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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/49/2020

ACPR/384/2022 du 01.06.2022 ( PSPECI ) , ADMIS

Descripteurs : DÉCISION DE RENVOI;EXPULSION(DROIT PÉNAL);REPORT(DÉPLACEMENT);RÉFUGIÉ;NON-REFOULEMENT;MOTIVATION
Normes : CP.66a; CP.66d; CPP.3.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/49/2020 ACPR/384/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 1er juin 2022

 

Entre

A______, domicilié c/o Foyer B______, chemin ______[GE], comparant par Me C______, avocat, ______, Genève,

recourant,

 

contre la décision rendue le 18 juin 2020 par l'Office cantonal de la population et des migrations,

(par suite de l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_711/2021 du 30 mars 2022)

 

et

L'OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS, Service asile et départ, Secteur mesures, route de Chancy 88, case postale 2652, 1211 Genève 2,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


Vu :

-          la décision de non-report de l'expulsion judiciaire de A______ rendue par l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 18 juin 2020, notifiée le lendemain;

-          le recours du précité daté du 25 juin 2020, expédié depuis la prison de D______ le 30 juin 2020 (selon le tampon de la Poste figurant sur l'enveloppe);

-          l'ordonnance de la Direction de la procédure de la Chambre de céans du 15 décembre 2020 désignant Me C______ à la défense d'office de A______;

-          l'arrêt rendu par la Chambre de céans le 12 mai 2021 (ACPR/311/2021), rejetant le recours;

-          l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 30 mars 2022 (6B_711/2021), admettant le recours, annulant l'arrêt attaqué et renvoyant la cause à la Chambre de céans pour nouvelle décision;

-          le délai au 29 avril 2022 imparti par cette dernière aux parties pour fournir leurs observations;

-          les courriers du Ministère public, de l'OCPM et de A______ des 22, 25 et 29 avril 2022;

-          la note de frais adressée à la Chambre de céans par le conseil de A______, le 3 mai 2022.

Attendu que :

-          dans son arrêt, le Tribunal fédéral a statué que si l'asile octroyé au recourant avait pris fin avec l'entrée en force de l'expulsion, cette circonstance n'avait pas eu d'effet sur son statut de réfugié, de sorte que l'intéressé bénéficiait toujours de l'interdiction de refoulement, pour autant qu'il n'était pas empêché de s'en prévaloir au sens de l'art. 66d al. 1 let. a in fine CP en relation avec l'art. 5 al. 2 LAsi. La cause était ainsi renvoyée à la Chambre de céans pour qu'elle explique dans quelle mesure la présence du recourant en Suisse compromettait la sûreté nationale ou dans quelle mesure, au regard des infractions pour lesquelles il avait été condamné, il devait être considéré comme dangereux pour la communauté;

-          le cas échéant, il lui appartiendrait d'examiner également la recevabilité du recours dont elle avait été saisie et en particulier de déterminer si celui-ci avait été formé en temps utile, cette question ayant été laissée ouverte;

-          le Ministère public a renoncé à formuler des observations et s'en est rapporté à justice;

-          l'OCPM a indiqué n'avoir pas d'observations à formuler;

-          A______, par la voix de son conseil, conclut à la recevabilité de son recours, celui-ci ayant été remis à la prison au plus tard le 29 juin 2020 et expédié le lendemain par la poste par l'établissement pénitentiaire, conformément à la pratique de D______, qu'il avait interpellé à ce sujet et qui lui avait indiqué par courrier du 21 avril 2022, joint à ses observations : "Les personnes détenues ont la possibilité de déposer du courrier dans des boîtes aux lettres dans les secteurs. Celles-ci sont relevées le lendemain matin pour remise du courrier au secrétariat. Lorsqu'ils arrivent dans ce dernier service, ils sont envoyés, en principe, le jour même par voie postale ( )";

-          sur le fond, il conclut à l'admission du recours et au report de son expulsion, subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance inférieure;

-          il expose que l'OCPM, dans sa décision initiale, n'avait pas exposé en quoi sa présence en Suisse – au bénéfice du statut de réfugié – serait à même de compromettre la sûreté nationale ou dans quelle mesure il devait être considéré comme dangereux pour la société. Il ne s'opposait pas à ce que cette lacune soit, par économie de procédure, réparée par l'autorité de recours. Sa condamnation du 21 novembre 2019, pour des infractions exclusivement contre le patrimoine, à une peine privative de liberté de 10 mois ne saurait être considérée comme "particulièrement grave" au sens de la disposition précitée. Il n'avait par ailleurs fait l'objet que d'une seule autre condamnation en 2010 pour une "infraction d'importance mineure". Il était en Suisse depuis 20 ans et avait fait montre d'une bonne intégration. Son renvoi le mettrait concrètement en danger et violerait le principe de non-refoulement.

