Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/896/2022 du 22.12.2022 sur ONMMP/3681/2022 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/19621/2022 ACPR/896/2022 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 22 décembre 2022 |
Entre
A______, domiciliée ______ [GE], comparant en personne,
recourante,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 21 octobre 2022 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte déposé le 1er novembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 21 octobre 2022, notifiée le 26 suivant, par laquelle le Ministère public n'est pas entré en matière sur sa plainte pénale contre la Première procureure B______.
La recourante conclut, préalablement, à ce qu'elle soit mise au bénéfice de l'assistance juridique et d'un conseil juridique gratuit, et, principalement, à l'annulation de l'ordonnance précitée, au constat d'un déni de justice, à la récusation de la magistrate susmentionnée [dans la procédure P/1______/2021] et à la reprise de l'instruction [de la P/1______/2021] par un autre procureur, et à divers actes d'instruction.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______ et C______ sont les parents d'une fille née en 2011. Séparés depuis 2016, ils s'affrontent dans le cadre de plusieurs procédures, notamment s'agissant des droits parentaux sur l'enfant, dont la garde a été confiée, en décembre 2018, au père par décision du Tribunal de première instance, un droit de visite restreint étant octroyé à la mère.
d. Le 12 septembre 2016, dans la cause P/2______/2016, B______ n'est pas entrée en matière sur la plainte déposée par C______ contre A______ pour séquestration et enlèvement (art. 183 CP), contrainte (art. 181 CP) et violation de domicile (art. 186 CP). Le précité reprochait à son ex-compagne d'avoir emmené leur fille à l'étranger sans son accord. Le recours de C______ a été rejeté par arrêt ACPR/23/2017 de la Chambre de céans du 19 janvier 2017.
c. Par suite de plaintes déposées notamment par C______ et ses parents, A______ est prévenue, en particulier pour diffamation et calomnie, dans la procédure pénale P/1______/2021, dont l'instruction a été reprise par B______ selon lettre adressée aux parties le 6 septembre 2022.
d. Le 11 septembre 2022, A______ a déposé plainte pénale contre B______.
En substance, A______ reproche à la magistrate de ne pas s'être récusée, alors qu'elle avait "clairement dysfonctionné" en 2016 "à l'avantage de C______", en rendant une ordonnance de non-entrée en matière [dans la procédure P/2______/2016]. Elle lui reproche, en outre, de l'avoir convoquée, dans la procédure P/1______/2021, un mercredi, seul jour de la semaine où elle est autorisée à voir sa fille dans le cadre de l'exercice de son droit de visite. À cet égard, elle a produit copie de la lettre par laquelle la Procureure avait, le 9 septembre 2022, informé son avocat que l'audience, fixée le mercredi, ne serait pas reportée, eu égard au non-respect des mesures de substitution ordonnées par le Tribunal des mesures de contrainte et au fait qu'elle n'avait pas d'autres disponibilités à brève échéance.
La demande de récusation, contenue dans la plainte, est traitée dans deux procédures séparées (PS/3______/2022 et PS/4______/2022).
e. Par courrier du 19 septembre 2022, le Ministère public a demandé à A______ d'énumérer les faits selon elle constitutifs d'une infraction pénale.
f. Par lettre du 26 septembre 2022, A______ a déclaré que sa plainte visait une atteinte à son honneur, une "entrave de justice en erreur", un abus de pouvoir et toute autre infraction qu'il appartenait au Procureur général de qualifier.
Pour le surplus, elle se réfère aux "événements tragiques et arbitraires" du 12 décembre 2018, soit le retrait du droit de garde sur sa fille, intervenu selon elle de manière "illicite".
Elle conclut à ce que sa demande de récusation dans la procédure P/1______/2021 soit enfin prise en considération, qu'une défense d'office équitable soit enfin décidée, par la nomination d'un autre avocat en lieu et place de son défenseur d'office, et que la procédure susmentionnée soit attribuée à un autre procureur.
g. Par lettre du 4 octobre 2022 intitulée "2ème demande de récusation et 2ème plainte pénale", A______ persiste dans ses conclusions.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que le refus de la Procureure B______ de se récuser ne saurait constituer une infraction pénale, en particulier un abus d'autorité (art. 312 CP).
