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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/52/2022

ACPR/874/2022 du 14.12.2022 ( PSPECI ) , REJETE

Normes : CP.75a

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/52/2022 ACPR/874/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 14 décembre 2022

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

recourant,

 

contre la décision de passage en milieu ouvert rendue le ______ 2022 par le Service de l’application des peines et mesures,

 

et

A______, actuellement détenu aux B______ [établissement pénitentiaire], ______, comparant en personne,

LE SERVICE DE L’APPLICATION DES PEINES ET MESURES, route des Acacias 78-82, 1227 Les Acacias, case postale 1629, 1211 Genève 26,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 22 juillet 2022, le Ministère public recourt contre la décision de passage en milieu ouvert rendue le 15 précédent par le Service de l’application des peines et mesures (ci-après : SAPEM) en faveur de A______.

Il conclut à l’annulation de cette décision, le passage en milieu ouvert devant être refusé; subsidiairement, à ce que le préavis de la Commission d'évaluation de la dangerosité soit sollicité.

b. Le 10 août 2022, la Direction de la procédure a accordé l’effet suspensif au recours (OCPR/42/2022).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.        Le 2 avril 2020, A______ a été condamné par la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (ci-après: CPAR) à une peine privative de liberté de 7 ans, sous déduction de 646 jours de détention avant jugement, pour actes d'ordre sexuel avec un enfant et contrainte sexuelle. Un traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP a également été ordonné.

Les faits concernaient des atteintes répétées à l'intégrité sexuelle et psychique de sa fille, née en 2001, durant 6 ans alors qu'elle était âgée de 8 à 14 ans.

b.        À teneur de son casier judiciaire, il a en outre été condamné, en juillet 2015 et juillet 2017, pour dommages à la propriété.

c.         Le 9 février 2022, l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) a précisé que A______ faisait l'objet d'une décision exécutoire et définitive, du 21 août 2020, de révocation de son permis B et de renvoi de Suisse.

d.        Il a été détenu à la prison de C______ du 28 juin 2018 au 16 juillet 2020, date à laquelle il a été transféré au pénitencier des B______ (B______); depuis le 7 septembre 2021, il est à la D______ (D______) [bâtiment de sécurité moyenne] des B______.

Il pourrait bénéficier d'une libération conditionnelle dès le 12 avril 2023, la fin de peine étant fixée au 4 septembre 2025.

e.         À teneur du rapport d'expertise psychiatrique du 31 octobre 2018, A______ a été diagnostiqué comme souffrant de trouble spécifique de la personnalité émotionnellement labile, d'un état de stress post-traumatique, de troubles de la préférence sexuelle, précisée comme pédophilie, et de troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation d'alcool, avec syndrome de dépendance, actuellement abstinent, mais en environnement protégé. La responsabilité de l'expertisé au moment des faits était très faiblement restreinte.

L'expertise fait état d'un niveau de psychopathie faible et d'un risque moyen de récidive pour des actes similaires à ceux faisant l'objet de la condamnation mais également pour d'autres infractions sexuelles.

Elle relève, comme facteurs protecteurs, l'absence de diagnostic de trouble psychotique; l'absence de condamnation antérieure pour des violences sexuelles ou des violences aux personnes; une insertion socio-professionnelle; la reconnaissance – initiale – des faits reprochés; la verbalisation d'un désir de changement et la démonstration de son investissement en débutant un travail psychothérapeutique depuis le début de son incarcération

Les facteurs de mauvais pronostic étaient l'interruption du suivi psychothérapeutique initié durant son incarcération; une tendance à la projectivité et à l'hétéro-attribution de la responsabilité; la négation des faits reprochés, après les avoir reconnus, et le souhait de ne pas en parler à l'expert; des attitudes minimisant ou excusant son comportement, ainsi que les conséquences sur la santé de la victime; de maigres démarches pour tenter de contrôler la dépendance à l'alcool; la poursuite de ses comportements, après la mise au courant de son épouse.