Considérant en droit :

-          le recours doit être adressé à l'autorité de recours dans le délai de 10 jours à compter de la notification de la décision querellée (art. 396 al. 1 et 90 al. 1 CPP);

-          les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l'autorité pénale, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP);

-          en l'espèce, il est établi que le recourant s'est vu notifier la décision querellée le 19 juin 2020, de sorte que le délai pour recourir arrivait à échéance le 29 suivant. Bien que le recours soit daté du 25 juin 2020, on ignore à quelle date il a été remis au greffe de l'établissement pénitentiaire, qui l'a posté le 30 juin 2020. Compte tenu des explications écrites fournies par la direction de D______, produites par le recourant, on doit admettre – faute de timbre apposé par le greffe de la prison sur le recours – que celui-ci lui a été remis au plus tard la veille de la date d'expédition par voie postale, soit le 29 juin 2020. Partant, le recours sera considéré comme recevable;

-          l'art. 66a CP stipule que le juge expulse de Suisse l’étranger qui est condamné quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans pour les infractions qu'il liste, soit notamment pour escroquerie à l'aide sociale (al. 1 let. e);

-          selon l'art. 66d al. 1 let. a CP, l'exécution de l'expulsion obligatoire ne peut être reportée que lorsque la vie ou la liberté de la personne concernée dont le statut de réfugié a été reconnu par la Suisse serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques;

-          cette disposition ne s'applique pas au réfugié qui ne peut invoquer l'interdiction de refoulement prévue à l'art. 5 al. 2 LAsi;

-          selon cette disposition, pour refuser le report d'expulsion d'un réfugié, il doit exister "de sérieuses raisons" d'admettre que la personne qui invoque l'interdiction de refoulement "compromet la sûreté de la Suisse ou que, ayant été condamnée par un jugement passé en force à la suite d’un crime ou d’un délit particulièrement grave, elle doit être considérée comme dangereuse pour la communauté" (cf. aussi l'art. 33 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (RS 0.142.30);

-          en l'espèce, comme relevé par le recourant, si l'OCPM a admis qu'il conservait le statut de réfugié, cette autorité n'a pas expliqué en quoi l'intéressé devrait être considéré comme dangereux pour la société et ne pourrait dès lors se prévaloir du principe de non-refoulement;

-          invité à se déterminer à la suite de l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral, l'OCPM n'a pas formulé d'observations;

-          le droit d'être entendu, garanti par l'art. 3 al. 2 let. c CPP et 29 al. 2 Cst., implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 p. 183; 138 I 232 consid. 5.1 p. 237);

-          en l'occurrence, au vu de l'enjeu pour le recourant, la Chambre de céans ne saurait réparer elle-même l'absence de motivation de l'autorité précédente, en privant par là l'intéressé du double degré de juridiction;

-          le recours sera dès lors admis, la décision attaquée annulée et la cause renvoyée à l'OCPM pour nouvelle décision;

-          les frais de l'instance seront laissés à la charge de l'État;

-          les dépens alloués à l'avocat d'office dans l'arrêt du 12 mai 2021, en CHF 900.- TTC, restent acquis;

-          l'avocat d'office sollicite en sus, pour son activité déployée du 22 au 29 avril 2022, des dépens chiffrés à CHF 1'400.- pour 45' d'entretien avec son client, 15' de consultation CPR et 360' pour la rédaction de ses observations, auxquels s'ajoutent CHF 100.- de vacation pour la consultation du dossier et la TVA;

-          si les deux premiers postes seront admis, la rédaction des observations (9 pages) sera réduite à 3 heures, laquelle apparaît amplement suffisante, eu égard à la problématique circonscrite par l'arrêt du Tribunal fédéral;

-          l'indemnité due sera ainsi fixée à CHF 800.-, auxquels s'ajoutera la rémunération forfaire de la vacation aller/retour au et du Palais de justice (CHF 100.-), plus la TVA en 7.7%, soit 969.30.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours, annule la décision attaquée et renvoie la cause à l'OCPM pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à Me C______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'869.30 TTC pour l'activité déployée en faveur de A______ dans la présente procédure de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, à l'OCPM et au Ministère public.

Le communique pour information à la police (Brigade migration et retour).

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).