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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/10989/2020

ACPR/895/2022 du 22.12.2022 sur OTDP/1832/2022 ( TDP ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.02.2023, rendu le 13.02.2023, IRRECEVABLE, 1B_61/2023
Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;REMPLACEMENT;RELATION DE CONFIANCE
Normes : CPP.132; CPP.133; CPP.134.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10989/2020 ACPR/895/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 22 décembre 2022

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], comparant en personne,

recourante,

 

contre les ordonnances de refus de remplacement du défenseur d'office rendues les 7 septembre et 25 novembre 2022 par le Tribunal de police

 

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé en personne le 26 septembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 précédent, notifiée le 14 suivant, par laquelle le Tribunal de police (ci-après, le Tribunal) a refusé de relever le défenseur d'office de sa mission.

La recourante conclut, sous suite de frais, à la désignation de Me B______ en qualité de défenseur d'office.

b. Par acte déposé en personne le 6 décembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 25 novembre 2022, notifiée le 2 décembre suivant, par laquelle le Tribunal a derechef refusé de relever le défenseur d'office de sa mission.

La recourante reprend les conclusions de son précédent recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Depuis plusieurs années, un différend oppose A______ au père de sa fille, C______, et aux parents de ce dernier.

Ce conflit a donné lieu à l'ouverture de nombreuses procédures pénales contre A______ notamment pour diffamation.

b. Dans la présente procédure, A______ a, lors de l'audience du 12 octobre 2020 par-devant le Ministère public, demandé la nomination d'un défenseur d'office en la personne de Me D______ ou de Me E______. Ce dernier a été nommé en qualité de défenseur d'office le 16 octobre 2020.

c. A______ a été renvoyée en jugement par acte d'accusation du 30 avril 2021. La cause est toujours pendante devant le Tribunal, une expertise psychiatrique de la prévenue ayant été ordonnée en février 2022.

d. Le 11 octobre 2021, A______ a déclaré vouloir changer d'avocat d'office. Après que Me E______ avait été menacé de plainte à la Commission du Barreau par l'avocat de la partie adverse lors d'une audience, elle avait été assistée par la stagiaire du précité à toutes les audiences. La justice avait l'obligation d'être équitable et elle avait besoin d'un avocat que le conseil de la partie adverse n'oserait pas menacer.

Dans une détermination ultérieure, A______ a reproché à son défenseur de ne pas avoir invoqué une rupture du lien de confiance, de ne montrer aucun intérêt pour son dossier – qu'il ne connaissait pas – et de ne pas savoir comment écrire correctement un recours au Tribunal fédéral. Elle estimait que le Tribunal devait mettre un terme au mandat de Me E______ dès l'instant où elle ne le voulait plus comme avocat.

e. Me E______, qui n'était pas opposé à ce qu'un nouveau conseil soit nommé d'office, s'en est rapporté à l'appréciation du Tribunal.

f. Par ordonnance du 22 octobre 2021, le Tribunal a refusé de relever Me E______ de sa mission, estimant que la relation de confiance n'était pas gravement perturbée et qu'une défense efficace restait assurée. Les motifs à l'origine de l'octroi de l'assistance judiciaire subsistaient et le manque de confiance allégué était purement subjectif. Il ne discernait aucun manquement qui aurait été gravement préjudiciable aux intérêts de la prévenue; le fait que l'avocat nommé d'office soit excusé par sa stagiaire ne rendait pas la défense inefficace.

g. Le recours formé contre cette décision par A______ – qui demandait alors la nomination de Me F______ –, a été rejeté par arrêt ACPR/861/2021 du 9 décembre 2021. Les faits relatés par la prévenue ne permettaient pas de conclure à une violation des devoirs professionnels de son défenseur d'office, ni de retenir que sa défense ne serait pas assurée de manière suffisamment efficace. Aucun élément au dossier ne laissait entrevoir que sa défense souffrirait d'une inaction de son avocat ou d'une grave perturbation de la relation de confiance.

h. Dans le cadre d'une procédure pénale parallèle – P/1______/2021 –, pendante devant le Ministère public, dans laquelle A______ est prévenue notamment de diffamation, la précitée a été placée en détention provisoire, en raison d'un risque de réitération, en avril 2022, puis libérée (ACPR/259/2022 du 20 avril 2022).

i. Le 24 août 2022, A______ a requis, dans la présente procédure, à nouveau le changement d'avocat d'office, soulignant que la nomination de Me E______ avait eu lieu sans que son avis eût été préalablement requis. Sa défense était "extrêmement défaillante" et sa perte de confiance en son défenseur était totale, car, à la suite de sa mise en détention provisoire [dans la procédure parallèle], elle était convaincue qu'avec n'importe quel autre avocat à Genève, ses droits humains n'auraient pas été violés. Elle ne savait pas si sa "maltraitance judiciaire" était l'œuvre de la défense défaillante de la part de son propre avocat, qui ne s'était jamais donné la peine de lire le dossier et le connaissait "moins que la République". Elle souhaitait que sa défense soit confiée à Me G______.