Afin de diminuer ce risque, un suivi ambulatoire, associant un traitement sexologique et un traitement psychiatrique et psychothérapeutique – également sur la question des toxiques –, était préconisé. Les objectifs du traitement étaient principalement: de traiter le trouble anxieux; d'assouplir les schémas cognitifs de personnalité; de l'accompagner dans une abstinence à l'alcool et aux autres toxiques; de travailler l'acceptation des troubles paraphiles; de s'assurer de l'absence de complication des troubles, notamment l'apparition d'un trouble dépressif caractérisé.

En cas d'échec du traitement ambulatoire, un traitement en milieu fermé était recommandé.

f.         L'évaluation criminologique du 11 mai 2021, de l'unité de E______ (E______) du service pénitentiaire des B______, retient que A______ présente un risque de récidive générale et violente qualifié de moyen notamment en raison de sa problématique liée à l'alcool et sa tendance à l'isolement social. Le risque de récidive sexuelle est estimé sous la moyenne et principalement en lien avec son isolement social. Le risque de fuite est, quant à lui, qualifié de faible. Bien que le permis de séjour du concerné n'ait pas été renouvelé et qu'il devra, dès lors, quitter la Suisse, son positionnement à ce sujet reste positif, ses projets de vie se situant en dehors du territoire helvétique.

Le niveau de facteur protecteur est apprécié comme étant moyen en raison du cadre carcéral structurant, du bon comportement adopté en détention et de sa motivation dans le suivi thérapeutique. Bien qu'abstinent en milieu protégé, l'intéressé devrait entamer une réelle réflexion sur cette problématique. Afin de diminuer les facteurs de risque de récidive, le condamné devait maintenir son investissement dans le suivi de traitement ambulatoire et approfondir sa réflexion sur son rapport à l'alcool ainsi que sur ses passages à l'acte afin de lui permettre de comprendre son fonctionnement émotionnel et mettre en place des stratégies de coping adaptées (ndr: adaptation au stress) susceptibles de le prémunir contre de nouvelles consommations d'alcool et de récidive sexuelle. Il devait travailler son projet de réinsertion professionnelle et maintenir sa participation aux activités structurées afin d'entretenir des contacts prosociaux réguliers avec son entourage pour influer sur son isolement et nourrir les liens avec sa famille.

g.        Le plan d'exécution de la sanction (PES), validé par le SAPEM le 30 juin 2021, prévoit un passage à la D______, suivi d'un passage en F______ (F______) [bâtiment à sécurité basse] – conditionné par un séjour réussi de 9 mois à la D______ et éventuellement l'avis de la Commission d'évaluation de la dangerosité (CED) – et finalement d'une libération conditionnelle dès avril 2023.

Les conditions générales prévues par le PES pour ce passage à la F______, sont les suivantes: n'avoir aucun comportement transgressif, être abstinent à l'alcool et aux produits stupéfiants, se soumettre à des contrôles inopinés, par des tests éthylométriques et des prises urinaires régulières, s'engager par écrit à ne pas prendre contact avec sa fille et victime pénale, sans le consentement écrit de cette dernière ainsi que celui de son représentant légal, se rendre aux séances de psychothérapie, verser mensuellement les indemnités à la victime, collaborer avec l'ensemble des intervenants concernés par sa prise en charge, notamment afin d'élaborer un projet de réinsertion socioprofessionnelle concret et tenant compte de sa situation administrative, et s'engager par écrit à collaborer dans le cadre de son renvoi du territoire helvétique.

h.        Dans le rapport du 30 juillet 2021 des B______, A______ semblait accepter sa situation administrative et envisageait un retour au Pérou; il demandait un accompagnement notamment dans la recherche de ses avoirs LPP. Il avait manifesté le souhait de reprendre contact avec sa fille cadette (pas la victime) mais le Service de protection des mineurs avait rapporté que sa fille cadette refusait de rencontrer son père.

