Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/338/2022 du 12.05.2022 sur ONMMP/4429/2021 ( MP ) , ADMIS
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/21378/2021 ACPR/338/2022 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 12 mai 2022 |
Entre
A______, domicilié ______ [VD], comparant par Me B______, avocat,
recourant,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 12 décembre 2021 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 23 décembre 2021, A______ recourt contre l'ordonnance du 12 décembre 2021, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 3 novembre 2021.
Le recourant conclut à l'annulation de la décision querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction, sous suite de frais et dépens.
b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Du 1er février 2019 au 30 janvier 2020, A______ a occupé un poste de maître-assistant auprès de l'Institut C______, rattaché à la Faculté G______ de l'Université de Genève. Par avenant signé le 15 janvier 2020, son contrat de travail a été prolongé jusqu'au 31 janvier 2021 mais n'a, par la suite, pas été reconduit.
b. En prévision de son départ de l'Institut C______, A______ a adressé, le 6 janvier 2021, une lettre à D______, professeur au sein de la Faculté G______ et responsable du MAS ("Master of Advanced Studies") en _______, avec copie aux deux étudiantes dont il supervisait les mémoires de master, E______ et F______, dans laquelle il a proposé de poursuivre l'encadrement desdits travaux après la fin de son contrat de travail – comme il était de coutume à l'Université de Genève –, moyennant toutefois une convention tripartite entre lui-même, l'Université et les étudiantes concernées. Précisant qu'un changement de direction de mémoire serait fortement dommageable aux prénommées, il a demandé à ce qu'elles ne pâtissent pas de la fin de son contrat de travail et a suggéré un certain nombre de "garde-fous".
c. Par courriel du 8 janvier suivant, A______ a encore attiré l'attention de D______ sur le fait que les données utilisées par les deux étudiantes, dans le cadre de leurs mémoires respectifs, faisaient l'objet d'une acquisition "hors du temps" de son contrat de travail au sein de l'Université de Genève. Ainsi, imposer un changement de direction aux "mémorantes" revenait à leur demander de recommencer leur travail, ce qu'il voulait précisément éviter.
d. Le 13 janvier 2021, le professeur D______ a présidé une réunion d'équipe du MAS, lors de laquelle les modalités du départ de A______, qui y assistait, ont été évoquées, de même que la question du suivi des mémoires de master susmentionnés.
D______ a informé l'équipe que A______ avait demandé, afin de poursuivre le travail de supervision de ces deux mémoires, la mise en place d'une convention écrite entre l'UNIGE, lui, et les étudiantes. Par suite de refus du Décanat, un changement de direction desdits mémoires s'imposait.
e. Le 21 janvier 2021, par le biais de son avocat, A______ a saisi le Rectorat de l'Université de Genève d'une plainte administrative pour harcèlement psychologique notamment à l'encontre de D______, dans le cadre de laquelle il a dénoncé, entre autres, les propos tenus par celui-ci lors de la réunion du 13 janvier 2021.
f.a. Par décision du 19 août 2021, le Rectorat a classé la plainte, relevant que les accusations selon lesquelles le mis en cause l'avait accusé publiquement de mensonges, menaces et chantage avaient été infirmées par trois témoins et démenties par l'intéressé lui-même.
f.b. Annexée à ladite décision figurait la prise de position écrite de D______ à l'attention du Rectorat, datée du 23 février 2021, contenant en particulier les passages suivants :
"A______ fait donc erreur quand il affirme qu'il est le seul à pouvoir permettre l'accès de ces deux étudiantes à leurs données, et que les étudiantes courent le risque de ne pas pouvoir rendre leur mémoire dans les délais si la supervision lui est retirée. Il a manipulé et gravement désécurisé ces deux étudiantes en leur faisant croire qu'elles risquaient de perdre l'accès à leurs données, que lui seul pouvait dès lors diriger leur mémoire, et que sinon elles risquaient de devoir recommencer leur travail, ce qui impliquait un risque d'élimination pour cause de dépassement des délais pour une étudiante, car elle allait atteindre prochainement le nombre maximal de semestres autorisés. Lorsque M. A______ affirme tout cela aux étudiantes et au directeur du MAS, il s'agit bien de mensonges, d'une menace et d'un chantage visant à forcer la direction du MAS à lui confier la supervision de ces mémoires. Cela était inacceptable.
