIMPV);

-          à teneur dudit rapport, A______ s'était spontanément présentée à l'UIMPV le ______ mars 2024 pour demander une reprise du suivi entamé le ______ avril 2023, à la suite de nouvelles violences conjugales. Il était constaté la présence d'un trouble de stress post-traumatique (avec reviviscences, cauchemars, symptômes neuro-végétatifs, dissociation et comportement d'évitement) ainsi qu'une symptomatologie dépressive et anxieuse, nécessitant la reprise d'un suivi et d'un traitement médicamenteux. Son état psychique s'était légèrement amélioré, mais restait fragile.

Considérant en droit que :

-          le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP);

-          on entend par victime le lésé qui, du fait de l'infraction, a subi une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle (art. 116 al. 1 CPP);

-          à teneur de l'art. 136 al. 1 let. b CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement, sur demande, l'assistance judiciaire gratuite à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l'action pénale ne paraît pas vouée à l'échec. Cette disposition, entrée en vigueur le 1er janvier 2024, formalise la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1);

-          selon l'art. 136 al. 2 CPP, un conseil juridique gratuit doit être désigné lorsque la défense des intérêts de la victime l'exige. Cette exigence de nécessité signifie que l'affaire présente des difficultés de fait ou de droit auxquelles la personne concernée ne pourrait pas faire face seule, car cela rendrait impossible une défense adéquate et efficace de ses intérêts. Cette question doit être tranchée au vu de l’ensemble des circonstances concrètes, qui comprennent la gravité de l'atteinte, les difficultés de fait et de droit liées au cas ainsi que la capacité de la personne concernée de se repérer dans la procédure, notamment en considération de sa condition physique et psychique (Message du Conseil fédéral concernant la modification du code de procédure pénale, FF 2019 6351, p. 6387);

-          en l'espèce, la défense des intérêts de la recourante n'appelle manifestement pas de connaissances juridiques particulières, quand bien même elle affirme avoir souffert psychologiquement. Elle a déposé plainte, seule, en présence d'un interprète, fait constater ses lésions et est retournée spontanément à l'UIMPV pour reprendre son suivi et son traitement médicamenteux. Les mesures d'instruction à envisager semblent, à ce stade, simples, dès lors qu'il lui appartiendra de justifier ses prétentions éventuelles, en étayant son dommage avec des factures et en chiffrant son tort moral;

-          s'agissant des souffrances particulières qu'elle fait valoir et l'impossibilité de se retrouver dans la même salle que son ex-compagnon, ce sont les droits liés au statut de victime (art 117 CPP) qui auront le cas échéant pour objectif de la protéger dans la présente procédure, et non pas l'art. 136 CP;

-          partant, les circonstances ne le justifiant pas, c'est à bon droit que le Ministère public a refusé de désigner à la recourante un conseil juridique gratuit;

-          le recours sera par conséquent rejeté;

-          vu l'issue du recours, la Chambre de céans pouvait statuer sans demander d'observations à l'autorité intimée (art. 390 al. 2, première phrase, a contrario, CPP);

-          la procédure de recours contre le refus de l'octroi de l'assistance juridique ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'Etat.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour elle, son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES TOP

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).