i.          Par décision du 10 août 2021, le SAPEM a ordonné le transfert de A______ à la D______.

j.          Dans le rapport du 22 décembre 2021 des B______, A______ adoptait un bon comportement exempt de sanction disciplinaire; il était décrit comme une personne polie, discrète qui avait tendance à s'isoler et qui n'interagissait que très peu avec ses pairs. Depuis le 9 septembre 2021, il avait débuté des cours de français, d'allemand et de guitare.

k.        Selon le rapport médical du 25 janvier 2022 du Service de G______ des B______ (G______), A______ continuait de bien investir la thérapie, partageait ouvertement sur son vécu et était très preneur du suivi. Grâce au travail psychothérapeutique, il avait pu reconnaitre les délits commis et faire des liens avec son expérience personnelle et son fonctionnement. Il avait également exprimé des regrets qui semblaient sincères. Les objectifs visés par le traitement et le suivi thérapeutiques étaient centrés sur les infractions à caractère sexuel, le fonctionnement de la personnalité et le diagnostic retenu par les experts. Au vu de la bonne stabilité clinique actuelle de l'intéressé, le traitement médicamenteux allait pouvoir être adapté.

l.          Le 11 avril 2022, la Direction des B______ a préavisé négativement la demande de passage en milieu ouvert de A______, laquelle était prématurée, puisqu'il ne séjournait pas à la D______ depuis au moins 9 mois, contrairement à ce que mentionnait son PES. La Direction des B______ préconisait que la progression soit soumise à la CED.

m.      Par jugement du 2 juin 2022, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après: TAPEM) a ordonné la poursuite du traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP, jusqu'au prochain contrôle annuel, la mesure étant valable en l'état jusqu'au 2 avril 2025. Il a relevé que "le traitement ambulatoire mis en place, est adéquat, utile et nécessaire. Il a permis au cité, qui est compliant au traitement médicamenteux et au suivi psychothérapeutique, de reconnaître les infractions commises, de faire des liens avec son expérience personnelle et son fonctionnement et d'exprimer des regrets qui semblent sincères." Le traitement restait nécessaire afin de poursuivre le travail sur les objectifs thérapeutiques et prévenir ainsi tout éventuel risque de récidive le jour où le condamné retrouverait la liberté.

n.        Le 7 juin 2022, la Direction des B______ a préavisé, cette fois, favorablement la demande de passage en milieu ouvert formulée le 30 mai 2022. L'intéressé remplissait les conditions du PES. Il adoptait un bon comportement, effectuait le travail demandé, dans l'atelier conciergerie; il était décrit comme une personne calme, respectueuse qui ne rencontrait aucun problème avec ses pairs; les derniers contrôles toxicologiques étaient négatifs; l'intéressé continuait de rembourser les frais de justice et les indemnités à la victime; il s'était engagé à collaborer à son renvoi de Suisse et à ne pas contacter la victime.

Ce préavis ne préconisait pas la saisine de la CED.

o.        À teneur du rapport du 21 juin 2022 du Service de G______ des B______ (ci-après: G______, A______ était preneur du suivi, continuait à bien l'investir, et abordait sans réticence les différents sujets soulevés en séance avec son thérapeute; il critiquait ouvertement ses actes passés et exprimait ses regrets qui semblaient sincères.

p.        A______, né en 1982, est de nationalité espagnole et péruvienne; il a deux filles nées en 2001 et 2008. Il n'a plus de lien avec ses enfants ni leur mère qui vivent en Suisse, lesquelles ne souhaitent pas le revoir.

C. Dans sa décision déférée, le SAPEM a constaté que A______ remplissait les conditions de son PES; l'absence d'élaboration d'un projet de réinsertion socioprofessionnelle ne prétéritait pas l'octroi de l'allègement demandé mais devait être travaillé activement.