C. a. Dans la décision du 7 septembre 2022, le Tribunal a retenu que le manque de confiance allégué était purement subjectif. Lorsque A______ mentionnait que l'avocat ne connaissait pas son dossier et ne l'avait pas défendue efficacement, elle faisait référence à une autre procédure. Aucun manquement de l'avocat d'office, qui aurait été gravement préjudiciable aux intérêts de la prévenue, n'était constaté.

b. Dans son recours, A______ fait référence à sa mise en détention provisoire dans la procédure parallèle et estime que si l'on forçait Me E______ à la représenter, "on" violait l'art. 6 CEDH et son droit à être entendue. Elle était victime de "torture". Le précité devait être "relevé du dossier" pour que la vérité soit recherchée.

Elle produit copie de divers actes tirés de la procédure parallèle P/1______/2021.

c. Invité à se déterminer sur le recours, Me E______ répond ne pas avoir d'observations à formuler et se réfère au refus de réexamen rendu par la direction de la procédure de la Chambre pénale d'appel et de révision, le 17 octobre 2022, dans la cause P/2______/2017 pendante devant celle-ci, par suite de la demande de A______ de révoquer son défenseur d'office.

d. A______ n'a pas répliqué.

D. a. Le 8 novembre 2022, A______ a requis une nouvelle fois le changement de son défenseur d'office devant le Tribunal.

b. Dans sa décision du 25 novembre 2022, le Tribunal a retenu que lorsque A______ mentionnait que son défenseur d'office ne l'avait pas défendue efficacement et avait "violé son devoir" et sa volonté (à elle), elle faisait référence à une autre procédure pénale [P/1______/2021]. Aucun manquement préjudiciable à ses intérêts n'était discernable et les motifs avancés ne permettaient pas de conclure que la relation de confiance serait gravement perturbée.

c. Dans son recours, A______ considère que le Tribunal versait dans l'arbitraire en retenant l'absence de manquement après "des menaces échangées", les demandes de révocation acceptées par les Procureurs [dans la procédure parallèle], sa détention provisoire, l'attitude "totalement arrogante et en toute puissance" de l'avocat, qui "fai[sait] des audiences contre [s]a volonté et à plusieurs reprises comme si [elle] étai[t] incapable de discernement", son refus de parler avec elle d'avril à septembre, son refus de la défendre et de présenter en justice les preuves qu'elle lui avait demandé, le fait qu'il l'avait traitée d'une manière "gravement méchante" et s'accrochait bec et ongles au dossier, ce qui était "suspect et déshonorant", et le fait qu'il lui dise que soit il demeurait son défenseur d'office soit elle devrait "payer" [ses frais de défense].

Elle produit copie d'un procès-verbal d'audience devant le Ministère public dans la procédure parallèle P/1______/2021.

d. À réception de ce deuxième recours, la cause a été gardée à juger.


 

EN DROIT :

1.             Formés dans la même procédure, contre deux décisions différentes mais portant sur le même sujet et contenant les mêmes conclusions, les deux recours seront joints et donneront lieu à un seul arrêt.

2.             Les recours sont recevables pour avoir été déposés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2 ; 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP, concerner deux ordonnances sujettes à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

3.             La recourante invoque une rupture du lien de confiance avec son défenseur et demande le remplacement de ce dernier.

2.1. Selon l'art. 133 CPP, le défenseur d'office est désigné par la direction de la procédure au stade considéré (al. 1); lorsqu'elle nomme le défenseur d'office, la direction de la procédure prend en considération les souhaits du prévenu dans la mesure du possible (al. 2). Cette disposition concrétise la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la CourEDH relative aux art. 29 al. 3 Cst. et 6 par. 3 let. c CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 1B_387/2012 du 24 janvier 2013 consid. 4.3; Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure, FF 2006 1057, spéc. 1159; cf. arrêts rendus avant l'entrée en vigueur du CPP: ATF 105 Ia 296 consid. 1d p. 302; arrêts du Tribunal fédéral 1B_74/ 2008 du 18 juin 2008 consid. 2 et 1B_245/2008 du 11 novembre 2008 consid. 2; arrêt CourEDH Croissant contre Allemagne du 25 septembre 1992, § 29).

