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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16788/2021

ACPR/431/2022 du 17.06.2022 sur OTDP/753/2022 ( TDP ) , ADMIS

Descripteurs : OPPOSITION TARDIVE
Normes : cpp.85.al4

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16788/2021 ACPR/431/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 17 juin 2022

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 11 avril 2022 par le Tribunal de police,

et

A______, domiciliée ______ [GE],

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 19 avril 2022, le Ministère public recourt contre l'ordonnance du 11 avril 2022 par laquelle le Tribunal de police a constaté la recevabilité de l'opposition formée par A______.

Le recourant conclut, avec frais à la charge de l'Etat, à l'annulation de l'ordonnance litigieuse et à ce que l'opposition formée par A______ le 16 février 2022 à l'encontre de l'ordonnance pénale du 29 novembre 2021 soit déclarée tardive.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 21 avril 2021, A______ a été entendue, en qualité de prévenue, par la police. Il lui est reproché d'avoir, à Genève, le 16 mars 2021 omis d'accorder la priorité à un cycliste qui circulait normalement sur la rue de Lausanne et heurté celui-ci, le blessant, avant de quitter les lieux sans remplir ses devoirs en cas d'accident, se dérobant ainsi aux mesures permettant de déterminer son incapacité de conduire. Elle a soutenu n'avoir heurté aucun cycliste; si tel avait été le cas, elle s'en serait rendu compte.

b. À teneur du procès-verbal d'audition du 7 octobre 2021 [versé à la procédure par le Ministère public à l'occasion de son recours], A______ a été réentendue par la police sur les raisons pour lesquelles elle avait quitté les lieux de l'accident.

c. Par ordonnance pénale du 29 novembre 2021, le Ministère public l'a condamnée à une peine pécuniaire avec sursis, ainsi qu'à une amende, pour entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire, violation des obligations en cas d'accident et violation simple des règles de la circulation routière.

Le pli a été envoyé par recommandé à la prévenue, domiciliée no. ______ rue 1______, [code postal] Genève, tel que cela apparait sur le procès-verbal de la police.

d. Il ressort du suivi de l'envoi de la poste qu'un avis de retrait au guichet a été déposé dans une case postale le 6 décembre 2021, et que, n'ayant pas été réclamé, le pli a été retourné au Ministère public le 14 suivant. L'enveloppe, renvoyée par la poste, portait un autocollant mentionnant "non réclamé" et un autre mentionnant "B______ [nom, prénom], Rue 1______ no. ______, Case postale 2______, 1211 Genève 3______".

e. Le 31 janvier 2022, la protection juridique de la prévenue a réitéré auprès du Ministère public les coordonnées postales de cette dernière, à savoir rue 1______ no. ______, [code postal] Genève, alternativement case postale 2______, 1211 Genève 3______.

e. Par courrier du 17 février 2022, la prévenue, alléguant n'avoir jamais reçu l'ordonnance pénale mais avoir eu connaissance de son existence à réception d'un pli de l'Office cantonal des véhicules daté du 27 février [recte janvier] 2022 et d'un autre du SdC, a demandé la notification de la décision avec un nouveau délai d'opposition; à défaut, elle formait opposition à l'ordonnance pénale du 29 novembre 2021.

f. Dans ses observations au Tribunal, A______ explique que l'avis de retrait de l'ordonnance pénale avait été déposé dans la case postale de son mari qui ne l'avait pas retirée en raison d'une chute. Elle contestait intégralement les faits reprochés.

C. Aux termes de sa décision querellée, le Tribunal de police a considéré que la notification fictive de l'art. 85 al. 4 CPP ne pouvait pas trouver application. La prévenue avait été entendue par la police le 21 avril 2021, audition lors de laquelle elle avait, en substance, contesté les faits qui lui étaient reprochés. L'ordonnance pénale avait été rendue par le Ministère public le 29 novembre 2021, soit plus de sept mois plus tard, sans que la prévenue n'ait préalablement été entendue par cette autorité.

D. a. À l'appui de son recours, le Ministère public constate que le dossier retourné par le Tribunal de police ne contenait pas le procès-verbal d'audition du 12 (sic) octobre 2021; seul le rapport de renseignements complémentaire du 4 novembre 2021 y figurait, sans les annexes mentionnées, à savoir ce procès-verbal d'audition et le formulaire des droits et obligations notifié. Il allègue ainsi la constatation erronée et incomplète des faits.

Le Tribunal de police avait violé l'art. 85 al. 4 CPP. La prévenue, qui avait été ré-entendue, en qualité de prévenue, le 12 [recte 7] octobre 2021 par la police, soit un mois et demi avant le prononcé de l'ordonnance pénale du 29 novembre 2021, se savait partie à une procédure pénale toujours en cours et devait s'attendre à recevoir une décision judiciaire. C'était donc à tort que le Tribunal de police avait retenu que la prévenue pouvait être autorisée à penser que l'affaire n'avait pas connu de suite et qu'elle ne pouvait pas s'attendre à recevoir une ordonnance pénale.