Dans la procédure P/2______/2016, la Procureure avait donné raison à A______ en refusant d'entrer en matière sur une plainte de C______, ce qui ne saurait constituer un dysfonctionnement à l'avantage de ce dernier. De même, la décision de la magistrate, dans la procédure P/1______/2021, de convoquer A______ un mercredi, respectivement son refus de déplacer l'audience, n'était pas constitutif d'abus d'autorité, le Ministère public n'ayant pas à tenir compte des occupations de chacun lors de la fixation des audiences, étant relevé que le refus opposé par la Procureure pouvait faire l'objet d'un recours.
S'agissant de l'atteinte à l'honneur (art. 174 et 177 CP) reprochée à B______, aucun fait n'était décrit, ni aucune pièce produite en relation avec ce grief. Aucune violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP) ne saurait non plus être imputée à une magistrate du Ministère public, qui ne faisait pas partie du cercle des personnes visées par cette disposition. L'"entrave de justice en erreur" n'était pas une infraction, et ni l'induction de la justice en erreur (art. 304 CP) ni l'entrave à l'action pénale (art. 305 CP) ne trouvaient à l'évidence application en l'espèce.
Au surplus, dans sa lettre du 4 octobre 2022, la plaignante ne fournissait pas d'éléments permettant de soupçonner la commission d'une infraction pénale. Faute d'indice, il y avait lieu de ne pas entrer en matière (art. 310, al. 1 let. a CPP).
La demande d'assistance juridique gratuite était refusée, dans la mesure où il apparaissait d'emblée que la condition des chances de succès de la cause n'était pas réalisée.
D. a. Dans son écriture de recours, A______ rappelle en détail les événements ayant conduit à sa séparation d'avec C______, les reproches qu'elle formule à l'égard des parents de celui-ci et la procédure civile qui l'oppose au précité pour la garde de leur fille. Elle dénonce l'existence de vices de procédure et de forme, de calomnie, de mensonges, de tort moral et d'abus de pouvoir de la part de "certains avocats et certains magistrats", la Chambre de céans "permet[tant]", de surcroît, "l'arbitraire et la violation des droits constitutionnels".
Elle invoque, dans la présente procédure, la violation de son droit d'être entendue, le refus d'une procédure équitable, ainsi qu'une mauvaise application du droit fédéral et du principe in dubio pro duriore. B______ avait, en 2016, "instruit" une plainte de C______ pour enlèvement alors qu'une telle infraction n'était pas possible dans l'espace Schengen, puisque sa fille était citoyenne suisse et grecque. Bien qu'elle eût été entendue par la police, et malgré "l'instruction", la Procureure avait rendu une non-entrée en matière "en mélangeant avec des autres plaintes abusives", au lieu de rendre un classement, "car un avocat n'a pas le droit de calomnier et rester au Barreau".
Dans la présente procédure, le Procureur général "dissimul[ait]" ces faits, qui étaient "déjà graves" et la Procureure B______ était "coupable de plusieurs infractions".
La recourante affirme, au surplus, remplir les conditions pour l'octroi de l'assistance juridique gratuite.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).![endif]>![if>
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.![endif]>![if>
3. 3.1. Selon l'art. 310 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a). Le ministère public doit être certain que les faits ne sont pas punissables (ATF 137 IV 285 consid. 2.3 p. 287).![endif]>![if>
Le principe "in dubio pro duriore" découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 19 al. 1 et 324 CPP ; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_185/2016 du 30 novembre 2016 consid. 2.1.2 et les références). Il signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'infraction grave (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 ; ATF 137 IV 285 consid. 2.5 p. 288). En cas de doute, il appartient donc au juge matériellement compétent de se prononcer (arrêt du Tribunal fédéral 6B_185/2016 du 20 novembre 2016 consid. 2.1.2 et les références).
