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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/817/2020

AARP/130/2025 du 07.04.2025 sur JTDP/1444/2024 ( PENAL )

Descripteurs : LITISPENDANCE;CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.122; CPP.399; CPP.403.al1.letc; CPP.329.al4; CPP.320.al2
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/817/2020 AARP/130/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 7 avril 2025

Entre

Feu A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me Daniela LINHARES, avocate, MALBUISSON Avocats, galerie Jean-Malbuisson 15, case postale 1648, 1211 Genève 1,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1444/2024 rendu le 29 novembre 2024 par le Tribunal de police,

 

et

B______, partie plaignante, comparant par Me Laura SANTONINO, avocate, SWDS Avocats, rue du Conseil-Général 4, case postale 412, 1211 Genève 4,

C______, partie plaignante, comparant par Me Laura SANTONINO, avocate, SWDS Avocats, rue du Conseil-Général 4, case postale 412, 1211 Genève 4,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par courrier du 29 novembre 2024, A______ appelle du jugement JTDP/1444/2020 rendu le même jour, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 al. 1 CP) et l'a condamné à une peine privative de liberté de 15 mois, avec sursis, délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'aux paiements des frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 8'885.95, y compris un émolument de jugement de CHF 300.-. Il a également été condamné à verser les sommes suivantes en faveur de C______ et de B______ : CHF 558.10 à titre de réparation du dommage matériel, CHF 10'000.- avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2014 à titre de réparation du tort moral et CHF 25'000.- à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure. Une interdiction d'exercer toute activité professionnelle et non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs a également été prononcée à son encontre pour une durée de 10 ans. Le TP a ordonné la restitution du téléphone portable, figurant sous inventaire, à D______.

B. a. Cette annonce d'appel n'a pas été suivie d'une déclaration d'appel dans le délai de 20 jours suivant la notification du jugement motivé, intervenue le 13 janvier 2025 au domicile élu de son conseil.

b. Par courrier du 12 février 2025, la Présidente de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a imparti un délai de dix jours à A______ pour se déterminer sur l'apparente irrecevabilité de son appel.

c. Le 14 février 2025, le conseil de feu A______ a informé la CPAR du décès de son mandant.

d. Renseignements pris, il s'avère que A______ est décédé le ______ janvier 2025.

e. Au vu de ce qui précède, les parties ont été invitées à se déterminer sur les conséquences du décès, avant qu'une décision ne soit prise.

Le Ministère public (MP) a pris acte du décès et n'a formulé aucune détermination, s'en rapportant à justice. C______ et B______ s'en sont également rapportés à justice quant à l'issue de la procédure, tout en regrettant ce résultat. Le conseil de feu A______ a conclu au classement de la procédure.

f. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par pli du 17 mars 2025.

 

EN DROIT :

1. 1.1. Peuvent faire l'objet d'un appel, les jugements des tribunaux de première instance qui ont clos tout ou partie de la procédure (art. 398 al. 1 du Code de procédure pénale [CPP]). La partie annonce l'appel au tribunal de première instance par écrit ou oralement pour mention au procès-verbal dans le délai de dix jours à compter de la communication du jugement (art. 399 al. 1 CPP).

1.2. Lorsque le jugement motivé est rédigé, le tribunal de première instance transmet l'annonce et le dossier à la juridiction d'appel (art. 399 al. 2 CPP). À ce moment-là, l'affaire devient pendante devant cette dernière et la direction de la procédure passe du tribunal qui a jugé en première instance à la cour d'appel (cf. ATF 139 IV 277 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_684/2023 du 8 octobre 2024 consid. 2.2).

1.3. La partie qui annonce l'appel adresse une déclaration d'appel écrite à la juridiction d'appel dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP). Dans sa déclaration, elle indique si : elle entend attaquer le jugement dans son ensemble ou seulement certaines parties (let. a) ; les modifications du jugement de première instance qu'elle demande (let. b) ; ses réquisitions de preuves (let. c).

1.4. Si le prévenu décède avant l'expiration du délai de recours ou après avoir fait appel, le jugement de première instance n'est pas encore entré en force au moment de son décès (arrêt du Tribunal fédéral 7B_684/2023 du 8 octobre 2024 consid. 2.3). Le décès du prévenu ne peut pas être considéré comme une renonciation au recours ou un retrait de celui-ci. On ne peut pas non plus reprocher au prévenu d'avoir laissé expirer le délai de recours sans l'utiliser ou de ne pas avoir déposé la déclaration d'appel. Son décès pendant cette phase de la procédure pénale empêche durablement l'entrée en vigueur du jugement de première instance. Comme le décès ne permet pas la poursuite de la procédure pénale ou de l'éventuelle procédure d'appel, la conséquence juridique doit être le classement de la procédure conformément à l'art. 329 al. 4 CPP. Même si l'instance d'appel n'entre pas en matière sur l'appel en raison de l'existence d'un empêchement de procéder (art. 403 al. 1 let. c CPP), cela n'entraîne pas, en cas de décès du prévenu, l'entrée en force du jugement de première instance selon l'art. 437 al. 1 let. c CPP, mais uniquement le classement de la procédure selon l'art. 329 al. 4 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 7B_684/2023 précité consid. 2.3 ; 7B_489/2024 et 7B_490/2024 du 6 janvier 2025 consid. 4.2.1 et 4.2.2).