La notification de l'ordonnance pénale avait par conséquent valablement eu lieu au terme du délai de garde de sept jours. En outre, l'argument de la prévenue selon lequel l'avis de retrait postal avait été déposé dans la case postale au nom de son époux, contrairement à ce qui était indiqué sur le papier à en-tête du Ministère public, ne lui était d'aucun secours.

b. Dans ses observations, A______ confirme qu'elle s'attendait à recevoir une ordonnance du Ministère public, mais adressée à son nom. Or, ce pli avait été notifié par la poste au nom de son époux, B______; la "notification" pour aller chercher la lettre recommandée contenant l'ordonnance pénale du Ministère public du 29 novembre 2021 avait été faite au nom de son mari et pas au sien.

Sur le fond, elle conteste les faits reprochés.

c. Le Tribunal s'en rapporte à justice, précisant ne pas avoir vu le procès-verbal de l'audition du 7 octobre 2022 au dossier.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du Ministère public qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. c CPP), a qualité pour agir (art. 381 al. 3 CPP et 38 al. 2 LaCP).

2.             2.1. Selon l'art. 356 al. 2 CPP, le tribunal de première instance statue sur la validité de l'opposition formée à une ordonnance pénale.

2.2. L'ordonnance pénale est notifiée par écrit aux personnes et aux autorités qui ont qualité pour former opposition (art. 353 al. 3 CPP), soit en particulier le prévenu (art. 354 al. 1 let. a CPP).

Les autorités pénales notifient leurs prononcés par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception, notamment par l'entremise de la police (art. 85 al. 2 CPP). Toute communication doit être notifiée au domicile, au lieu de résidence habituelle ou au siège du destinataire (art. 87 al. 1 CPP).

Le prononcé est réputé notifié si son destinataire ne l'a pas retiré dans les sept jours à compter d'une tentative de remise infructueuse, à condition qu'il ait dû s'attendre à une telle remise (art. 85 al. 4 let. a CPP).

L'avis de retrait est censé avoir été déposé dans la boîte aux lettres du destinataire tant qu'il n'y a pas de circonstances propres à retenir un comportement incorrect des agents postaux; il appartient à celui qui se prévaut de l'irrégularité de la notification, en particulier du défaut de remise dans sa boîte aux lettres d'un avis de retrait après présentation infructueuse, d'en rapporter la preuve (arrêts du Tribunal fédéral 1P.505/1998 du 28 octobre 1998 consid. 2c, in SJ 1999 I p. 148; 4A_250/2008 du 18 juin 2008 consid. 3.2.2).

2.3. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, une opposition n'est pas "valable", au sens de cette disposition, si elle est tardive, soit pour avoir été formée hors du délai de 10 jours institué à l'art. 354 al. 1 CPP (ATF 142 IV 201 consid. 2.2).

Une personne ne doit s'attendre à la remise d'un prononcé, au sens de l'art. 85 al. 4 let. a CPP, que lorsqu'il y a une procédure en cours, la concernant, qui impose aux parties de se comporter conformément aux règles de la bonne foi, à savoir de faire en sorte, entre autres, que les décisions relatives à la procédure puissent leur être notifiées. Le devoir procédural d'avoir à s'attendre avec une certaine vraisemblance à recevoir la notification d'un acte officiel naît avec l'ouverture d'un procès et vaut pendant toute la durée de la procédure (ATF 134 V 49 consid. 4; ATF 130 III 396 consid. 1.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_314/2012 du 18 février 2013 consid. 1.3.1). Ainsi, un justiciable doit s'attendre à une telle remise lorsqu'il est au courant qu'il fait l'objet d'une instruction pénale au sens de l'art. 309 CPP (ATF
116 I a 90, JT 1992 80 118; SJ 2001 I 449).

2.4. En l'espèce, il est acquis que la prévenue a été entendue par la police la dernière fois le 7 octobre 2021, soit moins de deux mois avant la notification de l'ordonnance pénale; l'intéressée ne le conteste pas et confirme qu'elle s'attendait à une communication du Ministère public. Il s'ensuit que la fiction de notification de l'art. 85 al. 4 let. a CPP trouve parfaitement application en l'espèce.

L'ordonnance pénale a été notifiée à la prévenue à l'adresse qu'elle avait communiquée lors de ses auditions à la police. Il importe peu que le timbre apposé par la poste sur l'enveloppe retournée au Ministère public mentionne le nom de son mari à côté de l'indication de la case postale, puisque par un courrier du 31 janvier 2022, la protection juridique de l'intéressée avait précisé cette case postale comme adresse alternative de la prévenue; cette dernière n'apporte aucune preuve que cette case postale n'était pas également la sienne et que la Poste aurait commis une erreur en y déposant l'avis de retrait.

Par conséquent, l'ordonnance pénale du 29 novembre 2021 est réputée avoir été notifiée à l'échéance du délai de garde postale, le 13 décembre 2021; le délai d'opposition courrait quant à lui jusqu'au 23 suivant. Partant, l'opposition, formée par la prévenue par courrier du 17 février 2022, était manifestement tardive.

Le recours doit donc être admis et l'ordonnance querellée sera annulée.

3.                  L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet le recours, annule l'ordonnance attaquée et dit que l'ordonnance pénale du 29 novembre 2021 est assimilée à un jugement entré en force.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au Ministère public, à A______ et au Tribunal de police.

Le communique pour information au Service des contraventions.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).