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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18252/2019

ACPR/47/2023 du 19.01.2023 sur OMP/13284/2021 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SÉQUESTRE(LP);RECOURS EN RÉFORME AU TRIBUNAL FÉDÉRAL;MINIMUM VITAL

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18252/2019 ACPR/47/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 19 janvier 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Olivier CRAMER, avocat, Cramer Avocats, place du Bourg-de-Four 24, case postale 3171, 1211 Genève 3,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de levée de séquestre rendue le 30 août 2021 par le Ministère public,

(par suite de l'arrêt du Tribunal fédéral 1B_123/2022 du 9 août 2022)

et

B______, comparant par Me Christophe EMONET, avocat, Pestalozzi Avocats SA, cours de Rive 13, 1204 Genève, C______ SA et D______ SA, domiciliés ______, comparant par Me Christophe EMONET, avocat, Pestalozzi Avocats SA, cours de Rive 13, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


Vu :

-          l'arrêt rendu par la Chambre de céans le 2 février 2022 (ACPR/65/2022);

-          l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 9 août 2022 (1B_123/2022) annulant l'arrêt attaqué et renvoyant la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision faisant ressortir les motifs déterminants de fait et de droit en relation avec les questions juridiques soulevées;

-          les dernières observations des parties, dont il ressort ceci :

-          selon le Ministère public (observations du 21 octobre 2022), qui arrête le minimum vital du recourant à CHF 6'390.65 par mois, sans les charges hypothécaires dont le paiement a été autorisé par le débit des fonds séquestrés lorsque les demandes lui en avaient été faites, l'intéressé disposerait de CHF 224'000.- de fortune personnelle à l'étranger et aurait obtenu le versement par E______ [compagnie d'assurances] de CHF 213'698.-, entre mai et décembre 2019, ainsi que des avances de proches de CHF 308'805.30 au minimum dès octobre 2019. Il résultait de l’addition de ces montants que le recourant pouvait largement couvrir son minimum vital, ce d’autant plus que le séquestre de sa rente mensuelle AVS de CHF 2'053.- avait été levé, de sorte que son recours devait être rejeté;

-          selon les parties plaignantes (observations du 26 octobre 2022), qui rappellent que les malversations qu'elles reprochent au recourant dépasseraient 20 millions de francs suisses, ce dernier aurait savamment planifié la distraction de ses avoirs et devait posséder de nombreux biens, notamment à l'étranger, qu'il n'avait pas encore été possible d'identifier, et "amoindri" ainsi, selon l'expression du Ministère public, ses avoirs à l'étranger, les estimant à quelques CHF 60'000.- alors que ses avocats avaient parlé de CHF 600'000.- en novembre 2019 (pce 500'132). Ayant par ailleurs reçu au moins CHF 552'953.50 entre mai 2019 et octobre 2021 (pce 600'064 – observations du Ministère public du 4 octobre 2021), le recourant pouvait à l'évidence couvrir ses besoins vitaux. De surcroît, l'entretien de ses enfants adultérins et de sa fille F______, âgée de 21 ans et domiciliée en Suède depuis juin 2021, et les charges hypothécaires, soit qu'elles étaient payées par les fonds sous séquestre, soit que la banque avait dénoncé le prêt hypothécaire, ne pouvaient être inclus dans son minimum vital mensuel, lequel s'élevait ainsi à CHF 4'990.65. Enfin, les transferts par A______ de fonds à l'étranger, notamment CHF 1'270'000.- en Egypte et USD 350'000.-, GBP 100'000.-, EUR 350'000.- et CHF 207'020.- à G______ (Qatar) n'avaient pas reçu d'explication satisfaisante justifiant leur prétendue disparition;

-          A______ (observations du 31 octobre 2022) a réitéré que, depuis octobre 2020, il n'était plus en mesure de régler la moindre charge courante, qu'il s'agisse des primes d'assurance, des impôts, des SIG ou des frais médicaux. Ses enfants avaient dû cesser leurs études dans des établissements privés, la procédure en mainlevée des oppositions du créancier hypothécaire avait abouti et il ne disposait plus d'actifs à l'étranger, hormis auprès de H______ [banque], lesquels n'étaient pas immédiatement réalisables. Lui et sa famille pouvaient encore se nourrir grâce à l'aide de proches;