Si l'intéressé n'était pas un délinquant primaire, la condamnation prononcée par la CPAR était sa première peine privative de liberté. L'évaluation criminologique retenait un risque de récidive moyen en soulignant les facteurs protecteurs qu'étaient le cadre carcéral structurant, le suivi thérapeutique et le bon comportement en détention de l'intéressé. Ainsi, le risque de récidive, dans le cadre de son placement au sein d'une section ouverte d'un établissement d'exécution de peine, était suffisamment contenu. Au surplus, la CED n'avait pas été saisie, l'intéressé ne présentant pas de dangerosité dans le cadre de l'allègement sollicité.

Le condamné avait accepté le renvoi de Suisse et formé des projets de réinsertion en Espagne. Depuis son incarcération, il n'avait pas manifesté de velléité de fuite et l'évaluation criminologique retenait que ce risque était faible de sorte que ce danger pouvait être considéré comme suffisamment contenu dans le cadre d'un placement en milieu ouvert.

D. a. À l’appui de son recours, le Ministère public fait grief au SAPEM d'avoir apprécié la dangerosité de A______ dans le cadre de l'allègement sollicité, et non au sens de l'art. 75a al. 2 CP, pour la collectivité de manière générale, en tenant compte du risque de fuite combiné au risque de récidive. Or, en pouvant s'évader de l'établissement pénitencier dans lequel il serait placé en milieu ouvert, il pourrait récidiver, et partant, présenter un risque pour la collectivité.

Il conteste l'appréciation faite par le SAPEM d'un risque de fuite suffisamment contenu en milieu ouvert au motif que l'intéressé avait accepté son renvoi, n'avait pas exprimé de velléités de fuite et que l'unité de E______ évaluait que ce risque était faible; il estime que l'acceptation de son renvoi était un indice de risque de fuite. Il reproche au SAPEM de ne pas avoir tenu compte que A______ revendiquait ouvertement vouloir quitter la Suisse et participer à son renvoi au Pérou, ni de la longue peine infligée, rendant le risque de fuite d'autant plus aigu.

Le risque de récidive, même moyen, restait un risque de récidive et n'avait pas évolué positivement; le TAPEM avait ordonné la poursuite du traitement ambulatoire lequel visait précisément à en diminuer l'importance.

Le SAPEM avait violé l'art. 75a al. 1 CP en ne sollicitant pas le préavis de la CED. Accorder un placement en milieu ouvert à l'intéressé, sans avoir obtenu au préalable une évaluation criminologique et sans obtenir de préavis de la CED, était prématuré. Pouvoir trancher de manière catégorique revenait à considérer que la dangerosité du détenu était insignifiante, ou à tout le moins, devrait ressortir comme telle du dossier mis à la disposition du SAPEM pour son appréciation. Or, A______ avait été condamné à une peine privative de liberté de 7 ans pour des délits sexuels avec des enfants. Ces éléments mis en lien avec son absence complète d'attache avec la Suisse ainsi que les facteurs d'isolement social et de dépendance à l'alcool démontraient que sa dangerosité pour la collectivité subsistait.

b. Invité à se déterminer, le SAPEM persiste dans sa décision laquelle était fondée sur l'analyse de l'ensemble du dossier, et en particulier des préavis des professionnels en charge de la situation de l'intéressé. Le risque de récidive n'était pas resté le même depuis 2018. Les rapports du service médical de B______ indiquaient que le condamné se montrait demandeur du suivi thérapeutique et que la stabilisation de son état psychique permettait d'entamer un suivi psychothérapeutique centré sur les infractions à caractère sexuel. L'intéressé reconnaissait l'ensemble des faits reprochés, les critiquant ouvertement et exprimant des regrets qui semblaient sincères. Le TAPEM avait reconnu son évolution positive. L'isolement social et les problématiques liées à l'alcool ne pouvaient remettre en cause l'appréciation du risque de récidive, notamment pas dans le cadre de son passage en milieu ouvert.

