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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/23690/2021

ACPR/445/2024 du 13.06.2024 sur OPMP/2032/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;REFUS DE STATUER;PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ
Normes : CPP.385; CPP.396; CPP.5

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23690/2021 ACPR/445/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 13 juin 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocat,

recourant,

contre le courrier du Ministère public du 15 mai 2024 et pour retard injustifié,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 

 

 

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 27 mai 2024, A______ recourt contre le courrier du 15 précédent, notifié le lendemain, par lequel le Ministère public, se référant à sa demande de classement partiel, l'a informé qu'il statuerait sur la totalité des faits qui lui étaient reprochés à l'issue de l'instruction.

Le recourant conclut à l'annulation de la "décision" querellée, à la constatation d'une violation du droit à être jugé dans un délai raisonnable et à ce que la Chambre de céans ordonne au Ministère public de classer les faits visés par l'ordonnance pénale du 11 mars 2022, sous suite de frais et dépens.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 3 décembre 2021, une plainte pénale a été déposée par des représentants du centre commercial de C______ à Genève du chef de dommages à la propriété, soit des graffitis apposés sur la façade dudit centre commercial, dont le texte est : "D______COLLABO / GENEVE ANTIFA".

Étaient jointes à cette plainte pénale, des images de vidéosurveillance montrant deux personnes, dont l'une peignant le texte susévoqué et l'autre se tenant à proximité.

b. Ces deux personnes ont été identifiées comme étant E______ (peignant le graffiti) et A______ (se tenant à proximité). Une instruction pénale a été ouverte contre eux.

c. Le 11 mars 2022, une ordonnance pénale a été rendue à l'encontre de A______, le déclarant coupable de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP) pour les faits susdécrits.

Opposition a été formée.

d. Parallèlement, A______ est prévenu d'incendie intentionnel, violation de domicile et dommages à la propriété considérables au préjudice de F______ SA.

Ces faits ont été joints à ceux décrits ci-dessus et instruits sous le n° P/23690/2021.

e. L'instruction s'est poursuivie donnant lieu à plusieurs décisions attaquées par A______ devant la Chambre de céans (voir, notamment, les arrêts ACPR/421/2023 du 6 juin 2023, ACPR/685/2023 du 1er septembre 2023, ACPR/973/2023 du 13 décembre 2023 et ACPR/245/2024 du 15 avril 2024).

Ces décisions sont toutes en rapport avec les faits de dommages à la propriété reprochés à A______, étant précisé que l'ACPR/421/2023 a fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral toujours pendant.

f. Le 7 décembre 2023, à la suite d'un accord entre les parties concernées, la société propriétaire du centre commercial de C______ a retiré sa plainte pénale à l'encontre de E______ et A______.

g. Par pli du 20 décembre 2023, A______ a requis le classement de la procédure ouverte contre lui pour les graffitis susmentionnés.

Il a relancé le Ministère public par plis des 4 mars et 13 mai 2024.

h. Le 15 mai 2024, le Ministère public lui a adressé le courrier querellé.

C. a. À l'appui de son recours, A______ invoque une violation de "l'obligation d'ordonner un classement partiel", ainsi que du principe de célérité. Étant poursuivi pour deux complexes de faits différents, il était possible de statuer de manière indépendante sur chacun de ces deux pans de la cause et de classer la partie relative aux dommages à la propriété, au vu du retrait de la plainte pénale originelle. L'instruction pouvait encore durer de nombreuses années pour le surplus.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai de dix jours après la notification du courrier litigieux (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP).

En outre, le recours pour déni de justice ou retard injustifié n'est soumis à aucun délai (art. 396 al. 2 CPP).

2.2. Toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci (art. 382 al. 1 CPP). À teneur de l'art. 393 al. 1 let. a CPP, le recours est ouvert contre les décisions et les actes de procédure de la police, du ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions. Cependant, les décisions qualifiées de définitives ou de non sujettes à recours par le CPP ne peuvent pas être attaquées par le biais d'un recours (art. 380 CPP).