-          A______ a répliqué le 14 novembre 2022, réitérant qu'il contestait toute infraction. Cela étant, il avait fait face à des dépenses nécessaires à concurrence de CHF 308'805.30 grâce notamment à des prêts d'un tiers, lui permettant d'entretenir sa famille et sa maison et de couvrir ses frais d'avocat. Il n'avait pas bénéficié de ses rentes d'invalide ou en faveur de ses enfants, car elles étaient versées sur un compte séquestré, dont la levée partielle n'avait été ordonnée que le 15 septembre 2022, représentant le versement d'un arriéré de CHF 27'535.25 et autorisant depuis lors le versement de ses rentes AVS. Il a fourni les justificatifs d'un état de situation de deux comptes en Egypte, auprès de H______ [banque], pour un total de CHF 39'362.10 au 14 novembre 2022 mais dont l'essentiel ne pouvait être liquidé avant fin 2023;

-          en définitive, le Ministère public et les parties plaignantes concluent au rejet du recours et A______ à son admission, limitée à la levée du séquestre en mains de la Fondation collective LPP I______ des sommes dues au titre de pensions d'invalidité, à concurrence des sommes arriérées avec effet au 1er avril 2020 et pour le futur, à concurrence de CHF 20'258.- par mois.

Attendu que :

La Chambre de céans tient pour acquis, à ce stade de l'instruction et au regard de la problématique en cause, les faits suivants :

a.A______, né le ______ 1957, de nationalité anglaise, marié à J______ depuis 1999, a trois enfants issus de cette union, F______, née le ______ 2023, K______, née le ______ 2001 et L______, né le ______ 2004.

b. Il est également le père de M______ et de N______, nés à O______ [Italie] les ______ 2006 et ______ 2007 d’une relation adultérine, pour l’entretien mensuel de chacun desquels il doit verser CHF 1'700.- dès le 1er octobre 2018. Les arriérés de pensions et les pensions courantes sont payés par autant de libérations des comptes saisis et ne sont pas litigieux en l'espèce.

c.A______ et son épouse sont copropriétaires d'une maison à P______ [GE], estimée à CHF 7 millions mais qui, selon un contrat de courtage du 14 août 2019, pourrait être proposée au prix de CHF 9'900'000.-. Le 23 avril 2021, Q______ [banque] a dénoncé au remboursement, avec effet au 31 juillet 2021, les différents crédits hypothécaires grevant cette maison, pour un montant arrêté, en capital, intérêts et indemnités, à CHF 4'953'033.15. La banque a obtenu, par jugement du 15 septembre 2022, la mainlevée des oppositions formées par A______ aux commandements de payer, poursuite en réalisation d'un gage immobilier, pour des montants de CHF 4'462'000.-.

d. Le prince saoudien B______, qui a connu A______ lorsqu'il gérait sa relation bancaire au sein de la banque R______, l'a engagé en 2003 pour gérer un family office à Genève, par le biais des sociétés D______ SA et C______ SA, dont B______ était l'unique actionnaire. Plus de CHF 140 millions ont été investis ou versés sur le compte personnel de B______ à Genève (ci-après, 4______) au fil du temps.

ea. Le contrat d'engagement de A______, du 1er avril 2003, conclu avec D______ SA, requerrait de sa part un niveau élevé de compétence, de loyauté et d'intégrité. Toutes les affaires et honoraires produits ou transigés par lui étaient la propriété exclusive de l'employeur. Il n'avait aucun droit à de quelconques commissions, honoraires ou bénéfices en résultant autres que ceux prévus par le contrat. En sa qualité de directeur général de D______ SA, son salaire initial annuel brut s'élevait à CHF 390'000.-, plus un bonus variable fixé en proportion du bénéfice obtenu à la fin de chaque année calendaire, un bonus additionnel à la seule discrétion de D______ SA, respectivement de B______, et une voiture de fonction.

eb. Le salaire annuel brut de A______ est passé à CHF 422'400.- en 2005 et 2006, CHF 466'800.- en 2007, CHF 502'800.- en 2008, CHF 595'270.- en 2009, CHF 663'000.- en 2010 et 2011, CHF 705'000.- en 2012, CHF 723'000.- en 2013, CHF 737'400.- en 2014, CHF 753'000.- en 2015, CHF 807'000.- en 2016 et CHF 855'000.- en 2017. Compte tenu de ce dernier chiffre, son dernier salaire mensuel s'est élevé à CHF 75'000.-, en mai 2019.