Certes, l'évaluation criminologique du 11 mai 2021 retient que le condamné présente un risque moyen de récidive générale et violente. Néanmoins, les rapports des B______ des 30 juillet et 22 décembre 2021 relatent que le précité adopte un bon comportement, exempt de sanction disciplinaire, et participe à plusieurs activités structurées, à savoir des cours de français, d'allemand et de guitare. Ainsi, l'intéressé poursuivait les recommandations émises par l'expert-psychiatre et l'évaluation criminologique, ce qui permettait de revoir à la baisse le risque de récidive, notamment sexuelle, qui est par ailleurs selon l'évaluation criminologique, situé sous la moyenne.

En outre, en exécutant sa peine au sein de la F______, le condamné demeurerait dans un cadre pénitentiaire sécurisé, sans contact avec sa fille, ou d'une manière générale avec de potentielles victimes. Par ailleurs, tout au long de sa détention, il avait su montrer sa capacité à respecter le cadre réglementaire, en restant exempt de sanction et abstinent à l'alcool et aux toxiques.

Le risque de fuite que présentait une personne de nationalité étrangère, sans titre de séjour en Suisse, pouvait être nuancé en fonction de certains indicateurs, tels que le positionnement de la personne détenue quant à son renvoi, son comportement en détention et sa collaboration avec les divers intervenants en vue de préparer un projet de vie concret pour sa sortie de prison en accord avec sa situation administrative. Faire l'objet d'un renvoi à la libération ne constituait pas un obstacle rédhibitoire à la progression dans l'exécution d'une sanction pénale. Même si ce critère était important dans l'évaluation du risque de fuite, il devait être pondéré avec d'autres critères et ne pas être le seul motif justifiant un refus d'allégement. La collaboration au renvoi constituait par ailleurs dans le cas d'espèce une condition du PES au passage au milieu ouvert. L'évaluation criminologique du 11 mai 2021 évaluait le risque de fuite comme étant faible, le positionnement de l'intéressé étant positif quant à son renvoi de Suisse et ses projets de vie se situant en dehors du territoire. En outre, l'intéressé avait entamé des démarches afin de récupérer ses avoirs de prévoyance professionnelle, ce qui démontrait sa collaboration en vue de préparer un projet de vie pour sa sortie de prison. Au surplus, le précité pourrait bénéficier d'une libération conditionnelle dès le 12 avril 2023. Vu la brève échéance, il apparaissait peu probable que A______ prenne la fuite.

Ce risque était suffisamment contenu dans le cadre d'un passage en milieu ouvert des B______, car, bien que A______ puisse se déplacer librement d'une section à l'autre lors des loisirs et qu'il soit soumis à l'obligation de travailler durant la journée, il restait dans un environnement carcéral encadré et protégé, tant au niveau des infrastructures que du personnel. Le milieu ouvert était à ce titre une étape clé de sa resocialisation, étant précisé que la D______ est une section transitoire, conçue pour observer et permettre le passage du détenu en milieu ouvert.

Dans son appréciation quant à l'opportunité d'autoriser un passage en milieu ouvert, il avait procédé à une analyse des risques concrets de fuite et de commission d'une nouvelle infraction, en prenant en considération l'ensemble des avis des professionnels en charge du détenu, notamment l'évaluation criminologique du 11 mai 2021, les préavis favorables de la direction des B______ et les rapports du service médical. L'éventuelle saisine de la CED intervenait selon l'appréciation du SAPEM, dans les conditions posées par l'article 75a al. 1 CP.

c. A______ n’a pas formulé d’observations.

d. Le Ministère public n'a pas répliqué.

e. Sollicité par la Chambre de céans, le SAPEM rappelle que les B______ comprennent un secteur fermé dit de "haute sécurité", le H______, un secteur "en milieu fermé", la D______ (D______), un secteur "en milieu ouvert", la F______ (F______) ainsi que des régimes spéciaux. Tous les secteurs se trouvent physiquement dans l'enceinte sécurisée de l'établissement et nécessitent, pour y accéder, de passer par l'entrée principale qui est surveillée et accessible seulement sur autorisation.

