Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

1 resultats
P/2194/2023

AARP/297/2025 du 22.08.2025 sur JTDP/1542/2024 ( PENAL ) , RENVOYE

Descripteurs : CONTRAVENTION;ORDONNANCE PÉNALE;SIGNATURE;ANNULABILITÉ;DÉCISION DE RENVOI
Normes : LCR.30.alI; OCR.46.alII; LPP.398.alIV; CPP.356.alV; CPP.353.alI; LCP.49.alI
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/2194/2023 AARP/297/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 19 août 2025

 

Entre

A______, domicilié ______, Roumanie, comparant par Me B______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1542/2024 rendu le 19 décembre 2024 par le Tribunal de police,

 

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, 1227 Les Acacias,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/1542/2024 du
19 décembre 2024 par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 cum 49 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière [LCR] et 46 al. 2 de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière [OCR]) et condamné à une amende de CHF 60.- (peine privative de liberté de substitution d'un jour), ainsi qu'aux frais de la procédure en CHF 405.-, arrêtés à CHF 50.-.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son annulation et à ce que la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) prononce celle de l'ordonnance pénale querellée.

b. Selon l'ordonnance pénale du Service des contraventions (SDC) du
18 novembre 2022, il est reproché à A______ de s'être inutilement attardé sur la chaussée, plus particulièrement sur la route de Meyrin, à l'intersection avec le chemin du Coin-de-Terre, le 26 août 2022 à 15h30.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Selon le rapport de contravention du 27 août 2022, la veille, A______ s'était attardé inutilement sur la route de Meyrin.

b. Ces éléments ont fait l'objet d'une ordonnance pénale prononcée par le SDC citée ci-dessus (voir supra let. A.b), déclarant A______ coupable d'infraction aux
art. 49 cum 90 al. 1 LCR et 46 OCR. Il a été condamné à une amende de CHF 100.-, majorée de CHF 60.- d'émolument.

Ladite ordonnance pénale porte le facsimilé d'une signature manuelle, au-dessus de la mention dactylographiée "la Direction".

c. Le même jour, après avoir signé un accusé de réception sur papier en-tête du SDC, A______ a signé une déclaration d'opposition, laquelle a été renouvelée par courrier, non motivé, de son conseil du 21 novembre 2022. Le SDC a maintenu son ordonnance, étant précisé que l'ordonnance de maintien a été signée par un juriste du service.

d. Par devant le TP, A______, absent mais représenté par son conseil, a conclu, à titre préjudiciel, principalement, à l'annulation de l'ordonnance pénale pour vice de forme et, subsidiairement, à la réduction de l'amende, renonçant à toute indemnisation (voir procès-verbal du TP p. 2). La question préjudicielle a été rejetée par le TP.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné la procédure écrite (art. 406 al. 1 let. c du code de procédure pénale [CPP]).

Par courrier du 26 février 2025, A______ a été invité à prendre des conclusions chiffrées en indemnisation, justificatifs à l'appui, faute de quoi, il serait statué sur la base des éléments du dossier.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ conclut à l'annulation du jugement, ainsi qu'au constat de la nullité de l'ordonnance pénale querellée avec renvoi de la cause au SDC, si mieux n'aime. Il ne prend pas de conclusions en indemnisation.

c. Dans leurs courriers de réponse, le Ministère public (MP) et le SDC concluent au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris. Quant au TP, il se réfère intégralement au jugement rendu.

d. Les arguments plaidés seront examinés ci-après en fonction de leur pertinence.

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP). La magistrate exerçant la direction de la procédure de la juridiction d'appel est compétente pour statuer lorsque seules des contraventions font l'objet de l'appel (art. 129 al. 4 de la loi genevoise sur l'organisation judiciaire [LOJ]).

1.2. En matière contraventionnelle, l'appel ne peut être formé que pour le grief selon lequel le jugement est juridiquement erroné ou l'état de fait établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).

2. 2.1.1. L'ordonnance pénale contient la signature de la personne qui l'a établie (art. 353 al. 1 let. k CPP).

Lorsque des autorités administratives sont instituées en vue de la poursuite et du jugement des contraventions, elles ont les attributions du ministère public (art. 357
al. 1 CPP).

Les dispositions sur l'ordonnance pénale sont applicables par analogie à la procédure pénale en matière de contraventions (art. 357 al. 2 CPP).

Dans cette hypothèse, les cantons ne peuvent pas prévoir de dispositions de procédure contraires ou complémentaires (ATF 140 IV 192 consid. 1.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1051/2017 du 23 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_845/2015 du 12 février 2016 consid. 5.1 [non publié dans l'ATF 142 IV 70]).

2.1.2. Le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition (art. 356 al. 2 CPP).

Seul le tribunal de première instance est compétent pour statuer sur la validité de ces actes (ATF 142 IV 201 consid. 2 ; 140 IV 192 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_883/2020 du 15 avril 2021 consid. 2.1.2).

Si l'ordonnance pénale n'est pas valable, le tribunal l'annule et renvoie le cas au ministère public en vue d'une nouvelle procédure préliminaire (art. 356 al. 5 CPP).