Sous réserve de l'invocation de l'interdiction de la double poursuite, l'introduction d'une procédure préliminaire n'est pas sujette à recours (art. 300 al. 2 CPP). Seules les décisions clôturant la procédure préliminaire peuvent être attaquées, pour autant qu'elles mettent un terme définitif à la procédure pénale, à l'instar du classement et de l'ordonnance pénale (mais pas la mise en accusation puisque dans ce cas la procédure est portée devant un tribunal et donc poursuivie). Il s'ensuit que les parties ne peuvent pas recourir contre l'introduction ou la poursuite de la procédure préliminaire, car cela ne leur cause aucun préjudice juridique (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_320/2023 du 21 février 2024 consid. 2.3). Cette exception au principe selon lequel l'autorité de recours statue sur les recours dirigés contre les actes de procédure et contre les décisions non sujettes à appel rendues par le Ministère public (art. 20 al. 1 let. b CPP) tend à éviter que les parties bloquent le cours de la procédure pénale à leur guise; lesdites parties ne sauraient partant contourner la réglementation légale en formant une demande de classement puis, le cas échéant, un recours contre la décision la rejetant ; ainsi, un tel recours est-il irrecevable (arrêts du Tribunal fédéral 1B_375/2016 du 21 novembre 2016 consid. 2;  1B_209/2011 du 6 septembre 2011 consid. 2 ; Y. JEANNERET, La réforme du casier judiciaire et l'exemption de peine : d'une incohérence à un droit au classement ? RPS 2023 p. 249 et suivantes, p. 256 et suivante).

2.3. En l'espèce, le courrier querellé, en tant qu'il confirme le refus du Ministère public de classer la procédure à l'égard du recourant ne constitue pas, conformément à la jurisprudence constante, une décision sujette à recours, faute de causer un préjudice juridique au recourant. De surcroît, le procédé consistant à réclamer un classement, puis à recourir contre le refus du Ministère public, n'est pas admis. Le recours n'est ainsi pas ouvert contre le courrier querellé et les termes qu'il contient.

Le recours est donc irrecevable en tant qu'il vise le prétendu refus de classer du Ministère public.

2.4. Cela étant, le recours est recevable en tant qu'il vise un retard injustifié à statuer : un tel recours peut être déposé en tout temps. Il s'agit donc d'examiner cette question.

3. 3.1. À teneur de l'art. 5 al. 1 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié. Cette disposition concrétise le principe de célérité, et prohibe le retard injustifié à statuer, posé par l'art. 29 al. 1 Cst., qui garantit notamment à toute personne, dans une procédure judiciaire ou administrative, le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. Un déni de justice ou un retard injustifié est établi lorsqu'une autorité s'abstient tacitement ou refuse expressément de rendre une décision dans un délai convenable (Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4132). Une autorité commet un déni de justice formel et viole l'art. 29 al. 1 Cst. lorsqu'elle n'entre pas en matière dans une cause qui lui est soumise dans les formes et délais prescrits, alors qu'elle devrait s'en saisir (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 135 I 6 consid. 2.1; 134 I 229 consid. 2.3).

Comme on ne peut pas exiger de l'autorité pénale qu'elle s'occupe constamment d'une seule et unique affaire, il est inévitable qu'une procédure comporte quelques temps morts. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut; des périodes d'activités intenses peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires. Le caractère raisonnable du délai s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, à son comportement ainsi qu'à celui des autorités compétentes (ATF 144 II 486 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_605/2023 du 13 mai 2024 consid. 7.1).

3.2. En l'occurrence, la chronologie des différents recours contre les décisions du Ministère public déposés par-devant la Chambre de céans suffit à démontrer que la procédure n'a pas connu de période d'inactivité excédant ce qui est admissible. Notamment, un recours au Tribunal fédéral est toujours pendant pour un aspect de la cause lié aux faits dont le recourant demande le classement, de sorte que l'on ne peut reprocher au Ministère public de tarder à se prononcer sur la suite de la procédure. Plus précisément, le traitement de la demande du recourant de classer partiellement la procédure dirigée contre lui est d'autant moins sujette à un éventuel retard, qu'il ne dispose pas de prétention à obtenir un tel classement et ne subit aucun préjudice juridique par le refus du Ministère public de se conformer à sa demande dans l'immédiat.

Un retard injustifié à statuer est donc exclu.

Le recourant sera donc débouté de ses conclusions.

4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours dans la mesure de sa recevabilité.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/23690/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

-

CHF

Total

CHF

985.00