Les détenus placés à la F______ doivent avoir un profil qui ne présente pas de risque sécuritaire majeur ni de risque de fuite. Ce secteur constitue le dernier lieu carcéral avant un retour à la vie à l'extérieur. Il offre donc un cadre plus souple, plus responsabilisant avec comme objectif la réinsertion professionnelle et sociale. Le détenu peut alors profiter d'ateliers à proximité des bâtiments, en extérieur mais à l'intérieur de l'enceinte carcérale et toujours avec un accompagnement cadrant du chef d'atelier. Le détenu n'a pas le droit de sortir de l'établissement sauf pour se rendre à son atelier sous la surveillance d'un chef d'atelier ou si le SAPEM devait avoir rendu une décision de congé et/ou de permission.

f. Le Ministère public n'a pas émis d'observations.

EN DROIT :

1. La Chambre de céans est l'autorité compétente pour connaître des recours (art. 42 al. 1 let. a LaCP [E 4 10]) dirigés contre les décisions d'octroi/de refus de passage en milieu ouvert rendues par le SAPEM (art. 439 al. 1 CPP; art. 5 al. 5 let. b LaCP cum 11 al. 2 let. b REPM [E 4 55.05]).

Dans ce cadre, elle applique le CPP à titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

L’acte ayant été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP), à l'encontre de l’une des décisions précitées, par le Ministère public, autorité qui est légitimée (art. 381 al. 1 CPP) à contester l’octroi d’allègements en matière d’exécution des sanctions (ACPR/571/2018 du 4 octobre 2018 consid. 1.3; L. MOREILLON/ A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du Code de procédure pénal, Bâle 2016, n. 2 ad art. 381 CPP), il est donc recevable.

2. 2.1. Les peines privatives de liberté sont exécutées dans un établissement fermé ou ouvert (art. 76 al. 1 CP). Le détenu est placé dans un établissement fermé, ou dans la section fermée d'un établissement ouvert, s'il y a lieu de craindre qu'il ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions (art. 76 al. 2 CP).

Les institutions fermées – lesquelles sont réservées aux délinquants violents ou dangereux pour la collectivité publique/carcérale – disposent, par opposition à celles ouvertes, d’un niveau de sécurité élevé, que ce soit dans l'infrastructure du bâtiment accueillant le condamné, dans l'organisation et la formation du personnel pénitentiaire ou dans l'intensité des restrictions qui sont faites à la liberté de mouvement du détenu. Les sections ouvertes offrent aux condamnés un régime d'exécution plus souple, qui permet à ces derniers de travailler ou de pratiquer une activité durant la journée et de ne passer que leur temps libre et de repos en détention (R. ROTH/ L. MOREILLON (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 4 et 5 ad art. 76 CP).

2.2. Selon l'art. 75 al. 1 CP, l'exécution de la peine privative de liberté doit améliorer le comportement social du détenu, en particulier son aptitude à vivre sans commettre d'infractions. Elle doit correspondre autant que possible à des conditions de vie ordinaires, assurer au détenu l'assistance nécessaire, combattre les effets nocifs de la privation de liberté et tenir compte de manière adéquate du besoin de protection de la collectivité, du personnel et des codétenus.

2.3. Selon l'art. 75a al. 1 CP, la commission visée à l’art. 62d al. 2 CP– soit à Genève la CED (art. 4 LaCP) –, apprécie, lorsqu’il est question d’un placement dans un établissement d’exécution des peines ouvert ou de l’octroi d’allégements dans l’exécution, le caractère dangereux du détenu pour la collectivité si le détenu a commis un crime visé à l’art. 64 al. 1 CP (let. a) – parmi lesquels figurent les infractions aux art. 187 et 189 CP –, et que l’autorité d’exécution ne peut se prononcer d’une manière catégorique sur le caractère dangereux du détenu pour la collectivité (let. b).