Il était nécessaire que ces points soient discutés en séance d'équipe, car les autres enseignants chargés de reprendre la direction de ces deux mémoires devaient être informés de cette situation pour pouvoir rassurer ces deux étudiantes qui avaient été inutilement effrayées et désécurisées par M. A______ au sujet de l'accès aux données et du risque d'élimination. Le directeur du MAS ne pouvait ni ne souhaitait cacher ce fait aux autres membres de l'équipe, car ils devaient les connaître pour gérer l'accès aux données de recherche et reprendre ces directions de mémoire, et ils en auraient de toute façon été informés par les étudiantes. (p. 11)
M. A______ incite à la division. Dans un courriel du 27 janvier 2021 adressé à tous les étudiants et à quelques collaborateurs du MAS, mais pas au Prof. D______, M. A______ écrit ceci :
- le Doyen « a rappelé que sa porte serait toujours ouverte pour les étudiants du MAS en ______ et qu'il veillerait à ce que ces derniers puissent réaliser leur cursus dans de bonnes conditions et dans les temps. Je vous invite donc à le contacter directement en cas de difficultés [ ] ».
Il s'agit ici d'une incitation inacceptable à la division, d'un message visant à discréditer le MAS et risquant de compromettre le recrutement de nouveaux candidats, apte à jeter le trouble parmi les étudiants [ ], et donc une action malveillante contre l'équipe du MAS et sa direction. M. A______ s'est donc rendu coupable d'utiliser de manière illicite la liste des courriels des étudiants, sans autorisation, pour son bénéfice personnel et pour une action extrêmement hostile [ ]." (p. 12)
g. Le 3 novembre 2021, A______ a déposé plainte pénale contre D______ pour calomnie (art. 174 CP), subsidiairement diffamation (art. 173 CP), voire injure (art. 177 CP) et toute autre infraction pertinente.
Le procès-verbal de la séance du 13 janvier 2021 ne relatait pas la teneur exacte des propos tenus par le prénommé, puisque celui-ci l'avait accusé, devant toute l'équipe, d'avoir usé de mensonges, menaces et chantage à l'égard de deux étudiantes et l'équipe du MAS.
La prise de position écrite du mis en cause du 23 février 2021 – dont il n'avait pris connaissance que le 20 août 2021 – le confirmait cependant.
Or, il n'avait nullement menti et encore moins exercé des menaces ou du chantage pour conserver la supervision des mémoires litigieux, dont il n'aurait d'ailleurs tiré aucun avantage personnel. Ces accusations étaient d'autant plus absurdes qu'il entretenait d'excellentes relations avec les étudiantes concernées. Dans un courriel du 10 janvier 2021 à l'attention de D______, F______ avait en particulier émis le souhait de poursuivre son mémoire sous sa supervision à lui, en raison de son réseau, mais aussi pour son expertise et soutien, ainsi que la qualité de leur collaboration. Si elle évoquait la difficulté de trouver un enseignant de remplacement, elle ne prétendait néanmoins pas que cette tâche était impossible, démontrant qu'elle ne se sentait ni contrainte ni menacée. Quant à E______, elle lui avait fait part, dans un courriel du 11 janvier 2021, de "sa grande tristesse" de changer de directeur, mais n'avait formulé aucune inquiétude s'agissant de la poursuite de son travail, démontrant qu'il n'avait exercé ni menace ni chantage à son égard.