f. Fin 2017, B______, qui ne recevait que des courriels se plaignant d'un manque de liquidités mettant en danger la survie du family office et de ses investissements, s'est inquiété de l'absence de renseignements suffisants relatifs à la gestion de D______ SA et a demandé à l'un de ses fils de venir à Genève afin d'en savoir plus. Celui-ci s'est heurté à l'obstruction de A______ et n’a pu avoir accès aux documents des sociétés de son père qu'après en avoir été nommé administrateur, ce qui a retardé d'autant le constat des importantes pertes subies par le family office. Le contrat de travail de A______ a alors été résilié début mai 2019 pour le terme légal de congé de 6 mois, l'employé ayant été immédiatement libéré de l'obligation de travailler, pour pouvoir accéder aux informations et enquêter librement, le droit de lui notifier une résiliation avec effet immédiat durant le délai de congé si les investigations devaient révéler de justes motifs étant expressément réservé, ce qui advint le 22 août 2019.

g. B______ a déposé plainte pénale contre A______ le 4 septembre 2019, invoquant des prélèvements indus pour plus de CHF 11 millions, et l'existence de retraits cash inexpliqués des comptes de ses sociétés, supérieurs à CHF 15.6 millions.

h. A______, mis en prévention le 1er octobre 2019 pour escroquerie, abus de confiance et gestion déloyale pour ces faits, les a contestés. Il a prétendu avoir agi avec le consentement de B______, avec lequel il entretenait une relation fondée sur le respect de la parole donnée. Ce dernier aurait été informé de ses activités et aurait validé les états financiers des sociétés concernées, notamment ceux de D______ SA, ce qui est contesté.

i. Le Ministère public a immédiatement ordonné divers séquestres sur les avoirs de A______, notamment sur les créances exigibles ou futures découlant de la police d'assurance souscrite par lui auprès de I______.

j. L'instruction de la cause permet encore de retenir, à ce stade, les éléments suivants :

- des montants en espèces totalisant CHF 8'862'700.-, EUR 3'943'838.-,
GBP 763'906.55 et USD 1'144'091.42 ont été prélevés du compte 4______, par différents retraits pouvant aller individuellement jusqu'à l'équivalent de CHF 350'000.- ;

- seule une employée a indiqué avoir remis à Paris EUR 10'000.- à la femme de B______, alors que A______ soutient que cela se serait produit fréquemment et justifierait bien des prélèvements ;

- B______ a contesté avoir donné des espèces à des employés de S______, contrairement aux affirmations de A______ ;

-A______, selon l'analyse du compte 4______ et de ses comptes bancaires, a effectué des versements en espèces sur ceux-ci le jour même ou à quelques jours de retraits d'espèces du compte 4______, pour plus d'un million de francs suisses ;

- il utilisait sa carte de crédit professionnelle notamment pour tous les voyages privés réservés par des employés de D______ SA ainsi que pour beaucoup d'autres dépenses privées effectuées dans le cadre professionnel ;

- ses dépenses privées payées par sa carte de crédit professionnelle ont été comptabilisées et se sont accumulées dans son compte-courant débiteur ;

- il a recommandé à B______ de résilier les mandats des administrateurs T______ et U______ en mai, respectivement août, 2015, prétextant leur coût excessif, peu après que ceux-ci s'étaient inquiétés de la gestion de son compte-courant débiteur ;

- il ne fournissait aucun justificatif pour les dépenses réalisées avec la carte de crédit professionnelle, notamment des billets d'avion, des frais de restaurant, d'essence, des achats dans des boutiques de luxe, telles que V______, W______ et X______. Il annotait le relevé des cartes de crédit professionnelles pour indiquer s'il s'agissait de dépenses privées ou professionnelles, qu'il remettait ensuite à la comptable. En fin d'année, A______ aurait demandé de réattribuer certaines dépenses privées en dépenses professionnelles pour les sortir de son compte-courant débiteur, notamment pour des frais de voyage en famille aux Seychelles, à Megève ou à Dubaï ;

- il a déclaré avoir racheté, en avril 2019, son véhicule de fonction (Y______/1______ [marque, classe], modèle 2015) à D______ SA, au prix de CHF 60'000.- à déduire de son salaire, avec l'aval de Z______, administrateur de D______ SA, alors que ce dernier n’avait autorisé à sa demande que le transfert de plaques, au motif qu'elles correspondaient à une date de naissance ;