Une demande de remplacement du défenseur d'office ne peut être admise que si, pour des motifs objectifs, une défense compétente et efficace des intérêts du prévenu n'est plus garantie (ATF 116 Ia 102 consid. 4b/aa). L'art. 134 al. 2 CPP précise à ce propos qu'une défense compétente et efficace ne peut plus être assurée non seulement en cas de violation objective du devoir d'assistance, mais déjà en cas de perturbation grave de la relation de confiance entre le prévenu et le défenseur.

Le simple fait que la partie assistée n'a pas confiance dans son conseil d'office ne lui donne pas le droit d'en demander le remplacement lorsque cette perte de confiance repose sur des motifs purement subjectifs et qu'il n'apparaît pas de manière patente que l'attitude de l'avocat d'office est gravement préjudiciable aux intérêts de la partie (ATF 138 IV 161 consid. 2.4 p. 164; 114 Ia 101 consid. 3 p. 104; arrêt du Tribunal fédéral 1B_375/2012 du 15 août 2012 consid. 1.1). En effet, si la relation de confiance doit en principe être recherchée, le droit à un procès équitable garanti à l'art. 29 al. 1 Cst. ne donne pas à l'assisté le droit de refuser l'avocat désigné, parce qu'il n'aurait, pour des raisons purement subjectives, pas confiance en lui (arrêt du Tribunal fédéral 1P_364/2004 précité avec référence à l'ATF 105 Ia 296 consid. 1d p. 302).

De simples divergences d'opinion quant à la manière d'assurer la défense des intérêts du prévenu dans le cadre de la procédure ne constituent à cet égard pas un motif justifiant un changement d'avocat. Il appartient en effet à l'avocat de décider de la conduite du procès; sa mission ne consiste donc pas seulement à endosser le rôle de porte-parole sans esprit critique de l'accusé, qui se limiterait à se faire simple interprète des sentiments et des arguments de son client (ATF 116 Ia 102 : JT 1993 IV 186 consid. 4b/bb p. 105; 105 Ia 296 consid. 1 p. 304; ACPR/518/2012 du 23 novembre 2012). Sont en revanche dignes d'être pris en considération des griefs précis touchant à la personne du défenseur ou à un comportement de ce dernier qui montre à l'évidence que toute relation de confiance avec ce dernier est exclue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_187/2013 du 4 juillet 2013 consid. 2.2 et 2.3; A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019. n. 20-22 ad art. 134).

2.2. En l'espèce, la recourante invoque en premier lieu que la nomination de son défenseur serait intervenue sans que son avis n'ait été demandé, ce qui est erroné puisqu'elle a expressément, dans la présente procédure, requis la nomination de Me E______, ce qui ressort de l'ordonnance du 12 octobre 2020.

Les motifs invoqués par la recourante à l'appui de ses recours concernent une procédure autre que celle-ci. À bien la comprendre, la rupture du lien de confiance dans la procédure parallèle aurait des répercussions sur celle-ci.

Cela étant, la détention provisoire subie dans la P/1______/2021 n'est nullement imputable à son avocat, mais au risque de réitération retenu par le juge de la détention.

La recourante invoque l'existence de "menaces échangées", sans que l'on sache à quoi elle fait allusion.

Elle reproche à son défenseur de lui avoir dit que la défense de choix impliquerait qu'elle paie son avocat, mais cette information, fondée sur l'art. 129 CPP, est correcte.

La recourante invoque, sans le documenter, le refus de son avocat de parler avec elle "d'avril à septembre", sans que l'on sache si cela se réfère à la présente procédure ou celle parallèle ; quoi qu'il en soit, dans la mesure où la présente cause n'a pas connu d'avancement depuis que le Tribunal a ordonné, en février 2022, l'expertise psychiatrique de la prévenue, on ne voit pas quel préjudice la recourante pourrait invoquer.

Les autres motifs, tirés de l'attitude "arrogante" et "méchante" du défenseur d'office ne sont nullement documentés et relèvent de la perception subjective de la recourante.

Il s'ensuit que les faits nouvellement relatés, depuis le précédent arrêt rendu en décembre 2021, ne permettent pas de conclure que la défense de la recourante ne serait plus assurée de manière suffisamment efficace dans la présente procédure.

C'est ainsi à bon droit que le Tribunal a refusé de relever Me E______ de sa mission.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.-, y compris un émolument de décision (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Joint les recours.

Les rejette.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à A______ (en personne), à Me E______, au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/10989/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

-

CHF

Total

CHF

600.00