C. Dans sa décision querellée, le Ministère public relève que les propos prétendument tenus par D______, le 13 janvier 2021, avaient été dénoncés par A______ dans sa plainte administrative du 21 janvier suivant. Ainsi, en déposant plainte pénale le 3 novembre 2021 pour ces faits, l'intéressé avait agi hors délai (art. 310 al. 1 let. b CPP). S'agissant de la prise de position écrite du mis en cause du 23 février 2021, le plaignant alléguait en avoir pris connaissance le 20 août 2021 seulement, de sorte que le délai de plainte apparaissait à cet égard respecté.
Certes, l'emploi des termes "menace" et "chantage" était susceptible de faire référence à la réalisation des infractions visées aux art. 180 et 156 CP. Cela étant, ces mots n'avaient pas nécessairement la même connotation dans le langage courant, en particulier dans celui employé par le mis en cause. En l'occurrence, de longs développements n'étaient pas nécessaires pour retenir que ce dernier n'avait pas décrit de comportement pouvant avoir gravement alarmé ou effrayé les deux étudiantes (art. 180 CP), ni qu'il aurait soutenu que A______ aurait commis une infraction pénale. Il en allait de même pour le chantage (art. 156 CP), puisqu'il ne pouvait être considéré que le mis en cause avait insinué que le plaignant avait fait usage de violence ou de la menace d'un dommage sérieux à l'égard de qui que ce fût.
En réalité, le mis en cause reprochait au plaignant d'avoir communiqué à deux étudiantes des informations contraires à la vérité, en connaissance de cause. Or, soutenir à l'égard de tiers qu'une personne tiendrait des propos erronés, y compris lorsque les expressions "mensonge" et "menteur" étaient employées, n'était pas constitutif d'une atteinte à l'honneur. Retenir le contraire reviendrait en effet à empêcher tout débat public.
Dans ces circonstances, le litige opposant les parties, de nature purement civile ou administrative, n'était pas de la compétence des autorités pénales et aucun élément de fait n'était susceptible de réaliser les éléments constitutifs des infractions dénoncées. Par conséquent, il était décidé de ne pas entrer en matière sur la plainte (art. 310 al. 1 let. a CPP).
D. a. Dans son recours, A______ relève que le mis en cause ne l'accusait pas uniquement d'avoir tenu des propos contraires à la vérité, mais d'avoir recouru au mensonge, à la menace et au chantage. En outre, il lui était reproché d'avoir "manipulé et gravement désécurisé" deux étudiantes et d'avoir adopté cette attitude dans un but égoïste, à savoir "forcer la direction du MAS à lui confier la supervision des mémoires". Dans ces circonstances, il était accusé d'avoir adopté une attitude contraire à l'éthique professionnelle dans le cadre de la recherche et de l'enseignement. Ces accusations étaient d'autant plus graves qu'elles sous-entendaient qu'il aurait profité d'un rapport de dépendance avec ses deux étudiantes, pour son profit personnel.
De plus, l'écrit litigieux comportait d'autres passages où ses actions étaient qualifiées d'illicites, hostiles ou malveillantes. En définitive, il ressortait de sa lecture globale qu'il était accusé d'un comportement beaucoup plus grave que celui d'avoir tenu des propos contraires à la vérité. En effet, il lui était reproché d'avoir non seulement communiqué de fausses informations mais d'avoir manipulé des étudiantes à son profit, incité à la division et tenté d'obtenir de sa hiérarchie des avantages qu'il n'aurait pas pu obtenir autrement. Si les assertions du mis en cause ne visaient pas nécessairement à lui reprocher un comportement pénalement répréhensible, il n'en demeurait pas moins qu'il était accusé d'avoir adopté un comportement gravement contraire à l'éthique professionnelle, ce qui était attentatoire à son honneur.