- en novembre 2019, selon ses avocats, A______ disposait en Egypte d'avoirs auprès de H______ [banque] et de AA_____ de EGP 1'006'214.31, soit environ CHF 61'742.- et de EGP 5'938'287.- soit CHF 363'619.-. Il avait également trois comptes ouverts auprès de AB_____ à ______[GBR] présentant des soldes de l'ordre de GPB 7'000.-, EUR 130'000.- et USD 90'000.- ;

- en novembre 2020, ces actifs s'inscrivaient respectivement à CHF 58'588.- et CHF 130'000.- en Egypte, et à GBP 22'211.16, EUR 3'614.51 et USD 4'763.30 à ______[GBR] ;

- selon les témoignages recueillis, A______, en raison de comportements inappropriés envers plusieurs employées, aurait engagé les avocats de D______ SA, aux frais de celle-ci, pour sa défense. Il aurait aussi entretenu, en partie à tout le moins, par les comptes de D______ SA, sa maîtresse AC_____ et les enfants nés de cette relation.

k. Le 30 avril 2019, A______ a appris qu'il était atteint d'un cancer urologique et souffrait de troubles du rythme cardiaque sévères et très invalidants, avec des palpitations, des malaises pré-syncopaux, de la fatigue et de la dyspnée d'effort. Sa santé mentale présentait une recrudescence de la symptomatologie anxiodépressive. Il est en incapacité totale de travailler depuis lors. Durant les six mois suivants son dernier salaire, versé en mai 2019, il a perçu des indemnités mensuelles maladie à hauteur de CHF 41'780.- en moyenne.

l. Selon décision de l'Office cantonal des assurances sociales du 13 juillet 2021, A______ avait droit, d'avril à décembre 2020, à une rente simple AI mensuelle de CHF 1'023.-, portée ensuite à CHF 1'032.-, et à une rente complémentaire simple pour chacun de ses enfants, de CHF 409.-, d'avril à décembre 2020 puis de CHF 413.-. La saisie de l'arriéré versé, soit CHF 27'535.25, a été levée le 15 septembre 2022.

m. A______ prétend n'avoir ni épargne ni bien immobilier à l'étranger et devoir affronter une situation financière très précaire. Il invoque des dettes chirographaires de CHF 120'000.- envers ses avocats et de CHF 35'000.- vis-à-vis d’amis.

n. Dans sa déclaration fiscale 2018, sa fortune mobilière s'élevait à CHF 584'371.- et sa fortune immobilière à CHF 4'907'400.-.

o. A______ a souscrit trois assurances-vie auprès de E______ [compagnie d'assurances], dont la valeur de rachat s'élevait au 31 décembre 2018 à CHF 304'991.-, et deux contrats de prévoyance professionnelle auprès de I______. Selon le premier (contrat [no.] 2______), son avoir vieillesse s'élevait à CHF 484'822.95 au 1er janvier 2020. À l'âge de la retraite, soit au 1er juin 2022, il devait percevoir un capital de CHF 560'868.55 ou une rente mensuelle de CHF 31'140.50. Selon le second (contrat [no.] 3______), son avoir vieillesse s'élevait à CHF 1'604'956.60 au 1er janvier 2020 et il devait percevoir, à l'âge de la retraite, un capital de CHF 2'099'911.10 ou une rente mensuelle de CHF 98'947.80.

p. La rente LPP mensuelle à laquelle A______ a droit actuellement s'élève à CHF 21'055.-. Elle est saisie.

q. Par ordonnance du 30 août 2021, le Ministère public a ordonné à l'Office cantonal des assurances sociales le séquestre (art. 263 CPP) de tous les avoirs en compte et de toutes les créances exigibles ou futures au bénéfice de A______, notamment tous les avoirs en compte et rentes invalidité futures.

Considérant en droit :

1. La recevabilité du recours et les principes juridiques pertinents, déjà examinés et non contestés (ACPR/311/2021, ch. 1. et 2., arrêt du Tribunal fédéral 1B_123/2022, ch.2), ne seront donc pas repris ci-après.

2. Selon le recourant, la précarité de sa situation financière rend nécessaire la libération des fonds pour assurer l'entretien de sa famille.