2.1.3. Selon l'ATF 148 IV 445 rendu le 22 juin 2022 par le Tribunal fédéral :

- la signature personnelle manuscrite constitue en matière d'ordonnances pénales une exigence de validité formelle érigée dans l'intérêt de la sécurité du droit. Elle permet de connaître l'identité de son auteur, soit la personne qui a prononcé la condamnation et fixé la peine, et de confirmer que l'acte correspond à sa volonté réelle
(consid. 1.4.1) ;

- une ordonnance pénale munie d'une signature en facsimilé, et non de la signature manuscrite de son auteur, n'est pas nulle, mais annulable (consid. 1.4.2) ;

- une telle ordonnance pénale doit être annulée par le tribunal et renvoyée à l'autorité de poursuite en vue d'une nouvelle procédure préliminaire, dans la mesure où le prononcé d'une ordonnance pénale valable constitue une condition préalable pour que le tribunal puisse juger l'affaire sur le fond (consid. 1.5.1) ;

- le vice ne peut être guéri par la transmission de l'ordonnance pénale au tribunal si le non-respect des exigences de forme repose sur une pratique établie (consid. 1.5.1).

2.1.4. Le 4 décembre 2024, le Conseil d'État a adopté le règlement concernant les modalités de signature des ordonnances pénales rendues par le SDC (RMSOP), lequel est entré en vigueur le 11 décembre suivant. Il prévoit que les ordonnances pénales rendues par le service précité sont munies d'une signature manuscrite ou d'une signature électronique qualifiée (art. 2 RMSOP).

2.2.1. En l'espèce, l'ordonnance pénale rendue par le SDC ne présente ni l'identité ni la signature de son auteur, ce qui ne remplit pas les exigences de l'art. 353 al. 1 let. k CPP (cum art. 357 al. 2 CPP). Dès lors, elle est viciée sur le plan formel.

L'absence de signature résultait d'une pratique établie et appliquée au plus tard jusqu'à l'entrée en vigueur du RMSOP, en décembre 2024, et non d'une inadvertance ponctuelle. Aucune réparation du vice n'est partant envisageable, pas même par le biais de l'ordonnance de maintien signée par un juriste du service.

Contrairement à ce que plaide la défense dans son mémoire d'appel, le vice de forme n'est pas tel qu'il annihilerait tous les effets juridiques de l'ordonnance pénale litigieuse. Aussi, cette décision n'est pas nulle, mais annulable. C'est du reste ce que l'appelant soutenait en première instance, ainsi que dans sa déclaration d'appel.

L'appelant a soulevé le moyen à point nommé puisque l'opposition du prévenu ne nécessite pas de motivation (art. 354 al. 2 CPP) et que son conseil l'a plaidé devant le TP sur question préjudicielle, étant rappelé que c'est alors qu'il peut être demandé du juge qu'il tranche un grief portant sur la validité de l'acte d'accusation (art. 339 al. 2 let. a CPP), et partant, sur la validité de l'ordonnance pénale qui en tient lieu.

2.2.2. En conclusion, le grief formel, invoqué en temps utile, est bien fondé et l'appel doit être admis.

Vu la nature du vice, il n'est pas possible d'y remédier en appel, de sorte que le premier jugement sera annulé et la cause renvoyée au TP pour qu'il annule l'ordonnance pénale litigieuse dans le sens des considérants et renvoie la cause au SDC (art. 409 al. 1 et
2 CPP).

2.2.3. Au vu de ce qui précède, les arguments matériels de la défense n'ont pas besoin d'être examinés.

Il en va de même des reproches formulés par la défense à l'égard du RMSOP, dit règlement n'ayant pas été appliqué dans la présente affaire.

3. Les frais de la procédure d'appel et ceux de la procédure préliminaire et de première instance seront laissés à la charge de l'Etat (art. 428 al. 4 CPP).

4. 4.1.1. La décision sur les frais préjuge en principe de la question de l'indemnisation (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2 ; 137 IV 352 consid. 2.4.2).

4.1.2. Aucune indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP ne sera allouée pour la procédure préliminaire et de première instance dans la mesure où l'avocate y a renoncé (voir supra let. B.d ; procès-verbal du TP p. 2).

4.1.3. Faute pour l'appelant d'avoir présenté des conclusions chiffrées, justificatifs à l'appui, pour la procédure d'appel, il lui sera, ainsi qu'annoncé dans le courrier l'invitant à ce faire, alloué d'office une indemnité de CHF 1'297.20, correspondant à trois heures au tarif de CHF 400.-/heure (CHF 1'200.-) plus l'équivalent de la TVA au taux de 8.1% (CHF 97.20) pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits en appel (art. 429 al. 1 let. a et 436 al. 1 CPP).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA PRÉSIDENTE
DE LA CHAMBRE PÉNALE D'APPEL ET DE RÉVISION :

 

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1542/2024 rendu le
19 décembre 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/2194/2023.

L'admet.

Annule ce jugement.

Renvoie la cause au Tribunal de police pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Laisse les frais de première instance et d'appel à la charge de l'Etat (art. 428 al. 4 CPP).

Alloue à A______ une indemnité de CHF 1'297.20, TVA incluse, pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits en procédure d'appel (art. 429 al. 1
let. a et 436 CPP).

Notifie le présent arrêt au Tribunal de police et aux parties.

Le communique, pour information, à l'Office cantonal de la population et des migrations et à l'Office cantonal des véhicules.

 

La greffière :

Aurélie MELIN ABDOU

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.