Les allégements dans l’exécution sont des adoucissements du régime de privation de liberté, notamment le transfert en établissement ouvert, l’octroi de congés, l’autorisation de travailler ou de loger à l’extérieur ainsi que la libération conditionnelle (al. 2).

L'al. 3 de l'art. 75a CP précise que le caractère dangereux du détenu pour la collectivité est admis s’il y a lieu de craindre que le détenu ne s’enfuie et ne commette une autre infraction par laquelle il porterait gravement atteinte à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’autrui.

2.4. En l'espèce, les infractions à l'intégrité physique d'une jeune enfant pour lesquelles le condamné purge sa peine sont de celles pour lesquelles la CED est sollicitée si l'autorité d'exécution ne peut se prononcer de manière catégorique sur le caractère dangereux du détenu pour la collectivité. Le caractère dangereux du détenu pour la collectivité est à apprécier compte tenu des risques de fuite et de réitération.

Certes, l'intéressé a accepté la décision de renvoi mais on ne peut y voir, contrairement au Ministère public, un indice de risque de fuite. On ne peut ignorer que l'unité de E______, tout en considérant le renvoi de Suisse, évalue ce risque comme faible et retient l'absence de toute velléité de fuite de la part de l'intéressé depuis son incarcération. Enfin, on ne peut à la fois exiger de l'intéressé sa collaboration à son renvoi et lui reprocher cette collaboration pour retenir un risque de fuite.

L'intéressé pourra solliciter sa libération conditionnelle en avril 2023 – le passage en milieu ouvert étant une étape obligatoire à celle-ci selon le PES –, de sorte que l'on imagine difficilement qu'il tente de fuir risquant ainsi de perdre la possibilité de retrouver la liberté dans moins de cinq mois. En outre, la F______, dans laquelle il serait transféré, reste un placement dans l'enceinte carcérale et toujours avec un accompagnement cadrant du chef d'atelier. Enfin, le PES ne prévoit pas de congé ou sortie pour le condamné, de sorte qu'il ne sera jamais à l'extérieur des B______. Comme l'a retenu le SAPEM, le risque de fuite est donc contenu dans cette configuration.

Le Procureur considère que le condamné présente un risque de récidive, même s'il est moyen, que celui-ci n'avait pas évolué positivement et que l'isolement social et le rapport problématique à l'alcool du condamné n'avaient pas été pris en considération. Ce faisant, il passe sous silence que ce risque est évalué comme étant sous la moyenne. En outre, il ne tient pas compte de la reconnaissance des faits par le condamné, de leurs conséquences sur la victime et de ses regrets – ce qui n'était pas le cas lors de l'expertise psychiatrique –, du suivi psychiatrique et psychothérapeutique auquel l'intéressé adhère pleinement, de la stabilisation de son état psychique et de son abstinence confirmée. En outre, on ne peut voir dans la prolongation du traitement ambulatoire par le TAPEM un signe négatif, au contraire, puisque si ce traitement avait été un échec, un traitement en milieu fermé aurait pu être décidé.

Dans la mesure où le SAPEM n'avait pas de doute quant à la dangerosité du détenu en lien avec l'allègement envisagé, il pouvait rendre une décision d'octroi sans consulter la CED, et ce dans l'exercice de son large pouvoir d'appréciation.

Fort des considérations qui précèdent, la Chambre de céans estime – à l'instar du SAPEM – que les conditions au passage en milieu ouvert sont remplies, un refus paraissant disproportionné.

3.  Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée et le recours du Ministère public rejeté.

4.  Les frais de l'instance de recours seront laissés à la charge de l'État.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l’État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au Ministère public, à A______ ainsi qu’au Service de l’application des peines et mesures.

Le communique pour information aux B______.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente ; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges ; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).