Par ailleurs, l'argument de la protection du débat publique tombait à faux, puisque l'écrit litigieux était destiné au Rectorat de l'Université de Genève, dans le cadre d'une procédure interne pour suspicion d'atteinte à la personnalité. Il ne s'agissait pas d'un débat politique ou journalistique justifiant une certaine liberté de ton. Une certaine retenue était attendue dans le présent contexte, étant précisé que les accusations portées contre lui étaient dénuées de fondement. Dans ces circonstances, les infractions de calomnie (art. 174 CP), subsidiairement de diffamation (art. 173 CP) apparaissaient réalisées. Dans l'hypothèse où ces infractions ne pouvaient entrer en considération, une instruction pénale devait à tout le moins être ouverte du chef d'injure (art. 177 CP), puisque les termes visés par sa plainte constituaient l'expression d'un jugement de valeur dénigrant, visant à le présenter comme une personne sans éthique ni barrières, n'hésitant pas à se servir d'étudiantes pour obtenir la satisfaction de ses intérêts personnels.
b. Le Ministère public propose le rejet du recours et s'en tient à son ordonnance, sans formuler d'observations.
c. Le recourant renonce à répliquer. Son conseil a produit une note d'honoraires s'élevant à CHF 1'545.55, correspondant à 4h06 d'activité à un tarif horaire de
CHF 350.-, TVA incluse, dont il demande le remboursement à titre d'indemnité.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP). ![endif]>![if>
1.2. Le recourant ne revient pas sur les griefs soulevés dans sa plainte en relation avec les prétendus propos tenus par le mis en cause lors de la séance d'équipe du MAS du 13 janvier 2021. Ce point n'apparaissant plus litigieux, il ne sera pas examiné (art. 385 al. 1 let. a CPP).
2. Le recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte. ![endif]>![if>
2.1. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage in dubio pro duriore. Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1 p. 69). Le ministère public dispose, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation, mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243 ; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 et les références citées). ![endif]>![if>
2.2. Se rend coupable de diffamation (art. 173 al. 1 CP), celui qui, en s'adressant à un tiers, oralement ou par écrit (art. 176 CP), aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur. ![endif]>![if>
2.3. La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue par le fait que les allégations propagées sont fausses (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1).![endif]>![if>
2.4. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu, de façon générale, comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer l’individu visé au mépris en sa qualité d'homme. La réputation relative à l'activité professionnelle n'est pas pénalement protégée; il en va ainsi des critiques qui visent la personne de métier, même si elles sont de nature à blesser ou à discréditer (ATF 119 IV 44 consid. 2a p. 47). En d'autres termes, chacun doit supporter les critiques visant son activité professionnelle même si elles sont infondées (arrêt du Tribunal fédéral 6S_159/2005 du 16 novembre 2005 consid. 2). En revanche, il y a atteinte à l'honneur, même dans ce domaine, si la commission d’une infraction pénale est évoquée (ATF 145 IV 462 consid 4.2.2 p. 464).![endif]>![if>
Les art. 173 et 174 CP supposent une allégation de fait, et non un simple jugement de valeur (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.2 p. 315). Les termes litigieux doivent donc avoir un rapport reconnaissable avec un élément de fait et ne pas être uniquement employés pour exprimer le mépris (arrêt du Tribunal fédéral 6B_512/2017 du 12 février 2018 consid. 3.2).
Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon la signification qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 133 IV 308 consid. 8.5.1 p. 312 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_498/2012 du 14 février 2013 consid. 5.3.2). Un texte doit être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui se dégage du texte dans son ensemble (ATF 116 IV 31 consid. 5b p. 42 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_498/2012 du 14 février 2013 consid. 5.3.2).
Pour qu'il y ait diffamation ou calomnie, il faut encore que le prévenu s'adresse à un tiers. Est en principe considérée comme telle toute personne autre que l'auteur et l’individu visé par les propos litigieux (ATF 145 IV 462 consid 4.3.3 p. 466 et ss).