2.1. Le calcul du minimum vital du recourant, établi sur la base des normes d'insaisissabilité en vigueur à Genève en 2021 (RS/GE E 3 60.04), comprend l'entretien de base d'un couple marié (CHF 1'700.-), l'entretien de deux enfants de plus de dix ans (CHF 1'200.-) [K______, majeure et domiciliée en Suède, n'entre plus en cause, ni les pensions des enfants adultérins, prélevées directement sur les fonds séquestrés] et l'assurance-maladie du couple et de deux enfants (CHF 1'718.40) [A______ 568.35, J______ 611.65, K______ 413.55 et L______ 124.85; pce 500'757'29]. Les intérêts hypothécaires n'étant plus versés, il n'y a pas de charge de loyer à prendre en compte. Son minimum vital s'inscrit par conséquent à CHF 4'618.40.

2.2. Le recourant a perçu au moins CHF 552'953.50 entre mai 2019 et octobre 2021, soit plus de CHF 18'000.- par mois pendant 30 mois, et sa situation n'était alors pas précaire. On peine dès lors à percevoir pourquoi, au regard de ses qualités de gestionnaire professionnel, il n'a pas procédé à des aménagements budgétaires, une évolution financière moins favorable inéluctable ne pouvant lui échapper. Il résulte par ailleurs des revenus perçus jusqu'à fin 2021 que le recourant n'avait pas eu à entamer sa fortune sise à l'étranger. L'aurait-il fait qu'il n'en démontre ni la nécessité, ni la réalité, ni l'utilisation, ni l'étendue, aucun paper trail n'étant produit pour étayer ses dires. Le recourant affirme désormais n'être plus en mesure de maintenir l'essentiel du train de vie auquel il aurait droit, ce qui fonderait la levée du séquestre sollicité. Il ne propose toutefois aucune adaptation de son budget dispendieux et ne documente ni l'évolution des frais d'écolage de ses enfants ni leur situation actuelle. Il n'envisage pas non plus la possibilité pour son épouse de travailler ni celle de mettre en location ou en vente la villa familiale, dans un marché immobilier pourtant favorable, dont la réalisation lui permettrait de couvrir l'essentiel de ses besoins et de ceux de sa famille, sinon de réduire fortement ses charges courantes et l'accroissement de ses dettes. Aucune tentative de régler cette situation avec le créancier hypothécaire n'est alléguée alors que de telles démarches paraissent opportunes. Il en va de même de l'éventualité de louer ladite villa, avec l'accord du Ministère public, et de s'établir dans un logement plus modeste, afin de couvrir ses charges. Le recourant n'a pas non plus documenté l'évolution de ses avoirs à l'étranger ni fourni d'explication plausible concernant le délitement allégué de ceux-ci, alors qu'ils représentaient, dans leur état connu, une valeur importante au regard de la précarité alléguée. Dans ces circonstances et à ce stade de l'instruction, l'affirmation non documentée du recourant selon laquelle ses actifs étrangers auraient disparu n'est pas soutenable. L'ensemble de ces constats permet de considérer que le séquestre dont se plaint le recourant n'est pas disproportionné ni de nature à l'affecter dans la mesure où il le prétend, dès lors que son minimum vital peut être couvert par ses avoirs à l'étranger et la rente qu'il perçoit dorénavant, et pourrait l'être par une meilleure utilisation de ses biens. Il demeure en sus, ressortant de l'opacité des déclarations du recourant, de grandes inconnues concernant l'utilisation faite des moyens considérables dont il a disposé durant de nombreuses années, étant encore observé qu'il portait en compte du family office des dépenses privées confortables.

S'agissant par ailleurs d'une enquête complexe impliquant des recherches approfondies en Suisse et à l'étranger, le séquestre querellé n'est pas d'une durée excessive et la vraisemblance de l'existence de charges suffisantes à l'encontre du recourant demeure, en l'état, largement suffisante au regard des critères applicables en la matière pour le maintenir. Il est en effet vraisemblable, à ce stade, que l'implication du recourant dans l'activité délictuelle que lui reproche l'intimé, sur de nombreuses années, permette d'envisager un dommage possible de l'ordre de plusieurs millions de francs suisses et des frais de justice élevés.

Dans ces circonstances, le séquestre doit être maintenu.

3. Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'000.-, y compris un émolument de décision (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui seront fixés en totalité à CHF 2'000.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant et à l’intimé, soit pour eux leurs conseils, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juge, et Monsieur Louis PEILA, juge suppléant; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/18252/2019

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'905.00

-

CHF

Total

CHF

2'000.00