1.5. Conformément à l'art. 122 al. 1 CPP, la personne lésée peut, dans le cadre d'une procédure pénale, en tant que partie civile contre l'accusé, faire valoir les droits civils découlant de l'infraction par voie d'adhésion. De par sa nature même, le processus d'adhésion est un processus civil intégré à la procédure pénale. L'action d'adhésion est donc tributaire de l'existence de la procédure pénale. Cette action est dirigée contre la personne accusée. L'héritier légal de l'accusé décédé ne peut être poursuivi sur la base de l'adhésion à la procédure pénale. Le décès de l'accusé après l'inculpation constitue donc un obstacle procédural et entraîne le désistement de la procédure conformément à l'art. 319 al. 1 let. d CPP. L'action civile incluse dans la procédure d'adhésion doit être revendiquée par le biais d'une procédure civile selon l'art. 329 al. 4 phrase 2 en lien avec l'art. 320 al. 3 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_277/2012 du 14 août 2012 consid. 2.5 ; 6B_1939/2020 du 20 février 2020 consid. 4.1 et 4.2 et les références citées).

1.6. De surcroît, selon l'art. 329 al. 4 CPP, l'art. 320 al. 2 CPP s'applique également par analogie pour la levée, dans la décision de classement, des mesures de contraintes.

2. 2.1. En l'espèce, A______ est décédé le ______ janvier 2025, alors que la procédure était encore pendante par-devant le Tribunal de police. Cela étant et dans la mesure où le dispositif du jugement lui avait été notifié le 29 novembre 2024, soit avant son trépas, cette autorité était fondée à ne pas tenir compte de ce nouvel élément (cf. art. 351 CPP et le renvoi à l'art. 84 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_489/2024 et 7B_490/2024 du 6 janvier 2025 consid. 4.4). Il appartient dès lors à la Cour de céans, qui dispose d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 398 al. 2 CPP), de statuer sur les conséquences du décès (art. 403 al. 1 let. c CPP), à savoir prononcer le classement de la procédure, empêchant l'entrée en vigueur du jugement de première instance qui devient dès lors caduc (art. 329 al. 4 CPP par analogie).

2.2. Au vu de ce qui précède, le classement de la présente procédure sera ordonné, les parties plaignantes étant libres d'engager une action civile.

2.3. La CPAR ordonnera la restitution à D______ du téléphone figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n°23449120190925 du 25 septembre 2019 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

3. 3.1. Selon l'art. 428 al. 1, première phrase CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé.

3.2. En cas de décès du prévenu durant la procédure pénale, les frais ne peuvent pas être mis à la charge de ses héritiers en l'absence de base légale explicite dans le CPP. Ainsi, ni le prévenu ni sa succession ne peuvent être condamnés au paiement des frais de procédure ou d'indemnités (arrêt du Tribunal fédéral 6B_614/2013 du 29 août 2013, consid. 2.4). Si les conditions permettant de faire supporter ces frais à un tiers ne sont pas réunies, ceux-ci sont laissés à la charge de l'État (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 11 ad art. 426).

3.3. Si la partie plaignante est renvoyée à agir par la voie civile, elle ne peut être considérée comme ayant obtenu gain de cause en sa qualité de demandeur au civil ni comme ayant succombé. Les frais d'avocat liés exclusivement à l'action civile ou les autres frais de la partie plaignante qui concernent uniquement la question civile ne sont pas indemnisés dans la procédure pénale en cas de renvoi de l'action civile au juge civil. La partie plaignante doit faire valoir ses dépens avec la prétention civile (ATF 139 IV 102 consid. 4.4 p. 109).

3.4. Vu le décès de A______ et le classement de la présente procédure, les frais de procédure d'appel seront laissés à la charge de l'État, y compris un émolument d'arrêt de CHF 500.-, tout comme les frais relatifs à la procédure préliminaire et de première instance, y compris l'émolument de jugement et l'émolument complémentaire de jugement.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Annule le jugement JTDP/1444/2024 rendu le 29 novembre 2024 par le Tribunal de police.

Et statuant à nouveau :

Constate le décès de A______.

Classe la procédure P/817/2020 à l'encontre de A______ (art. 329 al. 4 CPP).

Ordonne la restitution à D______ du téléphone portable figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 23449120190925 du 25 septembre 2019 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Renvoie C______ et B______ à agir par la voie civile (art. 126 al. 2 let. a CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 735.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 500.-.

Laisse ces frais à la charge de l'État.

Laisse les frais de procédure de première instance, en CHF 8'885.95, y compris un émolument de jugement de CHF 300.-, ainsi que l'émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- à la charge de l'État (art. 423 et 428 al. 3 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à D______ (uniquement en ce qui concerne la restitution de son téléphone).

 

La greffière :

Aurélie MELIN ABDOU

 

La présidente :

Sara GARBARSKI

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

9'485.95

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

160.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

735.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

10'220.95