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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/13956/2024

AARP/251/2025 du 08.07.2025 sur OPMP/8356/2024 ( REV )

Descripteurs : RÉVISION(DÉCISION);ORDONNANCE PÉNALE;DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ
Normes : CPP.410.al1.leta
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13956/2024 AARP/251/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 8 juillet 2025

 

Entre

A______, ______, France, comparant en personne,

demanderesse en révision,

 

contre l'ordonnance pénale OPMP/8356/2024 rendue le 21 août 2024 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

défendeur en révision.

 

 

 

 


EN FAIT :

A.       a. Par ordonnance pénale du 21 août 2024, le Ministère public (MP) a reconnu la société A______ (ci-après : "A______") coupable de violation grave des règles de circulation routière (art. 90 al. 2 de la loi sur la circulation routière [LCR] cum art. 102 du Code pénal [CP] et art. 10 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière [LaLCR]) et l'a condamnée à une amende de CHF 2'500.- ainsi qu'aux frais de la procédure.

b. Cette ordonnance n'a pas été frappée d'opposition dans le délai légal, de sorte qu'elle est entrée en force de chose jugée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 4 février 2024, le véhicule, immatriculé 1______ (F), dont A______ est la détentrice, a été contrôlé par un radar alors qu'il circulait sur la route de Lausanne à Chambésy, en direction de Genève, à une vitesse supérieure de 33 km/h à la limite autorisée, marge de sécurité déduite. La photographie ne permettait pas d'identifier le conducteur.

b. Par courrier du 13 février 2024, la police a informé A______ de la commission de l'infraction susvisée et l'a invitée à retourner divers formulaires relatifs à l'identification du réel auteur de cet excès de vitesse. Sans nouvelles de sa part avant le 14 mars 2024, les autorités seraient contraintes d'établir une demande d'entraide à l'attention de la gendarmerie de son secteur. Ce courrier est resté sans réponse, étant précisé qu'il n'est pas parvenu en retour de l'office postal.

c. Le 7 juin 2024, le MP a adressé un courrier recommandé à A______, l'invitant derechef à transmettre l'identité du conducteur fautif. Il lui incombait par ailleurs de prendre les mesures nécessaires afin d'être atteint par les actes judiciaires à elle adressés. Aucune suite n'a été donnée à ce courrier, alors même que la poste a confirmé avoir distribué ce pli le 12 juin 2024 à 10h14.

d. Le 21 août 2024, le MP a valablement notifié l'ordonnance pénale à A______. Selon le suivi des envois de la poste, cette décision a été distribuée le 27 août 2024.

e. Les 13 octobre et 13 décembre 2024, le Service des contraventions (SDC) a successivement adressé à A______ un bordereau après jugement puis un rappel.

f. Par courrier adressé au MP le 22 janvier 2025, A______ a contesté "en tout point" la décision rendue, au motif qu'elle n'avait aucun lien avec la procédure en question et a sollicité la copie du dossier.

g. Saisi d'une ordonnance du MP constatant la tardiveté de l'opposition, le Tribunal de police (TP) a invité A______ à se déterminer sur l'apparente irrecevabilité de son opposition. La société a indiqué qu'elle n'avait jamais reçu l'ordonnance pénale.

h. Par ordonnance du 6 mars 2025, le TP a constaté l'irrecevabilité de l'opposition. Aucun recours n'a été formé contre cette décision qui est entrée en force.

C. a. Entre-temps, par acte adressé le 14 février 2025 au MP, A______ a déclaré avoir vendu le véhicule incriminé à une société située au Monténégro le 15 août 2023. Celui-ci avait été exporté en direction de ce pays et n'appartenait plus à la société depuis cette date. A l'appui de ses dires, elle a transmis une facture de vente du véhicule, un échange de courriels afférent à cette transaction et un certificat en langue étrangère, non traduit, concernant une exportation hors de l'Union-européenne. Ces informations étaient aisément vérifiables auprès des autorités douanières compétentes. L'infraction querellée ne pouvait donc lui être imputée.

b. Ce courrier a été transmis à la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) comme valant demande de révision.

c. Le MP conclut au rejet de la demande de révision, A______ ne se prévalant d'aucun fait ou moyen de preuve nouveau.

EN DROIT :

1. La CPAR est l'autorité compétente en matière de révision (art. 21 al. 1 let. b du Code de procédure pénale [CPP] cum art. 130 al. 1 let. a de la Loi sur l'organisation judiciaire [LOJ]).

2. 2.1.1. L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par une ordonnance pénale d'en demander la révision s'il existe des faits nouveaux antérieurs au prononcé ou de nouveaux moyens de preuve qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.