3.2. L'art. 312 CP réprime les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, auront abusé des pouvoirs de leur charge.
L'auteur n'abuse ainsi de son autorité que lorsqu'il use de manière illicite des pouvoirs qu'il détient de sa charge, c'est-à-dire lorsqu'il décide ou contraint en vertu de sa charge officielle dans un cas où il ne lui était pas permis de le faire. L'infraction peut aussi être réalisée lorsque l'auteur poursuit un but légitime, mais recourt pour l'atteindre à des moyens disproportionnés (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa et b et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1351/2017 du 18 avril 2018 consid. 4.2).
3.2. En l'espèce, en tant que la recourante dénonce des vices de procédure et de forme commis, selon elle, par des avocats et magistrats dans les procédures l'opposant à son ex-compagnon et les parents de celui-ci, ses griefs dépassent le cadre de la présente procédure, de sorte qu'ils sont irrecevables.
À bien la comprendre, la recourante reproche à la Procureure d'avoir, en 2016, dans la procédure P/2______/2016, prononcé une non-entrée en matière, plutôt qu'un classement, par suite de la plainte déposée par C______ pour enlèvement après qu'elle avait emmené leur fille en Grèce.
On ne distingue pourtant là aucun élément constitutif d'abus d'autorité, ni aucune autre infraction pénale. D'abord, car l'audition d'un mis en cause – en l'occurrence la recourante – ne suffit pas, à elle seule, à justifier l'ouverture d'une instruction (art. 309 CPP) et donc le prononcé d'un classement plutôt qu'une non-entrée en matière ; ensuite, car la jurisprudence considère que même lorsque le ministère public rend une ordonnance de non-entrée en matière au lieu d'une ordonnance de classement, il ne se justifie pas forcément d'annuler ladite décision (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1051/2018 du 19 décembre 2018 consid. 2.4.1 ; 6B_875/2018 du 15 novembre 2018 consid. 2.2.2 et les références citées), ce qui démontre que l'erreur n'est en général pas considérée comme grave ; enfin, car la recourante ne démontre pas quel préjudice elle aurait subi par l'ordonnance de non-entrée en matière – rendue en sa faveur –, laquelle a, au demeurant, fait l'objet d'un arrêt confirmatoire de la Chambre de céans après le recours formé par C______. Le grief sera dès lors rejeté.
La recourante ne semble pas revenir, dans son recours, sur le refus de la magistrate de reporter l'audience du mercredi 14 septembre 2022, mais même si tel était le cas, force serait de retenir qu'une telle décision ne réalise pas les conditions d'un abus d'autorité, ou d'une autre infraction pénale.
Par conséquent, en constatant l'absence d'indices de la commission d'une infraction pénale par la Procureure, le Ministère public n'a pas violé le droit fédéral, et la non-entrée en matière ne saurait constituer un "déni de justice". La recourante se plaint encore d'une violation de son droit d'être entendue, mais elle a pu compléter sa plainte pénale à deux reprises, les 26 septembre et 4 octobre 2022, de sorte qu'elle n'a pas été privée du droit de s'exprimer, et l'on ne voit pas, faute de précision à cet égard, en quoi la présente procédure aurait été "inéquitable".
4. Infondé, le recours sera rejeté. ![endif]>![if>
5. La recourante requiert le bénéfice de l'assistance juridique gratuite mais ses griefs étaient, d'emblée, juridiquement infondés, de sorte qu'elle ne remplit pas les conditions de l'art. 136 al. 1 CPP. La requête d'assistance judiciaire ne peut donc qu'être rejetée.![endif]>![if>
6. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État fixés en totalité à CHF 400.-, émolument de décision compris (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).![endif]>![if>
7. Le refus de l'assistance judiciaire sera, quant à lui, rendu sans frais (art. 20 RAJ ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_215/2018 du 14 juin 2018 consid. 1.2).![endif]>![if>
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 400.-.
Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/19621/2022 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF |
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- délivrance de copies (let. b) | CHF |
|
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 315.00 |
- | CHF |
|
Total | CHF | 400.00 |