Le fait de s'adresser à un magistrat ou à un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions n'exclut pas le caractère délictueux de l'acte. Toutefois, il ne saurait y avoir diffamation punissable lorsque celui qui a tenu les propos incriminés était en droit d'agir pour la défense d'intérêts légitimes d'ordre public ou privé (ATF 69 IV 114). Ainsi, il est admis que le devoir procédural d'alléguer les faits constitue un devoir de s'exprimer au sens de l'art. 14 CP; une partie, ou son avocat, peut dès lors invoquer cette disposition, à la condition de s'être exprimée de bonne foi, de s'être limitée aux déclarations nécessaires et pertinentes et d'avoir présenté comme telles de simples suppositions (ATF 135 IV 177 consid. 4; 131 IV 154 consid. 1.3.1; 118 IV 248 consid. 2c; 116 IV 211 consid. 4a; B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., Berne 2010, n. 105-114 ad art. 173).
2.5. L’art. 177 CP (injure) réprime le comportement de quiconque aura, d’une autre manière que celle décrite aux art. 173 et ss CP, notamment par la parole ou l'écriture, attaqué autrui dans son honneur.![endif]>![if>
Un jugement de valeur – c’est-à-dire une manifestation directe de mésestime, au moyen, entre autres, de mots blessants – peut constituer une injure, et ce quel que soit son destinataire (tiers ou lésé; ATF 145 IV 462 consid. 4.2.4 p. 464).
2.6. En l'espèce, D______ a adressé aux membres du Rectorat de l'Université de Genève, soit à des tiers au sens des art. 173 et ss CP, des observations écrites dans lesquelles il accuse le recourant d'avoir, entre autres, manipulé deux étudiantes et usé de "menaces" et de "chantage" envers celles-ci et l'équipe du MAS, et de les avoir ainsi "effrayées" et "gravement désécurisées". ![endif]>![if>
Dans la mesure où le mis en cause semble accuser le recourant de comportements constitutifs d'infractions pénales, et le décrit comme une personne aux actions malveillantes agissant pour son "bénéfice personnel", ces propos pourraient, objectivement, être de nature à jeter sur lui le soupçon d'une conduite contraire à l'honneur et porter atteinte à sa considération au sens des art. 173 et ss CP.
Ainsi, compte tenu du fait que les termes incriminés semblent dépasser la simple critique professionnelle et excéder la mesure admissible dans une procédure (art. 14 CP), et que le mis en cause n'a pas été entendu sur ceux-ci, et, partant, ne s'est pas déterminé sur le sens qu'il entendait leur donner, l'appréciation à laquelle s'est livrée l'autorité précédente apparaît à tout le moins prématurée.
Dès lors que les faits méritent d'être éclaircis, le Ministère public ne pouvait, en l'état, prononcer une ordonnance de non-entrée en matière. Il lui appartiendra donc de procéder aux actes d'enquête qu'il jugera nécessaires, mais, à tout le moins d'entendre oralement ou par écrit D______.
3. Fondé, le recours doit être admis. Partant, l'ordonnance querellée sera annulée en tant qu'elle concerne la prise de position écrite de D______ du 23 février 2021, et la cause renvoyée au Ministère public pour qu'il procède à tout le moins à une enquête préliminaire. ![endif]>![if>
4. L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP). Les sûretés versées par le recourant lui seront restituées. ![endif]>![if>
5. Le recourant, partie plaignante, qui obtient gain de cause, a sollicité une indemnité qu'il a chiffrée à CHF 1'545.55 TTC pour ses frais de défense occasionnés par la procédure de recours. Ce montant apparaît adéquat eu égard aux critères régissant sa fixation et sera dès lors mis à charge de l'État. ![endif]>![if>
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Admet le recours. Annule l'ordonnance de non-entrée en matière du 12 décembre 2021 en tant qu'elle porte sur les écrits de D______ du 23 février 2021 et renvoie la cause au Ministère public pour nouvelle décision sur ce point.
Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.
Invite le Service financier du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ la somme de CHF 1'000.- versée à titre de sûretés.
Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'545.55, TVA comprise, pour la procédure de recours.
Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).