2.1.2. De manière générale, la procédure de révision ne doit pas servir à remettre en cause des décisions entrées en force, à détourner des dispositions légales sur les délais de recours ou celles sur la restitution des dits délais, voire à introduire des faits non présentés dans le premier procès en raison d'une négligence procédurale
(ATF 145 IV 197 consid. 1.1 ; 130 IV 72 consid. 2.2).

Celui qui invoque, à l'appui d'une demande de révision, un moyen de preuve qui existait déjà au moment de la procédure de condamnation et dont il avait connaissance doit justifier de manière détaillée de son abstention de produire le moyen de preuve lors du jugement de condamnation. A défaut, il doit se laisser opposer qu'il a renoncé sans raison valable à le faire, fondant ainsi le soupçon d'un comportement contraire au principe de la bonne foi, voire constitutif d'un abus de droit, excluant qu'il puisse se prévaloir du moyen de preuve invoqué dans la nouvelle procédure (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1125/2023 du 21 mai 2024 consid. 3.1 ; 6B_32/2022 du 5 mai 2022 consid. 1.5 ; 6B_273/2020 du 27 avril 2020 consid. 1.2).

Les conditions d'une révision visant une ordonnance pénale sont restrictives. L'ordonnance pénale est rendue dans le cadre d'une procédure spéciale. Elle a pour spécificité de contraindre le condamné à prendre position. Une absence de réaction de sa part s'interprète comme un acquiescement. Il doit s'opposer dans le délai prévu à cet effet s'il n'adhère pas à sa condamnation, par exemple parce qu'il entend se prévaloir de faits omis qu'il considère comme importants. Le système serait compromis si, une fois le délai d'opposition échu sans avoir été utilisé, le condamné pouvait revenir sur l'acquiescement ainsi donné et demander selon son bon vouloir la révision de l'ordonnance pénale pour des faits qu'il aurait déjà pu faire valoir dans une procédure ordinaire en manifestant son opposition. Il s'ensuit qu'une demande de révision dirigée contre une ordonnance pénale doit être qualifiée d'abusive si elle repose sur des faits que le condamné connaissait initialement, qu'il n'avait aucune raison légitime de taire et qu'il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en œuvre par une simple opposition. En revanche, une révision peut entrer en considération à l'égard d'une ordonnance pénale eu égard à des faits et des moyens de preuve importants que le condamné ne connaissait pas au moment du prononcé de l'ordonnance ou dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n'avait pas de raisons de se prévaloir à l'époque. L'abus de droit ne devant être admis qu'avec retenue, il s'agit dans chaque cas d'examiner, au regard des circonstances de l'espèce, si la demande tend à contourner les voies de droit ordinaires (ATF 145 IV 197 consid. 1.1 p. 199).

2.2. La juridiction d'appel n'entre pas en matière si la demande de révision est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé (art. 412 al. 2 CPP). L'autorité saisie peut également refuser d'entrer en matière lorsque la demande de révision apparaît abusive (arrêts du Tribunal fédéral du 6B_882/2017 du 23 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1170/2015 du 10 octobre 2016 consid. 2).

2.3. En l'espèce, la demanderesse a été informée de l'excès de vitesse commis par un véhicule dont elle est détentrice.

Il est établi que l'ordonnance pénale du 21 août 2024 lui a été ensuite valablement notifiée le 27 août 2024, au même titre que le courrier du MP du 7 juin 2024, comme cela ressort du suivi des envois.

Malgré cela, elle n'a réagi que tardivement à la notification de l'ordonnance pénale, attendant un rappel de paiement. La demanderesse n'a pas invoqué, ni même allégué, de motifs valables et nouveaux justifiant son absence de réaction dans le délai légal.

Les pièces pouvaient, et devaient, être produites dans le cadre de la procédure d'opposition. La demanderesse ne saurait ainsi, par le biais d'une demande en révision, suppléer à ses propres carences.

Au vu des circonstances, dans le cadre restreint par la jurisprudence de la révision d'une ordonnance pénale, le comportement de la demanderesse relève de l'abus de droit. Il n'est ainsi pas possible de faire droit à sa demande de révision, dont l'admission reviendrait à admettre un moyen de contourner la voie de droit ordinaire.

La demande en révision apparaît d'emblée mal fondée.

3. La demanderesse succombant, les frais de la procédure, comprenant un émolument de CHF 400.-, seront mis à sa charge (art. 428 al. 1 CPP a contrario et art. 14 al. 1 let. b du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Déclare irrecevable la demande de révision formée par A______ contre l'ordonnance pénale OPMP/8356/2024 rendue le 21 août 2024 par le Ministère public dans la procédure P/13956/2024.

Condamne A______ aux frais de la procédure, en CHF 515.-, qui comprennent un émolument de CHF 400.-.

Notifie le présent arrêt aux parties.

 

La greffière :

Linda TAGHARIST

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

40.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

400.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

515.00